Les articles se multiplient, les appels à la mobilisation et la prise de conscience retentissent aux quatre coins du monde, les initiatives citoyennes et militantes fleurissent, les événements de sensibilisation et d’information s’enchainent. De partout, on entend l’alarme de l’urgence écologique.
Excepté peut-être pour les député-e-s s’accrochant au glyphosate, qui eux/elles n’entendent que le doux son des cloches du pouvoir et des lobbys agricoles, industriels et pharmaceutiques… Une puissance qui a, en quelques décennies, exercé des pressions incroyablement dangereuses et ravageuses, menaçant la planète entière, faune, flore, terre, air, mer et humain-e-s inclus-es.
Aujourd’hui, si la catastrophe écologique semble inévitable, il ne faut pour autant pas renoncer à la sauvegarde de l’environnement qui passe par le respect et la transmission des savoirs autour de cette Nature.
Pas besoin de prendre la voiture des dizaines de kilomètres durant pour profiter d’un bout de nature. Elle est partout autour de nous. On l’écrabouille, on l’use, on en abuse, on la maltraite. Dès lors que l’humain stoppe son intervention, elle reprend ses droits. Il n’y a qu’à se rendre place Sainte Anne pour le constater : après quelques mois d’inactivité du côté des marches de l’église, c’est un vrai champ de verdure qui pousse à son aise, loin de la main humaine obnubilée par « les mauvaises herbes ». Par manque d’esthétique devant les maisons, par les nuisances qu’elles pourraient provoquer, par ignorance de leurs vertus gastronomiques ou médicinales. Un savoir, auparavant détenu par les femmes que l’on désignait comme sorcières, qu’il est bon de réintroduire pour voir fleurir des éco-systèmes - essentiels à la sauvegarde de la planète - qui disparaissent rapidement et brutalement.
Il suffit de se laisser conter des histoires (grinçantes) de vieilles femmes avides de jeunesse, de cordonnier désespéré de trouver l’amour et de consommation raisonnable pour s’apercevoir que la nature est omniprésente autour de nous. Pas après pas.
Samedi 15 septembre, à l’occasion de la 4eédition de la fête de la biodiversité cultivée - Du champ à l’assiette, Najoua Darwiche nous baladent de ces récits imaginaires de l’éco-centre de la Taupinais au cœur du quartier Cleunay, en passant par la micro-ferme Perma G’Rennes et la passerelle surplombant la rocade.
Hors des sentiers de la Prévalaye et du parc de la Guérinais, la conteuse choisit de nous faire voyager à chaque arrêt. Un bord de route laissé en friche, un espace boisé, un coin de pelouse, un terrain de maraichage… À l’image du reste de Rennes, la partie Sud Ouest de la capitale bretonne, à quelques pas du centre ville, regorge de verdure, d’arbres fruitiers, de plantes et fleurs comestibles et/ou médicinales. C’est ce que nous invite à découvrir ce même après-midi, Mikaël Hardy, permaculteur fondateur de Perma G’Rennes :
« Les plantes sont riches. L’Homme a toujours pratiqué la nature, pour la santé, la maison, l’alimentation. Depuis les années 1970-1980 et l’arrivée des grandes surfaces, on a oublié notre instinct de glaneurs. Il ne faut pas oublier notre passé de chasseurs-cueilleurs. »
Au fil d’une balade « Plantes usuelles et comestibles », la Prévalaye dévoile son haut potentiel - souvent ignoré des habitant-e-s – regroupant un certain nombre d’espèces issues de la famille botanique des rosacées. Mais pas seulement.
Sur quelques mètres, le guide signale la présence de pissenlits, utiles pour nettoyer le corps des toxines, de viorne obier, dont le bois robuste peut servir à fabriquer des flûtes ou des armatures de paniers, de ronces, avec lesquelles on peut - après avoir enlevé les épines – faire de la ficelle (et même des menottes, à une époque), de châtaigniers, dont la liqueur est bonne pour la gorge, de cornouillers mâles, dont le bois sert à fabriquer des manches de marteaux, d’aubépine épineuse, dont le fruit comestible a un effet bénéfique sur le sommeil, ou encore d’ortie, plante qui stimule les défenses immunitaires.
REDORER LE BLASON DES HERBORISTES
Le 26 septembre dernier, le sénateur écologiste du Morbihan, Joël Labbé, a rendu public les recommandations de la mission d’information du Sénat sur le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales.
Car depuis 1941, année au cours de laquelle le régime de Vichy a supprimé le certificat d’État d’herboristerie, « les herboristes ne peuvent plus officiellement se revendiquer comme tel » et « ne peuvent vendre qu’un nombre restreint de plantes, l’essentiel des plantes médicinales appartenant au monopole pharmaceutique.(…) pour un herboriste, dire qu’une tisane de thym est bonne contre le rhume le place hors la loi.», indique la pétition « Réhabilitons les métiers de l’herboristerie », qui précise qu’il y a « pourtant une demande et une place pour la vente de plantes médicinales hors pharmacie, pour les petits maux du quotidien et le maintien en forme. »
Hormis quelques remèdes de grand-mère qui nous restent en mémoire, nous avons perdu au fil des années et des siècles les connaissances que détenaient nos ancêtres sorcières, brûlées, entre autre, pour ce savoir. Aujourd’hui, la gelée royale est une gélule à prendre dès l’entrée dans l’hiver, la propolis, un spray pour la gorge et la phytothérapie consiste à prendre un cachet d’Euphytose avant d’aller au lit.
Produits de la ruche ou extraits de plantes, nous ne les connaissons guère sous leurs formes originelles et naturelles. Surtout, on ne sait plus, de manière générale, composer avec et selon la nature. On veut consommer ce que l’on veut quand on le veut, peu importe la saison et la provenance. Triste constat alors que les plantes sauvages, comestibles, usuelles et/ou médicinales fleurissent partout autour de nous. En ville, on les arrache. À la campagne, on les détruit à coups de pesticides.
SE RECONNECTER À LA NATURE
Au cœur de la Prévalaye, ancienne zone de maraichage jusque dans les années 80, Mikaël Hardy a aménagé son terrain d’un demi hectare, « soit la moitié d’un stade de foot », en septembre 2016. Auparavant, il a travaillé 15 ans dans l’étude et la protection de la biodiversité :
« Mon rôle, c’était de dire aux autres quoi faire... Personne ne l’appliquait. Maintenant, je montre qu’il n’y a pas de frein. On peut optimiser la surface, valoriser l’espace et protéger l’environnement. Ce qui est plus difficile, c’est de connecter de la rentabilité économique à tout ça mais ça se fait. »
Lors de la fête Du champ à l’assiette, il conduit un groupe d’intéressé-e-s à sa ferme urbaine en les faisant entrer par un petit chemin sauvage et naturel, bordant la mare. « Je vous demande d’y passer en silence, pour peut-être entendre les grenouilles, écouter les oiseaux… Pour se reconnecter à la Nature. », précise-t-il.
Cette phrase revient souvent, joyeusement et passionnément au cours de sa visite. Se reconnecter à la Nature, faire avec la Nature, aménager autant que possible des éco-systèmes, créer et faire avec la biodiversité, comprendre comment tout cela fonctionne, valoriser les mauvaises herbes…
« En décembre 2016, j’ai fait mon premier marché mais je n’avais encore rien récolté puisque je venais d’arriver. J’ai fait de la cueillette sauvage dans la zone de la Prévalaye, que j’ai transformé en confitures pour avoir de l’argent pour ensuite pouvoir produire. L’argent de la première saison m’a permis d’aménager le site. En général, les premiers légumes arrivent en juin. Avant, je vends des mauvaises herbes. », explique Mikaël.
Parti d’une friche, il a pensé le design – issu d’un processus de diagnostic écologique - et a travaillé avec le potentiel du sol, riche en vie (graines, vers de terre, etc.), alimenté par l’implantation de seigle, la mise en place de paillage, etc., et les capacités du terrain pour y accueillir plusieurs espèces interagissant ensemble, dans un temps donné et un climat donné :
« Les microclimats donnent naissance à la végétation. On cherche à créer des lisières, là où deux écosystèmes vont s’embrasser, là où deux éco-systèmes vont se rencontrer. On peut créer des jardins avec différents microclimats. »
Toute l’année, il ouvre sa ferme au grand public le samedi après-midi et donne également des cours de permaculture. Des cours d’écologie, en somme, avec un état d’esprit visant 3 grands principes : prendre soin de l’humain, prendre soin de la planète, répartir les richesses équitablement.
« Il ne s’agit pas simplement d’aménager son terrain en permaculture mais de voir sa vie en permaculture. Consommer juste ce dont on a besoin. Partager. Faire des concessions (pas d’électricité sur le terrain, pas d’engins à moteur...). Ne pas arroser, ne pas désherber. », détaille-t-il, avant de conclure sur une phrase qui vient percuter notre cerveau de plein fouet : « Il faut réapprendre aux plantes à parler. Les plantes parlent. » À nous, donc, de les écouter.
DES COQUELICOTS, ENCORE ET TOUJOURS
Et donc de les préserver. Une tâche bien difficile par les temps qui courent… Malgré le vote des députés, qui ont renouvelé dans la nuit du 14 au 15 septembre dernier leur volonté de ne pas inscrire l’interdiction du glyphosate dans la loi, des initiatives citoyennes et militantes existent, perdurent et naissent, à l’instar au niveau local des Amis de la Prévalaye, d’Incroyables comestibles, de la Nature en ville, de Perma G’Rennes, du Jardin des Mille Pas, de la Clé du champ, de la Fête des possibles, du Scarabio festival, de la fête Du champ à l’assiette, etc.
Au niveau national, ce qui agite et anime actuellement le débat et les consciences pour un avenir plus engagé en faveur de la nature et moins en faveur de celle des lobbys, c’est l’appel des 100 pour l’interdiction de tous les pesticides de synthèse. Un appel que nous relayons ici dans son intégralité :
« Les pesticides sont des poisons qui détruisent tout ce qui est vivant. Ils sont dans l’eau de pluie, dans la rosée du matin, dans le nectar des fleurs et l’estomac des abeilles, dans le cordon ombilical des nouveau-nés, dans le nid des oiseaux, dans le lait des mères, dans les pommes et les cerises. Les pesticides sont une tragédie pour la santé. Ils provoquent des cancers, des maladies de Parkinson, des troubles psychomoteurs chez les enfants, des infertilités, des malformations à la naissance. L’exposition aux pesticides est sous-estimée par un système devenu fou, qui a choisi la fuite en avant. Quand un pesticide est interdit, dix autres prennent sa place. Il y en a des milliers.
Nous ne reconnaissons plus notre pays. La nature y est défigurée. Le tiers des oiseaux y ont disparu en quinze ans ; la moitié des papillons en vingt ans ; les abeilles et les pollinisateurs meurent par milliards ; les grenouilles et les sauterelles semblent évanouies ; les fleurs sauvages deviennent rares. Ce monde qui s’efface est le nôtre et chaque couleur qui succombe, chaque lumière qui s’éteint est une douleur définitive. Rendez-nous nos coquelicots ! Rendez-nous la beauté du monde !
Non, nous ne voulons plus. À aucun prix. Nous exigeons protection.
Nous exigeons de nos gouvernants l’interdiction de tous les pesticides de synthèse en France. Assez de discours, des actes. »
IMPACT COLOSSAL SUR LA SANTÉ
Ces derniers mois – ou plus exactement ces dernières années mais les discours ne sont entendus et relayés que depuis peu - nous assistons à une déferlante de sonneries d’alarme. Elles retentissent, les sirènes de l’urgence écologique. Parce que les pesticides font des ravages colossaux.
Sur la nature, avec par exemple une gestion catastrophique des forêts en France, comme le montre François-Xavier Drouet dans son film Le temps des forêts, sorti au cinéma le 12 septembre. Calqué sur l’agriculture productiviste intensive, le réalisateur explique dans une interview à l’Obsles conséquences de ce modèle :
« Dans les forêts où on ne trouve qu’un seul type d’arbre, il n’y a pas ou peu de biodiversité. Mon film s’ouvre sur une scène tournée dans une forêt du Limousin. On y voit des rangées d’arbres uniformes. Il règne dans cette forêt un profond silence, il n’y a aucun bruit d’oiseaux. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils n’ont pas de quoi se nourrir ou construire leur nid. Ces plantations en monoculture sont des plus en plus privilégiées alors qu’elles appauvrissent considérablement les sols et la biodiversité. »
Les forêts sont pourtant nourricières et peuvent servir d’inspiration pour le développement de « synergies entre les différents règnes minéral, fongique, végétal, animal et humain », comme l’indique le centre de recherche en permaculture, la Forêt Nourricière, association créée en 2011 autour des recherches de Franck Nathié et qui accompagne des projets d’éco-villages ou d’installations permacoles professionnelles ou familiales vers leur autonomie alimentaire, énergétique et organisationnelle.
Ce sont aussi des impacts conséquents sur la santé. À cause des perturbateurs endocriniens et autres saletés composant les produits nocifs et toxiques répandus très largement dans la nature, les sols, les eaux et l’air. On les ingère à travers l’alimentation, on les respire au quotidien, on se les étale sur la peau, on tapisse les fesses des bébés avec et on les introduit dans les vagins des femmes…
Quoi de mieux pour le développement des maladies telles que Parkinson, dont le lien avec les pesticides a été reconnu – le 7 mai dernier, un décret est entré en vigueur reconnaissant cette maladie neurodégénérative comme maladie professionnelle pour les agriculteurs – ou autres pathologies bien lourdes, comme le diabète ou l’endométriose (dont la causalité environnementale n’est toujours pas reconnue officiellement mais fortement suspectée) ?
On avance, lentement, vers la prise de conscience, tout en continuant d’agir comme si de rien n’était. On se goinfre de toutes les richesses que peut nous offrir la planète, sans jamais se soucier de son avenir. Par confort. C’est ce que montre le (très chouette) court-métrage animé Thermostat 6, diffusé par le médiaUsbek et Ricaet réalisé pour leur projet de fin d’études à l’école des Gobelins par Maya Av-ron, Marion Coudert, Mylène Cominotti et Sixtine Dano.
SAUVER NOTRE PATRIMOINE VÉGÉTAL
L’appel des 100 dépasse désormais le cadre formel d’une pétition. Il devient une mobilisation citoyenne dans toute la France. Chaque mois, un rassemblement sera organisé pour défendre nos droits d’évoluer sur une planète sans pesticides, à compter du 5 octobre (puis le 2 novembre, le 7 décembre et le 4 janvier). À Rennes, le rendez-vous est donné – pour chaque date – place de la Mairie, dès 18h. Pour affirmer à l’unisson que nous voulons des coquelicots, du cœur de la ville jusqu’aux champs les plus isolés.
« Les coquelicots sont des bio-indicateurs. Quand on ne les voit plus, ça veut dire qu’ils sont impactés. Faut se poser des questions… » Dimanche 16 septembre, une quinzaine de personne est réunie, à l’occasion de la Fête des possibles, dans la pépinière spécialité dans la production de plantes sauvages locales de Floridée’o, située à Bruz.
Thao Ngo, éco-conceptrice, en est la fondatrice. À 52 ans, son « trip », sa motivation « pour se lever et savoir pourquoi on se lève », c’est de « partir à la sauvegarde de l’environnement, parce qu’il y a une disparition énorme de la flore locale. » L’idée : « lister les espèces menacées et partir à la recherche de la graine pour relancer la production. Si on ne les sauve pas, toutes les fleurs du massif armoricain vont disparaître. Il y a malheureusement dans l’imaginaire collectif une connotation péjorative quand on pense aux plantes sauvages. On pense à « sales ». Mais tout a un rôle. »
Sur son terrain, elle met en culture une grande diversité de végétaux, disponibles ensuite sous forme de plants et de semences. Tous les prélèvements de semences sont réalisés par l’équipe afin de garantir l’origine locale des plantes.
« On étudie les différents éco-systèmes, les biotopes, comment recréer les milieux des plantes sauvages. Ça devient très très demandé. Au début de notre projet, personne ne voulait y croire. Mais on oublie que ces plantes ont toujours été présentes. Mais l’évolution, l’urbanisme,… font qu’elles disparaissent. On peut tous et toutes en mettre 2 ou 3 dans nos jardins pour sauvegarder l’environnement. », présente Thao.
Une partie de son activité consiste également à étudier et rechercher les plantes locales phytoépuratrices et phyto-rémédiation que Floridée’o cultive dans des bassins extérieurs. :
« Selon les problèmes, on fait des études pour trouver les plantes adaptées. Ça peut être des cours d’eau contaminés à cause des nitrates des agriculteurs par exemple, on met certains types de plantes. »
Dans son discours, on ressent évidemment les principes de permaculture. Ne pas retourner le sol mais le faire vivre. Associer les cultures. Arroser le moins possible. Laisser agir le monde microbien. Amener les espèces en dormance à s’épanouir comme elles l’entendent. Puis, aller sensibiliser les gens.
« Pour notre patrimoine végétal ! Faut avoir de la salive pour tout ça, je peux vous le dire ! Je vais dans des écoles, j’interviens avec les détenues de la prison des femmes, je travaille avec les collectivités, les entreprises (Yves Rocher, EDF,…), les agriculteurs (on peut utiliser les plantes pour faire du compost et amender les terrains au lieu d’utiliser des engrais chimiques, notamment en cas de problème de phosphore), les apiculteurs. Il faut former les responsables des services verts des municipalités, les élu-e-s. T’en convainc un et puis hop, les élections arrivent et il faut tout recommencer ! Parce que l’obstacle, c’est en partie les élu-e-s, ce sont eux/elles qui signent… », avoue-t-elle sans langue de bois et sans frilosité aucune même si c’est Floridée’o qui a bâti les ilots de plantes sauvages flottant désormais sur les bords de la Vilaine (à voir depuis la passerelle Saint Germain).
UNE AUTRE VIE DANS LA VILLE
Ce jour-là, les discussions sont passionnées. Pascal Branchu, apiculteur et membre de La Nature en ville, prône, tout comme Thao Ngo, l’acceptation de la végétation en milieu urbain. Que ce soit devant les maisons, les bâtiments municipaux, etc., il faut perdre l’habitude d’arracher toutes les mauvaises herbes. Car elles participent à dépolluer l’air, à créer de la vie.
« La question est de voir comment on peut délaisser le minéral pour le végétal, petit à petit. Le minéral assèche l’air, créer des problèmes de santé, des allergies. On a besoin du végétal et de l’humidité dans l’air. », explique-t-il.
L’association citoyenne œuvre, grâce aux multiples participations bénévoles, à la création d’actions en faveur de la biodiversité, pour réussir à atteindre l’objectif d’une ville vivrière.
« On programme tous les dimanches des films au Cinéville de Rennes et pendant le débat qui suit la projection, on cherche aussi à recruter des bénévoles pour nous aider. On a eu plus de 600 volontaires pour planter des arbres fruitiers. On fait ça avec les écoles aussi. Sur les espaces publics. À la Poterie, dans la coulée verte, dans la zone sud de la gare, on peut planter des poiriers, du houblon, des vignes… Y en a plein des endroits comme ça dans Rennes ! On met de la nourriture dans la ville. On peut chacun-e faire sa part de colibri, c’est très bien, mais ensemble, c’est encore mieux ! Ça crée de la solidarité, du lien social, de jardiner dans les parcelles d’Incroyables comestibles ! », s’enthousiasme Pascal.
AU SERVICE DE L’HUMAIN
C’est bien connu, la Nature a des vertus thérapeutiques pour l’humain. D’où l’aménagement de jardins partagés, de jardins de soins ou de végétation luxuriante dans les maisons de retraite, les structures accueillant des personnes en situation de handicap ou encore dans les maternités.
Sur la pépinière de Floridée’o, on trouve de tout. Des tomates poussent au milieu des fleurs de tabac, de l’origan, de la guimauve ou encore de l’onagre. Cette « primevère du soir », comme on l’appelle, est utilisée pour la prévention du cancer du sein, nous prévient Thao qui s’est beaucoup servie des plantes lorsque le sien est survenu :
« En tant qu’asiatique, culturellement, on se soigne beaucoup par les plantes naturelles. Quand je suis tombée malade, je me suis pas mal renseignée. Beaucoup de livres parlent de tout ça, il suffit de creuser. Aujourd’hui, on commence à se ré-intéresser à tout ça, à tous les bienfaits du thé vert, du curcuma, de la verveine citronnée… les gens galèrent mais je me mets à leur service pour les informer. Et puis, quand ils viennent ici, ils m’apprennent aussi plein de choses, partagent des recettes de grands-mères, c’est passionnant. Ce côté citoyen et humaniste… C’est vraiment avec mes tripes que je travaille. C’est le travail de bien plus qu’une vie de connaître tout ça et de découvrir les plantes.»
En lui disant qu’elle poursuit ici le travail des sorcières, elle nous guide vers une des serres dans lequel se trouvent d’autres plantes. Dont certaines spécifiques pour apaiser et accompagner les femmes dans leurs maux, leurs cycles, leurs corps et leurs souffrances. Si on connaît des remèdes naturels pour diminuer les douleurs dues aux menstruations, Thao en revanche nous fait découvrir le tamier, une belle plante verte aux petits fruits rouges.
« On l’appelle aussi Herbe à la femme battue. C’est moche hein ?! Parce qu’on la frotte contre les bleus, les hématomes, pour la cicatrisation des plaies… », souffle-t-elle.
En silence, on établit un lien entre l’écologie et les droits des femmes. Thao, elle, le dit à voix haute : « C’est pareil, ça ne rapporte rien, donc les gens ne s’y mettent pas ! »
Dommage car les plantes parlent, comme le dit Mikaël Hardy, et nous enrichissent d’un passé et d’un avenir communs. Qu’il faut préserver, protéger, apprendre à connaître et à respecter. L’éco-conceptrice ne se décourage pas : « Pour nous je sais qu’il est trop tard. Mais c’est pour les générations futures qu’il faut se battre. » Quel monde voulons-nous leur laisser ?