Célian Ramis

Analyser le/la sexiste en vous

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Maison de quartier Villejean, Rennes
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Le sexisme est partout et ses mécanismes sont profondément ancrés dans les mentalités, en atteste l'actualité du mois d'octobre. C’est aussi ce que nous prouve la conférence gesticulée proposée le 18 octobre, à l'Antipode MJC.
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Le sexisme est partout et ses mécanismes sont profondément ancrés dans les mentalités, en atteste l'actualité du mois d'octobre. C’est aussi ce que nous prouve la conférence gesticulée « Qu’est-ce qu’un homme ? Qu’est-ce qu’une femme ? Une autre histoire du sexisme… », proposée le 18 octobre à 20h, à l'occasion du Café citoyen de l'Antipode MJC. Le 26 novembre 2015, on avait assisté à la représentation de Claire, Jean-Marc, Yvelise et Régis, à la Maison de quartier de Villejean (article publié dans YEGG#42 - Décembre 2015).

Une petite fille vient de naitre. Ce que ressent le père ? « J’avais déjà un trou à la maison, maintenant j’en ai deux. Bientôt, je vais pouvoir jouer au golf. » Les mots valent leur pesant d’or tout comme de déchets polluants. Ils peuvent être beaux, poétiques, réconfortants, comme metteurs de claque, transmetteurs de violence et vecteurs d’un sexisme corrosif qui infuse dans tous les milieux de la société. Une vermine difficile à éradiquer de nos quotidiens, que l’on soit homme ou femme, en ville ou à la campagne.

C’est ce que démontrent Yvelise, Régis, Claire et Jean-Marc dans leur conférence gesticulée « Qu’est-ce qu’un homme ? Qu’est-ce qu’une femme ? Une autre histoire du sexisme… », dont la formation a été orchestrée par l’Université Populaire Gesticulante. Ainsi, la manifestation a été proposée, fin novembre, à Nantes, à Rennes et à Treffieux.

TRAUMATISMES ET SÉQUELLES

Et dans la capitale bretonne, la soirée est un triomphe. La salle est pleine, le public hétérogène et mixte. La domination masculine, la pression du patriarcat, fait des victimes partout. Peu importe le sexe, elle engendre traumatismes et séquelles. On peut être une petite fille, aimer le football et être rejetée par les garçons dans la cour de l’école, renvoyée « le long de la haie, pour s’échanger des feuilles, des brindilles et des secrets ».

On peut être un garçon, se faire bousculer par une bande de mecs et entendre son père dire : « Débrouillez-vous, c’est comme ça qu’on devient un homme ! ». On peut être une fille élevée dans les valeurs de l’égalité, voir son frère disparaître après chaque repas pour ne pas faire la vaisselle et entendre sa mère dire : « Ce n’est pas juste mais les garçons, c’est comme ça. » On peut être un homme de gauche, lire Siné Mensuel et ne pas baisser la lunette des toilettes « pour ne pas la salir ».

Les témoignages des quatre gesticulant-e-s ont été vécus, constatés, subis. De leur enfance à aujourd’hui, rien n’a changé ? Pas exactement. Entre temps, les femmes obtiennent les droits à la contraception, à l’avortement, l’école Polytechnique devient mixte, le divorce par consentement mutuel est autorisé, la loi définit le viol, un ministère des Droits des femmes est créé, l’égalité des salaires et l’égalité professionnelle sont attestées par les lois Roudy, etc.

L’INJONCTION DU GENRE

Les 50 dernières années sont marquées au fer rouge par les luttes féministes, par celles qui se sont battues pour être, ainsi que les générations futures, les égales des hommes. Pourtant, le quotidien démontre que les mentalités n’évoluent que trop lentement, maintenant discriminations et stéréotypes à flot.

« Le sexisme est un système de domination parmi d’autres, comme le racisme, les classes sociales, l’homophobie… La lutte s’appelle le féminisme et tout individu peut l’être, suffit qu’il soit démocrate. »
analyse Claire, sur la scène.

Les explications se poursuivent et décryptent la domination à travers son outil principal : le genre, « ce que la société va nous apprendre et attendre de nous en fonction de ce que l’on a entre les jambes ». Des filles gentilles, serviables et au service des autres, et des garçons ambitieux, aventureux et turbulents. À travers ces assignations, hommes et femmes résultent d’une construction sociale. Et s’imprègnent « d’une idéologie dont on n’est pas conscient », précise Jean-Marc, qui a plus jeune était victime d’une rupture déstabilisante en raison de sa douceur. Pas assez viril, en somme.

L’ENTOURAGE DANS LE SYSTÈME

La conférence gesticulée navigue entre interactions avec le public, anecdotes racontées comme confessions intimes et scénettes amusantes. Toutes ont pour objectif de dénoncer des situations injustes car survenues uniquement en raison du sexe. Parfois sérieux, parfois légers, prenant parfois le contrepied à la manière de la rubrique de Causette « Un homme, un vrai » ou poussant parfois la chansonnette comme l’aurait fait le piquant Boris Vian, toujours critiques.

Et la famille n’est pas épargnée puisqu’elle est un élément de ce système vicieux. « L’hymen des filles est propriété familiale. Si les familles pouvaient les mettre au coffre, elles le feraient. », scande Claire. La remarque est cinglante mais pousse à la réflexion. Les filles sont-elles autorisées à sortir autant que les garçons ? Les mères ne brident-elles pas leurs filles par peur du danger ? Au risque de ne pas leur permettre de s’intégrer dans la vie citoyenne, déjà restreinte par les tâches ménagères qui leur sont réservées en majorité.

« La démocratie, c’est que tous les citoyens puissent jouir de tous les espaces de la ville et jouir de la ville la nuit. Tant que la moitié de la population n’en profite pas, la démocrate est inachevée. »
souligne Yvelise.

Militante au Planning familial, pour une libre sexualité, elle n’a pas toujours « bien agit ». En particulier avec sa colocataire qui a subi un viol collectif lorsqu’elle était à l’université. Yvelise la voit dégringoler, ne plus manger, ne plus bouger, devenir comme morte. « Moi, je voulais vivre, m’amuser, sortir. Et je lui disais « Tu vas pas en faire une maladie, faut te bouger ! Tous les mecs ne sont pas des salauds ! » J’étais une imbécile. Elle s’est mutilée, a fait des tentatives de suicide, est devenue anorexique. »

Une description qui correspond à quelques détails près à celle de Nathalie dans le film d’Audrey Estourgo, Une histoire banale (2013). De là, elle a voulu comprendre pourquoi le viol tuait les gens et comment on pouvait venir en aide aux victimes. Par l’éducation populaire. Pour que les femmes sortent de la honte, de la culpabilité, du personnel. Qu’elles dénoncent leurs agresseurs qui ne sont que trop peu punis pour leurs actes cruels.

L’introspective est douloureuse mais nécessaire. Et les quatre gesticulant-e-s n’hésitent pas à prendre le parti de tout mettre à plat et à égalité, quitte à être critiqué-e-s. Aussi bien les moments où ils ont été victimes qu’auteur-e-s de sexisme. L’essentiel étant de comprendre et d’analyser nos pratiques afin de pouvoir y remédier et faire évoluer les mentalités.

D’où l’invitation, le lendemain matin, à participer à un atelier de 2h, au centre social Kennedy, sur le sexisme ordinaire. En toute intimité, quelques personnes ont pu échanger sur leurs expériences de vie et avancer ensemble vers un système où la domination masculine n’atteindrait plus les femmes. Et plus les hommes non plus.

Célian Ramis

Un (Jean Dujardin) + Une (Elsa Zylberstein) = le nouveau film de Claude Lelouch

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Cinéma Gaumont, Rennes
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Elsa Zylbertstein et Jean Dujardin, duo incompatible pour jouer les amoureux ? Le réalisateur Claude Lelouch en décide autrement dans Un + Une, sur les écrans le 9 décembre prochain.
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Elsa Zylbertstein et Jean Dujardin, duo incompatible pour jouer les amoureux ? C’est ce que pense le réalisateur Claude Lelouch, séduit par l’idée de réunir ces deux acteurs « pas faits l’un pour l’autre » à l’affiche de son dernier film, Un + Une, qui sortira sur les écrans le 9 décembre prochain.

À l’occasion de l’avant-première de Un + Une le 26 octobre dernier au cinéma Gaumont, le réalisateur Claude Lelouch, entouré de ses deux acteurs principaux, Jean Dujardin et Elsa Zylberstein, étaient de passage à Rennes.

« Elsa et Jean ont fait un voyage en avion tous les deux et ont abordé ensemble l’envie de tourner avec moi. Ils ne sont vraiment pas faits l’un pour l’autre, le couple m’a inspiré », se souvient le réalisateur qui compte déjà 45 films à son actif, sourire aux lèvres.

L’Inde sera le décor d’une comédie qui a pour volonté de filmer l’invisible. Une évidence qui apparaît rapidement à Claude Lelouch : « L’irrationnel y est omniprésent. Ce n’est pas le pays des religions mais le pays de LA religion. Pour eux, la mort n’existe pas, cela change complètement le raisonnement. Là-bas, la souffrance est une école, un apprentissage. Et je partage l’intime conviction que l’idée de la mort est tellement idiote ! »

ROAD-TRIP SPIRITUEL

L’amour sera le sujet principal. Une évidence limpide également, une histoire d’amour étant la plus belle métaphore de la vie, selon lui. Pour Jean Dujardin, il s’agirait plus simplement « de la rencontre entre un sceptique et une tarée. »

Et les deux acteurs, non dénués de talents, vont expérimenter sans artifices ni figurants la vie indienne, confrontant « le divin à l’escroquerie, des tricheurs à des gens profondément sincères », souligne Claude Lelouch, rejoint par son acteur principal : « Et la misère ! ».

Sans oublier la philosophie particulière de l’Inde, partant du principe qu’une vie vécue n’est que le brouillon de la vie suivante. Une philosophie qui va devenir le fil conducteur du film et que le réalisateur va intelligemment mettre en exergue avec l’histoire d’Antoine et Anna.

Lui, incarne un compositeur de musiques de film, séjournant en Inde pour une version moderne de Roméo et Juliette, réalisée par un metteur en scène issu de la nouvelle vague indienne. Elle, est la femme de l’ambassadeur de France (interprété par Christophe Lambert), passionnée par la question de la spiritualité, et éminemment séduite par Antoine, dès le premier regard.

MACHISME ET SEXISME BIENVEILLANT

Ensemble, ils vont partager un voyage initiatique à travers l’Inde spirituelle mais aussi au travers d’une rencontre inattendue. Tous les deux bien installés dans leurs couples respectifs, ils vont s’offrir une parenthèse entre attirance et résistance. Entre non-dits et franchise déroutante.

Anna est amoureuse, fonceuse, « allumée, spirituelle, premier degré », souligne Elsa Zylbertstein, encore éprise du rôle qu’elle a joué.

« Avant d’arriver en Inde et de rencontrer son mari, c’était une aventurière. Il la rebranche avec ce qu’elle était. Il la révèle à elle-même. », poursuit-elle.

Antoine, de son côté, est pragmatique, amoureux de l’amour en premier, amoureux de lui-même en second. Il prend la vie avec humour et légèreté et s’embarque dans l’aventure pour fuir quelques démons, notamment une demande impromptue en mariage par sa compagne pianiste (interprétée par Alice Pol) et un caillot logé dans sa tête, lui provoquant des maux de tête.

« C’est un homme. Comme tous les hommes, il a peur des scanners, des maladies. Il préfère tout tenter sauf la médecine. Et puis, il y a pas forcément de raison. Perso, je ferais la même chose, partir sur un coup de tête avec l’ambassadrice, voir ce que ça peut donner. », plaisante Jean Dujardin.

Pas tant que ça. Pour le réalisateur, le film aurait pu s’appeler « Portrait du dernier macho ». Le clown qui s’assagit. L’enfant gesticulant qui devient homme. Un schéma classique propre à la gent masculine, selon Claude Lelouch qui mesure ses propos : « En tout cas, plus que les femmes. Il y a toujours un événement qui fait que l’on devient un homme. »

Il semblerait qu’une femme, à l’inverse, naisse femme et se révèle à travers un homme, venu briser son évolution lisse et stagnante quand elle n’est pas le double – au détail près qu’elle a une poitrine - de l’homme (d’Antoine en l’occurrence), comprendre alors « qui ne fait pas chier, on ne s’embête pas l’un l’autre ».

La femme est naïve, l’homme archaïque. Elle l’aime depuis le début de leur rencontre. Il l’aime peut-être parce qu’elle l’aime. La course poursuite prend des allures de déjà vu, sans modernité, et agace sur la longueur.

Sans oublier plusieurs réflexions illustrant un certain sexisme bienveillant sur les femmes, « qu’il faut mettre en avant » dans le titre Juliette et Roméo, exemple flagrant de grande modernité (le scénario : un voleur de bijou renverse une jeune et belle femme à vélo mais préfère se faire arrêter par les forces de l’ordre pour l’amener à l’hôpital afin de lui sauver la vie. Les deux jeunes vont alors tomber amoureux.).

Si on veut chercher un point positif, on pourrait accorder l’absence de morale et de jugement. En revanche, l’absence de modernité et les déjà vus nous rendent hermétiques au déroulé de l’histoire.