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Revue féministe en révolution

Mythos 2016 : Izia, redoutable performeuse rock

Célian Ramis

Après le phénomène électro cosmopolite Jain, c’est au tour d’Izia de monter sur la scène de Mythos, au cabaret botanique samedi 23 avril. Electrisante et grisante, la chanteuse ne s’épargne pas et ne nous épargne pas. Un show à couper le souffle.

En arrivant sur scène, elle attaque directement par d’anciennes chansons en anglais. Pleines d’énergie et chargées d’esprit rock. Les chevaux qu’elle lâche se cabrent, hennissent et partent au galop en écrasant tout sur leur passage. Plus redoutable qu’une éruption volcanique, Izia est une déferlante magistrale de coups de tonnerre.

« Vous êtes des putains de Bretons ! (…) J’aimerais te voir te secouer la Bretagne ! », scande-t-elle, dégoulinante de sueur après trois chansons. Elle a besoin d’une réponse du public à la hauteur de ce qu’elle lui donne.

Sa musique sans compromis ni complexes nécessite une folie partagée. Il n’est plus question ici de lâcher prise mais de dépassement de soi.

De son franc parler, elle s’impose : « Je ne veux pas voir ton putain d’Iphone, de putain de bout de plastique qui pourrit la vie alors tu ranges ça, tu te le carres où tu veux, ça ne me regarde pas et tu sors tes putains de mains et tu les joins ensemble. »

Et là dessus entame les chansons de son dernier album sorti en 2015, La Vague. Après deux disques de rock acerbes en anglais, voilà que la fille Higelin se baigne dans l’électro pop en langue de Molière.

L’opus est critiqué, sévèrement réprimé, la jeune chanteuse est comparée à Christine and the Queens, coup dur pour celle qui est entrée dans le milieu de la musique depuis pas moins de 10 ans…

On pensera ce que l’on veut de ce virage opéré peut-être par facilité ou volonté de coller à la tendance musicale des jeunes groupes français, toujours est-il qu’en live elle fait l’unanimité, dans une pop déchirante et envoutante et ne s’économise pas, au contraire. Elle impressionne de par sa posture sûre d’elle et rentre dedans. Et on se demande par moment comment distinguer le vrai du faux, l’authentique de l’artificiel.

Syndrome de l’électron libre, elle bouscule son environnement avec brutalité et tombe parfois dans le too much.

Sa voix rocailleuse flirte de temps à autre avec un filet nasillard qui agace et perturbe mais on ne lui en tient pas rigueur tant elle partage avec le public son besoin vital de se défouler et d’exulter.

Elle explore sans contraintes ni limites son côté sauvage et animal et propose aux festivalières et festivaliers d’en faire de même.

« Je voudrais que tu essayes de renouer avec ton animal totem, que tu visualises très précisément ton animal total. Je veux que tu sentes ces poils, ces écailles, que chaque partie de ton animal devienne toi et que tu deviennes lui. Tu sens la chaleur dans ton ventre, tu sens ton corps en ébullition. », lâche-t-elle avant d’interpréter « Reptile », dans une explosion sonore et émotionnelle.

Izia joue de sa sensualité et de la tension animale qu’elle dégage. Il y a de la férocité dans son regard de prédatrice qui observe sa proie et s’amuse à l’épuiser avant de la dévorer.

Il y a du feu dans ses yeux et de la combustion dans son corps qui s’anime dans une danse effrénée. La musique comme exutoire et la scène comme défouloir.

Elle bouge dans tous les sens, passe derrière la batterie pour un instant à 4 baguettes et tape de toutes ses forces sur les caisses de l’instrument. Le Magic Mirror est en ébullition, l’ensemble du chapiteau tremble, les enceintes crachent et la mue opère.

Les enveloppes charnelles humaines tombent, dévoilant crinières, queues écailleuses, échines et flancs massifs. Le safari et la jungle que Jain avait instaurés en décor musical le temps d’une chanson, Izia l’accomplit et transforme le public en redoutables prédateurs d’un univers terrifiant, intriguant et déroutant. La tension est maximale, la pression quasi insoutenable.

Et quand tout s’arrête, que le silence s’installe, ne serait-ce qu’un dixième de seconde, c’est le soulagement. Les battements du cœur ralentissent et retrouvent l’apaisement nécessaire à notre survie. La bourrasque Izia laisse des séquelles. Et nous vide de toutes les tensions.