Célian Ramis

Mythos 2015 : Adeline Rosenstein, passionnée et militante

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Thabor, Rennes
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Les 8 et 9 avril, le théâtre de la Parcheminerie accueillait le spectacle-documentaire Décris-ravage d’Adeline Rosenstein. Une artiste qui propose une lecture percutante de l’Histoire de la question de la Palestine.
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Les 8 et 9 avril, le théâtre de la Parcheminerie accueillait, dans le cadre du festival Mythos, le spectacle-documentaire Décris-ravage d’Adeline Rosenstein. Une artiste qui propose ici une lecture originale de l’Histoire de la question de la Palestine.

Avec Décris-ravage, la comédienne Adeline Rosenstein n’aura pas fait l’unanimité. Mais aura suscité la curiosité des festivaliers et réussi le tour de force de soulever de nombreuses questions, à commencer par celle de l’Histoire au théâtre. Comment aborder des faits historiques sur scène, par le biais de l’art ? Sa proposition est originale, conceptuelle parfois, et surprenante, voire déroutante pour qui ne s’y attend pas. Elle parle de spectacle-documentaire, « pas sur le conflit (israélo-palestinien, ndlr) lui-même mais sur la question de la Palestine. », explique-t-elle jeudi midi au micro de Canal b.

Depuis 2009, elle a réuni des témoignages d’occidentaux ayant vécu en Palestine ou en Israël à différentes périodes, autour desquels elle ajoute des extraits de pièces de théâtre historiques en arabe (les extraits ont été traduits en français), traitant des mêmes événements. Privilégier la parole des artistes originaires des pays arabes concernés plutôt que d’orienter le discours et l’Histoire vers la pensée occidentale, c’est le parti-pris de la suissesse Adeline Rosenstein.

L’artiste va alors bricoler une pièce en fonction des éléments récoltés depuis plusieurs années, en 4 épisodes, intelligemment abordés en conférence théâtrale et partiellement illustrés par 4 comédiens (3 femmes et 1 homme) présents sur scène tout au long de la représentation.

Mimes, mises en situation, représentation fictive de la carte géographique de l’Empire Ottoman, mouchoirs trempés dans l’eau violemment projetés contre des planches en bois disposées au fond de la scène… Adeline Rosenstein se lance le périlleux défi de ne rien donner à montrer visuellement, ni photos, ni vidéos, ni cartes physiques, ni documents d’archives. Ce qui lui vaudra peut-être de perdre certains spectateurs, ennuyés de cette conceptualisation étonnante qui appelle à entrer directement dans le propos, et uniquement dans le propos.

Tout repose sur les textes, sur les interprétations des comédiens, sur les intonations, tantôt magistrales et objectives, tantôt cyniques et piquantes. La violence est omniprésente, de la conquête de l’Égypte par Bonaparte à la militarisation des Palestiniens, en passant par la guerre de Crimée et le génocide arménien. Mais de par ses choix artistiques et scéniques, la comédienne ne fige ni la pensée, ni l’interprétation des spectateurs, qui découvrent ou redécouvrent, la source internationale de la question de la Palestine, un tout petit territoire « à partager en 2 peuples mais finalement il y avait un peuple qui n’était plus là. Et ça, on l’a refoulé de nos consciences » - extrait d’un entretien d’un colon arrivant en Terre Sainte.

DES QUESTIONS PLEIN LA TÊTE

Décris-ravage décortique le nœud du conflit « gros de plus de cent ans », le déroule du début XIXe au début XXe, avec un regard militant sur l’Histoire et les histoires vécues dans cette partie du monde, sans toutefois enfermer le public dans un discours moralisateur, et sans porter de jugements maladroits sur les diverses communautés ou religions présentes sur ces territoires. On ressent l’ébullition intellectuelle à laquelle se confronte l’artiste qui attache de l’importance à explorer de nombreux chemins pour en découvrir sans cesse davantage et qui n’hésite pas à remplacer les points d’exclamation par des points d’interrogation, pour emprunter encore d’autres routes non explorées par les Occidentaux (ou qui n’en ont pas encore révéler les crevasses).

Adeline Rosenstein, révoltée depuis longtemps, par la nature de ce conflit, se présente passionnée face au public de la Parcheminerie et presque apaisée, comme délivrée du poids de l’information qu’elle partage, les yeux brillants, pendant les 2 heures de représentation. Entourée de ses comédiens, elle pose la question de l’interprétation individuelle, la responsabilité de chacun à ne pas poser de questions, à agir sans savoir, du poids des Nations ironiquement bienveillantes et désireuses de « fédérer les peuples » en les écrasant, les colonisant, les expulsant, les armant…

Des thèmes violents, dérangeants parfois même, mais qui ont le mérite d’être mis à plat dans ce théâtre de l’Histoire que toute l’équipe porte avec ferveur. S’il est difficile à certains moments de focaliser son attention sur chaque propos ou chaque point développé, Adeline Rosenstein réussit à nous maintenir sur le fil des histoires qu’elle dévoile et à susciter l’intérêt et la curiosité pour le sujet comme pour la forme proposée, qui n'était que le premier volet d'une histoire encore en mouvement.

"Les Anglais prennent la Palestine. Les Français reçoivent un pourcentage sur le pétrole en Irak. STOP, la suite au prochain épisode."
conclut Adeline Rosenstein, dans ce premier Décris-ravage.

Célian Ramis

Charlotte Brédy, metteure en scène passionnée de Feydeau

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Rennes
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Rencontre avec une inconditionnelle du dramaturge qui a rythmé toute sa vie professionnelle et qui lui inspire la mise en scène de deux pièces de Feydeau, à découvrir à Rennes.
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La compagnie de théâtre Felicita, créée par la comédienne et metteure en scène Charlotte Brédy, s'est implantée à Rennes depuis trois ans. Pour la première fois dans la capitale bretonne, elle présente deux pièces de Feydeau, Le Dindon et Les Fiancés de Loche, à partir du samedi 27 septembre. Rencontre avec une inconditionnelle du dramaturge qui a rythmé toute sa vie professionnelle.

Tous les chemins mènent à Georges Feydeau. Le parcours de celle qui a vécu entre la Bretagne et la région parisienne se résume à cette phrase. Car l'auteur français la suit depuis l'adolescence. « C'est une grande histoire d'amour », concède la jeune femme.

Le rythme et les intrigues loufoques de ses comédies bourgeoises lui ont tout de suite plu. Un véritable défi pour la mise en scène et le jeu théâtral.

« La comédie est beaucoup plus difficile à jouer que le drame, parce que le rire va être déclenché sur un mot ou un rictus. Il faut être parfait à la seconde près », raconte-t-elle d'expérience. Pour autant, elle ne se laisse pas démonter. La comédie, un « théâtre sans prise de tête » selon elle, est son domaine de prédilection. L'artiste de 28 ans a fait de l'improvisation « sur le tas » et des formations sur la Commedia Dell'Arte, genre hérité de la scène italienne qui privilégie la gestuelle et l'échange avec le public.

PASSION FAMILIALE

Le théâtre, c'est une histoire de famille. Ses grand-parents paternels étaient tout deux comédien-ne-s et chanteur-se-s d'opérette. « Je me déguisais en clown à la maison », se souvient-t-elle, amusée. À 10 ans, elle a le déclic. Le professeur de musique de son collège, à Saint-Brieuc, lui attribue un petit rôle dans la pièce qu'il met en scène. Sa réplique est brève, seulement quelques mots. Mais « quelque chose s'est passé », reconnaît-elle. « J'ai pris du plaisir pendant cinq secondes et j'ai su que je voulais faire du théâtre mon métier. » Et sa détermination a payé.

À la sortie du lycée, la jeune femme intègre les prestigieux cours Florent à Paris, où la concurrence est rude. Pourtant, ses études avortent au début de la troisième année. La raison ? La pièce de Georges Feydeau, Le Dindon. Charlotte avait choisi de présenter une scène pour l'examen d'entrée au Conservatoire. Problème : aucun de ses camarades masculins n'a voulu ne voulait jouer le personnage principal, le jugeant trop compliqué.

« À ce moment, j'ai remarqué qu'il y avait un fossé entre moi et les autres élèves. C'est ce dramaturge qui m'a fait quitter les cours Florent ! », sourit la passionnée de théâtre au caractère bien trempé, qui poursuit : « C'est l'élément déclencheur tout bête mais je ne le regrette pas du tout. »

Une fois partie, elle se lance dans l'écriture de one-woman-shows dans lesquels elle retrace avec légèreté ses déboires sentimentaux de l'époque. Charlotte s'en sert comme thérapie par le rire jusqu'en 2011. En parallèle, elle joue dans plusieurs compagnies théâtrales. En 2009, elle monte à Paris sa propre troupe, la compagnie Felicita - bonheur en italien. Son envie initiale est de jouer avec des professionnel-le-s mais Charlotte fait immédiatement marche arrière, faute de pouvoir les rémunérer. Désormais, elle ne travaille qu'avec des personnes amateures « de façon professionnelle », précise-t-elle. « C'est une ambiance différente et une autre manière de travailler. Les amateurs viennent sans compter », compare la metteuse en scène.

LE THÉÂTRE, SOURCE DE LIBERTÉ

Il y a trois ans, Charlotte Brédy revient en Bretagne pour intégrer une troupe rennaise en tant que metteure en scène. « C'est très difficile d'en faire son métier à Paris, justifie-t-elle. Les salles de répétition coûtent une fortune et jouer revient cher. Moi je fais ce métier pour être libre, laisser mon imagination et ma créativité s'exprimer, pas pour être prise dans un système financier. »

Cependant, leur collaboration s'arrête rapidement. Motif : une autre pièce de Georges Feydeau. « Il n'y avait pas de comédiens suffisants pour monter Les Fiancés de Loche. Cela n'a pas abouti car nous n'étions pas sur la même longueur d'ondes. » Elle reprend ensuite la compagnie Felicita, qui déménage à Rennes.

FEYDEAU À DOMICILE

Depuis toutes ces années, son envie de mettre en scène ces deux pièces est toujours présente. Un projet de longue date qui se concrétise à partir du samedi 27 septembre sur les planches rennaises – salle Maurepas et salle Rabelais. Charlotte Brédy présente avec sa compagnie, Le Dindon et Les Fiancés de Loche.

« Tout se rejoint ! Ce ne sont que des boucles ! », s'enthousiasme-t-elle. Sept dates sont prévues pour chaque spectacle. Ce sont les premiers de Feydeau que la metteure en scène produit en Bretagne. En 2010, elle avait déjà dirigé à Paris, une œuvre du dramaturge, Léonie est en avance ou le mal joli, dans une mise en scène très contemporaine.

Les pièces seront également jouées dans un tout nouveau format proposé par la compagnie, le « théâtre à domicile ». La troupe est invitée à jouer une pièce chez un particulier qui convie lui-même ses invités. Cela donne « une ambiance plus chaleureuse car tout le public va se connaître », espère-t-elle. Pour tâter le terrain, un premier essai se fera chez Charlotte Brédy, à la Chapelle-aux-Filtzméens, au nord de Rennes, avant de se développer. Une initiative théâtrale à l’image de la jeune femme. Joyeuse et conviviale.

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