Jeudi 18 avril, à 20h, Guylaine Kasza, conteuse et comédienne, présentera Les voyages de Médée au Carré Sévigné, à Cesson-Sévigné. Une mise en lumière de deux femmes passionnées dans le cadre du festival Mythos, qui s’installe à Rennes du 16 au 21 avril.
Faire un parallèle entre Médée et Guylaine Kasza serait maladroit. Mais elles ont en commun la passion et l’amour. Le duo risque d’être explosif jeudi soir au Carré Sévigné. Depuis 30 ans, Guylaine Kasza baigne dans l’univers des arts du récit et des mythes. « Ce qui est fabuleux en vieillissant, c’est de constater que les mythes résonnent encore aujourd’hui », déclare-t-elle. Ce qu’elle aime, c’est l’incessant va-et-vient entre la littérature orale et le théâtre.
Le passage de la mythologie à la tragédie grecque : « La tragédie a été inventée l’homme grec pour sonder les abîmes de l’âme humaine et pour éveiller le spectateur ».
Des voyages et des spectacles
Depuis 15 ans, Guylaine Kasza voyage beaucoup pour réaliser ses projets : « c’est une création qui germe entre la rencontre avec un auteur et mon séjour sur place ». Ca peut être une adaptation de l’écrivain Gabriel Garcia Marquez avec des musiciens en Colombie ou une envie de marcher dans les pas d’un poète assassiné en Afghanistan.
Ce voyage sera d’ailleurs une révélation pour la conteuse : « C’est un pays extraordinaire avec des gens fabuleux. Aller là-bas, c’est l’occasion de dépasser les a priori. Je ne vais évidemment pas vous dire que tout était merveilleux mais ça m’a bouleversé dans ma vie et dans mon intimité ». Durant son périple, elle a dans sa poche Antigone, le récit d’une femme « qui veut parler, qui lutte et qui va crever dans sa grotte ».
En parallèle, à Khaboul, elle croise des femmes portant la burqa dont une intellectuelle, très jeune, très révoltée. « Elle m’a dit qu’elle se sentait comme enfermée dans un cercueil avec juste un peu d’air. Antigone + la rencontre d’une autre culture + toutes ces femmes sous la burqa… Je me suis intéressée à d’autres figures féminines, je suis une chercheuse et j’aime créer des spectacles pas forcément faciles », explique Guylaine.
Médée la solaire, Médée la battante
Entre tragédie, mythologie et figure féminine, elle en vient à s’intéresser à l’histoire de Médée. Elle se passionne surtout pour ce qui se raconte avant qu’Euripide ne fasse évoluer Médée du mythe à la tragédie. Pendant trois ans, Guylaine Kasza va fouiller dans l’histoire de cette grande déesse : « Je cherchais des nouveaux points de vue, j’ai donc interrogé des spécialistes de ce personnage et des spécialistes de la tragédie ». Et elle s’est aussi rendue sur place entre la Géorgie et l’Arménie, la terre natale de Médée. Dans les textes, cette dernière est une figure monstrueuse, une mère infanticide, une épouse trahie qui assouvira sa colère dans le crime et dans le sang.
L’aventurière-conteuse-comédienne veut lui rendre son visage, sa dignité et son histoire. « C’est une femme qui veut prendre son destin en main. Fille de roi, prêtresse, considérée comme grande par son peuple, elle va oser quitter son royaume, trahir son père et parcourir le monde avec l’homme qu’elle aime », raconte Guylaine. Cet homme va perdre son trône et va vouloir le récupérer à tout prix. Même s’il doit épouser la fille d’un autre « juste pour pouvoir poser son cul sur un trône ».
Meurtrie, Médée va alors se rappeler qui elle est « et c’est terrible car elle est aussi magicienne, côtoie le monde d’en haut et le monde d’en bas ». Elle va faire preuve d’une violence extrême, tuer sa rivale, incendier le palais, puis commettre l’acte ultime : l’infanticide. Que l’amour soit au centre, ça lui plait. Que ce soit une exilée, une étrangère, ça lui plait. Et traiter de la question de l’altérité, ça lui plait.
La passion, l’amour
Dans Les voyages de Médée, la comédienne nous transporte dans l’univers d’une femme d’aujourd’hui qui va mal et qui va mettre des mots sur ses maux. Elle replace alors ce mythe dans un contexte contemporain. Depuis 10 ans, elle consacre ses spectacles à l’amour : l’Autre nous permet de gonfler notre égo mais nous plonge dans un profond mal-être quand il n’est plus là. « Ce n’est pas pour autant que notre vie est terminée », dit-elle.
Et ce rapport avec l’Autre, Guylaine le cherche constamment, au cours de ses voyages mais aussi au quotidien : « Quand je pars, chaque jour ressemble à une aventure. Quand on rentre, on veut l’appliquer à notre vie ». Et en revenant de Jordanie, elle a tenté l’expérience chez elle, à Saint-Brieuc. Elle nous confie que ça a marché mais que c’est compliqué de ne pas être envahi par les tracas du quotidien : « L’affaire Cahuzac, les infos, le stress de l’agenda pour l’an prochain… ».
Guylaine Kasza est donc une passionnée de voyages, des arts du récit, qui se nourrit de ses aventures, de ses rencontres et de ses recherches. Accompagnée des musiciens Clément et Thomas Peyronnet, elle crée une véritable mise en scène pour cette représentation théâtrale d’un spectacle violent, qui fait des allers-retours entre le théâtre contemporain et le mythe revisité.
Jeudi 18 avril – 20h – Carré Sévigné à Cesson-Sévigné – 1h15