Deux ans après sa création, Calibre 35, collectif rennais d’auteurs de polar dégaine Rennes, ici Rennes, recueil de dix nouvelles fleurant bon la capitale bretonne. Seule femme à poser sa plume sur les pages blanches de ce livre noir, Valérie Lys, médecin biologiste le jour, écrivain la nuit, évoque pour YEGG Des cendres à Montfort, savoureux cocktail de médicaments, d’incinération et de terrorisme.
YEGG : Comment avez-vous intégré Calibre 35 ?
Valérie Lys : J’ai été contacté par David Khara et Fréderic Paulin fin 2011 lors d’un salon du polar à Chevaigné (35). J’écris depuis toute petite, influencée par Proust ou Borges, et cela m’apporte du plaisir mais il est difficile d’être éditée, surtout que je n’ai pas l’ambition de faire de l’écriture mon métier. Mais faire partie du collectif peut donner un coup de pouce aux auteurs et faciliter l’édition, c’est positif.
Quel lien entretenez-vous avec les autres auteurs du collectif ?
Nous nous réunissons de temps en temps mais nous sommes surtout en liaison par mail ou Facebook. Pendant l’écriture de Rennes, Ici Rennes, chacun a travaillé de son côté, il n’y a pas eu d’écriture collective. C’est davantage un prétexte pour faire connaître les différents auteurs. Et de toute façon, chacune des nouvelles a un style bien particulier qui dépend de celui de l’écrivain. Le mien est plus classique et plat que les autres, mais je dois avouer que j’ai particulièrement la nouvelle de Léonard Taokao, Ad Rennes Aline.
Vous avez l’habitude, dans vos romans, des intrigues qui se déroulent dans les environs de Rennes. La contrainte ici en était-elle vraiment une ?
Non, ce n’était pas vraiment une contrainte. C’est une facilité pour moi d’écrire sur mon quotidien, sur les lieux et les personnes que j’ai l’habitude de fréquenter. La contrainte était plutôt celle du format d’écriture. Dans un polar, le lecteur doit constamment réfléchir. Avec une nouvelle, on ne peut pas installer un climat et donc une intrigue très travaillée.
C’est ce qui explique l’absence de meurtre dans votre nouvelle, contrairement aux neuf autres ?
J’ai choisi de ne tuer personne car le format de la nouvelle est, en effet, trop court pour cela. Mais la mort est quand même très présente puisqu’une des premières scènes se déroule dans le crématorium de Montfort-sur-Meu. Selon moi, dans un polar, il faut des études de comportement, des descriptions, c’est peut-être le côté féminin. On aime, en tant qu’auteur, prendre notre temps et retourner les situations. Avec la nouvelle, il faut aller droit au but.
A défaut de meurtre, il est question d’un trafic de médicaments, sur fond de terrorisme… Votre connaissance du monde de la santé vous a-t-elle aidée voire inspirer ?
Au départ, je ne voulais pas écrire sur le médical. Mais c’est sans doute plus fort que moi ! Mon métier ne m’a pas particulièrement aidée, en revanche, c’est vrai que je suis allée à l’hôpital Guillaume Régnier à plusieurs reprises. La psychiatrie revient donc souvent dans mes histoires. Quant au trafic de médicaments, c’est de l’imagination, je ne le constate pas dans mon environnement et je ne veux pas spécialement pointer du doigt l’industrie pharmaceutique même si elle est imparfaite et qu’elle a une mauvaise image.
Vous soulevez aussi la question du racisme ordinaire avec l’omniprésence de prénoms étrangers…
Oui je le dénonce volontairement, sans pour autant prendre partie. Il y a une atmosphère particulière, pleine de clichés. Je voulais jouer avec. Que chaque personnage puisse être à un moment donné soupsonné.
A propos des personnages, vous ne mettez en scène que des hommes à l’exception de Myriam et des décédées, pourquoi ?
Je préfère parler des hommes que des femmes. D’ailleurs je suis plus souvent entourée d’hommes que de femmes dans la vie. Il y a sans doute de la pudeur de ma part, je parle à travers les livres. Je ne veux pas que le lecteur pense que si le narrateur ou personnage principal est une femme, c’est forcément de moi dont il s’agit. Il y a beaucoup de moi dans le style d’écriture qui est relativement classique et évidemment féminin, mais je ne suis pas présente dans la nouvelle.
Le format est nouveau, l’éditeur aussi… Comment s’est déroulée la collaboration avec Critic ?
Ce fut laborieux ! Le point positif, c’est que c’est un éditeur très perfectionniste qui nous fait des retours, chose un peu inédite pour moi. Nous étions très encadrés. Il a fait une première correction, puis une deuxième, une troisième, une quatrième… Au final, avec plusieurs auteurs, on se demande si l’éditeur ne voulait pas écrire le livre (rires) !
Quel regard portez-vous sur Des cendres à Montfort ?
Le niveau est très moyen, le format nouvelle y est pour beaucoup. C’était une commande et je n’avais pas le feu sacré lors de l’écriture. Ce n’est pas mon enfant contrairement aux autres romans. D’ailleurs, je me demande quel public va pouvoir acheter le livre car on ne voit pas vraiment qu’il s’agit de polar.