YEGG Magazine

Revue féministe en révolution

Mai 2018

Coup de cœur

"La presse donne des leçons, qu'elle donne l'exemple !"

C’est la phrase qui trônait le 8 mars 2018 sur la photo réunissant les femmes journalistes du Parisien et des Échos, revendiquant ensemble l’égalité professionnelle h/f sein des rédactions. Quelques jours plus tard, c’est au tour des consœurs de L’Obs de se constituer en collectif pour « l’égalité des salaires entre les femmes et les hommes, l’égalité dans l’avancement des carrières et pour la pluralité des profils aux postes à responsabilité » (Twitter).

En janvier, la direction du quotidien régional breton est interpellée via communiqué : « Comme le rappellent nos consœurs de La Provence, le monde est en train de changer. Les femmes du XXIe siècle sont ingénieures, agricultrices, électriciennes, astronautes, sportives de haut niveau… mais elles ne sauraient pas participer à la direction de journaux ? »

Les femmes ne sont pas seulement absentes des expertises dans l’actualité, elles le sont également des hauts postes dans les rédactions. Heureusement, ça bouge. Doucement, mais ça bouge. Pour inciter d’autres femmes et d’autres rédactions à porter haut et fort les revendications de l’égalité professionnelle, l’association Prenons la Une – structure pour une juste représentation des femmes dans les médias et l’égalité pro dans les rédactions – a enquêté auprès des « rédactions rebelles », des juristes spécialistes du droit du travail et du site égalité professionnelle de la CGT.

Résultat : la rédaction d’un Petit manuel de rébellion à usage des femmes dans les rédactions. Pour oser, pour agir, pour négocier, face à l’ordre établi. Pour prendre notre place.

Coup de gueule

Oui, il faut (hélas) le rappeler : la misogynie tue.

Le 23 avril, Alek Minassian, 25 ans, fonce au volant d’une camionnette dans une rue passante de Toronto, tuant 10 personnes (8 femmes, selon la police) et en blessant 16 autres. Avant l’attaque, il poste un message clairement misogyne sur Facebook : la rébellion des « Incel » a démarré.

Le mouvement des Involuntary celibates – célibataires involontaires – accuse les femmes de leurs malheurs sentimentaux. La « manosphère » refuse l’avancée vers l’égalité entre les sexes. Comme au lendemain de l’affaire Weinstein, l’opinion publique, abasourdie, découvre l’existence des masculinistes. Et de la portée de la propagation d’une telle pensée, à travers laquelle ils se victimisent et légitiment leur barbarie.

C’est ce que souligne à juste titre l’anthropologue Mélanie Gourarier dans un article publié sur Slate, le 29 avril : « C’est parce qu’ils se sentent légitimes à exercer la violence dans l’espace public qu’ils passent à l’acte. » Le reflet d’une misogynie structurelle, conclut-elle. En effet, les propos proférés sur leurs forums, qui diffusent des vidéos de femmes décapitées, incitent au viol et vénèrent Marc Lépine (auteur du féminicide de 1989, à l’École Polytechnique de Montréal), sont dénoncés par de nombreuses féministes.

Léa Clermont-Dion, membre du réseau québécois en études féministes, le dénonce dans un article paru sur le site Cheek Magazine, le 27 avril : « Le problème, c’est lorsqu’on avise les autorités quand il y a menace, on banalise. » Une affirmation malheureusement peu étonnante, tant la parole des femmes est ignorée…