YEGG Magazine

Revue féministe en révolution

Les salarié-e-s de Net Plus en colère !

Célian Ramis

Mardi 10 octobre, une cinquantaine de manifestant-e-s ont occupé les bureaux de la direction du CHU Pontchaillou afin de revendiquer leur mécontentement et leur épuisement face aux conditions délétères de travail des salarié-e-s de Net Plus, entreprise rennaise de ménage. 

Au départ de cette mobilisation, le collectif Si on s’alliait ?. La structure, installée à Villejean, propose des espaces aux habitant-e-s pour s’organiser collectivement et lutter pour l’égalité et la justice sociale. « Des salarié-e-s de Net Plus sont venu-e-s nous voir pour exprimer de grosses souffrances. Beaucoup ont peur ! », signale Mélisande, salariée de Si on s’alliait ?. Depuis 2021, le CHU sous-traite son service de nettoyage à la société rennaise Net Plus, née en 1990 et dont le siège social est situé à Cesson-Sévigné. En plus de 30 ans, elle s’est hissée à la 24e position des entreprises de propreté (sur 13 000), élargissant l’activité du Grand Ouest au sud de la France, via diverses filiales. Avec un chiffre d’affaires en constante augmentation (74 millions d’euros en 2022), les dirigeants Bruno Coeurdray et Pierre Moussion ambitionnent d’atteindre les 120 millions d’euros d’ici 2025. 

« Le CHU sous-traite, Net Plus maltraite ! »

« En janvier 2023, Net Plus a mis en place une nouvelle organisation de travail. Les nouvelles fiches de poste augmentent drastiquement les charges de travail mais pas le temps de travail. Elles – je dis « elles » car ce sont majoritairement des femmes – nous ont expliqué qu’elles rentraient le soir en pleurant. Certaines sont en arrêt malade, d’autres ont démissionné et une a été licenciée », précise Mélisande, avant de rejoindre le groupe composé de salarié-e-s de Net Plus, de syndicats (CGT, Sud Solidaires) et de collectifs (Si on s’alliait ?, La cause du peuple, Les Jeunes révolutionnaires, Nous Toutes 35), au métro Pontchaillou.

Ce mardi 10 octobre, aux alentours de 14h30, une cinquantaine de personnes marche en direction des bureaux de la direction du CHU, s’engouffre dans le bâtiment et gravit les escaliers, à la recherche du bureau de Véronique Anatole-Touzet, directrice générale du CHU de Rennes, où une chanson en son hommage et celui de Bruno Coeurdray sera déclamée. Tout en passant balais, serpillières et plumeaux sur les sols, murs et fenêtres des locaux, les mobilisé-e-s brandissent des pancartes dans les couloirs : « Il fait noir dans la sous-traitance », « C’est ça la réalité de nos hôpitaux » ou encore « La peur change de camp ». Et scandent « Le CHU sous-traite, Net Plus maltraite ! », accompagné-e-s aux sons et rythmes des percussions de Nous Toutes 35. 

Des cadences infernales

L’objectif de cette mobilisation : obtenir un rendez-vous avec la direction, grande absente de cet après-midi de contestation. Les salarié-e-s de Net Plus dénoncent des conditions de travail qui se délitent et une ambiance de harcèlement et de pressions, menant au turn-over et à l’épuisement physique et moral. Rachida en témoigne : « Avec Net Plus, on n’y arrive plus. On n’arrive plus à faire notre travail. Le soir, en rentrant chez moi, je ne vais pas bien du tout ! » Dans le hall, elle prend le micro et relate son angoisse et son mal-être au travail. Elle poursuit : « J’ai été en arrêt plusieurs fois, j’avais des vertiges, j’ai été opérée… ce n’est pas normal ! On nous demande un travail de 9h en 7h, en restant 5 minutes par pièce mais toutes les pièces ne font pas la même taille ! Il faut qu’ils trouvent une solution, qu’ils nous donnent le travail qui correspond à nos heures. Là, c’est sans pause ! J’y arrive pas ! J’y arrive plus ! »

La détresse s’entend dans sa voix branlante. Malgré la peur, elle se tient debout, aux côtés de celles et ceux qui les soutiennent. « Dès qu’on n’arrive pas à faire le travail, ils licencient », ajoute-t-elle. C’est le cas de Malika, virée au début de l’année 2023. Elle est présente, tremblante face au micro tendu dans sa direction mais rassemble son courage pour prendre la parole : « J’ai travaillé 8 mois entre l’été et janvier, et ça se passait bien. Un nouveau chef d’agence est arrivé et m’a dit que j’avais 5 étages en plus, sur le même temps de travail. Il m’a dit que si j’étais pas d’accord, c’était dehors ! Et c’est ce qui s’est passé ! » 

Passage à l’action

Autour d’elles, ça s’active. Syndicats et collectifs établissent le contact avec un membre du CHU et négocient un rendez-vous. Avec une date et un horaire précis. Pas une promesse. « Un rendez-vous ! Un rendez-vous !», hurle la foule, tandis que d’autres tentent de joindre, par téléphone, la direction de Net Plus. Sans succès. « On a déjà eu des entretiens avec l’entreprise de nettoyage, qui suit ça de loin, mais elle nous a mené en bateau. Les négociations n’ont rien donné. Deux personnes seulement ont eu leurs heures supplémentaires payées mais la réponse n’a pas été collective ! », explique Mélisande. Le but : se faire entendre des deux directions.

« On veut leur mettre la pression, qu’elles nous écoutent et prennent en compte les revendications ! Par volonté de faire du chiffre d’affaires, on presse les salarié-e-s. Le matériel n’est pas forcément décent, elles s’abiment au travail. Il y a un gros turn-over et la charge retombe sur celles qui restent. Toujours les mêmes personnes. Et puis, c’est aussi un problème aussi de santé publique. Si l’hôpital n’est pas nettoyé ou pas bien nettoyé, les maladies se propagent… », précise-t-elle.

Sans oublier la dimension genrée d’un travail précaire, souvent attribué à des personnes sexisées racisées ou exilées. 77% des agents de service sont des femmes, indique le site de Net Plus. « On est là pour soutenir la mobilisation et on est réuni-e-s pour montrer qu’on peut agir ! Le collectif augmente de plus en plus… », prévient Si on s’alliait ?.

« Pas d’accord de principe, ce n’est pas négociable »

Les échanges, négociations et mises au point vont durer au total 1h30. Lorsqu’un responsable annonce que la direction s’engage à recevoir une délégation, la foule ne crie pas victoire. « Je n’ai pas de date », assène-t-il. Réponse incomplète, elle ne satisfait pas l’assemblée, dont les voix s’élèvent : « On nous a déjà dit ça et puis, on a dû attendre 4 à 5 mois pour obtenir un rendez-vous. On ne se contentera pas d’un accord de principe. Ce n’est pas négociable ! » 

A la pancarte « Vous n’avez plus notre silence » s’oppose le rapport de force d’une direction qui mandate la police pour évacuer les manifestant-e-s du bâtiment. Les mobilisé-e-s ne lâchent rien et décrochent un rendez-vous le 26 octobre à 11h. La sortie s’effectue dans le calme. « On veut l’arrêt des cadences infaisables, on veut des fiches de postes établies par les salarié-e-s, le retour à l’effectif de 2022 (embauche de personnel, conditions de travail satisfaisantes pour enrayer le turn-over, arrêt des pressions, ndlr), le paiement des heures supplémentaires et la réintégration de la salariée licenciée », rappelle le collectif Si on s’alliait ?, prêt à poursuivre la lutte pour l’égalité et la justice sociale auprès des concerné-e-s.

En raison de congés, la direction a reporté - une semaine avant l'échéance - le rendez-vous au 17 novembre à 10h30. Les membres du collectif acceptent le changement de date, à condition de fixer la réunion en après-midi, un temps plus propice à la présence des salarié-e-s de Net Plus. Celle-ci est ainsi à nouveau renvoyée au 21 novembre à 14h.