Virginie Despentes a vieilli et s’est apaisée. Son Vernon Subutex, ex-enfant du rock et ex-disquaire devenu sdf, est un brin désabusé. Comme elle ? Quoi qu’il en soit, substitut de Virginie, ou pas, Vernon, antihéros attachant, est à la rue et va s’arranger avec ses souvenirs et ses anciens amis, morts ou rangés des voitures, pour dormir au chaud. Il erre dans un Paris antisocial et triste, tente de sauver sa peau en ne cédant presque rien de ses convictions et de ses premiers amours. Il est classe finalement, Vernon, honnête, au moins avec lui-même, et pudique. Et puis, Vernon, il a un truc que tout le monde veut… Despentes peint une satire sociale méticuleuse et acérée, drôle et mélancolique, et enterre avec nostalgie une époque bénie où la jeunesse avait de vrais idéaux. Elle est juste, percutante, touchante, elle dérange encore, un peu moins mais encore un peu, et elle voit toujours la beauté cachée derrière la crasse. Ce premier tome d’une trilogie est aussi un polar, hyper bien ficelé, haletant et jouissif. Despentes a vieilli, mais elle est restée prenante et réjouissante.