YEGG Magazine

Revue féministe en révolution

Le Grand Soufflet : Les portes-jarretelles au service d'un show (u)burlesque

Célian Ramis

Carton plein pour « Porte-jarretelles et piano à bretelles », le french burlesque show présenté mercredi 16 octobre à Rennes, à l’occasion du Grand Soufflet. On doit la réussite de cette soirée à trois sublimes effeuilleuses, un meneur de revue crapuleux et une accordéoniste farfelue.

C’est un mélange étonnant, délirant et explosif que nous propose Etienne Grandjean, à la fois directeur artistique du festival et directeur artistique du spectacle. Le burlesque dans toute sa splendeur ! On y retrouve l’ambiance de Pigalle à la fin du XIXe siècle mais aussi l’atmosphère festive des années folles du Paris des années 20. On pense à Toulouse-Lautrec et ses peintures de la vie au Moulin Rouge, à Joséphine Baker, meneuse de revue aux Folies Bergères et à Alain Bernadin, créateur du cabaret parisien Crazy Horse – dans les années 50 – grand admirateur des femmes, fasciné par les Etats-Unis.

Sans oublier, le clin d’œil à Tournée, film réalisé en 2010 par Matthieu Amalric dans lequel une troupe d’effeuilleuses déboule tout droit des USA pour entamer une tournée en France. De Las Vegas à Paris, en passant par Rennes, le résultat s’intitule « Porte-jarretelles et piano à bretelles ». Le tout est réuni sous le chapiteau du Grand Soufflet, installé sur la place du Parlement.

« Really glad to be in France, the land of love. And of french kiss ! How do you say in french ? … Vous roulez les pelles ? Comme une pelle pour faire des trous ? » 
Francky O’Right

Mercredi soir, le public rennais est au rendez-vous – tout comme il l’avait été lors de la première présentation de Porte-jarretelles et piano à bretelles en 2011, dans le même festival. Plus que ça, la salle est pleine à craquer, en sur-jauge même et de nombreux spectateurs se tiennent debout. Rien ne les empêchera d’assister à ce show burlesque spécial frenchy ! Dans les coulisses, ça ricane, ça pouffe de rire, ça piaille. L’accordéon, instrument central de ce festival, se fait entendre sur une musique qui sonne très France du début XXe siècle.

Louis(e) de Ville, Loolaloo des Bois, Miss Vibi, Jasmine Vegas et Francky O’Right, qui semblent tout droit sortis d’un film des années 20, la couleur en plus, débarquent sur la scène et nous plongent immédiatement dans l’ambiance. Des sourires charmeurs, des regards allumeurs, des gestuelles sensuelles et une bonne dose d’humour. « We are really glad to be in France, « capitale de la culture française ». If you don’t understand, it’s okay, I don’t care...», s’écrie le meneur de revue, Francky O’Right.

Burlesque ubuesque

Son personnage, inspiré des films de gangsters et des comédies musicales qu’il chérit tant, est exubérant, a une dégaine de mafieux gominé, enchaine clowneries et mimes, et part dans des trips délirants, qui lui vaudront de se retrouver entièrement nu à un certain moment du spectacle, pour le plus grand plaisir des dames, d’abord surprises puis très enthousiastes – certaines mettront plusieurs minutes à s’en remettre.

Distribution de cigarettes, de bières à partager entre spectateurs, de cocaïne et d’extasy, il sait assurément comment chauffer le public en attente des sexy protagonistes du spectacle. Place alors au charme, à la sensualité, à l’évasion, à l’éveil des sens avec un premier numéro qui appelle justement à l’imaginaire, en ombres chinoises. L’effeuilleuse – on reconnaitra la silhouette et la chevelure de Louis(e) de Ville – entame son strip-tease, dissimulée derrière un voile blanc, en retirant langoureusement ses gants, sa nuisette, son bustier et son soutien-gorge.

La tension est palpable dans la salle. Les spectateurs sont avides de découvrir celle qui se cache derrière le rideau, qui se lève, se baisse, se lève et se baisse à nouveau, avant de se lever entièrement et de se laisser apparaître… Jasmine Vegas. Fameuse accordéoniste et chanteuse, elle est aussi une drôle de meneuse de revue. Une perruque en plumes vissée sur la tête, un accoutrement grotesque, des bottes de cow-girl, la talentueuse joueuse de piano à bretelles illustre à merveille le côté burlesque italien dans son sens premier, à savoir la farce.

Elle force le rire, exagère les traits comiques et emploie des termes vulgaires. Elle chante en français et flirte avec le registre d’Edith Piaf : « Il me dit des mots d’amour, des mots de tous les jours – connasse, salope (…) Il est entré dans mon cu…cœur… ».

« Je suis venue en France pour un homme et je suis restée pour le fromage ».
Jasmine Vegas

Entre les nombreuses loufoqueries des deux meneurs de revue, les stars du new-burlesque font leur apparition. Tout à tour, elles nous en mettent plein la vue, que ce soit dans le registre dramatique type Lady MacBeth avec Louis(e) de Ville, autour d’une barre de pole dance avec Miss Vibi ou dans un show plus intimiste avec Loolaloo des Bois, seule face à ses proies. Elles alternent entre numéros individuels d’effeuillage affriolants (peu nombreux par rapport au Breizh Burlesque Festival dans lequel on a retrouvé Miss Anne Thropy qui figurait dans la distribution du french burlesque show en 2011) et mises en scène en trio.

Ensemble, elles sont secrétaires, cow-girls, divas ou encore hôtesses de l’air, manient l’art de se déshabiller à merveille, de dévoiler leurs atouts de manière gracieuse et élégante et jouent malicieusement avec les clichés. Elles sont splendides, tapent fort sur le côté potiche, rient aux éclats et sourient comme des danseuses de charleston. Les Burlesque women, dont la féminité n’est pas plus à prouver, ont le don de « libérer les consciences en titillant les inconscients » dans un show détonnant qui se joue des stéréotypes sur les français – baguettes de pain dans la valise et robe en Tour Eiffel à la Jean-Paul Gauthier entre autres – et qui se nourrit sauvagement du registre érotico-comique, pour le plus grand plaisir des spectateurs.