Qu’en sera-t-il de nos pratiques sexuelles en 2030 ? Quelles places auront les nouvelles technologies dans le plaisir ? Samedi 12 avril, l’écrivain et maîtresse de cérémonie sadomasochiste Catherine Robbe-Grillet, auteure en 1956 du sulfureux L’image – sous le pseudonyme Jean de Berg – et l’artiste multimédia déjanté Yann Minh ont tenté de nous donner quelques réponses dans le cadre d’un débat intitulé « Faire l’amour en 2030 : une nouvelle révolution sexuelle ? » à l’occasion de la sixième édition du Forum Libération au Théâtre National de Bretagne à Rennes.
L’association de ces deux personnalités semble curieuse et cela explique certainement pourquoi la salle Jouvet est comble en cette fin de journée. Si l’une est la pionnière des pratiques sexuelles les plus débridées depuis les années 1950, l’autre les expérimente à travers les réseaux sociaux et le cyber-espace.
« L’amour du point de vue cybernétique (1) est un traitement de l’information, dans les années qui viennent notre société va augmenter les capacités du traitement de cette information et inventer des technologies qui amplifient la stimulation sexuelle », selon Yann Minh, adepte des rencontres virtuelles et des « donjons sadomasochistes » sur le réseau Second Life notamment. Mais concrètement qu’est-ce que cela donnerait ?
Des robots les plus perfectionnés à la jouissance par la pensée, l’avenir de notre sexualité selon l’artiste semble intimement lié aux nouvelles technologies. « De nouvelles choses vont permettre de voir ce qu’il se passe dans le cerveau du partenaire grâce aux feed-back (2), nous pourrons ainsi rajouter des éléments à notre répertoire sensuel, sexuel et cognitif », poursuit-il devant une salle qui semble perplexe face à de telles pratiques.
À l’aide d’une manette de console Nintendo Wii Yann Minh nous fait voyager dans un univers ludique sur l’écran de cinéma du TNB et nous invite à parcourir avec lui l’évolution de la sexualité, des écrits sadomasochistes aux premiers godemichets, le public s’esclaffe pendant son intervention et se laisse transporter au milieu de ses fantasmes futuristes. Ces propos semblent pourtant quelques peu fantasques pour l’audience qui s’interroge sur ce qui, selon Catherine Robbe-Grillet, restera de nos ébats charnels en 2030.
« Il faut retomber dans un corps à corps »
« Il me semble que le sexe de base : sodomie, coït, cunnilingus, fellation, cela ne change jamais, c’est la même chose depuis la nuit des temps, ce sont les conditions qui vont changer », nous explique celle qui aurait tout juste cent ans en 2030.
Elle parle de sexe de manière libre, ne semble pas perturbée à l’idée de relations avec des robots ou autres fantaisies numériques mais s’inquiète d’une certaine perte des relations physiques plus humaines, de l’émotion que procure un réel « corps à corps », que les réseaux sociaux, les machines ou les téléphones ne peuvent nous procurer. Quand la question de la prostitution est évoquée, elle raconte le désespoir de certains clients, le besoin de chaleur de ces hommes qu’aucune technologie selon elle ne pourra synthétiser.
Que l’on soit d’accord ou non sur la question des prostituées, une réelle question se pose : dans une quinzaine d’année, les hommes et les femmes abandonneront-ils les plaisirs tactiles basiques ? « Si les gens sont heureux comme ça c’est bien mais je n’y crois pas vraiment. Dans le cyber-espace les gens se sentent protégés, des MST par exemple, mais cela reste assez pépère » pour Catherine Robbe-Grillet. Pour elle, les mentalités ont énormément évolué et en particulier depuis ce qu’elle appelle la « révolution sexuelle » des années 1975.
Les femmes quant à elles, toujours selon l’écrivain, connaissent mieux leur corps, ne sont plus pliées à un devoir conjugal et vivent leur sexualité avec moins de tabou. Quelque peu utopiste peut-être ? « J’espère que les femmes seront libres de faire ou ne pas faire et entre autre qu’on leur foute la paix », répond-elle quand on évoque la femme de 2030. On l’espère également, atteindra-t-on une liberté sexuelle complète d’ici quinze ans ? Patience, on y est presque… paraît-il.
1 Science de l’action orientée vers un but, fondée sur l’étude des processus de commande et de communication chez les êtres vivants, dans les machines et les systèmes sociologiques et économiques (Larousse).
2 Synonyme de rétroaction, rétrocontrôle.