C’est à l’Ubu que s’est ouvert la 36e édition des TransMusicales, mercredi 3 décembre. Deux femmes figuraient dans la programmation et ont assuré le show dans des registres bien distincts : Sabina, suivie de Alsarah & The Nubatones.
21h45 - Il n’est pas encore très tard à l’Ubu mais déjà il est difficile de se frayer un chemin dans la foule pour accéder à la fosse. Sabina vient de commencer, les premières notes annoncent un set très rock, les premiers rangs sont d’ores et déjà déchainés. L’ancienne chanteuse des Brazilian Girls encourage de sa belle voix grave et chaude le public à chanter avec elle. « Je veux vous entendre », lance-t-elle en français avant d’entamer une chanson en allemand extraite de son premier album solo Toujours.
Originaire d’Italie, elle prend rapidement le départ pour l’Allemagne, pays de sa mère avant de s’embarquer pour la France puis les Etats-Unis. Tous ces déménagements auront marqué la musicienne qui manie les différentes langues avec aisance et fluidité. « Aucune réflexion, jamais ! Donnez nous plus ! Donnez nous tout ! », s’exclame-t-elle à la fin d’une chanson, rempilant directement sur la suivante.
La basse très rythmique invite le public à s’investir davantage et à suivre les instructions de Sabina Sciubba. Une belle énergie scénique se dégage de l’osmose entre les trois musiciens – guitare, basse et batterie – et la chanteuse, vêtue d’un pantalon bleu électrique tacheté d’étoiles et d’un débardeur sur lequel trône un gros motif de flammes : « Je veux juste vous expliquer quelque chose. Vous voyez ce que je porte… Non je ne suis pas habillée en super héro. Je suis l’Europe et je brûle !!! » Sa voix est divinement envoûtante, terriblement rock et s’accorde parfaitement avec le son organique produit par le clavier auquel vient de s’installer le bassiste.
Sabina partage avec générosité ses chansons, dont elle écrit les textes et compose les musiques. Elle y parle de révolution, mais surtout d’amour, « de toute façon, ça va ensemble ». La sensualité déborde de son déhanché et de son chanté singulier qui accompagne la dynamique rock et new wave dont elle puise ses inspirations.
Elle joue avec sa voix dans des parties vocales pures et douces dans certaines balades qui ne sont pas sans rappeler la signature de Radiohead. Puis entame un Viva l’amour accéléré et carrément plus rock que la version de l’album. « Que de l’amour et plus de loyer ! », crie-t-elle, à la fin de la chanson. « Et en parlant de loyer, je crois qu’il faut qu’on s’arrête », lui glisse un musicien… Dommage.
ALSARAH & THE NUBATONES
Aux alentours de 23h, la fosse ne désemplit pas de festivaliers et festivalières qui dansent en attendant le prochain concert. Les musiciens de The Nubatones s’installent sur la scène et effectuent quelques balances avant de démarrer. Alsarah fait son entrée. Les sonorités arabes retentissent dans la salle, suspendue aux lèvres de la chanteuse soudanaise à la voix impressionnante.
Qualifiée de nouvelle reine de la pop nubienne (région du nord du Soudan et du sud de l’Égypte, ndlr) et de la rétro-pop soudanaise par The Guardian, elle s’inspire de différents styles musicaux d’Afrique du nord et de l’est auxquels elle ajoute des influences arabes, suivant les pas de la grande Oum Kalthoum. Les musiciens participent à la réussite de ce mélange à travers les percussions, le luth et la basse. Sans artifices, Alsarah varie l’intensité de son chant, entrainant également celle des instruments, entre douceur et puissance pour un résultat détonnant.
« Une chose à propos de mon spectacle. C’est plus fun si vous dansez et si vous tapez dans les mains », précise la chanteuse en rigolant. Vêtue de bleu turquoise, la chanteuse-auteure-ethnomusicologue propose un show très coloré, très enjoué, empreint de voluptés et de légèreté. En bougeant délicatement les épaules et en levant gracieusement les mains, toujours le sourire aux lèvres, elle hypnotise spectateurs et spectatrices.
La dynamique du concert entraine la foule à se laisser porter par ses émotions. Les accélérations rythmiques des instruments viennent contrebalancer les instants délicats portés par la douce lenteur du chant d’Alsarah, accompagnés par moment par le chœur des trois hommes.
Le public est conquis. « Je ne comprend pas ce que je chante mais j’m’en fous », rigole une femme au milieu de la foule. Il est temps de présenter les musiciens. L’occasion de savourer un solo de luth. Ambiance tamisée, lumières feutrées, les spectateurs-trices sont figé-e-s, hypnotisé-e-s, par les sonorités orientales ainsi que par la dextérité et la rapidité des doigts du musicien. Les lumières roses orangées épousent cet instant instrumental onirique, auquel s’allie la profondeur du chant insufflé par les sonorités nubiennes. Une véritable invitation à se perdre dans ses pensées et à plonger dans une atmosphère apaisante.
La perte de tous repères spatio-temporels n’est que de courte durée. Les instructions de la chanteuse nous ramène à l’Ubu : « On va s’entrainer ensemble à taper des mains. On va taper des mains tout le long de la chanson. Oui je sais, je vous en demande beaucoup. Vous pouvez boire de l’eau maintenant, et on y va. N’accélérez pas, voilà c’est bien, c’est parti. » Les festivalier-e-s jouent le jeu avec plaisir, ravis d’être sollicités par la divine Alsarah.