YEGG Magazine

Revue féministe en révolution

Été 2022

Coup de cœur

Une Super Maman, mi-coton mi-laine

Il y a de la poésie et de l’espoir. Il y a de la noirceur. Il y a de la colère et de la peur. Il y a de la joie. Et il y a surtout beaucoup d’amour et d’émotions qui s’entrechoquent et se confrontent. C’est vertigineux (et fatiguant) la vie de Super maman, racontée par Mylène Moulin sur le site Le journal minimal.

Au départ, le titre nous effraie. L’inquiétude d’un énième rappel à l’injonction faite aux femmes d’être non seulement des mères accomplies mais aussi des femmes parfaites qui n’oublient ni de faire le repas, donner le bain, vérifier le bon déroulement des devoirs, ni de s’épiler le sillon interfessier, déjeuner avec les copines, s’investir au travail et on en passe…

Dès la première lecture, en décembre 2020, on se rassure. Ici, aucune certitude, aucun jugement moralisateur. La journaliste envoie bouler les clichés, en partageant avec sincérité et humour le chaos de la vie à 5. On rit, on pleure, on frissonne. Mylène Moulin, accompagnée de la talentueuse Marion Narbonnet aux illustrations, se raconte sans faux semblants.

Ses doutes, ses envies de claquer la porte, ses moments de légèreté, ses idéaux éducatifs et écolos parfois brisés en mille morceaux… elle partage ses instants d’intimité et de vulnérabilité. Son irrésistible plume nous saisit, nous chatouille les entrailles et nous agrippe les tripes et enfin nous enveloppe de tendresse. On saigne avec elle, on sourit en la visualisant découvrir sur sa robe une manche plus courte que l’autre, on se mord les lèvres en imaginant l’hiver passé à moucher les nez coulants et à masser les corps virussés. 

Parent ou non, on est séduit-e par cette généreuse et profonde mise à nu qui contribue à libérer la parole et décomplexer celles qui jonglent entre le désir de liberté et les incessantes injonctions, acceptant les paradoxes qui en découlent pour finalement mieux les déconstruire.

Coup de gueule

Burkini : arrêtez de donner votre avis !

C’est à s’en taper la tête contre les murs… Le 16 mai, la Ville de Grenoble vote à une courte majorité la modification du règlement intérieur de ses piscines, afin d’autoriser le port du burkini et la baignade seins nus (2eville en France à le faire, après Rennes en 2018). C’est un déferlement de critiques toutes plus hypocrites les unes que les autres qui s’abat sur le débat qui tourne à la polémique depuis plusieurs années.

Gérald Darmanin, réputé pour son grand respect envers les femmes, parle de « provocation communautariste », le préfet de l’Isère saisit le tribunal administratif de Grenoble pour obtenir la suspension de la délibération, la région Auvergne Rhône-Alpes en profite pour couper les subventions à la Ville et le Conseil d’État, fin juin, rend une ordonnance dans laquelle elle ferme la porte à l’autorisation du port du burkini. 

Selon la haute juridiction, l’adaptation du règlement intérieur viserait à satisfaire une revendication religieuse et non à promouvoir l’égalité d’accès aux bassins. Une stratégie politique en somme de la part de Piolle pour gagner l’électorat musulman.

Dans cette histoire, qui s’exprime ? Les hommes, les hommes et encore les hommes ! On exagère. Dans un article du Figaro, le journal nous donne à entendre le témoignage d’une femme de 70 ans, clamant que les femmes se sont battues pour libérer leurs corps, ce n’est pas donc pas pour les couvrir désormais !

Et sinon, quelqu’un-e à penser à prendre en compte les paroles et réalités des femmes musulmanes concernées ? Non ? Alors taisez-vous et laissez les concernées nager en paix. Merde !