YEGG Magazine

Revue féministe en révolution

Printemps 2021

Coup de cœur

Les princesses pètent et les tatas ont de la barbe sous les bras !

Fin 2020, alors qu’on boucle notre enquête « Poils et tétons » sort l’album jeunesse Tata a de la barbe sous les bras, publié aux éditions Goater. On a tout juste le temps de glisser une petite ligne en fin de dossier. Alors on se saisit de cet espace d’expression pour rendre hommage au travail d’Anne-Gaëlle Morizur, à l’écriture, et Florence Dollé, aux illustrations.

Un livre résolument féministe qui nous plait beaucoup. Rien qu’au titre, on sourit déjà de plaisir, comme avec l’album Même les princesses pètentd’Ilan Brenman et Magali Huche. Ici, Marius rêve d’être comme sa tata quand il sera plus grand. Parce qu’elle fait des gâteaux multicolores, qu’elle conduit un tracteur à toute berzingue et qu’elle déchire au football.

Un jour, le petit garçon s’aperçoit que sa tata, elle a de la barbe sous les bras. Comme papa et comme Célestine, sa putoise. Mais pas lui. Ici, il n’est pas question d’assignation et d’injonction au masculin et au féminin. Il n’est pas question de justifier le pourquoi du comment tata a de la barbe sous les bras. Elle en a, c’est tout.

Ici, on dédramatise. On ne tergiverse pas sur la virilité du poil et la féminité du corps glabre. Ça fait du bien ! Ici, il s’agit simplement d’un petit garçon qui admire sa tata et on le comprend ! Ça bouge dans la littérature jeunesse et on ne peut que s’en réjouir (et lâcher un petit prout, parce que se retenir, ça fait mal aussi mal au bide que le sexisme).

Coup de gueule

Vous reprendrez bien un peu de chlordécone ?!

Des terres polluées pour des centaines d’années, des centaines de nouveaux cas de cancer de la prostate chaque année et au total, 800 000 personnes contaminées. Pourquoi ? Pour éradiquer le charançon du bananier ? Tout simplement ? Ou d’autres raisons ont-elles motivé les puissants et décideurs de la chaine économique de la banane pour utiliser le chlordécone aux Antilles françaises ?

L’autrice Jessica Oublié, installée en Guadeloupe depuis février 2018, a enquêté sur l’immense scandale du chlordécone, pesticide utilisé aux Antilles en 1973 contre l’insecte ravageur des bananeraies et qui pourtant est reconnu depuis 20 ans comme un produit toxique, affectant le système nerveux et les capacités de reproduction.

En 1979, l’effet cancérogène est avéré mais il faut attendre plus de 10 ans pour que la France l’interdise, permettant tout de même aux planteurs de banane d’écouler leurs stocks jusqu’en 1993. Et maintenant ? On camoufle, on dissimule, on étouffe l’affaire, en perdant des dizaines d’années d’archives sur le sujet, on contourne le problème.

Dans la BD Tropiques Toxiques, Jessica Oublié décrypte minutieusement ce qui compose le plus grand scandale français de ce dernier siècle, liant intérêts économiques, pollution de l’environnement et sacrifice de toute une population. Pas n’importe laquelle. Une population colonisée, exploitée et désormais empoisonnée. Silence. Effroi et colère.