YEGG Magazine

Revue féministe en révolution

Sylvie Jourdan, son accordéon et sa philosophie de l'ivresse

Célian Ramis

Le festival Le Grand soufflet est de retour pour sa 17e édition. Jusqu’à près de 33 communes mettent à l’honneur “l’outil qui a voyagé dans le monde entier” : l’accordéon. Et cette année, c’est la Louisiane qui sera la vedette avec Clifton Junior Chenier, les Magnolia Sisters ou encore Whiskey and women. En parallèle se déroulera le Petit soufflet. Les bars seront envahis par le blues, le jazz et le rock. Nous nous sommes intéressés à Sylvie Jourdan, l’accordéoniste de Fuckin’hell Orkestar, qui se produira ce soir au Oan’s pub. RDV à 21h ! 

 On fait ce qu’on veut et ce qu’on a envie”, déclarait Etienne Grandjean, directeur artistique du Grand soufflet, lors de la présentation du festival à la presse. Cette phrase pourrait correspondre à Sylvie Jourdan. On vous explique un peu. Cette accordéoniste de 45 ans nous accueille chez elle afin de nous faire découvrir son univers.

Assise sur une chaise, son accordéon sur les genoux, cette musicienne dévoile une personnalité envoûtante, pleine d’énergie, de poésie et de modestie. Ses premières expériences artistiques remontent à ses 7 ans : “J’accompagnais ma grand-mère qui chantait Fréhel. Elle était garde barrière et souvent les cheminots passaient et aimaient faire la fête. C’était très sympa”. Alors pourquoi l’accordéon ?

Aucune certitude à ce sujet. Mais il ne s’agirait pas forcément d’un hasard puisque son oncle et son grand-père en jouaient. D’ailleurs, des années plus tard, elle retrouvera un cousin, lui aussi devenu musicien et travaillera avec lui et Vincent Courtay. Et lui, pour info, c’est Steph Machin (à découvrir sur MySpace). Revenons à nos moutons et à Sylvie Jourdan. C’est à l’oreille qu’elle va apprendre à jouer, en essayant de retrouver les notes que chante sa mémé. Puis elle prendra des cours particuliers “en mode éducation musette” avant de monter à Paris en 1987. Elle est alors âgée de 18 ans et commence à goûter à la vie de bohème en jouant dans les bars et les rues de Montmartre, “mais surtout sur la place du Tertre” et fréquente  les bars près de la rue de Lappe (vers Bastille).

Elle y fait des rencontres, notamment celle de guitaristes manouche,  Maurice et Joseph, ce dernier étrangement surnommé Le roi de la pompe ! Sans oublier un super accordéoniste, Jo Privat et plein d’autres. L’été, elle vient jouer à Saint-Malo et en 1993, elle s’installe à Rennes.

Une carrière de folie

Au détour d’un pub irlandais, elle s’accoquine avec les Jack’O lanternes où chacun amène sa touche perso. Elle se met alors à composer et ne s’arrêtera pas de le faire : “C’est thérapeutique pour moi”. Nous sommes alors en 1996. Un an plus tard, une rencontre semble bouleverser sa vie. Avec Soazig Le Lay, elles montent le groupe Les Oisives. Ensemble, elles sortent deux albums : Salto arrière en 2003, L’intangible en 2005. Le duo partage la même philosophie de l’ivresse. Elles partagent “le fait de vivre l’instant présent. On appréciait de ne rien faire et on avait un vrai partage”.

Ce qui leur vaudra un joli succès sur scène. Les filles vont pourtant décider d’emprunter des chemins différents pour voguer vers un nouvel horizon. Et ce dernier prend la forme du groupe Carbel, une formation de 4 musiciens avec qui elle enregistrera deux albums dont un live à Chartres-de-Bretagne. En 2008, elle fait la connaissance d’Alan Corbel avec qui elle va s’embarquer dans l’aventure Fuckin’hell Orkestar. “A ce moment-là, avec lui et des amis que l’on avait en commun avec Soazic nous étions beaucoup chez moi. Une sorte de thérapie de groupe. On a alors voulu lancer ce groupe en hommage à Soaz’”, explique-t-elle. Pour le nom du groupe, l’histoire est fun.

En effet, un ex copain de Sylvie était irlandais “alors forcément ça y allait sur les “fuckin trucs” et les “fuckin machins”. Et Soaz le connaissait bien et on avait fini par le dire souvent aussi”. Le groupe va alors lancer le pari de Fuckin’hell Orkestar, “fait pour se détendre, s’amuser et faire ce qu’on ne pouvait pas faire”. Tiens, y  aurait-il une ressemblance avec la phrase d’Etienne Grandjean ? Et d’ailleurs, Sylvie est une habituée du Grand Soufflet puisqu’elle y a participé avec Les Oisives ainsi que Fuckin’hell orkestar l’an dernier. Depuis, elle a sorti un album intitulé Rochebonne, sur lequel elle a travaillé avec Emeline, la tubiste  du groupe. Un bel opus, vendu pendant les concerts, qu’elle qualifie “d’album transitoire”. Une manière de passer à autre chose par rapport à elle même.

Cette femme dynamique, pleine de projets en tête et pleine de douceurs nous émeut. Sensible et franche, elle avoue qu’après un break d’un an et demi dans la chanson, elle vit une période de renaissance : “Il faut que je chante mes chansons”. Et nous, on est ravis parce que sa voix rauque, nous on l’aime bien. Son style qui mêle jazz manouche, fanfares d’Europe de l’est et chanson française, on est fans. Ajoutez à cela sa gouaille de rockeuse absolument fascinée par David Bowie, rebutée par la musique bretonne et son regard à la fois pétillant et innocent et vous avez une accordéoniste de folie.

La fibre musicale jusqu’au bout des ongles

Et oui, c’est ça l’esprit Jourdan & cie comme elle dit. Parce que là, on vous a résumé les choses de manière un peu grossière mais Sylvie Jourdan, elle, ne s’arrête pas là. On a même envie de dire qu’elle ne s’arrête jamais de jouer, de pianoter, de tirer sur le soufflet qui entame des va-et-vient qui semblent si faciles à effectuer. Sylvie, elle, a l’air de faire ça sans se fatiguer. Alors vous me direz, c’est son métier. 

Mais cela n’empêche que nous restons collés au canapé lorsque la charismatique musicienne se met à jouer. Alors, nous, on essaye un peu de comprendre. “Avec la main droite, on fait la mélodie. Et avec la main gauche, on fait tous les accords, la rythmique. La partie du milieu, c’est le soufflet. Selon les mouvements du soufflet, on gagne en intensité. J’aime penser que c’est l’âme de l’accordéon”, explique Sylvie. Si elle n’avait pas joué de l’accordéon, elle aurait peut-être été tentée par la basse : “j’adore ça. J’aimerais jouer de la basse dans Fuckin’Hell qui est plus rock”. Ou alors de la scie musicale. “J’adore, c’est comme une voix humaine”. Bref, elle aime la musique et transmet cette passion à ses enfants qui jouent de la batterie, du violon, de la guitare, du piano ou encore de la basse. Joyeux bordel dans la baraque hein ?!

Et bien pas tant que ça apparemment : “On fait parfois des boeufs à la maison, tous ensemble. C’est de l’éveil !” Pas banal comme éveil. En tout cas, là dedans, l’ambiance semble joyeuse et tout cela nous donne envie de nous installer dans un bar style Bistrot de la Cité, Café des bricoles ou encore au Oan’s à l’heure de l’apéro pour assister à un petit concert improvisé de Sylvie Jourdan et Vincent Courtay… En attendant de saisir cet instant privilégié, on vous donne rendez-vous au Oan’s le 19 octobre pour faire la fête !