Célian Ramis

Le Grand Soufflet : Du burlesque et des freaks...

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Le festival a profité d’un jour placé sous le signe de la superstition pour organiser, vendredi 13 octobre, une soirée Freaks, burlesque et rock’n’roll à L’Étage, à Rennes.
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Le festival a profité d’un jour placé sous le signe de la superstition pour organiser, vendredi 13 octobre, une soirée Freaks, burlesque et rock’n’roll à L’Étage, à Rennes. Avant le Maxi Monster Show et les Washington Dead Cats, quatre performeuses burlesque se sont succédées sur la scène pour chauffer l’ambiance.

« Les freaks, c’est les génies, les non conformistes. La beauté, c’est la diversité, l’étrangeté. Et si vous êtes là ce soir, c’est qu’il y a un peu de freaks en vous. » Dans son déshabillé en soie, la somptueuse Louise De Ville inaugure en tant que maitresse de cérémonie le show burlesque « Freaks » de ce vendredi 13.

Ce soir-là, le look pin-up rock est troqué contre des parures plus chimériques, démoniaques et trash. Mais la sensualité et l’humour sont toujours de mise : « Celle qui arrive est une femme, enfin presque une femme, une chimère mignonne, gentille, pas dans les normes de la société. Vous imaginez bien que c’est difficile pour elle de trouver son crush sur Tinder. Elle cherche son mate, elle a un petit kiff pour les barbus. »

La première à se lancer dans l’arène de l’effeuillage est coutumière des thèmes freaks et présente ici un de ses numéros phares : le petit canari. Masquée, perruquée de plumes, entourée de ballons jaunes, Lolaloo des Bois joue la carte du décalé, entamant une chorégraphie de danse classique en éclatant son « ventre » de baudruche, et dévoilant ainsi sa guêpière et davantage encore.

L’oiseau déplumé affiche un corps quasiment nu aux hanches légèrement arrondies et aux seins pulpeusement rebondis, malgré les nippies en forme d’œufs au plat. Pourtant, le public se fait timide, n’osant pas encore jouer le jeu du new burlesque : « Ce sont des femmes qui osent et qui partagent leur sensualité. Vous pouvez les encourager ! On n’a pas besoin de vos encouragements mais on aime beaucoup ! »

Une fois la piqure de rappel établie, la meneuse de revue américaine poursuit sa mission en présentant la sombre performeuse qui va suivre. Parce que tout le monde est accepté dans la bande des freaks, celle-ci a été découverte dans un hôpital psychiatrique, « là où je fais de l’art thérapie, bah oui, faut bien amener la culture là où il y a besoin. Alors soyez gentil-le-s, parce qu’elle peut vous tuer en vrai. »

Ju Demon arrive dans une camisole dont elle se débarrasse rapidement à la force de ses bras pour ne garder qu’une tenue faite de bandes blanches, qui ne sont pas sans rappeler Le cinquième élément. La créature est démoniaque, tant dans son regard que dans son attitude, sans oublier sa gueule aux dents pointues et aiguisées.

Son apparence flippante détonne avec la dextérité et de l’agilité dont elle fait preuve dans un numéro axé sur la souplesse et les acrobaties, effectuées à l’aide d’un (puis de deux) hula hoop, sur un fond sonore électrico-angoissant qui nous rappelle quelques DJ set de la Greenroom des Transmusicales. C’est finalement l’effrayante gymnaste qui prendra ses jambes à son coup, s’enfuyant dans un cri strident dans les coulisses.

« En vrai, elle est douce. », précise malicieusement Lolaloo des Bois, qui succède à Louise De Ville à la présentation de cette dark cérémonie : « Nous les Hommes, on a toujours besoin de classer, mettre dans des cases pour vivre. Mais est-ce qu’on se pose les bonnes questions ? Il n’y a qu’à voir la dualité des genres… »

C’est ainsi qu’elle introduit La Big Bertha, une femme blonde dans un premier temps puis chauve, bien ronde et barbue, aux ongles aussi longs que ses cils. Sa danse est provocante, lascive et sensuelle. Lentement, la dragqueen fait tomber sa longue cape noire et dévoile ses bras, ses jambes, ainsi que le reste de son corps.

Vêtue d’une petite culotte et de sparadraps dissimulant ses tétons, elle aguiche le public en jouant de sa langue agile et de caresses érotiques, avant de s’étaler de la peinture orange sur le ventre et la poitrine et de détacher sa culotte, cachant simplement son sexe avec sa cape.

« On vous a promis du freaks ce soir, il y en a. Le spectacle burlesque est fait pour se divertir, s’émoustiller et parfois baiser. Maintenant, place à l’érotisme, la sensualité et la douleur. En ce vendredi 13, vous avez de la chance puisque votre fantasme érotique se dévoile devant vous. Vous souffrirez mais vous jouirez. », murmure Lolaloo d’un ton coquin.

Dans sa robe longue et fendue, Louise De Ville conquiert le public dès son arrivée. La performeuse qui a déjà une grande carrière internationale à son actif n’a plus rien à prouver au niveau de son talent d’effeuilleuse. Elle connaît et interroge les codes de la féminité et de la sensualité avec une aisance blufflante.

L’œil toujours affriolant, elle explore la sexy attitude avec des déhanchés et des caresses lentes. Parée de son string, elle grimpe sur la table installée à cet effet et s’entoure le corps de cordes de bondage jusqu’à éructer de plaisir. « J’espère qu’elle vous a bien fait mouiller. », conclut alors la divine maitresse de cérémonie qui laisse la place au Maxi Monster Show.

Côté spectacle burlesque, Le Grand Soufflet n’en est pas à son coup d’essai. On se souvient en 2013 de l’incroyable Porte-jarretelles et piano à bretelles – dans lequel figuraient déjà Louise De Ville et Lolaloo des Bois – et en 2014 de l’Electro Swing Party qui avait réuni la sélecta rennaise Edith Presley, l’accordéoniste Maryll Abass et les performeuses Candy Scream et Anossens.

Ainsi, on connaît l’appétence d’Etienne Grandjean pour le new burlesque – rappelons qu’en 2015 il était le directeur artistique des soirées burlesque Les lapins voient rose, organisées au 1988 Live Club de Rennes – et on le rejoint dans ce domaine, sans chichis. La discipline mélange les propositions et rend les frontières des cases hétéro-normées de la société poreuses.

Parce qu’elle rompt avec la tradition des corps minces et sans défauts. Femmes et hommes peuvent dévoiler et assumer ici leurs formes et leurs différences. Avec force et fierté. Pourtant, la soirée freaks du vendredi 13 nous laisse un sentiment étrange. Celui d’une proposition pas tout à fait aboutie.

Peut-être parce qu’on se dit qu’un homme travesti en femme, c’est pas vraiment « freaks ». Ou peut-être parce qu’on a vu s’effeuiller trois femmes blanches et minces. Ou peut-être parce qu’on a assisté à l’enchainement de quatre numéros en 30 minutes seulement. Peut-être un peu des trois.

Sans critiquer la qualité de chacune des prestations, on reste un peu sur notre faim, déçu-e-s que l’exercice ne se saisisse pas suffisamment de la riche thématique de la soirée pour outrepasser les limites du genre.

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2014 : La rencontre swing du hula hoop et du burlesque

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Rennes
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Une Electro Swing Party placée sous le signe du swing, de l'effeuillage, du hula hoop et de l'accordéon... La formule est insolite, pas une réussite néanmoins.
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Samedi 4 octobre, le festival rennais d’accordéon proposait une formule originale lors d’une Electro Swing Party réunissant Edith Presley, sélecta rock, Maryll Abbas, accordéoniste, Candy Scream, performeuse burlesque et Anossens, reine du hula hoop.

Après un concert énergétisant avec Manouche, Etienne Grandjean, directeur artistique du festival, relevait le pari risqué d’une deuxième partie de soirée exclusivement féminine. Le risque ne provenant pas du sexe des protagonistes mais d’une production réalisée à distance et composée de quatre femmes d’univers différents.

La sauce aurait pu prendre si les talents avaient été mis davantage en avant. Les numéros s’enchainent avec une extrême rapidité, laissant les spectateurs-trices dans une grande confusion des genres. Pour autant, les danseurs et danseuses de lindy hop sont au rendez-vous et leurs mouvements effrénés, effectués aux rythmes des chansons de DelaDap, Chinese Man, Parov Stelar ou encore des Swingrowers, produisent des instants inattendus empreints d’énergie et de bonne humeur. Néanmoins, les performances de hula hoop et de burlesque charment le public à chaque brève apparition.

Anossens, agile professionnelle des cerceaux, nous emporte dans son univers onirique et coloré, tout comme son accessoire de prédilection, et nous laisse ce goût d'enfance qui nous marque l'esprit face à un numéro de cirque et de magie. De son côté, la danseuse aux courbes fines et divines, Candy Scream, exécute deux performances d'effeuillage empreints des profondeurs parfumées des revues de cabaret. Le burlesque ne laisse personne indifférent et on aime toujours autant y assister.

Plus tôt dans la journée, c'est à l’abri du mauvais temps que nous avions rencontré Anossens et Candy Scream, dans les coulisses du Grand Soufflet. interview.

YEGG : Vous offrez, à l’occasion de l’Electro Swing Party, deux performances originales. Racontez-nous comment vous avez découvert vos disciplines respectives, le hula hoop et le burlesque.

Anossens : C’est lors d’un concert avec des performeurs de hula hoop que je suis restée scotchée. J’ai eu le coup de foudre. J’étais alors dans l’informatique mais je m’intéressais déjà à la discipline, dans le sens du mouvement, de la détection du mouvement.

Candy Scream : Moi j’ai cherché sur Internet. J’étais dans une école de théâtre mais je rêvais de faire du cabaret. C’est là que j’ai découvert le Cabaret des Filles de joie. Je suis alors allée les voir sur scène puis j’ai pris des cours dans cette école pendant un ou deux ans. J’aimais le message que pouvait faire passer cette revue féministe et rock n’ roll.

L’an dernier, à l’occasion du spectacle Porte jarretelles et piano à bretelles, produit par Etienne Grandjean et présenté au Grand Soufflet 2013, nous interrogions les danseuses burlesque sur la vocation féministe de la revue. Elles soutenaient que ça n’était pas un genre féministe mais humaniste…

Candy Scream : Chaque fille a son engagement. On défend forcément quelque chose sur scène, on s’engage. Je trouve que c’est féministe dans le sens où on est des femmes, rien que des femmes, déjà. Et ensuite parce que le message que je veux faire passer est : Je suis comme je suis et vous allez m’accepter comme je suis.

Qu’est-ce qui vous anime dans votre pratique, Anossens ?

Anossens : Je peux pratiquer le hula hoop pendant des heures ! À ce moment-là, rien d’autre ne compte. J’aime être à fond dans quelque chose. On dompte des éléments. Avec la discipline aérienne par exemple (Anossens pratique également la pole dance), on dompte l’air. Il y aussi le feu que je manie. Et avec le cerceau, on ressent le sentiment d’un élément qui coule, ça rappelle l’eau, de manière symbolique évidemment.

Les performeuses burlesque multiplient parfois les compétences. Candy Scream, quelles sont les vôtres ?

Candy Scream : Je manie aussi le feu avec les torches, les bâtons de feu, les bollasses. Ça reste de l’ordre de l’accessoire. Avec le costume et les chaussures à talons ! Après, forcément il y a beaucoup de danse puisqu’on apprend à danser au cabaret. Même si l’effeuillage et le cabaret ont évidemment leurs propres codes. En fait, on peut tout faire, selon nos personnages.

Vous êtes réunies pour un soir avec Edith Presley, et Maryll Abbas, sur la scène du Grand Soufflet. Comment s’est déroulée la rencontre ?

Candy Scream : Je connaissais Porte Jarretelles et Piano à bretelles, j’ai des amies qui dansent dans ce spectacle. Etienne Grandjean m’a contacté, il m’avait vu au Cabaret des Filles de joie. Il m’a alors proposé de participer à cette soirée.

Anossens : Moi, il m’a contacté car il voulait impérativement du hula hoop. (Rires)

Pas facile de préparer un spectacle à plusieurs lorsque tous les membres sont à distance… Concrètement, comment avez-vous travaillé ?

Anossens : On a fait nos choix de musique parmi une sélection. On en a choisi 2 sur lesquelles on allait jouer. Avec Internet et le téléphone, on y arrive !

Candy Scream : J’ai été en contact à plusieurs reprises avec Etienne Grandjean. Il m’a donné pas mal de conseils pour occuper la scène et préparer mes numéros en fonction de la surface.

Interpréter vos numéros sur de l’électro swing était une contrainte pour vous ?

Anossens : Non car c’est une rythmique très intéressante, joyeuse. Ça me donne envie de bouger donc c’est très bien. Je peux reprendre exactement les mouvements que je travaille au quotidien, en les adaptant au rythme de la chanson.

Candy Scream : J’ai l’habitude de fréquenter les soirées électro de La Java à Paris. Mais c’est vrai que j’ai plus l’habitude du milieu rock. J’ai sélectionné deux playback de femmes. Car cela permet de décrisper le visage et donner de l’expression au personnage que j’incarne lors de mon numéro. Après c’est de l’effeuillage, c’est pas sorcier de se déshabiller !

(Anossens : Alors là je ne suis pas d’accord avec toi ! (Rires) Au contraire, je trouve ça très dur !)

Candy Scream : Concrètement, cela donne une entité au personnage. Et comme c’est une nana limite hystéro que j’interprète, ça correspond très bien ! (Rires)

Merci Anossens et Candy Scream.

Anossens et Candy Scream : Merci à vous.

Célian Ramis

Show burlesque ou l'art de glorifier les corps féminins

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Le Ponant, Pacé
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Quatre magnifiques effeuilleuses et un maitre de cérémonie complètement loufoque ont assuré le show pour une bonne cause : la lutte contre le cancer du sein. Ambiance cabarets parisiens, s’il vous plait !
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Samedi 12 octobre, le Breizh Burlesque Festival a fait monter la température de la salle du Ponant, à Pacé. Quatre magnifiques effeuilleuses et un maitre de cérémonie complètement loufoque ont assuré le show pour une bonne cause : la lutte contre le cancer du sein. Ambiance cabarets parisiens, s’il vous plait !

Pour cette première tournée bretonne, « vous avez le droit de crier, de siffler, de taper des mains, de taper des pieds, explique Frédérique Doré, présidente de l’association Binic Burlesque Festival. Messieurs, vous pouvez siffler. Mesdames, vous n’avez rien à dire ».

C’est ainsi que débute ce Breizh Burlesque Festival, qui fait une escale à Pacé pour clôturer la tournée – qui a débuté à Binic début octobre et qui a traversé les quatre départements bretons. Elles sont allemandes, finlandaises ou belges. Elles ont en commun leur savoir-faire et leur pratique du burlesque, un genre affriolant qui met en avant les effeuilleuses et qui met le corps féminin à l’honneur.

Pour placer le spectateur directement dans l’ambiance, c’est Miss Anne Thropy qui entre en première dans l’arène pour interpréter la chanson « Welcome to burlesque », extraite de la bande originale du film de Steven Antin, Burlesque. Puis c’est le parisien Charly Voodoo qui fait son entrée. Chaussons de danseuse ballerine, des froufrous roses autour de la taille, une queue en plumes dans le bas du dos, des bigoudis roses sur le crâne – « pour rappeler la bigoudène » – le maitre de cérémonie, extravagant et burlesque (dans le sens de loufoque et ridicule), déboule en flamand rose pour la première partie du show, la seconde sera l’occasion pour lui d’enfiler son costume de black swan et d’interpréter à merveille et avec grâce, une partie du Lac des cygnes.

« Ce soir, nous sommes là pour Octobre rose, dédié à la prévention et au dépistage du cancer du sein. Vous allez en voir du sein, du jarret, de la paillette, du plumage… De la femme sauvage, de l’homme aussi (il n’y a que moi, ne cherchez pas) », déclare-t-il avec un air aristo efféminé, dont il ne cessera pas de grossir les traits au fil de la soirée.

Les artistes sont belles, pulpeuses pour la plupart, voire bien en chair, dévoilent avec élégance leurs généreux atouts et affichent de larges sourires face à un public ravi et enthousiaste. Les unes et les autres se dénudent tour à tour dans des numéros d’exception. Entre Lada Redstar, l’atout charme allemande, Loulou D’Vil, la brunette sauvageonne finlandaise, Miss Anne Thropy, la terriblement charnelle belge et Lolly Wish, la belle blonde pulpeuse belge également, le show est sensuel, provocant et pétillant.

Toutes les quatre semblent sorties de l’univers des cartoons américains du début XXe siècle. Des Betty Boop tatouées et ultra rock qui assument leur corps, leurs formes avec leurs imperfections et leurs atouts. A la fois vêtues en marin, en militaire, en papillon ou en cerise, elles réalisent des performances incroyables en alliant différents genre de danses – influences orientales, latinos, classique, moderne – et mouvements sensuels, voire sexuels selon les numéros, sans jamais sombrer dans la vulgarité.

Un spectacle complet

Doucement, les stars du burlesque enlèvent leurs gants, avec les mains ou la bouche, dézippent leurs robes, déboutonnent leurs corsets, dégraffent leurs soutien-gorges, retirent leurs portes jarretelles et bas. On découvre alors, petit à petit, les différentes parties de leurs corps, qui à la base sont dissimulés sous des costumes moulants, resserrés au niveau de la taille laissant entrevoir des hanches larges.

Les spectateurs d’abord timides et sages, se laissent embarquer par le rythme entrainant du show et s’enivrent de l’ambiance des cabarets, recréés par les fumées épaisses, les lumières flashy et les costumes pailletés. Ils crient, applaudissent, participent même à certains moments, tapent des pieds, avides de découvrir la suite de l’effeuillage.

En douceur, les artistes font durer le plaisir. Elles sont joueuses, sauvages, allumeuses, alternent entre chansons music-hall et numéros qui mêlent déhanchés érotiques, expressions de femmes-enfants et attitudes de femmes fatales.

Puissance, pouvoir, rage et plaisir se distinguent et se lisent dans les yeux brillants de ces stars de l’effeuillage qui puisent dans le langage corporel pour glorifier le corps des femmes. On se rappelle le message de Miss Anne Thropy, directrice artistique du Breizh Burlesque Show, dans les lignes du numéro 18 de YEGG : « Prenez soin de votre corps, aimez-le et aimez-vous telles que vous êtes ».