Célian Ramis

Solidarité : le droit à la dignité !

Posts section: 
List image: 
Summary: 
L'hygiène et le prendre soin, au coeur de la solidarité envers les personnes les plus démunies. Reportage au CHRS de Vitré, qui accueillait Bulles Solidaires pour un Salon bien-être.
Text: 

En France, on comptabilise 9 millions de personnes pauvres, dont 3 millions en situation de privation matérielle grave. Nombreuses sont les associations à œuvrer, difficilement en vu des faibles moyens à leur disposition, en direction des personnes les plus démunies, que ce soit en matière d’hébergement, d’alimentation ou de vêtements.

Qu’en est-il de l’hygiène ? Point souvent considéré comme relevant du détail, il est au contraire essentiel dans l’estime et la (re)construction de soi. La preuve lors du Salon bien-être solidaire, organisé par l’association Bulles Solidaires, le 25 novembre dernier au Centre d’hébergement et de réinsertion sociale de Vitré.  

Pour lutter contre l’exclusion et la grande précarité, le ministère des Solidarités brigue plusieurs axes de travail : l’égalité des chances dès le plus jeune âge, la garantie des droits fondamentaux des enfants, la garantie d’un parcours de formation pour tous les jeunes, une orientation vers des droits sociaux plus accessibles, plus équitables et plus incitatifs à l’activité et l’investissement pour l’accompagnement de tous vers l’emploi. En attendant la mise en place concrète des 5 engagements de la stratégie pauvreté, hors langue de bois, blabla gouvernemental et promesses inatteignables concernant les leviers d’action, il faut agir. Sur le terrain. 

Aux Tertres Noirs, les couloirs en pierre de l’ancien monastère de Vitré sont investis par les stands de distribution de vêtements, de produits d’hygiène et cosmétiques ou encore de collation. Les cris vainqueurs des enfants s’égosillant au baby foot résonnent joyeusement dans l’établissement et animent la foule qui attend patiemment devant la porte vitrée du salon éphémère de coiffure, installé pour l’occasion.

Cette occasion, c’est l’événement organisé l’après-midi du dimanche 25 novembre par l’association Bulles Solidaires, au Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) : le Salon solidaire Bien-être, réunissant des professionnelles de la coiffure, de l’esthétique et du massage - venues ce jour-là bénévolement – et des membres de l’association renno-vitréenne.

Un exemple concret de solidarité démontrant l’importance du prendre soin dans les parcours des personnes en grande précarité. Souvent, on pense l’hygiène comme secondaire dans la vie et les besoins des individus les plus démunis. À tort.

Son importance est reconnue dans la construction de sa propre image et donc l’estime de soi et la confiance, essentielles pour se sentir bien, ou au moins mieux, dans son corps mais aussi pour pouvoir effectuer des démarches nécessaires au retour à l’emploi et à l’autonomie. 

COMBLER LE MANQUE

Le recours à la socio-esthétique n’est pas rare en milieu hospitalier ou dans les maisons de retraite. Dans des situations de perturbation de l’estime de soi, d’isolement social, de fatigue physique et/ou morale, les soins d’hygiène et de beauté participent à retrouver une certaine image de soi et peut également aider à renouer un contact social.

Parce qu’ils constituent un instant privilégié dans l’écoute et l’attention mais aussi dans le rapport au corps et aux conséquences des vécus, que ce soit après ou pendant le traitement d’un cancer, dans le constat des effets du vieillissement, dans la reconstruction personnelle après avoir subi des violences ou encore dans une période de grandes difficultés financières et matérielles.

Dans le cas de la lutte contre l’exclusion et la pauvreté et dans l’accompagnement des personnes défavorisées, la priorité est mise sur l’alimentation, les vêtements et l’hébergement. L’hygiène faisant plutôt l’objet d’actions ponctuelles.

« Il y a plein d’assos dans ce secteur. Peu sont spécifiques à l’hygiène. On a appelé les structures parisiennes et rennaises pour leur demander ce qu’elles pensaient du projet et elles nous ont dit de foncer ! Parce qu’il y a une forte demande. », nous expliquait Laure-Anna Galeandro-Diamant, en mars dernier.

Bulles Solidaires, l’association qu’elle a fondée et qu’elle préside depuis septembre 2017, a pour vocation de collecter des échantillons et produits d’hygiène corporelle – non entamés, non périmés – via le bouche à oreille, le démarchage de pharmacies, les instituts de beauté et hôtels, les boites de collecte et les actions devant les supermarchés. « Au début, on s’est dit qu’on allait compter mais on a vite été dépassé-e-s. On a commencé à peser à partir de septembre 2018. On avait 198 kilos de produits collectés. », souligne Laure-Anna.

En octobre, le chiffre monte en flèche. Près de 680 kilos récoltés en six collectes. « C’est trop trop bien ! », s’enthousiasme Anaëlle Giraurdeau, 20 ans. En étude pour devenir éducatrice spécialisée à l’école Askoria de Rennes, elle a effectué un stage de plusieurs mois dans l’association dont la présidente effectue la même formation :

« On a fait pas mal de missions différentes. La récolte de produits dans des magasins comme Biocoop ou Avril ou devant les supermarchés, la promo de l’association au festival Tam Tam, le tri et la préparation des colis pour le Secours populaire, le foyer Saint Benoit Labre de Rennes, les structures comme Le Puzzle, Leperdit, etc. On a trié les produits selon les besoins. On a tout un tableau avec le public de chaque établissement et le nombre de personnes. Ça aide à cibler au mieux les besoins.

Si par exemple, c’est une structure dans laquelle il y a beaucoup d’hommes, on va mettre davantage de rasoirs, de mousse à raser, etc. Si c’est une structure qui accueille plutôt les familles, on va mettre des couches, des biberons, etc. Pour les femmes, plutôt des tampons ou des serviettes. Pendant les collectes, on en parlait pas mal avec les gens en les sensibilisant : vous êtes une femme, vivant dans la rue, vous n’avez pas de tampons ou de serviettes, vous faites comment ? »

DROIT À LA DIGNITÉ

Autre volet de l’association : la distribution. À travers les maraudes ou les salons. En 2017, un salon de coiffure éphémère et solidaire a eu lieu sur la place de la République à Rennes, auquel Bulles Solidaires a participé avant d’organiser son propre événement au CHRS de Vitré en avril puis en novembre.

« Je suis aussi en formation d’éducatrice spécialisée, j’aurais pu être allégée du stage car j’avais déjà une expérience dans le social mais auprès d’un autre public. En découvrant l’association, il m’est apparu essentiel de s’intéresser au côté hygiène. J’ai donc voulu faire mon stage ici. J’attendais vraiment les maraudes. C’est à nous d’aller vers eux, de sortir de notre cadre. Dans la rue, on passe devant les gens sans les regarder, sans leur parler. J’avais envie de rencontrer ce public qu’on marginalise beaucoup trop. Parfois en collecte devant les supermarchés, les gens étaient surpris qu’on récolte des produits d’hygiène et plusieurs produits d’hygiène. On a eu le droit à « Les gens dans la rue veulent choisir ? » ou « Du déodorant ? Pour mettre du propre sur du sale ? ». Ce sont des gens comme tout le monde qui ont le droit d’avoir une estime correcte d’eux-mêmes. », précise Manon Le Pennec, 19 ans. 

Le Salon solidaire Bien-être se veut convivial, dédié au prendre soin des résident-e-s du lieu mais aussi aux bénéficiaires des Restos du cœur, de l’Epicerie solidaire, du réseau partenarial de l’AIS 35 (Association pour l’Insertion Sociale). Et c’est un succès. Malgré l’annulation de certaines professionnelles survenue à la dernière minute, le public lui est au rendez-vous et déambule entre les différents stands et les différentes salles.

Entre la pose de vernis et la coupe de cheveux, les produits sont à disposition des participant-e-s. Maquillage, dentifrice, gel douche, shampooing, crème hydratante pour le visage, les mains et le corps, tampons, démaquillant, masques pour le visage, cotons, tétines, soins pour le change des bébés, les un-e-s et les autres passent devant, observent, demandent l’autorisation et prennent ce dont ils et elles ont besoin et envie. Pareil avec les habits ou les jeux.

« On a connu l’association grâce à un article dans le journal. On a rencontré Laure-Anna et le premier salon s’est très très bien passé. Certains ont dit que ça permettait de reprendre confiance. Ils changent de regard sur eux mais le regard des autres sur eux change aussi ! Ça fait beaucoup ! », confie Manuella Martineau, animatrice au CHRS de Vitré.

La cheffe de service, Guillemette Rebours, confirme : « Tout le travail ici consiste à accompagner les personnes d’un point de vue global. La confiance en soi et l’estime de soi ne sont pas des sujets faciles à aborder. Venir prendre soin de soi, pour eux qui n’ont pas une bonne image d’eux-mêmes, n’est pas facile. Sur le premier salon, il y a eu de très bons retours parce que les personnes se sont senties choyées. C’est pourquoi on le refait. Et c’est une action qui ne s’arrête pas à aujourd’hui. Ensuite, à nous ici de faire en sorte que la personne garde cette image-là. »

La structure dispose de 33 places, attribuées par une commission, en chambres individuelles ou en studios, ces derniers étant majoritairement attribués à des femmes seules ou avec enfants. Aussi, 15 places supplémentaires sont prévues pour l’hébergement d’urgence.

« Dans ce cas, il s’agit d’une mise à l’abri, qui va de trois jours à une semaine, selon les besoins. Sinon, au CHRS,les personnes peuvent y accéder pendant 6 mois, ce qui laisse le temps de se poser. La durée est renouvelable. Elles sont là parce qu’à un moment donné de leurs parcours, elles ont besoin d’être accompagnées dans leurs démarches et/ou hébergées. Parce que selon où elles en sont, avoir un logement autonome est encore compliqué. Ici, nous proposons des ateliers d’adaptation à la vie active avec des moniteurs d’activité. Ça peut être du maraichage, le travail du bois, le chauffage, la cuisine, l’entretien des locaux. Ce sont des ateliers, pas un travail, mais qui permettent de retrouver un rythme de vie. », explique-t-elle. 

L’ÉMOTION DU TEMPS DONNÉ ET PARTAGÉ

L’organisation d’un événement plaçant au centre de celui-ci leur bien-être est accueillie avec beaucoup d’émotions. C’est ce dont témoignent Zara, 49 ans, et Dominique, 58 ans. « C’est un bon geste. Une bonne initiative pour les gens qui n’ont pas le temps et les moyens de prendre soin d’eux. », dit la première, rejointe par son amie :

« Ça apporte du réconfort, du partage. Ça fait plaisir, c’est du temps qu’on nous donne gratuitement, un dimanche, et c’est un très bon moment. Je suis allée au salon de coiffure faire un rafraichissement. J’ai pu discuter avec la coiffeuse. Au maquillage et au vernis, pareil, j’ai échangé avec la personne et j’ai reçu des conseils par rapport à mes besoins. »

Elles le confient sans difficulté, elles se sentent parfois abandonnées. Et se délaissent. Pendant un temps, Dominique ne portait que des habits noirs : « Ma fille m’a boostée, j’ai ressorti les couleurs, me suis reprise en main. Je suis ici depuis un an. On a envie de montrer une belle image de nous. Ce renouveau, ça redonne confiance en nous. On se dit qu’on peut être comme avant, ne pas se négliger et rester dans le contexte ! » Zara approuve. Et ajoute en souriant :

« C’est l’occasion de se « coquiner » ! D’être désirable pour soi-même, c’est important ! On prend soin de nous. Les personnes donnent de leur temps pour nous, l’échange est bien passé et c’est un bel accueil qui donne envie de revenir ! On a envie de remercier tout le monde, l’association, les bénévoles, les professionnelles, le CHRS, tout ça c’est grâce à eux ! »

À côté d’elles, Alexandra, originaire d’Arménie, le visage radieux, écoute attentivement et discrètement. Elle s’apprête à se faire masser, des étoiles dans les yeux en entendant le commentaire de la personne précédente, fraichement sortie de la salle : « C’est la première fois qu’on me fait un massage. Elles ont des mains de fée, c’est génial ! »

Un ressenti qu’Alexandra partagera quelques dizaines de minutes plus tard : « Ça fait du bien ! Je sais que j’ai mal parce que je suis vieille mais ça fait du bien ! » Elle poursuit en rigolant :

« Je n’ai pas besoin de me faire coiffer, d’avoir du maquillage ou des ongles… Mais l’épaule, oui, j’ai mal. C’est important ça. »  

PRENDRE SOIN DES PETITES ACTIONS

Dans les couloirs, grouillent les échanges autour de ce que chacun-e vient de vivre et les conseils aux un-e-s et aux autres entre les « Ça te va super bien ! », « Moi je suis pas très maquillage, par contre le soin des mains, j’ai adoré », « Tu n’es pas allée te faire coiffer ? Tu devrais y aller, y a plus trop de monde » ou encore les « T’as testé le massage ? C’est top ! », « Wah ça te va très bien ce vernis, pour le maquillage, je suis d’accord mais léger, hein ?! », « Vous avez des préservatifs ou du gel pour les cheveux ? ».

Dans les salles, règne l’harmonie de l’ambiance intimiste et paisible instaurée à cet effet. Hommes et femmes déambulent d’une pièce à l’autre, poussé-e-s par la curiosité et l’envie de profiter de ces instants suspendus de soin et de cocooning.

« En maraude, les gens sont assez surpris mais sont heureux qu’on leur propose des produits d’hygiène, ils n’ont pas l’habitude. Au début, ils disent souvent non puis ils reviennent nous voir. Qu’on prenne soin des personnes qui sont ici, c’est une pause pour elles. Elles se font chouchouter. Les personnes en situation de grande précarité, c’est un sujet tabou. Moi, je n’ai jamais été confrontée à ça et ça me plait d’abattre les barrières, de pouvoir être en contact avec elles. La distribution, c’est l’opportunité d’un vrai contact humain. Ce sont des personnes humaines, comme vous et moi malgré les difficultés. Les petites actions sont vraiment utiles. C’est important de faire ces petites actions. », commente Anaëlle Giraurdeau. 

PARTAGE DE L’INTIME

Du don de produits d’hygiène et de beauté à la capacité d’écoute, tout le monde peut agir par solidarité. Selon son temps et ses moyens. Ou même ses compétences.

« Ça les a marqué-e-s et ça leur a fait plaisir qu’on vienne bénévolement. Et nous, ça nous fait plaisir de les voir content-e-s, de les aider. Ça donne un coup de boost à tout le monde ! »
précise Marine Simon, 20 ans, coiffeuse en apprentissage, venue avec sa responsable et une collègue.

D’autres professionnelles ont annulé à la dernière minute. Malgré cela, près de cinquante personnes - enfants, femmes et hommes - ont pu bénéficier du salon de coiffure solidaire. Un terme qui prend d’autant de sens lorsque c’est une participante qui prend au pied levé le remplacement d’une des coiffeuses attendues à l’événement.

« Je venais aujourd’hui pour me faire coiffer pour un entretien demain. J’ai filé un coup de main aujourd’hui mais je me suis fait coiffer quand même ! J’ai participé au prendre soin et on a pris soin de moi. C’est un échange de bons procédés ! », s’enthousiasme Cécile Justal, 48 ans.

Les sourires illuminent les visages, les mercis pleuvent, dans la formulation comme dans le regard. C’est un après-midi sous le signe de la solidarité et de la bienveillance, de l’écoute et du partage de l’intime. Un après-midi bien-être durant lequel personne n’est exclu, malgré l’idée reçue que l’on pourrait avoir visant à penser que les hommes se tiendraient à l’écart.

« Ça c’est super bien ! Je le dis aux bénévoles au début : les parfums et les crèmes hydratantes ne doivent pas être distribués qu’aux femmes. Les hommes sont tout aussi coquets et apprécient ces moments où l’on s’occupe d’eux. Tout le monde en a besoin, de se faire bichonner… On arrête de penser aux tracas. », livre Laure-Anna Galeandro-Diamant, dressant un premier bilan à chaud, vers 17h, lorsque tout le monde remballe. 

L’EFFET DOMINO

Visages, mains, cheveux, ongles, épaules et dos ont été choyés, massés, crémés, vernis, selon les besoins et les envies. Tout le monde n’a pas toujours osé pousser la porte de chaque salle, mais la possibilité a été offerte. De participer à une activité, de se restaurer, de prendre des produits ou des vêtements, de profiter des soins corporels, de recevoir des conseils. D’être écouté-e-s, considéré-e-s.

« Il s’est passé plein de choses. En terme d’échange, ça a été très riche. Une femme m’a dit qu’elle était battue, surendettée… Juste le fait d’être là, avec elle, a fait qu’elle m’a confié ça. », souligne la présidente de Bulles Solidaires, légèrement étourdie par le poids de la journée – et des semaines précédant la concrétisation de l’événement – et le flot d’informations et d’émotions circulant encore dans l’ancien monastère. 

Quelques heures auparavant, elle se réjouissait de l’aide spontanée qu’avaient proposé deux participants au Salon pour ranger le lieu, au fur et à mesure.

« J’adore, c’est super chouette ! C’est un autre volet de l’association : le peu que je fais permet aux gens de voir à quel point ça leur plait de s’investir. Les stagiaires se sont éclaté-e-s, les bénévoles aussi, les intervenant-e-s aussi. On peut tou-te-s le faire. Il suffit d’insuffler cette motivation, cette envie et de prendre exemple. Mes parents m’ont donné l’envie de m’engager très tôt mais n’importe qui peut le faire ! C’est une question de temps. Avant, je n’avais jamais monté d’association, d’événement comme celui-là… Tout le monde peut le faire ! », conclut Laure-Anna, 24 ans, optimiste solidaire convaincue de « l’effet domino dans le sens positif ! »

Tab title: 
L'instant suspendu du prendre soin
Une solidarité au service du bien-être
Tou-te-s concerné-e-s !

Célian Ramis

En quête du bien-être

Posts section: 
List image: 
Summary: 
L'heure est à la remise en question. Et ça tombe bien car les médecines non conventionnelles surfent sur l'air du temps, mais pourquoi un tel succès ?
Text: 

La tendance est à la remise en question. Une remise en question qui interroge notre société et nos pratiques, nos automatismes, notre quotidien. Et la médecine dite traditionnelle n’y échappe pas. L’importance, pour ne pas dire le monopole, de l’industrie pharmaceutique, les nombreux scandales autour de certains médicaments (Mediator, Alli, pilules 3ème génération, etc.), la déshumanisation et le manque d’écoute (dû au manque de temps) accordé aux patients, tendent à interpeller et à questionner les occidentaux. Les institutions européennes - le Parlement et le Conseil de l’Europe - se sont penchées sur la question des médecines non conventionnelles définies - par le Parlement en 1997 - comme « les procédés thérapeutiques qui ne relèvent pas, ou pas encore, de la médecine traditionnelle, qui entrainent très probablement la guérison qu’ils promettent et dont l’exercice n’est pas nécessairement lié à l’obtention d’un diplôme d’État dans le domaine de la science médicale » et en appellent à la reconnaissance de ces médecines et nouvelles professions de santé, à condition d’en encadrer strictement l’exercice et la formation.

À plus haute échelle, l’Organisation Mondiale de la Santé se prononce en faveur « de leur intégration dans les systèmes de santé pour compléter la gamme de soins offerts aux patients », précise la note d’analyse n°290 du Centre d’Analyse Stratégique (CAS), en octobre 2012 (Rapport : Quelle réponse des pouvoirs publics à l’engouement pour les médecines non conventionnelles ?). 

En Suisse, le ministère de la Santé a accordé six années « test » à 5 disciplines non conventionnelles (médecine anthroposophique, homéopathie, médecine traditionnelle chinoise, thérapie neurale et phytothérapie). En Allemagne, il existe plus de 20 000 Heilpraktiker : des « non médecins » utilisant des techniques non conventionnelles pour traiter les problèmes physiques ou psychiques. Le CAS explique qu’afin d’obtenir le titre, ils « doivent réussir un examen (connaissances cliniques et physiologiques de base et points de droit)  ».

Un examen dont le taux de réussite ne dépasse pas 20%. En France, pas de reconnaissance officielle mais une ouverture sur la complémentarité des médecines, avec l’exemple de l’AP-HP (Assistance publique-hôpitaux de Paris) adoptant dans son plan 2010-2014 un volet sur ces pratiques et créant, en 2011, un centre intégré de médecine chinoise. Aussi, le Centre de Médecines Douces du Mans fait intervenir des acuponcteurs, kinésiologues, naturopathes, ostéopathes ou encore des sophrologues. Et même dans la capitale bretonne, les professionnels de la santé y ont recours. Tel est le cas du centre d’évaluation et du traitement de la douleur – à Pontchaillou – qui utilise l’hypnose. Si peu de médecins acceptent de répondre à nos questions, ils confient néanmoins que ces médecines pourraient être intégrées, dans un cadre de prévention santé.

« Nous ne sommes pas des médecins, nous ne soignons pas, nous apportons du bien-être  », déclare Sylvie Hurel, coach de vie - aromatologue et co-gérante de la Maison du Bien-Être à Rennes. Quant à Laura Lefebvre, énergéticienne-géobiologue-naturopathe, installée à Betton, elle est convaincue « qu’on ne fera jamais l’économie des médecins ! Ce sont les seuls capables de poser un diagnostic et d’accompagner efficacement un malade  ». L’enjeu est ailleurs. Le clivage entre médecines proviendrait principalement de l’industrie pharmaceutique bien décidée à verrouiller les potentielles alternatives susceptibles de diminuer le besoin de médicaments.

Et concernant la baisse d’intérêt des français pour la médecine classique, il semblerait que plusieurs raisons entrent en jeu, et notamment celle du manque d’écoute et d’attention des médecins face à leurs patients. De là nait un véritable engouement pour les pratiques holistiques - la personne est prise en compte dans sa globalité, sans dissociation du corps et de l’esprit.

« La médecine traite les symptômes mais pas les causes. En général, lorsque l’on va chez le médecin, la maladie est au stade 4. Nous sommes là pour intervenir avant ».
Isabelle Hernandez, praticienne en âyurveda.

Le corps comme signal d’alerte. Pour nous faire comprendre « qu’on a fait fausse route  », selon Laura Lefebvre, avant de préciser : « Ce n’est pas pour nous punir. Il n’y a pas de culpabilité à avoir. Ce qui est important de comprendre, c’est que l’on est responsable de sa santé, que l’on en soit conscient ou non ».

UN ESPRIT SAIN DANS UN CORPS SAIN ?

Les praticiennes rencontrées ont en commun leurs parcours atypiques. Aucune ne se destinait à devenir praticienne du bien-être. Seule Emmanuelle Royer (photo ci-contre / photo de Une) a commencé le yoga à l’âge de 12 ans et n’a pas cessé de le pratiquer depuis. À 20 ans, elle approfondit ses connaissances par des stages et des retraites puis passe des examens en Asie, où elle vit à cette époque, et se spécialise dans le Hatha yoga, pratique la plus ancienne en Inde.

En 2007, elle ouvre son studio à Rennes, Pur Yoga. « C’est une philosophie de vie basée sur la respiration et l’alignement dans les postures. On oxygène son sang, ce qui permet de mieux nourrir nos muscles et nos organes. On mange mieux, on dort mieux, on est plus relâché et on se muscle partout », explique-t-elle. Une pratique qui s’apparente à du sport, sans en être un. Les postures sont physiques, les mouvements sont doux et apaisants, les bienfaits s’en font rapidement ressentir.

Laura Lefebvre avait ça dans ses tripes, elle voulait être médecin. Elle s’orientera dans les ressources humaines avant de devenir énergéticienne en 1995 : « C’est un cheminement de vie. Mais je pense qu’il faut avoir ça au fond de nous pour le pratiquer, c’est une vocation ». Dans l’énergétique, on se détache du principe du corps physique :

« on considère que le problème de santé est présent dans le corps énergétique avant d’arriver dans le corps physique  ».

Grâce aux centres d’énergie – les chakras sont reliés à un ou plusieurs organes vitaux – la praticienne rétablit la bonne circulation pour retrouver son équilibre. Plusieurs outils permettent de réaliser le bilan énergétique, à l’aide de la radiesthésie (utilisation de la baguette, du pendule, de l’antenne de Lecher) ou de la géobiologie qui travaille sur les phénomènes concernant la personne dans son lieu de vie et/ou de travail. Elle en vient ensuite à la naturopathie. Une pratique qui axe les consultations sur des aspects physiques et sur l’hygiène de vie. Le but : rééquilibrer le corps en utilisant des compléments alimentaires, des bourgeons, des huiles essentielles ou encore des élixirs floraux.

Solenn Tilly s’est elle aussi orientée vers l’énergétique et la naturopathie, après avoir travaillé dans l’agroalimentaire. C’est à la naissance de sa fille qu’elle réalise qu’elle n’aime pas lui donner des sirops en guise de traitements : « trop sucrés, trop de rechutes  ». En fouillant dans les biocoop, en diversifiant l’alimentation, elle finit par suivre des séminaires sur la naturopathie. « Ça a été une révélation. J’y suis retournée pendant 4 – 5 ans, 3 fois par an en moyenne avant d’obtenir, en 2009, le diplôme CERS-TA, de Heilpraktiker », se souvient-elle.

En 2008, elle s’est formée à la pratique de l’antenne de Lecher. Une méthode qui vise à définir, par les vibrations qu’émet ou non l’antenne, les zones du corps énergétique à rééquilibrer :

« On utilise les points d’entrée de la médecine chinoise et on interroge l’antenne sur les besoins en huiles essentielles, en fleurs de Bach, en oligoéléments, en homéopathie, etc.  ».

Pour Solenn Tilly, pas de pression à avoir, chacun doit s’écouter. « On conseille, on oriente vers des plantes, des sons, des thérapies naturelles afin de soigner les terrains dévitalisés. Cela passe souvent par des changements de comportements alimentaires  », précise-t-elle.

L’alimentation est souvent cause de déséquilibrage corporel. Isabelle Hernandez en est convaincue et le confirme : 90% des préconisations données concernent la diététique. « J’ai des patientes qui mangent sainement et qui pensent bien faire. Mais il faut connaître sa propre constitution pour être en bonne santé  », souligne-t-elle. Après une expérience dans une agence de publicité, elle devient, à 23 ans, formatrice dans un centre auprès de personnes handicapées en région parisienne.

Elle se plonge dans le yoga et se forme en parallèle de son boulot, ce qui la mènera petit à petit à la pratique de l’âyurveda en autodidacte. « Et il y a 4 ans, j’ai fait un burn-out. J’étais dans le trop », commente-t-elle. Elle prend le temps de s’écouter, de revenir en Bretagne et d’approfondir ses connaissances de la médecine traditionnelle indienne, vieille de 5 millénaires : « je me suis reconnectée à ma nature ».

Depuis deux ans et demi, la praticienne reçoit une majorité de femmes pour des bilans ou des massages ayurvédiques en suivant sa règle d’or :

« Pas plus de quatre personnes par jour et pas plus de deux massages. Il faut pouvoir être disponible et à l’écoute. Et puis avant chaque consultation, je dois méditer pour me recentrer et être dans les meilleures conditions  ».

La médecine indienne part du principe que tout l’univers est constitué des 5 éléments (éther, air, feu, eau et terre) dans des proportions différentes. Ils sont réunis en trois doshas (énergies vitales combinant un ou plusieurs des 5 éléments) : Vata, Pitta et Kapha. « Nous avons tous un ou deux doshas prédominants, c’est notre constitution de naissance, celle qui influence notre personnalité et notre corps. Il faut la maintenir durant sa vie pour être en bonne santé, dans le sens d’épanoui  », selon la spécialiste.

Elle définit la constitution de naissance et détermine à quel point la personne s’en est éloignée ou à l’inverse est dans l’excès. L’intervention se fait ensuite sur la diététique et/ou sur le style de vie. Des positions de yoga pourront être prescrites « car c’est un outil important de l’âyurveda  ».

Autre médecine non conventionnelle, la kinésiologie. Sophie Tchékaloff exerce cette profession depuis septembre 2012, quartier Saint-Hélier. Avant, elle a passé 17 ans dans l’agroalimentaire en tant que responsable qualité. En parallèle, elle pratique la danse « pour nourrir le besoin de laisser s’exprimer mon corps  ». Quand elle décide de se réorienter, il lui semble naturel en lisant la définition de la kinésiologie de suivre cette voie : « ça m’a parlé car on prend en compte du corps, en travaillant les mémoires corporelles  ».

Après une formation à Nantes, elle obtient son diplôme et s’établit à son compte. En kinésiologie, les points d’entrée utilisés sont les différents méridiens du corps. Le professionnel va alors les rééquilibrer :

« On donne du sens à une douleur, on réajuste. On étudie ce que le corps ramène à la conscience. C’est lui qui nous mène et nous guide ».

Pour cela, Sophie Tchékaloff se munie de plusieurs listes constituant un guide d’entretien. Le test musculaire va lui permettre d’établir un dialogue avec le corps via les bras de la patiente, qui répondent par oui ou par non, en utilisant la tonicité ou le relâchement des muscles sans contrôle conscient du cerveau. « C’est une communication énergétique qui s’établit. Le corps sait de quoi il a besoin  », confie-t-elle.

Tout son savoir-faire repose sur les mémoires du corps, depuis sa vie intra-utéro à l’instant T. Il pose son traumatisme, permettant ainsi à la spécialiste de rectifier via des remèdes naturels, comme les huiles essentielles, des sons, des mouvements, des symboles, etc. : « je suis l’intermédiaire entre le corps et la conscience de la personne. Ensuite, c’est un travail de développement personnel. »

MAJORITÉ FÉMININE

Les praticiennes sont, en majorité de sexe féminin. Idem pour la clientèle. Selon Isabelle Hernandez, « elles ont besoin de se reconnecter à ce qu’elles sont ». Un premier pas se fait souvent dans le cadre d’une guérison puis s’élargit à une philosophie de vie due à une prise de conscience. Une prise de conscience qui se généralise depuis 4 – 5 ans, selon les praticiennes.

« Il y a une vraie demande, ça devient presque incontournable. On devient soucieux de son bien-être. On commence à se lasser de la prise de médicaments, on essaye de trouver d’autres solutions  »
Laura Lefebvre, énergéticienne-géobiologue-naturopathe.

Pour Solenn Tilly, il est primordial de retrouver l’estime de soi et de s’écouter : « Il faut le faire en douceur pour ne pas choquer le cerveau  ».

Emilie* vit à Rennes. Issue d’une famille attentive au bien manger et aux alternatives des médicaments – homéopathie, acuponcture – elle participe aux constellations familiales, en individuel dans un premier temps en 2006, animées par Véronique Ghezel. Puis de manière collective en 2009 et travaille sur de lourds héritages émotionnels familiaux. Il y a un an, elle s’est formée avec Laura Lefebvre à la pratique du reiki – qui fait appel au magnétisme :

« Cela équilibre les parties du corps, c’est doux, chaud, très cocooning. C’est important de le pratiquer sur soi pour être disponible pour les autres  ».

Elle apprécie la considération holistique de l’être humain. Une manière aussi d’aller plus loin « dans la connaissance de notre propre personne. C’est le travail d’une vie !  »

LE BIEN-ÊTRE : UN MARCHÉ CONVOITÉ

Actuellement, nombreuses sont les praticiennes à s’installer en milieu urbain, ou en périphérie. Et les Rennais en sont friands. Pour Laura Lefebvre, « il y a une évolution positive du côté clientes, surtout sur le bassin rennais  ». Isabelle Hernandez, souligne une ouverture d’esprit et une réelle prise de conscience de la part des bretons, qui viendrait de leur naturel, de leur simplicité et de leur authenticité. Pourtant ces pratiques n’étant pas reconnues et intégrées officiellement dans la communauté médicale traditionnelle, les consultations ne sont pas remboursées.

En moyenne, elles oscillent entre 50 et 70 euros la séance (entre 1h et 2h). « Ce n’est pas une thérapie classique. Généralement, les femmes viennent de manière ponctuelle. Certaines reviennent mais elles le font quand elles en ont besoin. On leur donne des clés pour s’adapter au quotidien », explique Florence Delaune, coach sophrologue et co-gérante de la Maison du Bien-Être de Rennes. La structure qu’elle gère avec Sylvie Hurel permet à de nombreuses praticiennes de partager les locaux mais aussi leurs expériences et leurs pratiques.

Chaque mois, des ateliers, des conférences et des Happy Lab sont proposés en lien avec le bonheur, le bien-être, les différentes pratiques encadrées dans ce domaine. À Rennes, il suffit de naviguer sur Internet pour trouver bon nombre d’animations organisées par les associations, les praticiennes ou encore des structures telles que l’association Joséehoued, qui organisait le 21 février dernier une conférence animée par la chaman Elli Mizikas.

À cette même date s’ouvrait le salon Bio Respire la vie, au parc expo de Rennes. Durant trois jours, une multitude de stands de cristaux, massages, naturopathie, géobiologie, feng-shui, huiles essentielles entre autres, étaient à la disposition des curieux à l’affut de toutes les pratiques et nouveautés en terme de bien-être.

Les médecines non conventionnelles bénéficient donc d’un intérêt certain depuis plusieurs années et tendent à se démocratiser. Un bémol survient alors : « L’industrie a bien compris que ça marchait et met la main sur certains produits de type lait de soja. Elle popularise l’information mais ne sensibilise pas  », conclut Solenn Tilly.

  • Le prénom a été modifié

Isabelle gillet, magnétiseuse : Au quotidien, Isabelle Gillet propose ses conseils et ses études : en Feng Shui, en Géobiologie et en Home Staging. Dans la discrétion, elle partage ses talents de magnétiseuse. Un don qu’elle découvre dès l’âge de 20 ans. Il consiste à utiliser son énergie ou l’énergie captée pour soulager une douleur, enlever une verrue ou cicatriser une brûlure. « J’appose mes mains sur un individu ou sur une photo. Je ferme les yeux et je me concentre pour que l’énergie pénètre. J’éprouve un ressenti, comme des fourmis et lorsque mon corps est fatigué, je m’arrête  », décrit la magnétiseuse. En général, une pratique de 15 minutes tous les 2 ou 3 jours suffit pour éradiquer le problème.

Pour profiter de ce don, le prix s’élève entre 20 et 25 euros (2 à 3 séances). Elle éprouve également des ressentis physiques avec les lieux : des vertiges, des évanouissements lorsque les énergies y sont négatives : « Je suis allée dans une maison à Rennes où une dame était gênée par une pièce. Je me suis effondrée.  » Après des recherches, sa réaction est expliquée. Il s’agissait d’un lieu de torture pendant la seconde guerre mondiale. Pour guérir l’habitat, elle y pratique un nettoyage énergétique. « Une remise à niveau, où j’utilise de l’encens, du sel ou des bols tibétains pendant plus d’une heure  », détaille-t-elle.

Elli Mizikas, shamanka et éveilleuse d’âme : Spécialiste des mythes, des contes et des traditions populaires, psychothérapeute et écrivain, Elli Mizikas rencontre durant ses voyages de nombreux maîtres chamaniques. Elle décide, à son tour, de transmettre ses connaissances lors de conférences, de formations, d’ateliers, sans s’affilier à une tradition en particulier. Il sert à faire découvrir, naître et réconcilier les gens avec les énergies, pour guérir et soigner. Cela passe par la méditation profonde, la danse, les rituels, l’utilisation de plantes, de minéraux et d’outils (crânes, bâtons). « Le chamanisme m’a apporté beaucoup sur la compréhension psychiatrique des individus  », explique-t-elle.

Elle utilise « nos mots, pour parler de leur sagesse à eux, afin que nous puissions nous réapproprier leurs merveilles  ». Elli Mizikas s’est intéressée très tôt aux espaces ésotériques, dès l’âge de 6 ans, en posant beaucoup de questions aux adultes, comme une soif de comprendre tous les mystères de l’existence. Aujourd’hui, elle continue de se former. « Il faut travailler sur soi, sur l’ensemble de l’être et expérimenter  » avoue-t-elle avant de préciser que « chaque chamanisme est une parcelle de vérité et une mise en forme qui est propre à chaque culture  ». C’est pour cette raison qu’elle n’exclut aucune famille. « Les chamans ont une connaissance de la terre, de la vie et de la psyché humaine que certains scientifiques ne découvrent que maintenant  », conclut-elle.

Anna, panseuse de feu : Surprise de panser les brûlures, Anna reste discrète sur son don : « Je suis quelqu’un de terre à terre  ». Lorsqu’elle pose ses mains à côté d’une plaie, la douleur disparaît. « Mes mains deviennent chaudes  », explique-t-elle. Et la personne se sent soulagée. « Ma mère était enceinte de quelques semaines lorsqu’un feu s’est déclaré dans la maison. Le voisin lui a dit que son bébé serait panseur de feu  ». Sa prédiction se confirme : Anna soulage, très jeune, une femme brûlée par l’huile d’une friteuse. Elle vient en aide à ceux qui le lui demandent. « Jamais, je ne le ferai payer. Ce serait une aberration pour moi », précise-t-elle.

Le docteur Philippe Rault est médecin anesthésiste au Centre Hospitalier Universitaire de Rennes. Il est responsable du centre d’évaluation et du traitement de la douleur. Il y pratique une thérapie complémentaire : l’hypnose ericksonienne. Il nous explique…

En quoi consiste l’hypnose ericksonienne ?

Il s’agit d’une hypnose assez originale, mise au point par l’américain Milton Hyland Erickson. Un homme très astucieux qui a développé une technique très personnelle pour aider les patients à trouver des ressources en eux - afin de répondre à leurs questions de santé mentale et physique. Jeune, il avait contracté la polio. Pour ne pas être paralysé, il a travaillé sur son mental. Il a imaginé ses muscles en activité et ça a fonctionné : il n’a pas connu le destin tragique qu’on lui prédisait. Il a voulu aider les autres.

Dans quel cas utilisez-vous cette technique sur vos patients ?

Je la pratique en cas de douleurs chroniques, c’est-à-dire d’au moins trois mois. Chez des personnes souffrant de migraines, de problèmes lombalgiques, neurologiques, mais aussi lorsqu’elles ont une contre-indication ou refusent d’être anesthésiées. Je l’utilise comme moyen alternatif pour la réalisation d’une coloscopie, par exemple. Le patient est éveillé et entre dans une transe hypnotique où la douleur est différente. Sa partie émotionnelle est déconnectée de sa partie sensorielle, ce qui lui permet de trouver la solution en lui, pour mieux supporter la douleur. On est dans une concentration intérieure où la transe est comparable à celle que nous vivons lorsque nous sommes perdus dans nos pensées.

Comment cela fonctionne ?

Le médecin s’assure de la motivation du patient et entretient un lien thérapeutique avec lui. Lors de l’hypnose, il l’accompagne dans un souvenir agréable, l’invite - avec des mots positifs, une voix tranquille et monocorde - à entrer dans des pensées positives. Plus le patient est dans ses idées réconfortantes, moins il est dans la salle d’examen et donc dans la douleur.

Il s’agit ici d’une thérapie dite complémentaire. A-t-elle pour vocation de se substituer au traitement médical ?

En aucun cas l’hypnose ne remplace le traitement de départ. Elle vient toujours en complément. Pour la douleur, elle fait partie de l’arsenal pour soigner le patient, au même titre que les médicaments, la chirurgie, la kinésithérapie ou l’homéopathie. Elle n’est pas une fin mais un moyen de traiter la douleur.

Peut-on dire, dans le cas de traitement contre la douleur, que la médecine traditionnelle et les thérapies non conventionnelles se complètent ?

Oui, elles peuvent fonctionner ensemble en harmonie. La médecine classique repose sur les médicaments et la technique alors que les thérapies complémentaires apportent une synergie sans oublier l’aspect psychologique. Elles fonctionnent toujours (à moins que le thérapeute soit incompétent ou le patient résistant) et offrent un bon complément. Cependant, à la différence de la médecine, l’hypnose n’est pas remboursée par la caisse d’assurance maladie. Du coup, je la pratique en consultation classique pour que les patients soient dédommagés financièrement.

L’hypnose traite-t-elle le patient dans son ensemble ?

Elle offre une vision globale, écologique et systémique du patient. Ce dernier est perçu comme un système complexe dans lequel il doit trouver sa place.

Le 5 mars 2013, l’académie de médecine a publié un rapport sur ces thérapies - incluant l’hypnose, la médecine manuelle, le tai-chi et l’acupuncture - dans le but « de préciser leurs effets, de clarifier leurs indications et d’établir de bonnes règles pour leur utilisation ». Était-ce essentiel ?

Oui, lorsqu’on utilise des techniques, il faut un minimum de cadres. Il était nécessaire de poser des règles, sinon les gens sont perdus. C’est aussi une réponse aux mauvaises pratiques d’hypnose.

Tab title: 
Des pratiques féminines non conventionnelles
L'engouement du bien-être
Secrets de rebouteuses
L'hypnose, une thérapie complémentaire qui fait ses preuves