Mardi 8 octobre, le grand réalisateur Bertrand Tavernier présentait son nouveau film Quai d’Orsay en avant-première à Rennes. L’occasion de discuter avec lui, entre autre, des différents personnages féminins qui émergent au sein de cette comédie.
Quai d’Orsay est une adaptation de la bande-dessinée, de Christophe Blain et Abel Lanzac, du même nom. Bertrand Tavernier y ajoute sa vision personnelle, change l’ordre de certaines scènes, amplifie l’importance du personnage de Marina et apporte quelques nouveaux éléments – tels que la rédaction des questions et des réponses pour les députés à l’Assemblée nationale.
« Mais c’est quand même la réalité », précise le réalisateur du film. La réalité de la vie au sein du cabinet du ministre des Affaires étrangères. Nous suivons les débuts d’Arthur Vlaminck (Raphaël Personnaz), fraichement débarqué au quai d’Orsay en tant que chargé du langage. C’est lui qui rédige les discours du ministre, Alexandre Taillard de Vorms, interprété par Thierry Lhermitte « avec la grâce et la faculté de ne jamais jouer « comique » dans une comédie ».
En effet, celui qui a réalisé Que la fête commence, Le juge et l’assassin, L.627, Holy Lola ou plus récemment La princesse de Montpensier, signe avec brio une comédie (genre peu commun dans la filmographie de l’auteur), à découvrir en salle dès le 6 novembre. Entre la folie, les manies, le comportement obsessionnel, la détermination du ministre – fonction occupée par Dominique de Villepin (2002 – 2004) – et les différents caractères, quelques peu particuliers, des conseillers du cabinet, Arthur va devoir apprendre à composer dans cet univers où tension, exigences et réactivité sont de mises. « Ce qui m’amusait, c’est que dans cette folie qui émane du quai d’Orsay, Alexandre Taillard arrête un génocide en Afrique, résiste aux néo-conservateurs américains et prononce l’un des plus beaux discours des anales de la diplomatie française de ses 20 dernières années », explique Bertrand Tavernier.
Un hommage en opposition au gouvernement actuel « sage, rationnel, certes, mais qui ne traite aucun dossier ». Et au service de cette croustillante adaptation, un casting brillant : entre la majestueuse présence de Thierry Lhermitte, la justesse d’interprétation de Niels Arestrup, la fraicheur du jeu de Raphaël Personnaz, la distribution masculine est riche et imposante.
Quatre femmes sur le podium
Tavernier, qui craignait de restituer un univers trop masculin, met aussi le paquet sur le côté féminin et fait ressortir quatre personnages forts dans le film. D’un côté Marina qui incarne une jeune femme vive, sexy, drôle et surtout « est l’égale de son compagnon, Arthur ». Une scène appuie justement le parallèle entre les deux membres du couple, à travers une cour d’école envahie d’enfants et des couloirs du ministère grouillant de conseillers et de fonctionnaires.
Le réalisateur accorde au personnage d’Anaïs Demoustier une place plus importante que dans la bande dessinée, en lui attribuant un travail d’enseignante et un engagement auprès d’une famille de sans-papiers dont les enfants sont scolarisés dans son école. D’un autre, Valérie, conseillère Afrique au ministère, qui joue la charnelle diplomate plongée dans ce milieu de costards cravates. Sans aucun doute l’atout charme d’un scénario qui ne s’étend pas, à juste titre, sur l’attirance que peut ressentir le jeune Arthur à son contact. La belle Julie Gayet endosse le rôle de « la séductrice habillée en Chantal Thomas et en cuir, qui se révèle salope » mais qui a toujours des propos sensés et intéressants. « Une vraie force », s’exclame Tavernier en parlant de son actrice.
En parallèle de ses deux forces vives, nombreuses sont les employées – secrétaires – noyées dans cet univers viril mais qui n’en demeurent pas moins essentielles à l’appui et à l’efficacité du travail de l’équipe. Deux particulièrement marquent la vie de ce cabinet. L’une, jouée par Marie Bunel, « qui doit en voir de toutes les couleurs avec le ministre qui passe et qui fait valser les dossiers ; je ne sais pas combien de fois elle doit ramasser les feuilles et ranger son bureau ».
L’autre, jouée par Alix Poisson, « qui protège le pauvre Maupas (haut fonctionnaire du quai d’Orsay, ndlr) et qui prend soin de lui comme si elle en était amoureuse », décrit Bertrand Tavernier, qui semble revivre les moments passés en présence des personnages et des actrices. Des rôles féminins secondaires dans le scénario, justifiés par le réalisme de l’histoire, néanmoins très bien servis et signifiés par l’œil critique et avisé du metteur en scène.
Passionné par l’Histoire, le réalisateur nous plonge au cœur des tourments d’un ministère en ébullition permanente. Le spectateur, entrainé dans cette course folle, oscille entre rires et compassion. Entre fiction et réalité, entre histoire politique et histoire des hommes, chacun saura déceler la part de vérité dans les coulisses du pouvoir diplomatique.