Jusqu'au 31 mai, la 7e édition du festival Bouillants, consacré à l'art numérique, questionne la notion de genre. Exposés à Saint-Brieuc et Vern-sur-Seiche, les travaux des femmes artistes rennaises, Diane Grenier et le collectif L'Atranquille, dépassent la binarité entre le féminin et le masculin, l'humain et la machine.
À la laiterie Les Bouillants de Vern-sur-Seiche, un vendredi après-midi du mois de mars, Diane Grenier travaille sur des circuits électriques de diodes électroluminescentes et des petits moteurs. La pièce, dans laquelle se trouve l'artiste plasticienne, est occupée dans sa globalité. À gauche de l'entrée, un ordinateur portable posé sur un bureau est entouré de circuits électriques, deux grilles pains et un aspirateur se trouvent par terre. Plusieurs cartons jonchent le sol. À droite, une machine à laver démontée est examinée par l'artiste.
SEXUALITÉ TRANSHUMANISTE
L'ensemble de ces machines est utilisé pour sa création originale, Sexes-Machines, installée dans la laiterie, pendant deux mois, jusqu'à fin mai. En résidence ici depuis début mars, Diane Grenier a eu quatre semaines, comme trois autres artistes et collectifs rennais, pour fabriquer une installation autour de la problématique du genre. « Je me suis orientée vers la figure du cyborg, union entre l'homme et la machine car cette créature est remplie de fantasmes genrés : soit il y a les femmes ultra sexualisées, soit il y a des guerriers», explique-t-elle. Et une sexualité hétérosexuelle qui en découle.
Pour cette œuvre, la plasticienne a imaginé les rapports érotiques de certains objets du quotidien : «Pourquoi fantasme-t-on une technologie comme le cyborg et non celle qui nous entoure ?»
Dans plusieurs scénographies au décor intimiste, les machines répètent des mouvements lascifs ou rythmés à forte connotation sexuelle. « Des éléments mécaniques iront se frotter contre l'architecture, développe-t-elle. C'est un mélange entre l'hybride et l'organique.» Sa création sort de la dualité entre l'humain et les machines. Selon l'artiste, « elles s'affranchissent de leur rapport utilitaire à l'humain pour revendiquer une sexualité inter-machines.»
Ce transhumanisme, le directeur artistique du festival, Gaëtan Allin, s'y est beaucoup intéressé pour construire cette 7ème édition. Réfléchir au genre « n'est pas si évident que ça», constate-t-il. Mais d'après lui, la notion est totalement obsolète. « La machine va devenir autonome face à l'homme, continue-t-il. Il sera question d'un troisième genre humanoïde et non plus d'un genre binaire.»
LE VÊTEMENT, TISSU GENRÉ
Chacun à leur manière, les dix-sept artistes programmés interrogent leur compréhension de la thématique. Le trio de L'Atranquille propose la sienne dans une vidéo autour du vêtement, Paper Dolls. Lors d'un essayage d'habits par deux membres du collectif, Grégoire Doaré et Anne Sophie Guillaume, la troisième, Ingrid Borelli, remarque que « la gestuelle est différente si on est un homme ou une femme comme, par exemple, la manière de fermer une braguette, d'enfiler un pantalon, d'enlever un pull.» C’est à ce moment que la notion du genre est apparue.
En trois séquences, la vidéo met en scène deux personnages aux visages inexpressifs (incarnés par Grégoire et Anne Sophie), avec des plans fixes sur fond blanc. « Rien ne les distingue sauf les vêtements», détaille Grégoire. Robes, chaussures à talons, mini-jupes, pantalons, ils enfilent chacun leur tour les même choses. À travers ces clichés, le collectif a voulu « détourner les stéréotypes» et « créer un trouble».
Projetée en taille réelle dans la laiterie des Bouillants et pendant le festival briochin Art Rock du 22 au 24 mai, l'installation permet au public de « s'identifier et s'interroger sur l'idée prédéfinie du féminin et du masculin», espère Grégoire.
PEU DE FEMMES ARTISTES LOCALES
La spécificité de cette édition est de proposer une programmation paritaire. Pour autant, sur 7 artistes rennais, L'Atranquille et Diane Grenier sont les seules femmes artistes. La majorité venant des États-Unis. « Je constate, je n'ai pas d'explication et c'est fort dommageable, réagit le directeur, Gaëtan Allin. Car les artistes du numérique construisent le monde d'aujourd'hui et de demain et la moitié de la population en est exclue. Bouillants n'a pas de réponse mais est là pour poser des questions.»