Si l’artisanat breton, tous secteurs confondus, note une baisse du salariat, les petites entreprises se plaisent plutôt à chantonner un air bien connu d’Alain Bashung et les micro-entreprises ont le vent en poupe. Une nouvelle tendance se dessine depuis quelques années, celle du Do It Yourself et du système Débrouille, survenant comme une alternative à l’asphyxiant consumérisme provoqué par la mondialisation.
Entre les conditions déplorables de travail des marques et enseignes qui délocalisent leur fabrication, les scandales sanitaires de certaines matières néfastes et l’effet désastreux d’une production à outrance sur l’environnement, une partie de la population opte pour une nouvelle manière de consommer et de fabriquer.
Pour ce focus, la rédaction de YEGG a rencontré quatre créatrices rennaises, investies dans le secteur de l’artisanat comme activité principale ou non. Elles partagent leurs parcours, passions, savoir-faire et difficultés.
Artisanes à temps complet ou non, créatrices dans des secteurs différents, elles partagent néanmoins des points communs, dont le fait-main et le fait à la maison. Sans oublier qu’elles intègrent toutes dans leur démarche de fabrication la réflexion autour de secondes vies à donner à des objets. Tour d’horizon de leurs univers créatifs et portraits de passionnées.
Depuis trois ans, elle retape entièrement sa maison avec son mari. Elle aime le bricolage et en fait depuis longtemps avec ses deux filles. À 46 ans, Elsa Chaderat est infirmière scolaire au lycée Jeanne d’Arc, à Rennes. À mi-temps. Et elle est également, depuis un an et demi environ, la créatrice des Demoiselles. Des sculptures féminines vêtues d’une robe blanche et d’une ou plusieurs roses, fabriquées en papier mâché et fil de fer.
C’est en participant à un atelier animé par l’artiste plasticienne et art-thérapeute, Emilie Réan, à Bourg-des-Comptes (35) que le déclic survient. « Pendant 3h, il s’est passé un truc. J’ai fait la première Demoiselle. Qui ne ressemble pas à ce que je fais maintenant mais c’est la toute première. Après, pendant 15 jours, j’ai peu dormi, j’avais plein d’idées qui fourmillaient. J’ai pris des notes dans des carnets, fait des dessins, il y en a pour 20 ans d’exploitation ! », rigole Elsa.
Très rapidement, elle se met à l’ouvrage, inspirée par la blancheur, les robes qui volent et flottent dans l’air, soufflées et gonflées par le vent. « On a fabriqué un petit atelier car je ne voulais pas plonger ma famille dans le bordel. », précise-t-elle. Une petite pièce, au rez-de-chaussée de sa maison, est aménagée en guise d’atelier, là où une table est installée, face à la fenêtre et à la rue, et où les Demoiselles trônent fièrement sur les étagères. Et sur les murs, quelques affiches dont l’une bien fleurie attire l’œil, de par la citation de Matisse qui s’illustre en son centre : « La créativité demande du courage ».
Et quand des ami-e-s de La petite mécanique – espace de partage autour des arts et de la nature situé dans le quartier du Sacré Cœur à Rennes – lui proposent d’exposer ses sculptures, elle n’hésite pas à se lancer dans le bouillon des expos-ventes et des marchés de créateurs/trices :
« J’ai été très surprise des retours, ça m’a donné plein d’énergie. J’ai particulièrement apprécié le contact avec les gens, ça m’a vraiment donné des idées et surtout l’envie de continuer. »
LIEUX DE PARTAGE
Depuis moins d’un an, elle a également intégré l’atelier galerie L’Ombre Blanche, lancé en mai dernier par Sarah Estellé. Un lieu de partage proposant des expositions éphémères ainsi que des ateliers pour enfants et adultes autour de la sculpture, le dessin d’observation, la peinture et les arts créatifs.
« C’est très agréable de se regrouper et de partager comme ça. Je donne peu de cours mais quand j’en fais, c’est super. Les enfants ont plein d’idées. Ils/elles veulent faire des Demoiselles et ce qui est formidable, c’est que ça ne donne jamais la même chose que celles que je fabrique. », s’enthousiasme la sculptrice.
Elle en parle avec émerveillement et plaisir, sans cacher les bémols que l’artisanat contient. La création, dans son étape pure de fabrication, demande investissement en terme de nombre d’heures passées dans l’atelier et s’accompagne d’une certaine solitude, ou tout du moins à un isolement. « Je découvre que quand on est comme ça dans son monde, dans son univers, quand on en sort, on ne fait pas très sociable. », souligne-t-elle.
Toutefois, elle reste positive, gonflée à bloc par l’énergie procurée par les rencontres : « Je suis tombée en amour et je suis tombée dedans par hasard et cette découverte a pris un tournant surprenant menant à des rencontres qui donnent de l’énergie ! » Ce qui lui permet de fortement s’investir durant les périodes de Noël, aboutissant à une création importante et par conséquent à du stock pour les mois suivants, et de lancer de nouveaux projets.
Comme celui d’une exposition dans le cloître de la maison St Cyr, assorti d’un atelier en direction des personnes âgées de la maison de retraite en mars 2018. « J’attends des réponses pour d’autres lieux d’exposition. Il faut faire pas mal d’œuvres et avoir pas mal de temps. », explique Elsa Chaderat. Ainsi, elle alterne les instants de travail sur ces Demoiselles, qu’elle voudrait bientôt voir grandir en terme de taille, son métier d’infirmière scolaire et sa vie personnelle.
BIDOUILLE ET FORMATION
De son côté, Elisabeth De Abreu, 48 ans, s’est établie depuis quatre ans bientôt, en septembre 2013, en tant que mosaïste professionnelle. Elle aussi s’est saisie d’une annexe de sa maison, à Vern-sur-Seiche, pour en faire un atelier.
Un atelier coloré, composé d’une multitude de tableaux accrochés aux murs et de bocaux en verre remplis de mosaïques et de tesselles. À côté de son tabouret de travail, un tranchet. Sur lequel elle place sa matière, qu’elle coupe d’un bon coup de marteline.
« Ça pèse un kilo ! Vous imaginez le poids dans le bras à la fin de la journée ?! », s’exclame-t-elle, en positionnant la pièce sur un coussin en marbre et en mosaïque, qu’elle réalise à la manière des coussins en crochet.
Sa rencontre avec la mosaïque date d’il y a 15 ans. Elle habite alors en Corse et ramasse des bouts de verres polis sur la plage, se disant qu’un jour, elle les utiliserait. Probablement. Pourquoi faire ? Elle ne sait pas encore. Une amie lui parle de cet art qui l’attire rapidement.
« J’ai commencé par faire du collage à la main, de la bidouille, mais ça ne tenait pas. Et je ne trouvais pas de cours. À Angers, il y a un peu plus de 4 ans, mon mari m’a offert un stage de bricolage, puis j’ai trouvé une association, à Chantepie, de femmes qui faisaient de la mosaïque entre elles. Ça ne m’a pas suffit, j’ai alors pris des cours particuliers auprès d’une mosaïste, à Rennes. C’est elle qui m’a encouragée à ouvrir mon atelier. », explique Elisabeth.
Elle va ainsi effectuer une formation privée de 8 mois dans un atelier privé. « Pour être maitre mosaïste, il faut aller suivre une formation de 3 ans en Italie. Il n’y en a pas en France. Ce n’était pas possible pour moi de faire ça avec ma vie de famille. », précise-t-elle.
De temps en temps, elle s’en va effectuer des stages à Tours auprès des deux Meilleures Ouvrières de France, toutes deux maitres mosaïstes, pour évoluer et se perfectionner.
SE DIVERSIFIER
Ce qui lui plait, c’est la diversité. Des formes, des matières, des couleurs, des supports. Décorer un sol, un buste de femme, une salle de bain, un bâtiment, un tableau… Avec du marbre, des pierres, des tesselles, etc. « On ne peut pas se lasser ! », dit-elle d’un ton enjoué.
Mais c’est aussi un moment de détente autour d’un projet artistique. Quand elle planche sur une œuvre personnelle, elle s’évade. Elle parle véritablement de thérapie en soi.
« Quand on passe du temps à tailler une tesselle, on ne pense pas aux problèmes. J’ai commencé la mosaïque il y a 15 ans, c’était à la naissance de mon aînée qui est porteuse de handicap. Une psychiatre m’a dit que ça avait peut-être un lien. Je ne sais pas si c’est ça en réalité mais la mosaïque consiste à casser des pièces pour reconstruire quelque chose. », analyse l’artisane.
Et c’est à la fin de son congé parental, qui a duré cinq ans, qu’elle a fait le choix de s’installer en micro-entreprise et de s’enregistrer auprès de la maison des artistes.
« Soit je faisais une formation pro, soit je retournais bosser dans un bureau. Ça a été un choix familial. C’est ma passion, je suis une artiste, une maman, mon mari travaille beaucoup et créer mon atelier à la maison permettait réellement de concilier vie professionnelle et vie privée. Pour mon aînée handicapée, il faut avoir des disponibilités plus importantes. Mais ce n’est pas seulement pour elle. Là par exemple ma fille a la mononucléose, je peux être à côté d’elle tout en travaillant. », précise-t-elle.
Pour pouvoir en vivre, elle a tout mis en place pour diversifier un maximum son activité et ne pas se baser uniquement sur la vente de ses œuvres. Ainsi, elle anime cours et stages dans son atelier, en direction des enfants et des adultes, « de 5 à 84 ans, porteurs de handicaps moteurs, de handicaps mentaux, ou non, la mosaïque, c’est pour tout le monde. »
Et passe également du temps à l’extérieur proposant de l’art-thérapie avec une musicothérapeute, des ateliers dans 3 écoles différentes sur le temps périscolaire, dans des EHPAD, dans des centres de loisirs pour enfants valides et enfants handicapés.
Elle peut aussi intervenir pour décorer des panneaux communaux et participera prochainement à une session de team building – concept qui a pour vocation de fédérer une équipe autour d’une activité collective – dans une grande entreprise rennaise et travaille sur un projet d’atelier dans une école avec des adolescents en difficultés, voire échecs, scolaires. Elle justifie :
« Comme mon atelier est à la maison, déjà, je n’ai pas de loyer. Mais il est impératif de se diversifier car les ventes ne suffisent pas pour moi. J’ai vraiment du mal à vendre les œuvres que je crée, à donner une valeur en prix à mon travail. Ça me sert plus de vitrine. Quand des personnes les voient et me les demandent, je leur vends mais en général, c’est vrai que j’aime bien les garder. Après, il y a aussi des commandes, et là c’est dur car il faut se mettre à la place de la personne et se demander si ça va lui plaire. »
Elisabeth De Abreu, comme Elsa Chaderat, est particulièrement friande du contact et des rencontres. C’est ce qu’elle aime par dessus tout lors de l’événement L’art et la main, dont la 9e édition a eu lieu les 28 et 29 janvier à la Ferme de la harpe, à Rennes.
« On ne fait pas de ventes. On est là pour travailler devant le public, partager les expériences et échanger avec les gens. C’est vraiment ce que je préfère, les ateliers de démonstration », signale-t-elle, tout en élaborant la liste des manifestations auxquelles elle participe (lire encadré).
TROUVER SA VOIE
Pourtant, les places sont chères pour trouver une place sur les marchés. C’est le constat auquel Sonia Driot a été obligée de se confronter. Que ce soit sur la place Hoche, sur la dalle du Colombier ou ailleurs, tout est complet. Depuis, elle a décidé d’assurer ses arrières, en trouvant un boulot de baby-sitter, le matin et le soir, en parallèle de sa création de bijoux qu’elle a commencé à toucher en 2012, lors de son voyage en Amérique du Sud.
Elle découvre le travail de l’« alambre » - fil en espagnol – de tout type : argent, cuivre, laiton… « J’ai vu ça dans la rue, car là-bas, on peut facilement vendre comme ça. Ici, on doit avoir des autorisations spécifiques, à part dans des endroits autorisés comme j’ai déjà fait à Beaubourg au Centre Pompidou à Paris. Maintenant, je me suis mise en micro-entreprise pour faire les marchés. Bref, j’ai trouvé ça magnifique et l’artisan m’a appris quelques formes. Je m’y suis mise. Je n’avais pas de revenus à part la musique, donc c’est une forte motivation, car il faut bien manger et se loger. », livre-t-elle, poursuivant :
« C’était dur au début de mettre un prix sur les créations, je me suis renseignée auprès des personnes, des autres artisans. On peut très facilement faire des rencontres là-bas. Je suis tombée sur un couple française/péruvien, on a discuté et il m’a tout de suite dit de venir le voir le lendemain pour m’apprendre à faire des bagues. »
Quelques années après son retour en France, elle souhaite intégrer l’école Tané, de bijouterie et orfèvrerie, à Ploërmel mais ne sera pas retenue.
« J’ai encore du chemin à faire et des choses à apprendre. », reconnaît Sonia. Il est difficile de trouver un emploi en tant que salariée d’une entreprise pratiquant l’artisanat et le réseau est un travail intense, de tous les jours, qui met du temps à se mettre en place. Pour autant, elle ne désespère pas et ne se démotive pas.
Au contraire, elle apparaît bien consciente de ses points faibles, comme la communication à travers les réseaux sociaux et la présence qu’elle voudrait augmenter sur les plateformes de vente de créations faites-main comme Little market ou Etsy, et semble bien disposée à développer ce côté un brin obligatoire, mais pas n’importe comment.
PASSIONNÉE PAR LES HISTOIRES
Elle s’intéresse, se renseigne, cherche à glaner des conseils en terme de techniques photos pour présenter au mieux ses créations. Des créations joliment présentées dans sa chambre, là où se trouve son atelier bidouillé d’une porte comme planche de bureaux, d’une deuxième table sur laquelle elle travaille, et de plusieurs mallettes entreposant ses matériaux, des objets de récup’ et ses bijoux entre boucles d’oreille, bagues, bracelets et colliers. Mais aussi ses pierres.
Car si elle est passionnée par le travail des fils d’argent, de laiton, de cuivre et autre, elle est également fascinée par les vertus et propriétés des pierres. « Elles ont toutes une histoire et c’est vraiment un puits sans fond », s’exclame-t-elle, en nous présentant leurs différences, leurs textures et leur attrait.
À 29 ans, Sonia Driot est incontestablement en amour pour son travail. Pour elle, c’est un métier des plus méditatifs. Le fait de se concentrer des heures durant sur des petites pièces, qu’elle pince et tord pour amener le fil à la forme qu’elle veut établir, lui permet de se relaxer. Mais aussi elle apprécie tout particulièrement le contact qui s’établit entre la créatrice et le public.
« Avec une amie parisienne qui travaille dans le secteur de l’artisanat également, on a bossé deux mois ensemble. On a pu constater que les gens se tournent vers l’artisanat pour les pièces uniques que nous produisons. Et au-delà de ça, il y a aussi le rêve qu’on leur vend. On est toutes les deux des voyageuses et on partage l’histoire de chaque pièce. L’argent est une monnaie d’échange pour vivre mais le travail de la matière et le rapport aux gens n’a pas de prix. », souligne-t-elle. D’où le fait qu’elle adapte le prix de ses créations :
« Je me suis mise à 8 / 8,50 euros de l’heure. En général, sur la somme globale, je réduis le prix. Je ne suis pas prête à dépasser un seuil de prix. Si j’ai en face de moi quelqu’un qui a les moyens, je laisse le prix fixé. Si j’ai en face de moi quelqu’un qui n’a pas les moyens et qui a flashé sur une pièce, je vais baisser le prix, sans y perdre, il faut que ça aille dans les deux sens tout de même. »
CONNECTÉE ET BRANCHÉE
L’accessibilité est un enjeu majeur dans l’artisanat, devant trouver l’équilibre entre la valeur des matières utilisées, du travail produit par l’humain et un prix abordable pour être non seulement rentable mais bénéfique. « Au début, mes portefeuilles étaient moins chers, j’ai vu qu’ils partaient vraiment très vite. Je me suis permise d’augmenter les tarifs, en incluant les frais de port dedans, car sinon ils sont gratuits sur internet. Mais il faut rester accessible et ne pas être au-dessus des prix du marché non plus. », explique Anne-Cécile Le Guevel.
À 42 ans, elle est professeure de techno au collège. Et depuis 2 ans et demi a lancé sa boutique en ligne Anne-Cécile Création, fabriquant ainsi sacs à main, portefeuilles et blagues à tabac, très tendances actuellement. Il y a 15 ans, elle a commencé la couture et a choisi de faire ces propres vêtements. Un loisirs créatif et utile qui lui a permis de s’occuper les mains durant un arrêt de travail de trois mois.
« J’ai acheté une jupe en cuir dans une braderie et j’en ai fait un sac. Au début, une copine m’a prêté un patron, puis je me suis mise à faire mes propres patrons. », se souvient-elle. Elle fabrique donc ses sacs à main, puis les offre à des amies, participe à une expo-vente organisée par une amie et, grâce au succès du lancement, va jusqu’à ouvrir une boutique sur Little market et une autre sur Etsy, pour finalement créer sa marque avec un site personnel, en prenant un statut d’auto-entrepreneure.
Sa démarche, elle l’avait intégrée avant de se lancer à son compte, en parallèle de son activité de professeure. « J’aime beaucoup chiner, aller dans les friperies, dans les braderies, les relais. Parmi mon entourage, certain-e-s me donnent aussi des cuirs qu’ils/elles n’utilisent plus. Je ne prends pas forcément tout parce que le but n’est pas d’accumuler non plus ! », précise Anne-Cécile. Par exemple, elle ne prend pas le cuir noir.
« C’est la couleur qui m’intéresse !, répète-t-elle. Quand les couleurs ne m’inspirent pas, j’ai moins envie de créer, il faut alors que j’achète de nouveaux cuirs. » Elle se rend parfois en boutique pour acheter des chutes de cuir mais surtout écume les magasins de tissus, qu’elle prend à motifs pour les associer au cuir uni choisi.
Sur son bureau-atelier, au rez-de-chaussée de sa maison, les tissus s’empilent et côtoient, non loin de la machine à coudre, une multitude de valisettes que l’on a envie d’ouvrir, par curiosité, les yeux remplis d’espoir d’y déceler 1001 trésors. Il y a des boutons, des fils, des outils. Le tout, parfaitement ordonné et rangé.
Et derrière la créatrice, mais aussi sur les côtés de la pièce, des créations quasiment terminées, qui attendent d’être envoyées à leur commanditaire ou de recevoir en gravure les initiales de l’artisane. « Ça prend beaucoup de temps, entre la création, les photos que je fais sur ma terrasse en général, la mise en ligne, l’envoi. Il y a des périodes où je n’ai pas envie du tout. Et puis, je m’y remets et c’est parti. Je ne fais jamais deux fois la même pièce et si on me fait une commande, je refuse de reproduire un objet repéré dans une boutique. Ça peut m’inspirer mais je ne suis pas là pour recopier. », insiste-t-elle.
Sa marque de fabrique, c’est justement son association tissus à motifs et cuir récupéré sur des fringues. Elle privilégie ainsi le recyclage et aime l’idée de pouvoir donner une seconde vie aux vêtements : « On aime beaucoup faire les braderies avec mon mari. On a très peu de choses neuves chez nous. À quoi ça sert de consommer à outrance ? Quand on en a trop, on revend. Ma démarche dans ma création, je l’explique quand je fais les marchés de créateurs/trices. Je mets une pancarte avec des photos des différentes étapes de fabrication. »
À RECYCLER
La récup’, c’est dans l’ère du temps, comme le dit Anne-Cécile Le Guevel. Surtout quand l’activité se veut déjà du système Débrouille, avec un atelier à domicile et la création d’une boutique en ligne, faisant avec les moyens et techniques du bord. Même si aujourd’hui, les formations et ateliers concernant la communication via les réseaux sociaux et l’investissement du temps passé à actualiser sa boutique en ligne, se développent de plus en plus.
Ainsi, les quatre artisanes rencontrées utilisent toutes dans leurs créations des objets ou matériaux ayant déjà vécu. Elsa Chaderat réutilise fils de fer et journaux pour établir la base et les cheveux de ces Demoiselles et leur recouvrir le corps et les hanches avant de construire les robes en papier mâché, qu’elle peindra ensuite pour les rendre blanches. « En hiver, je les fais sécher sur le poêle, c’est très pratique. », dit-elle d’un air malicieux.
Travailler avec ce que l’on a sous la main est aussi judicieux pour économiser que pour se renouveler. Friande de nouvelles matières, Elisabeth De Abreu aime varier les supports et les pièces qu’elle utilise. Ainsi, quand elle aperçoit près de chez elle une vitre d’abribus brisée en mille éclats de verre, elle n’hésite pas à s’en saisir, tout comme la vieille vaisselle qu’il suffit de briser pour s’en servir de substrat.
« En se baladant sur la plage, on peut trouver plein de choses ! Avec les enfants, on s’amuse beaucoup avec les coquillages, les coraux (uniquement ramassés sur la plage), mais aussi les capsules de café, de sodas ou même des graines. », énumère-t-elle, en farfouillant les étagères d’un placard qui recèle de créations faites en ateliers. Les graines naturelles sont également utilisées sur certains bijoux de Sonia Driot. Tout comme les plumes ramassées, avec autorisation des agents municipaux, par la jeune femme dans la volière du parc du Thabor.
« Au départ, j’avais pensé à faire quelque chose 100% naturel et récup’. Ça m’a fait me pencher vers la réutilisation de briques de lait et de jus de fruit pour faire des porte-monnaies. Puis, j’ai commencé à faire des bijoux, et là aussi j’avais pensé à faire quelque chose avec des bouts de bois mais j’ai vu qu’il y avait encore trop de réticences du côté du public à acheter des créations entièrement fabriquées en récup’ »
souligne Sonia.
Le savoir-faire des matières s’allie alors à la créativité des artisanes, qui font également preuve d’imagination pour mêler matériaux et objets de récupération. Leurs parcours témoignent, non seulement de la diversité des profils, mais aussi des ressources nécessaires et indispensables au secteur de l’artisanat, qui invoque aujourd’hui amour de la pièce unique, de la minutie, de la rencontre et du rapport humain, et consommation alternative et moderne.