YEGG Magazine

Revue féministe en révolution

Femmes aux TransMusicales 2014 #2

Célian Ramis

Ce jeudi 4 décembre, les groupes féminins se sont succédés dans le Hall 3 du parc expo de Rennes. Tous les quatre ont marqué la scène des TransMusicales de par leurs empreintes singulières.

 
21h30 - COURTNEY BARNETT – ROCKEUSE DÉSINVOLTE

 

 

La chanteuse/guitariste et ses 3 musiciens s’installent et révèlent dès la première chanson un son très empreint de garage rock. La musique et la manière de chanter rappellent instantanément Hole, les distorsions en moins et des cachets de valium en plus. Dr Martens au pied, pantalon noir serré, chemise large à pois et attitude désinvolte, la jeune australienne s’aligne dans la grande tradition du « slacker rock ».

Au fil du set, les influences folk croisent celles du garage grunge, Courtney Barnett ayant évolué plusieurs années dans deux groupes, garage d’un côté et psyché/country de l’autre. En 2012, elle lance son propre label Milk ! Records et sort son 1er EP, I’ve got a friend called Emily Ferris. Puis un 2e, How to carve a carrot into a rose. Pour finalement les combiner dans The double EP : a sea of split peas, en 2013.

Les paroles de ses chansons marquent les esprits comme dans « Avant Gardener », dans laquelle elle raconte son choc anaphylactique et sa piqure d’adrénaline. Celle qui se décrit de manière humoristique comme une Lena Dunham musicale aborde également sa relation avec la chanteuse australienne Jen Cloher, avec qui elle a joué quelques temps, et parle librement de masturbation.

Après quelques morceaux folk/rock aux effets acoustiques, le groupe repart sur des notes carrément plus rock au style des années 90. Le public est à bloc. À l’aide de la basse, de la batterie et de deux guitares, les quatre musiciens font monter l’intensité avec de l’instrumental pur, tirant vers le punk rock.

Courtney Barnett bouge nonchalamment son corps en secouant ses cheveux avant de soudainement se tourner vers le batteur et de le rejoindre sur son carré installé légèrement en hauteur. Animés par l’attitude rock de la chanteuse-auteure-compositeure, les festivaliers se déchainent face aux musiciens qui prennent leur pied à balancer les notes brutes. « Merci d’avoir écouté la musique plutôt que de taper dans les mains », crie la chanteuse avant de conclure sur des crissements de guitare qui font durer notre plaisir.

 

 

 

 

23h20 - KATE TEMPEST – RAPPEUSE THÉÂTRALE

 

 

 

Si on ne change pas de hall après Courtney Barnett, on change en revanche radicalement de style avec la britannique Kate Tempest. À son arrivée, les cris et applaudissements  cessent instantanément dès lors qu’elle prend le micro et se lance dans une performance technique stupéfiante.

Son débit de parole, qui provoque en nous un sentiment d’urgence tout en nous figeant de longues secondes durant, est impressionnant, et son phrasé parfaitement articulé. La rappeuse anglaise n’est pas là depuis plusieurs minutes qu’elle met tout le monde d’accord. Le cul scotché au Hall 3, le public des Trans prend une claque.

« Je voudrais pouvoir faire tout ça en français. Je ne peux pas. Je suis désolée, très désolée », annonce-t-elle d’emblée. Il y a une force combattive dans sa voix, dans sa manière d’interpréter sa musique.

Renforcée par les sonorités électro, produites instrumentalement sur scène par ses musiciens, et par l’appui vocal de la choriste hip-hop, l’énergie circule et se diffuse aussi vite que les mots qui sortent de sa bouche.

Et quand elle s’arrête, c’est pour laisser les gros sons trip hop envahir et saisir nos entrailles. La poétesse, reconnue pour son talent d’écriture qui lui vaut d’être qualifiée d’un des plus grands talents actuels, manie l’art de faire passer des émotions.

Les sonorités parfois énigmatiques qui nous plongent dans une atmosphère angoissante viennent contrecarrer son chanté viscéral qu’elle renvoie pourtant avec légèreté et bonne humeur.

On aime sa façon de raconter des histoires, sans en comprendre la finesse des mots qu’elle aligne à vitesse éclair. Elle maitrise les rythmes, pose parfaitement sa voix pour nous captiver et capter notre attention et joue de toute sa théâtralité, un art pour lequel elle est également salué en Angleterre. « Vous êtes putain de brillants ! C’était magique. Vous êtes putain de géniaux. Merci pour la soirée », lâche-t-elle avec émotion, à l’image de son concert.

 

 
 
00h50 – A-WA – TRIO ENVOÛTANT

 

 

 

Les trois chanteuses figurent en ligne sur le devant de la scène. Elles sont sœurs. Tair, Liron et Tagel Haim sont au centre du groupe A-Wa (prononcer Ay-Wa), venu d’Israël. Elles chantent dans un dialecte arabo-yéménite des chansons issues de la tradition orale, enregistrées dans les années 60 par les chanteur-auteur-compositeur yéménite Shlomo Moga’a.

Amour et protestations féminines, le trio joue le contraste de profondeur et légèreté dans des chants qui résonnent à travers leurs voix unies. Ces dernières percent les murs du Hall 3 pour se briser au loin, accompagnées par les notes et rythmes entrainants des guitares, de la basse et de la batterie.

Leur premier album, qui devrait arriver prochainement, produit par Tomer Yosef, Israélien vivant à New-York, propose une approche moderne des chansons folk yéménites mixé à de l’électro dance.

L’ensemble produit une sensation de fraicheur groovy qui séduit les spectateurs-trices, se laissant entrainer dans des pas de danse, au rythme des instruments et des voix parfois a cappella, parfois en chœur. Radieuses, les trois femmes partagent leur musique à la fois ensoleillée et tortueuse avec un élégant brin de retenue.

Là encore, une belle énergie se dégage de cette formation originale. Elles mêlent au fil du concert percussions, sollicitations du public et violon, le temps d’une chanson à chaque fois. Juste le temps de tisser une relation avec leur auditoire, qui s’affine avec les minutes tardives qui défilent, et de nous plonger dans une ambiance intimiste.

La force des voix épouse la fragilité qui émane des textes et nous invite à l’évasion. « Nous allons vous chanter une chanson d’amour yéménite qui parle de la façon dont l’amour peut vous consumer de l’intérieur », explique une des chanteuses. Si certains rêvassent debout, d’autres dansent à n’en plus finir en investissant l’espace qui se libère au fur et à mesure.

 

 
2h20 – MOLOTOV JUKEBOX – COCKTAIL EXCENTRIQUE

 

 

 

 

« J’ai découvert ce groupe il y a 2 ans. Ils devaient venir l’an dernier mais bon la chanteuse s’est fait mal… Aujourd’hui, ils sont là, c’est Molotov Jukebox ! », s’écrie Jean-Louis Brossard, co-directeur des TransMusicales en guise d’introduction du groupe, mais également de clôture de cette première soirée au parc expo.

Dès leur arrivée, les membres du groupe débordent d’énergie. Natalia Tena affiche un large sourire qu’elle ne lâchera pas du concert. Accordéon, trompette, violon, batterie et guitare démarrent en trombe pour y faire éclater des sonorités de fanfare de l’Est.

Rien à dire, nous ne sommes pas déçus d’avoir patienter un an de plus pour les découvrir en live.La musique est entrainante, festive, à la limite de l’excentricité.

Les genres se mélangent. Molotov Jukebox, qui vient pour la première fois en France, passe de chansons explosives parlant d’un ancien amant à des chansons jazzy à la James Bond. « On a toujours voulu faire une chanson à la James Bond », déclare le violoniste Sam Apley, sourire en coin. Le début est jazzy, la voix soul.

D’un registre à un autre, l’aisance est la même, l’énergie est semblable. Toujours empreinte de bonne humeur malgré l’heure tardive et le peu de festivaliers restants.

Accordéon accroché aux épaules et robe noire moulante, Natalia Tena, que l’on connaît pour ses rôles dans Harry Potter et Games of throne, déploie la puissance de sa voix qu’elle s’amuse à varier entre ton très nasal et échappées vocales.

Jusqu’à entamer des chansons plus pop rock et même une chanson en hommage à la capitale anglaise, Londres « qui pour sûr est une femme ! » Impossible de ne pas bouger ses pieds et son corps pendant cette dernière heure tant l’énergie impulsée est grande.