YEGG Magazine

Revue féministe en révolution

Le Grand Soufflet 2015 : La Yegros, un final explosif !

Célian Ramis

Soirée de clôture pour la 20e édition du Grand Soufflet, ce samedi 10 octobre. Sous le chapiteau, la température est montée brusquement avec Click Here Live Band en première partie et La Yegros en clou du spectacle !

À quelques centaines de mètres du parc du Thabor résonnent déjà la « worldtronica » et les « balkanbeats » de Click Here Live Band, une formation de musiciens roumains et moldaves et d’une danseuse andalouse réunis autour de Dj Click.

Et sous le chapiteau, l’ambiance du spectacle qui affiche « Complet » depuis plusieurs jours déjà est au rendez-vous et survole au dessus de nos têtes quelque chose de bestial…

Sur des rythmes d’Europe de l’Est, les festivalières et festivaliers sont invités à danser, notamment sur un chant roumain où la fosse devient une piste de danse folklorique.

En cercle, le public tourne et virevolte de manière rapide et, faute de place, saccadée. Un essai quelque peu raté mais qui a le mérite de créer un lien entre les musiciens sur scène le public.

Mélange de kitsch et de cheap avec des objets rétros-démodés autour des platines, le groupe est pourtant à la hauteur des espérances musicalement parlant. Accordéon, saxophone, theremin, guimbarde, flûte… Click Here Live Band entrelace mélodies populaires, techno et électro-gypsy dans une joyeuse ronde festive qui semble convaincre immédiatement les spectatrices et spectateurs.

La voix de Nadia Potinga secoue les esprits et libère l’âme Rom - calfeutrée par l’accordéon, le saxophone et la flûte - qui sommeille sous cette formation, et se répand dans la salle comme une trainée de poudre.

Très rapidement, le quatuor est rejoint par une danseuse andalouse qui fait vibrer le chapiteau à chaque claquement de talons. Tout le monde est suspendu à ses pieds et à ses mains, respirations haletantes et chuchotements sont de mises.

La droiture imposée par les mouvements flamencos augmente la profondeur des musiques et accentue l’esprit BalkAndalucia. Au delà du partage de la musique, c’est une fête populaire à laquelle nous convie ce groupe détonnant et surprenant.

Et c’est aussi un voyage sans frontières, du sud de l’Espagne jusqu’aux confins du Rajasthan, que nous propose Click Here Live Band dans un « latcho drom » (évocation d’une longue route, en tzigane) énergique et euphorisant.

Mélancolie et gaieté se croisent dans ce message d’enracinement et de métissage culturel. Sceptique au début du concert, on est finalement envoûtés par le charme de ce mélange désuet et explosif.

LA YEGROS, CUMBIA ÉLECTRISANTE

La Yegros perpétue cette mouvance musicale liant musiques traditionnelles et ère digitale. Originaire de la province de Buenos Aires, la chanteuse argentine Mariana Yegros a dépassé son rêve initial et rencontre un succès aujourd’hui international.

« Je n’ai même pas accompli mon rêve en fait. Car à la base je rêvais que mon disque sorte dans les rues en Argentine, pour que je puisse voyager dans le pays, plaisante-t-elle, avant de poursuivre plus sérieusement. Il est sorti partout sauf dans mon pays… La situation économique est difficile et le Gouvernement ne soutient pas le développement des artistes et de la culture. »

Plus jeune, sans être issue d’une famille de musiciens, excepté son oncle qui vit au Brésil, elle suit une formation de musique lyrique au conservatoire de Moron, passe un casting pour un groupe de théâtre et musique, est sélectionnée pour jouer devant des dizaines de milliers de spectateurs et quitte l’école à la suite de ce casting.

« J’ai alors étudié les musiques primitives africaines et indiennes. En commençant à écrire mes chansons, j’ai trouvé mon style. », explique Mariana. Et la rencontre avec son producteur King Coya la confortera dans le mélange électro - musiques traditionnelles, comme la cumbia, le chamamé ou encore les carnavalitos. Elle puise, avec ses musiciens, dans tous les rythmes latinos et sud américains, et les mêle subtilement dans un son singulier, qui lui est propre.

Et qui fera d’elle la seule chanteuse d’électro-cumbia à exporter sa musique à l’international, et à signer avec des labels étrangers, avec le succès planétaire de « Viene de mi » en 2013 (extrait du premier album éponyme), quelques mois avant de monter sur la scène des TransMusicales où elle a démontré son talent et marqué les esprits de son énergie fulgurante et communicative.

« C’est difficile d’être une femme dans le secteur de la musique, et encore plus dans l’électro-cumbia, confie-t-elle avant de monter sur scène, sans considérer qu’elle doit prouver une fois encore que sa place est légitime.Les femmes commencent à avoir de la place mais ce n’est pas habituel mon parcours. J’en suis surprise de ce qui m’est arrivé mais j’ai aussi beaucoup travaillé pour. »

Ce samedi soir, sous le chapiteau, pas de doute. Mariana Yegros et ses musiciens sont de retour, sur une scène plus petite que celle du Parc Expo « mais c’est plus agréable car c’est plus facile d’établir un lien avec le public », pour un concert mémorable. Spectatrices et spectateurs, déjà chauffé-e-s à bloc lors de la première partie, se déhanchent et sautent dans la fosse pleine à craquer, l’air y étant à peine respirable.

À l’instar de la chanteuse qui s’éclate à interpréter ses morceaux emplis d’émotions. C’est là ce qui l’inspire : parler des sentiments tels que la tristesse, la solitude, la joie, l’amour, l’allégresse (et son titre « Alegria » envahit le public d’un sentiment de légèreté et de liberté). Dans une interview accordée au quotidien Libération il y a deux ans, elle explique que sa mission est de chanter des histoires d’amour non conventionnelles.

Et quand on lui demande ce qu’elle entend par là, elle rigole :

« Oui, c’est vrai. Ce ne sont pas des histoires conventionnelles. Je parle des questions émotionnelles, sociales, amicales. Dans Viene de mi par exemple, je parle de sentiment mais pas littéralement du sentiment amoureux. Ça peut être des connexions entre 2 personnes, entre plusieurs personnes. Des connexions artistiques par exemple. »

Soutenue par le talent de ses musiciens à l’accordéon, la guitare et une batterie composée de percussions, et de leur complicité apparente, Mariana fait planer dans sa musique un esprit tribal, primitif, libre. Entre sonorités traditionnelles et modernes, accompagnées d’une voix perçante naviguant entre le hip hop et le rap, la musique de La Yegros met tout le monde d’accord sous le chapiteau.