YEGG Magazine

Revue féministe en révolution

8 mars : D'ici ou d'ailleurs, les voix des femmes en exil

Célian Ramis

Vendredi 10 mars,  à la Maison internationale de Rennes, l’ethnologue et docteure en sciences de l’éducation Françoise Sérandour contait la conception de l’ouvrage Femmes voix de libertés d’ici et Ailleurs, né de plusieurs ateliers d’écriture collective.

Évoquer les femmes, leurs souffrances, leurs droits et leurs désirs de libertés à travers un livre de littérature et de poésie, objet de plaisir, de jouissance, d’interrogations et de bouleversements personnels, c’est de cette volonté que Françoise Sérandour s’est parée pour construire son ouvrage, publié aux éditions L’Harmattan, en juillet 2016.

Ethnologue, docteure en sciences de l’éducation, enseignante, conteuse, elle évoque les deux raisons principales qui lui ont donné envie de le faire publier : la promesse de transmission et la passion de l’écriture. Pour partager les sentiments des sœurs en lutte, continuer la lutte pour les droits des femmes et « transmettre la force extraordinaire, inouïe, des femmes – et d’un homme dans le livre – pour moi mais aussi pour elles-mêmes. »

Au fil des ateliers d’écriture collective, que ce soit à Agadir avec des femmes analphabètes et une sociologue ou à la MIR (d’où sortira Femmes sans frontières, voix en exil, en 2013) à l’occasion du projet Marrainage – porté par Eva Roué dans l’objectif d’accompagner des personnes étrangères ou se sentant comme étrangères dans l’aboutissement de leurs projets – il en ressort des récits de vie dans lesquels s’imbriquent réalité, poésie, langues d’ici et d’ailleurs et fiction.

Elles sont de différentes nationalités, de différents continents, ont été contraintes ou non à l’exil – un exil plus ou moins proche -, explorent leur(s) identités et leurs voix résonnent dans les mots qu’elles ont pris le temps et le soin de penser, dans le silence dans un premier temps, puis d’écrire, voire de lire par la suite. Elles y couchent leurs mémoires, souvenirs, ressentis et sentiments. Et au son de leur prose, on voyage, on frissonne, on sourit et on en ressort bouleversé-e-s.

Les textes livrent des vécus et pénètrent l’intimité de toutes les créatrices qui ouvrent la porte de leur lieu. Comme Virginia Woolf parle d’Une chambre à soi et Marie Darrieussecq d’Un lieu à soi (traduction d’un livre de Virginia Woolf), Françoise Sérandour appelle cela « la chambre de lumière. »

L’écrivaine conte la construction de Femmes voix de libertés d’ici ou Ailleurs comme une aventure en soi, qu’elle entrecoupe de flash back, de lecture d’extraits et d’explications autour de la méthode.

« On part de la réalité et on travaille avec son imaginaire. Pour en arriver à la symbolique, la nuance, le sensible, la distance. Les images aident aussi car il est difficile de travailler un texte en français alors qu’on parle une langue différente. Moi je ne travaille jamais seule, je suis toujours entourée d’auteur-e-s, poète-sse-s, écrivain-e-s, musicien-ne-s…»
souligne-t-elle.

Pour encadrer les récits collectifs poétiques et les récits de vie entrecroisés, Françoise Sérandour relate une légende et une nouvelle qu’elle affectionne particulièrement, La fille du grand serpent et la nuit et Parfum de jasmin blanc. Elle convoque Roland Barthes, quand ce n’est pas Virginia Woolf, pour expliquer le sens des paroles et l’importance de l’oralité qui, toujours, disent une réalité ou livrent une compréhension du monde.

Et parce que la liberté est chantée par les poètes depuis la nuit des temps, comme l’écrira Ghania Bouccekine, présidente de la MIR, dans la préface du bouquin, la conteuse a choisi d’y inscrire la légende de La fille au grand serpent et la nuit. Une légende de sagesse, selon elle, « qui est le premier texte où il est dit et montré que les femmes savent autant s’adapter. Quand elles doivent ou décident de partir, elles retrouvent leur capacité d’adaptation et de création ».

Une histoire qui ne peut qu’illustrer parfaitement les propos suivants à mesure que l’on tourne les pages jusqu’à saisir l’introspection finale. Et rien de mieux pour clôturer cette soirée, aussi bien que le bouquin, qu’avec la lecture d’un témoignage du seul homme participant au projet de la MIR, de certains poèmes sensibles et émouvants et de chants arméniens.