YEGG Magazine

Revue féministe en révolution

Décembre 2018

Coup de cœur

Bergères guerrières : actrices de leurs vies et destins

Dix ans que les hommes du village sont partis à la guerre et pas une seule nouvelle, pas une seule information… Pour protéger les habitant-e-s et les troupeaux, les femmes ont établi l’ordre des Bergères guerrières, dans lequel Molly se fait une joie d’être admise, tandis que son meilleur ami Liam, lui, rêve d’en faire parti.

Le premier tome de Bergères Guerrières, signé Jonathan Garnier et Amélie Fléchais, nous fait découvrir l’univers singulier de ce lieu où les hommes ne reviennent pas, « situation absurde et triste (dont), nous, femmes du village, n’avons pas voulu devenir les victimes. »

Dès le début de l’histoire, on apprécie l’ambiance, le fonctionnement, les tempéraments des un-e-s et des autres, le caractère des images, ce qui nous fait dévorer le deuxième tome, dans lequel on adore frissonner en suivant les aventures des personnages, auxquels on s’est rapidement attaché-e-s.

Sans hésitation, la série – recommandée à juste titre par Ayla Saura, co-fondatrice de la librairie rennaise La nuit des temps, au micro des Héroïnes (émission féministe diffusée une fois par mois sur la radio Canal b) - figure parmi les meilleures bande-dessinées de la catégorie jeunesse. Le point de vue est original, tant dans le concept que dans la manière d’aborder le sujet et de l’accompagner graphiquement, et les thématiques sont nombreuses et intelligentes.

Le courage, la peur, la maladie, la guerre, la noblesse des valeurs, la découverte de soi et des autres, ainsi que l’expression des émotions apparaissent avec simplicité et justesse, sans que la question du sexe ne soit soulignée comme étant de l’ordre de la problématique. Fort et drôle ! Bergères Guerrières devrait compter 4 tomes, dont le 3eest prévu pour septembre 2019. Aux éditions Glénat, « Tchô ».

Coup de gueule

Le violeur acquitté, les féministes attaquées...

Dans le monde de la farce et de la morale, il y a l’arroseur arrosé. Dans la réalité de la société et de la Justice, il y a le violeur acquitté et les victimes doublement punies. Le 15 novembre, Georges Tron, maire de Draveil, et Brigitte Gruel, son ancienne adjointe, accusé-e-s de viols et d’agressions sexuelles, ont été acquitté-e-s par la cour d’assises.

Un coup de massue bien violent qui va de pair avec les propos scandaleux tenus par son avocat, le non moins célèbre Me Dupont-Moretti, qui s’en est pris à l’Association européenne contre les Violences Faites au Travail : « C’est bien beau que la parole se libère mais vous préparez un curieux mode de vie aux générations futures. »

Ce qui est curieux, c’est de poursuivre la plaidoirie en comparant des récits de viols et d’agressions sexuelles au « toucher de genou d’une copine » et de reconnaître « la patience remarquable » de Georges Tron alors que lui aurait, selon ses dires, sauté à la gorge des plaignantes.

Faut-il donc applaudir son client pour ne pas les avoir molestées en plus d’avoir abusé de l’autorité de sa fonction ? Pas si étonnant de la part d’un avocat avide de pouvoir et d’affaires bien médiatisées, qui donnerait certainement raison, s’il pouvait le faire devant un tribunal, aux parents de la jeune femme vendue – par eux-mêmes, oui, oui - aux enchères sur Facebook le 27 octobre dernier.

Si le parquet a fait appel de l’acquittement cinq jours plus tard, il faudra des années, voire des décennies, et encore, avant que la Justice ne déconstruise sa pensée patriarcale.