Le Café des Bricoles accueillait hier après-midi, mercredi 16 avril, Myriam Gautier et Hélène Mallet, deux conteuses de la compagnie Les Becs Verseurs. Le duo a proposé une lecture théâtrale de leur nouvelle création La lettre.
On connaît la compagnie des Becs Verseurs pour leurs indétrônables visites décalées au sein d’expositions – on se rappelle notamment de leur prestation aux Champs Libres lors de l’exposition Rennes en chanson, présentée de novembre 2010 à mars 2011 – ou de divers événements rennais. Ici, les deux conteuses se mettent à nue dans une création qui leur est propre.
Entourées d’Alain Le Goff et de Rozenn Fournier – l’un pour l’accompagnement dans l’écriture, l’autre pour un regard extérieur – Myriam Gautier et Hélène Mallet font appel à la famille Mythos et calibrent leur spectacle pour nous faire passer un moment singulier et poignant. Ce jour-là, au Café des Bricoles, l’ambiance est intimiste et conviviale. Des bancs installés des deux cotés de l’estrade, les rideaux tirés, le silence.
Les deux comédiennes se tiennent debout, chacune face à son pupitre, et enfilent leur blouson de cuir. L’une en noir, l’autre en couleur camel. La simplicité de la mise en scène apporte un côté expérimental à un spectacle en cours de création – fin mars, elles étaient en résidence à l’Aire Libre pour la création lumières, lire notre article dans le numéro 24 – et marque leur volonté d’un décor épuré et sobre, permettant ainsi aux spectateurs de se concentrer sur les dialogues.
Car tout l’intérêt de cette pièce réside dans les échanges entre les deux femmes, qui se rencontrent sur un banc. L’une lit un conte de fée, « une histoire de brinces, brincesses et de brenouilles », explique-t-elle dans son langage farfelu. L’autre lit le journal, « un conte de faits divers ». A priori tout semble les opposer. Entre froideur et cynisme, innocence et naïveté, les deux femmes vont finir par tisser des liens et nouer une relation solide. Leur conversation pourrait être l’une de celles que l’on lit dans les bouquins de Jarry ou Ionesco.
Parfois absurde, parfois cinglante mais surtout banale. Les animaux domestiques, les ruses pour tromper l’ennui et tout à coup une mystérieuse lettre de menace de mort, en provenance de Nouvelle-Calédonie. Un courrier dont chaque lettre a été découpée dans les pages des journaux. Une intrigue qui se noie dans les palabres de deux personnages qui échangent ensemble, qui content et racontent leur solitude.
Puisque finalement, tout est une histoire de solitude dans ce spectacle. Comment vont-elles dévoiler ce qui les anime au plus profond d’elles-mêmes ? Oseront-elles se défaire des chaines imposées par leur isolement ? Jusqu’où iront-elles, ensemble, dans leur lutte routinière ?
Myriam Gautier et Hélène Mallet nous embarquent dans cette aventure ordinaire qui prend des proportions d’histoire extra-ordinaires. Elles explorent avec humour les méandres d’une vie sans saveurs et pimentent leur récit à travers l’imaginaire et l’absurdité qu’on leur connaît et reconnaît. La situation décrite et jouée résonne en chacun de ceux qui ont connu cette solitude commune. Le duo joue sur le rythme, les silences, le regard et les intonations pour renvoyer une intensité succulente et appréciable à ce thème sombre et profond. Un énorme coup de cœur en cette deuxième journée de Mythos.