En 2002, lors de l’édition sur Lisbonne, elle était venue présenter son long-métrage Capitaines d’avril, un film sur la révolution des Œillets au Portugal. Pour Travelling Rio, la franco-portugaise, « brésilienne de cœur », revient à Rennes sous de multiples casquettes : réalisatrice, chanteuse et marraine de la 25e édition.
Maria de Medeiros, c’est la sensibilité et la chaleur d’une bossa nova. Dimanche dernier, à l’occasion des Premiers dimanches, elle présentait son nouvel album Passaros Eternos (Nu.Age dans sa version française). De quoi envouter les visiteurs confortablement installés dans la salle de conférence pour l’occasion, dans une ambiance confinée et intimiste.
Mais Maria de Medeiros, c’est aussi une sacrée comédienne, actrice et réalisatrice. De Bigas Luna (Macho) à Serge Moati (Des feux mal éteints), en passant par Marjane Satrapi (Poulet aux prunes, La bande des Jotas) et Quentin Tarantino (Pulp Fiction), la marraine de Travelling affiche une filmographie riche et variée qu’elle continue d’allonger.
L’an dernier, elle était au Brésil pour la pièce de théâtre « À nos enfants » (sur l’adoption dans un couple lesbien) qu’elle devrait prochainement adapter au grand écran. Pour l’heure, elle présente son dernier documentaire Les yeux de Bacuri, articulé autour de 3 femmes brésiliennes ayant eu un lien avec le guérillero Bacuri – Eduardo Leite – mort sous la dictature en 1970, après 109 jours de torture.
« C’était une suggestion de la Commission d’Amnistie et Réparation – du ministère de la Justice du Brésil – qui m’a présenté cette famille, ces trois générations de femmes qui ont survécu », explique Maria de Medeiros. Une commission que l’on verra, à la fin du documentaire, demander pardon aux victimes de la dictature brésilienne. « Une aide est proposée pour une reconstruction juridique et administrative. Mais ils ne pourront jamais réparer les souffrances et l’angoisse de ce qu’elles ont vécu, et ils le disent dans le film », poursuit la réalisatrice.
Cette dernière s’embarque alors dans une aventure express et intense, pour un « tournage rock’n’roll », plaisante-t-elle. Trois jours à Rome, deux jours à Sao Paulo, à la rencontre de Denise Crispim – fille de Encarnacion, grande résistante qui fuira au Chili, et femme d’Eduardo Leite – et deux jours en Hollande pour rencontrer Eduarda Crispim Leite – fille d’Eduardo Leite et Denise Crispim. C’est le travail de montage qui sera plus long et compliqué « puisqu’il fallait remettre en ordre cette parole qui était très difficile au départ. Il y a eu des confusions dans les dates, des longs silences par moment et des paroles très chaotiques à d’autre ».
La réalisatrice se souvient de certains témoignages qui ont conduit toute l’équipe « à sangloter derrière la caméra ». Mais elle tient son objectif en tête : libérer la parole, sans utiliser d’images d’archives, simplement des archives personnelles et familiales, ainsi que des souvenirs, des réflexions et des anecdotes de Denise Crispim et sa fille, Eduarda, qui n’a jamais connu son père.
Et pour libérer cette parole, Maria de Medeiros s’efface « pour laisser les femmes dans la lumière ». Elle pense alors au réalisateur Claude Lanzmann qui, dans le film Shoah, laisse entendre sa voix en déclarant : « Tu dois le dire ». « C’était ça, il fallait le dire ! Si on connaît un peu l’histoire de Bacuri, pour les 109 jours de torture endurés, en revanche on connaît beaucoup moins l’histoire de ces femmes qui se sont battues, ont survécu et ont essayé de vivre après cela », explique-t-elle.
Tout comme pour son documentaire Je t’aime moi non plus – mettant en lumière la relation entre artistes et critiques de cinéma lors du festival de Cannes – elle n’a posé qu’une seule question, voire deux, afin de les laisser dérouler leurs histoires difficiles à se remémorer, difficile à restituer. C’est à travers les différentes émotions qu’elle vont ressentir lors de leurs récits et de leurs réflexions que la réalisatrice embarque les spectateurs, qui oscillent entre plusieurs émotions, telles que l’empathie, la douleur, la tristesse et la force suscitée par les parcours de ces femmes – de la grand-mère à la petite fille.
De l’emprisonnement de la mère, alors enceinte de plusieurs mois, à leur reconnaissance en tant que victimes de la dictature, elles nous présentent ce qu’a été leur vie. Une longue série d’exil, de combats et de questionnements.