Célian Ramis

LGBTIQ+ : Fièr-es !

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« Y en a assez ! assez ! assez de cette société qui ne respecte pas les trans, les gouines et les pédés ! » Colorées et festives, les manifestations prônent des revendications fortes concernant les droits, le respect et l’inclusion de tou-tes.
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« Y en a assez ! assez ! assez de cette société qui ne respecte pas les trans, les gouines et les pédés ! » Juin 2021, les Marches des Fiertés s’élancent dans plusieurs villes de France, dont Rennes, Paris, Lyon, Nantes, Strasbourg, Troyes ou encore Metz et Tours. Colorées et festives, les manifestations n’en restent pas moins engagées et militantes, prônant des revendications fortes concernant les droits, le respect et l’inclusion de toutes les orientations sexuelles et identités de genre dans une société qui rame (un peu, beaucoup) à accepter et reconnaître leurs existences.

Pas de Marches des Fiertés l’an dernier, en raison de la crise sanitaire. Pour leur retour, après un an de pandémie, de confinements, de restrictions et de gestes barrières, on sent un goût d’urgence. Un cri de colère mais aussi un cri d’amour. Le besoin vital de se retrouver et d’éprouver ce sentiment de liberté à exister pleinement dans l’espace public. Lesbiennes, gays, bis, trans, intersexes, queer, drags queens et kings, personnes en questionnement, pansexuel-le-s, asexuel-le-s, handicapé-e-s, racisé-e-s, non binaires prônent la multitude et la pluralité des identités.

Réduites à leurs orientations sexuelles et identités de genre, les personnes LGBTIQ+ sont encore majoritairement invisibilisées, discriminées, violentées et marginalisées. PMA pour TOU-TE-S, interdiction des thérapies de conversion, dépsychiatrisation de la transidentité, droit d’asile pour les personnes exilées en raison de leur sexe, orientation sexuelle et/ou identité de genre, arrêt des mutilations génitales sur les personnes intersexes… L’évolution des droits comme des mentalités est encore trop lente.

« Attention, sortie de placard ! » Sur le mail François Mitterand, HUMAN est écrit aux couleurs arc-en-ciel. Les pancartes « Queer féministes en colère », « Nos vies ≠ vos théories », « Jésus aussi avait deux papas », « Une maman peut en cacher une autre » ou encore « Une journée sans lesbienne est une journée sans soleil » côtoient les multiples drapeaux qui flottent dans la foule. La pansexualité s’exprime en rose, jaune et bleu, là où la bisexualité se colore de rose, violet et de bleu et là où la transidentité s’illustre de bleu, rose, blanc et de rose et bleu à nouveau. Sans oublier la non binarité, qui se pare de rose, blanc, violet, noir et bleu.

On entend résonner les slogans militants « Y en assez ! assez ! assez de cette société qui ne respecte pas les trans, les gouines et les pédés ! », « Nous sommes fortes, nous sommes fières, et féministes et radicales et en colère ! » avant de se déhancher sur des chansons de Lady Gaga, Mylène Farmer, Beyoncé ou encore de Lykke Li. Ce samedi 5 juin, la Marche des Fiertés, organisée par Iskis, le centre LGBTI+ de Rennes, réunit plus de 5 500 personnes. Toujours plus nombreuses, toujours plus déterminées. Sans chars, comme aux origines. L’ambiance est festive, l’humour trône sur certains panneaux, aux punchlines bien senties « Dur à queer » et « Darmanin va te faire queer le cul », et les messages ne sont pas sans rappelés les origines de la manifestation : « Pas de flics dans nos Pride », indiquent les Colleuses qui zieutent de part et d’autre, avant de filer à vive allure, sourires aux lèvres et pinceaux à colle dans les mains. 

AUX ORIGINES DE LA PRIDE

Nous sommes le 27 juin 1969 à New York et dans la nuit, éclatent les émeutes de Stonewall. Les descentes policières sont fréquentes au Stonewall Inn mais ce soir-là, elle est plus tardive et non connue des client-e-s LGBT. Leurs arrestations vont entrainer la colère et la révolte des passant-e-s, qui s’insurgent et jettent pièces, briques et ordures sur les forces de l’ordre, à l’instar de Marsha P. Johnson. C’est une femme et militante trans racisée comme le rappelle une pancarte à Rennes : « Les queer racisées existent – Arrêtez de nous invisibiliser ». Au dos : « Marsha Johnson et Sylvie Rivera 2 femmes trans racisées qui ont créé la pride. » Ces événements marquent un tournant majeur dans l’histoire des luttes LGBT. Le collectif Gay Liberation Front est fondé et la Gay Pride est organisée dans le sillage des émeutes qui dureront une semaine au total, participant à la fédération du mouvement queer. 

En France, il faut attendre 1977 pour que la première marche homosexuelle prenne naissance à Paris, à l’initiative du Groupe de Libération Homosexuelle (GLH) et du Mouvement de Libération des Femmes (MLF). Deux ans plus tard, on rattache la manifestation à Stonewall et dans les années 90, on parle de Gay Pride. À partir de 1994, de nombreuses villes de province, dont Rennes, développent leurs marches. « Il y avait des femmes dans la Gay Pride alors on s’est dit qu’il fallait l’appeler la Lesbian & Gay Pride. L’année suivante, en 95, Paris a voulu s’approprier la dénomination. J’y suis allée avec l’affiche de Rennes. C’est nous qui l’avions trouvée, on était rennaises et on était fières ! », explique Mireille, militante lesbienne venue assister à la conférence de la FÉÉRIE, la FÉministe Équipe de Recherche Insolente et Érudite, le 10 juin dernier à la Maison des Associations de Rennes.

Couple de femmes qui s'embrassentÀ partir d’archives et d’interviews, Françoise Bagnaud, co-présidente d’Histoire du Féminisme à Rennes et lesbienne, Clémentine Comer, féministe, chercheuse et membre de Prendre le Droit, Alice Picard, féministe et chercheuse, et Camille Morin-Delaurière, féministe et doctorante en sciences politiques, travaillent sur le militantisme lesbien à Rennes et présentaient ce soir-là leurs recherches autour de l’engagement lesbien et ses coalitions et divergences avec les milieux respectivement gay et féministe dans les années 70 et 80. « À l’époque, on vivait cachées, c’était seulement ensemble, dans la communauté, qu’on était nous-mêmes. » Le témoignage de Sylvie n’est pas isolé et est révélateur de la lesbophobie de l’époque, qui perdure aujourd’hui encore.

En 1977, l’homosexualité constitue un délit, la société est marquée « par l’absence de figures d’identification lesbiennes et par un certain silence autour de ce terme de lesbienne, y compris dans le milieu féministe. », souligne Françoise Bagnaud. Rares sont les femmes qui vivent leur lesbianisme en public ni même auprès de leurs entourages familiaux et amicaux. La FÉÉRIE replace le contexte : la pression sociale de la norme hétérosexuelle est importante, au même titre que la pratique religieuse encore bien présente, sans oublier que l’homosexualité est considérée comme une maladie mentale. Se révéler, s’assumer au grand jour, c’est prendre le risque d’être internées. Le tabou provoque l’isolement, insistent-elles. 

DANS LE SECRET DES LESBIENNES

En 1978, une semaine homosexuelle est organisée à la MJC La Paillette et des lesbiennes du Groupe de Libération Homosexuelle y tiennent un stand, qui débouchera sur la naissance du Groupe Lesbien. Espace sécurisé dans lequel elles peuvent échanger autour de leurs vécus et rompre leur isolement, elles font leur entrée dans le militantisme homosexuel par le biais des hommes au départ, de qui elles se détachent l’année suivante, ces derniers faisant régulièrement obstacle à l’expression des femmes. Quatre ans plus tard, dans le sillon de ce premier groupe, née l’association Femmes Entre Elles dont la mission est de « promouvoir l’identité lesbienne dans le respect des droits d’une personne à disposer d’elle-même. »

Permanences hebdomadaires, débats, jeux de société, rallyes auto… Les membres peuvent ici s’épanouir dans leur vie, l’acceptation et la compréhension de leur sexualité. La non mixité sert de source d’informations mais aussi de levier d’émancipation. « Le militantisme lesbien à Rennes se singularise dans l’importance qu’occupe le wendo, une pratique d’auto-défense féministe. », signale Clémentine Comer. Mélange d’arts martiaux et de self défense traditionnelle, le wendo s’adapte aux vécus spécifiques des femmes. Les stages sont mis en place par FEE, toujours à La Paillette. La chercheuse poursuit : « Ce sont des moments où les femmes prennent collectivement conscience des violences qu’elles ont vécues et où elles acquièrent confiance en elles. L’objectif de cette pratique est de comprendre ce qui se joue au moment d’une agression, quelles postures peuvent être mises en place pour faire face, aiguiser sa vigilance dans une situation où la peur apparaît, mais aussi reconnaître sa propre force et puissance. »

Des adeptes de wendo créent en 1983 La Cité d’Elles, association se revendiquant féministe et ouvrant les stages aux femmes hétérosexuelles. Le Do It Yourself, la quête d’autonomie, concernant notamment le corps et la santé des femmes mais aussi les pratiques culturelles et artistiques, l’appropriation des savoirs universitaires, sont prônés par les deux structures. Les militantes intègrent les réseaux féministes régionaux, nationaux et internationaux, et rencontrent d’autres groupes lesbiens, à Angers et à Nantes par exemple, débouchant sur la création de la Coordination lesbienne de l’Ouest dans laquelle FEE joue un rôle prépondérant. C’est une ouverture aux voyages comme Ulli en témoigne : « On avait des adresses. Une lesbienne donnait l’adresse d’une autre, comme ça on pouvait voyager un peu partout, on était toujours hébergées. » 

Des tensions interfèrent pourtant entre les deux associations. La logique binaire de l’hétérosexualité et du genre est vivement questionnée par ce qu’on définit à l’époque comme le lesbianisme radical (appelé aussi lesbianisme politique, il remet en question l’hétérosexualité en tant que système politique, comme le théorise Monique Wittig dans son essai La pensée Straight) et la Cité D’Elles, dans un compte rendu de réunion, relate le sentiment « que le lesbianisme peut être ressenti comme un jugement de valeur envers les femmes qui ne le sont pas. » Malgré leur action conjointe visant à lutter contre la publicité sexiste en bombant des panneaux affichant des slogans choquants – à l’instar de « Violez la nuit » utilisé par une boite de nuit – les militantes féministes discréditent l’engagement de Femmes Entre Elles en parlant de « sous-culture lesbienne ».

« La Cité D’Elles est accusée de se cacher derrière le terme féminisme, par peur d’assumer le terme lesbienne, ce qui participe encore une fois à invisibiliser les lesbiennes. »
souligne les membres de la FÉÉRIE.

L’association est dissoute en janvier 1990. Nait quelques mois plus tard A Tire d’Elles qui partage le local avec FEE et c’est ensemble qu’elles initient la première Lesbian & Gay Pride à Rennes. L’événement désormais se fait connaître sous l’intitulé Marche des Fiertés LGBTI+ (lesbienne, gaie, bi, transgenre et intersexe) et l’inclusion s’inscrit jusque dans les mots d’ordre. À Rennes, sur l’affiche, trône en sous-titre : « Marre qu’on nous marche dessus – Anti-racistes, anti-fascistes et féministes, fièr-e-s et uni-e-s dans la rue ! » Pour Élian Barcelo, président d’Iskis au moment de la manifestation (depuis, le conseil d’administration a changé), « la manière d’exprimer les choses est aujourd’hui plus frontale. » Besoin de visibiliser l’ensemble des luttes. Besoin de visibiliser la pluralité des identités. D’autant plus « qu’on vient de vivre un an d’enfermement, une année dure, très dure. » 

CONFINEMENTS ET ISOLEMENT

Femme lors de la Marche des FiertésIl le dit, les membres actifs de l’association sont épuisé-e-s. « On est passé-e-s sous les rouleaux. On a eu énormément de demandes durant les confinements. Un appel à l’aide de manière générale. Pour des raisons diverses. Parce que certaines personnes n’avaient pas d’imprimante pour leurs attestations, d’autres ne savaient pas écrire, d’autres encore n’avaient plus de sous. L’accueil individuel a repris dès la sortie du premier confinement. On a reçu des personnes exilées, des personnes trans qui venaient d’engager des réflexions autour de la transition, des parents s’informant pour leurs ados… C’était déconcertant par le nombre. L’activité d’écoute n’a pas désempli depuis 2020. », relate-t-il. Et pour cause, la crise sanitaire a contraint la population à l’isolement, dans des conditions inégales selon les situations. Lors de la Marche des Fiertés, il n’est pas sans rappeler que les personnes LGBTI+ en ont largement souffert :

« Avec la fermeture des espaces communautaires, nous avons été privé-e-s de nos espaces d’écoute, de partage et de liberté. Nous n’avons pas pu vivre les moments de lutte et de joie dont nous avons besoin. Les confinements ont isolé les personnes LGBTI+ exilées qui ont dû retourner au placard pendant plusieurs mois. Les confinements ont exposé les jeunes LGBTI+ à des violences dans leur famille. La situation terrible a conduit certains d’entre nous jusqu’au suicide. Nous avons une pensée pour les étudiantes et étudiants transgenres que la transphobie administrative a broyé-e-s dans ces mois déjà si difficiles. L’isolement, le sentiment de solitude, le report de nombreux soins considérés comme non prioritaires, ont entrainé une dégradation de l’état de santé de nombre d’entre nous. »

Pour l’association Contact, qui prend également la parole en ce samedi 5 juin aux cotés d’Iskis, le Planning Familial 35, le NPA, Solidaires et AEdelphes, « la crise sanitaire a servi de prétexte pour ne pas avancer. » La structure poursuit : « Oui, il y a le projet d’ouverture de la PMA, vidé de toute substance en excluant les couples de femmes (le discours est prononcé avant le vote du projet de loi à l’Assemblée nationale, ndlr) et les personnes transgenres. Mais il y a aussi les thérapies de conversion, des tortures censées « guérir » l’homosexualité des personnes, toujours pas interdites malgré les promesses ! Il y a les mutilations des personnes intersexes, que le gouvernement et les législateurs s’obstinent à ignorer, malgré les nombreuses condamnations internationales. Il y a le changement d’état civil des personnes transgenres qui se fait toujours devant un juge. Et alors, nos droits, ils avancent quand ? »

Pancartes Pride lors de la marche des Fiertés

PMA (PAS) POUR TOU-TE-S

Le 29 juin 2021, l’Assemblée nationale adopte définitivement le projet de loi de bioéthique encadrant, entre autres, l’ouverture de la PMA – Procréation Médicalement Assistée – aux couples lesbiens et aux femmes célibataires. En France, c’est un moment historique. La joie, enfin, de ne plus réserver ce parcours, menant à la parentalité, aux couples hétérosexuels, contraignant ainsi les personnes n’entrant pas dans cette norme établie à se rendre à l’étranger. « J’ai pleuré de joie quand j’ai appris ça ! Égoïstement, j’étais trop contente ! », nous répond Bilame, militante féministe et créatrice du compte instagram Parlons lesbiennes, visant à déconstruire les LGBTIphobies.

« Je dis égoïstement, parce que la loi n’est pas inclusive pour tout le monde. On doit continuer à militer pour les droits de nos adelphes, continuer de se battre pour la PMA pour les personnes trans, pour la GPA (Gestation Par Autrui, ndlr), pour l’arrêt des mutilations génitales sur les personnes intersexes. », précise-t-elle. Rengaine électorale, cette avancée a un goût amer. Près de 10 ans que la loi est reportée. Près de 10 ans que les militantes lesbiennes luttent sans relâche pour être conviées et entendues dans les débats les concernant. Près de 10 ans que la visibilité est faite sur la Manif pour tous et son discours tradi-catho « Un papa, une maman, un enfant ». Elian Barcelo déplore la lâcheté politique des gouvernants. « On se dirige vers une PMA discount, qui arrive tardivement et est amputée. À l’image du mandat de Macron… Il n’y a aucune réflexion sur les personnes intersexes dans la loi de bioéthique et les personnes trans en ont été exclues. », commente-t-il.

Nikita, musicienne trans de Vicky VerynoLes réactions sont mitigées. L’heureuse nouvelle est rapidement remplacée par la colère, comme le souligne Nikita, musicienne et alter ego de Vicky Veryno : « Oui, c’est cool et il faut s’en réjouir ! Mais ça m’énerve, c’est marqué « Pour Tou-te-s » ! Ça me fait le même effet qu’au moment du Mariage pour tous (loi adoptée en mai 2013 après de violentes manifestations contre le droit au mariage pour tous les couples, ndlr). Quand c’est arrivé, je n’avais pas encore connaissance de ma transidentité et bisexualité. Je me demandais juste pourquoi les couples non hétérosexuels n’avaient pas autant de droits que les couples hétérosexuels ? »

Elle enchaine : « Et puis, ce que je trouve injuste dans la loi sur la PMA, c’est le fait qu’on ne parle pas de nos parcours. Ont-ils prononcé une seule fois le mot « transgenre » à l’Assemblée ? Il faut prononcer les mots. Ce n’est pas une insulte, ce n’est pas un problème. Il faut verbaliser sinon on invisibilise. Et on ne peut pas débattre de quelque chose dont on ne parle pas. On existe et il faut que la société sache qu’on existe. Les opposants prétendent que c’est contre nature pour nous d’avoir des enfants. Ils sont persuadés dans leurs convictions qu’on n’est pas normaux… »

Ces années de reports en série, de fausses excuses et promesses mollassonnes constituent une violence inouïe à l’encontre de la communauté LGBTI+. Écartée du débat, a contrario du reste de la société qui ne se prive pas de faire part de son opinion. Un cauchemar qui a réduit à néant de nombreux espoirs et désirs de grossesse et de parentalité, sans que cela ne soit le fruit d’un choix. Car c’est bien là l’enjeu de cette lutte : avoir le droit, avoir le choix, avoir le droit au choix. Au sein du militantisme trans, l’ex-président d’Iskis ressent une évolution dans les réflexions sur la transparentalité.

Grâce à des exemples désormais visibles de couples homosexuels dont au moins un-e des deux partenaires est transgenre accédant à la parentalité. « J’y avais personnellement renoncé en entamant les démarches de ma transition. J’y repense depuis un an. Et ce n’est que le début. », sourit Elian. L’action de Matergouinités, visibilisant l’homoparentalité et la transparentalité, est à valoriser et à relayer. Pour déconstruire les imaginaires autour de la famille nucléaire hétéronormée. Pour sortir du schéma binaire du modèle parental.

DES REVENDICATIONS FORTES ! 

Pancarte Fière de nous, fière de vousIl n’y a pas qu’à la Marche des Fiertés que la population LGBTI+ milite pour l’obtention de droits égaux et pour le respect de toutes les identités. Mais ce jour-là représente l’occasion d’afficher et de scander haut et fort, dans l’espace public – lieu de fréquentes et régulières violences verbales, physiques et sexuelles envers les personnes LGBTIQ+ comme le rappelle les associations, dont SOS Homophobie qui publie chaque année un rapport chiffré à ce sujet – les revendications fortes et nombreuses. Parmi elles, l’ouverture de la PMA sans discriminations et dans les mêmes conditions pour tou-te-s, l’arrêt des opérations et médications d’assignation imposées aux personnes intersexes, la dépsychiatrisation de la transidentité en France et son retrait de la liste des maladies mentales, un engagement conséquent des pouvoirs publics pour prévenir le mal-être et le suicide des personnes LGBTI+, l’interdiction des thérapies de conversion (lors du conseil municipal du 28 juin 2021, la Ville de Rennes a déposé un vœu auprès du gouvernement pour que celui-ci y mette fin ; le centre et la droite ont refusé de voter), des politiques de santé garantissant l’accès aux soins dans le respect des besoins spécifiques des minorités sexuelles et de genre et des moyens pour les appliquer ainsi que l’accord systématique du droit d’asile aux personnes LGBTI+ exilées.

« La situation se dramatise grandement pour les personnes exilées ayant fui leurs pays en raison de leurs orientations sexuelles et/ou identités de genre. Des centres LGBT ont noté des refus « type », qui ne sont pas adaptés à la situation spécifique de la personne. Ces questions sont liées aux quotas et à la stratégie politique de Macron… », appuie Elian Barcelo. Une pancarte affiche la critique : « France = pays des droits humains* - *Offre soumise à conditions », rappelant ainsi que toutes les vies comptent. Et c’est bien cela que défend, entre autres, Nikita qui participait à sa « première vraie pride depuis l’out ». Deux ans auparavant, elle assistait à la Marche, en marge du cortège, précise-t-elle.

« C’est ça que j’ai envie de voir. Il y a des personnes torses nus, il y a en fait tous les types de corps, maigres, gros, cassés, handicapés… Il fait beau et on se sent safe. Moi, je m’étais bien maquillée et je portais une belle robe. Il y a, je trouve, un côté festif « désespéré ». Dans le sens où c’est ce jour-là qu’on peut s’afficher pleinement. Les corps des personnes trans sont encore considérés de nature hors norme dans la société. Là, on est au milieu de gens qui ne risquent pas de nous taper. Ça devrait être comme ça 365 jours par an ! », scande-t-elle.

En échangeant sur le sujet, un sentiment de colère l’assaille. Et sa colère est légitime. Des insultes homophobes et transphobes, elle en voit tous les jours : « Il faut arrêter d’être surpris-e que les queer en aient marre. Si j’avais pu ne pas faire de transition, je ne l’aurais pas fait. Le ressenti que j’ai en moi, ce n’est pas un choix. La vie est déjà assez compliquée comme ça. Je veux juste des câlins. Moi aussi je pourrais être fâchée. » Fâchée contre une société qui prive une partie de la population de ses droits. D’une société qui ne respecte pas les identités dans leur entièreté. D’une société qui considère certaines existences comme anormales. Et qui de fait les en exclut. Jusque dans la Pride…

Illustration d'une femme nueLES TERFS ET LA TRANSPHOBIE

Le 26 juin, c’est en Ile-de-France qu’avait lieu la Marche des Fiertés. Pour la première fois, elle s’est élancée depuis Pantin, en Seine-Saint-Denis, pour rejoindre la capitale. Un point de départ symbolique tout comme l’avait été le point de ralliement de la manifestation du 8 mars à Rennes, initié à Villejean, élargissant le parcours aux femmes des quartiers, souvent oubliées des luttes féministes. Ce samedi de célébrations des fiertés et de revendications politiques a néanmoins été marqué, à Paris, de banderoles lesbophobes et transphobes par un groupe de TERFs - trans exclusionary radical feminism - c’est-à-dire des militantes féministes n’acceptant pas les femmes trans dans la lutte pour les droits des femmes (elles s’opposent par exemple à l’emploi du terme « personnes menstruées » quand on aborde les règles ou « personnes sexisées » quand on parle des violences sexistes et sexuelles, pensant que l’on « décentralise » les femmes du sujet en incluant les personnes trans).

« On a besoin de féminisme, pas de transition mutilante », peut-on lire dans le cortège. Vice-présidente de l’association Acceptess-T et co-fondatrice du média transféministe XY Média, Sasha déchire les pancartes et pour cela, est interpelée par la police qui photographie son titre de séjour et la somme de s’en aller, en l’avertissant qu’elle finirait au commissariat si elle était revue dans le périmètre de la Marche. Au magazine Têtu, elle déclare : « Aux personnes qui pensent que c’est un acte de violence d’arracher et déchirer les pancartes, je peux dire que je considère que des pancartes portant des messages de haine sont déjà un acte de violence, je les ai vécues comme une violence et donc, ma résistance à cette violence n’est rien de plus que de l’auto-défense. » Elle poursuit, déplorant que d’autres femmes la renvoient à sa « prétendue masculinité et virilité » : « En fait, je vis les violences des hommes et le sexisme depuis le début de mon adolescence et d’autant plus depuis ma transition. »

Pancarte "Les queer racisés existent arrêtez de nous invisibiliser"Depuis, la militante est victime de nombreuses attaques, de cyber harcèlement en clair, sur les réseaux sociaux. Nikita soutient Sasha et réagit aux événements : « Les TERFs se trompent de cible à mon sens. La cible, c’est le patriarcat et le capitalisme. » L’injonction à la féminité ultra normée s’impose et pèse fortement sur les femmes trans. « Je ne crois pas du tout en la douceur féminine et tout ce qui constitue cette image d’Épinal. C’est un problème important de vivre en dichotomie. Je ne peux pas sortir sans me maquiller énormément. J’ai juste envie de vivre sereinement. Les personnes trans passent par la question de l’apparence. Pour moi, être femme n’est pas définissable. C’est mouvant. Ma femme à moi, elle est tout ce que je n’ai pas eu avant. Je me définis en tant que femme trans plutôt binaire, même si je pense que chaque personne a de la non binarité en elle. », explique-t-elle. 

CHANGER LE REGARD

Dans les représentations, on rame encore à sortir des carcans du genre. Qu’elles soient cinématographiques, littéraires, artistiques ou médiatiques, elles influencent la perception que nous avons de la société qui classe sa population en groupes d’individus. Que se passe-t-il quand on n’entre pas dans les cases ? Ou qu’une partie de nous ne figure pas dans la liste des critères normatifs ? Scinder son identité : impossible. La militante écologiste, féministe et antiraciste, Priscilla Zamord, également conseillère municipale à Rennes et vice-présidente Solidarités, égalité et politique de la ville au sein de Rennes Métropole, nous en parlait il y a quelques mois, à l’occasion de notre Focus sur les révolutions féministes. Elle se qualifie de bretonne d’outre-mer et se revendique queer : « C’est une identité hybride et je n’ai pas envie de choisir mon identité selon le jour de la semaine, ni ma lettre LGBTI… » On manque de modèles présentant les personnes LGBTIQ+ dans leur entièreté.

Avant de réaliser Ouvrir la voix, documentaire dans lequel témoignent 24 femmes noires, françaises et belges, Amandine Gay a vécu les refus de financement de ces projets. Quand elle a voulu porter à l’écran, dans une fiction, l’histoire d’une femme noire lesbienne et sommelière, on lui a rétorqué qu’un tel profil n’existait pas. Bug du système qui ne peut concevoir l’accumulation des cases pensées comme hors de la norme. À savoir : homme blanc cisgenre hétérosexuel valide bourgeois. L’invisibilisation des personnes queer renforce par conséquent les stéréotypes que l’on intègre à leur propos. Des stéréotypes façonnés par un système basé sur une longue de série de dominations. Sexisme, racisme, validisme, classisme… se mélangent et hiérarchisent les individus, échelonnant ainsi la prise en compte des vécus et ressentis.

« Les lesbiennes sont encore très invisibilisées. De partout. On a encore l’image de la lesbienne en marcel, qui regarde le foot et rote. C’est un cliché. Et on a aussi, très souvent, une image hypersexualisée. Vous tapez sur Google « Lesbienne », vous tombez sur du porno. Et le porno, ce n’est pas la réalité ! », regrette Bilamé. Il n’existe pas un profil « type » de la lesbienne. Elle est très active sur les réseaux sociaux pour justement rompre avec ces représentations stéréotypées. « Je suis originaire d’une petite ville, Annecy, où il y a pas ou peu d’événements LGBTI. J’ai lancé Queer Gaies (en décembre 2019, ndlr), une micro-entreprise me permettant d’en organiser. Mais il y a très vite eu la crise sanitaire et je cherchais un moyen pour faire du contenu à destination des personnes qui participaient aux événements. Sur Tik Tok, ça a rapidement pris de l’ampleur et je me suis aperçue que les gens me suivaient moi. J’ai créé Bilamé – un pseudo clin d’œil à son prénom et son surnom – pour lutter contre les injonctions qui pèsent sur les femmes lesbiennes, en me demandant ce que moi j’aurais aimé avoir comme conseil. », explique-t-elle. Elle a 25 ans et affiche dans l’espace public son homosexualité :

« Je tiens la main de ma copine, je l’embrasse. Mais il y a quelques années, je n’en aurais pas eu l’idée. Des lesbiennes qui ressentent de la peur, j’en ai tous les jours en message privé. »

En cause, le manque de visibilisation. 

Portraits de militantes lors de la Marche des FiertésÇA BOUGE, MAIS…

On peut se réjouir du succès de la Marche lesbienne, organisée à Lyon et à Paris les 24 et 25 avril, à l’occasion de la journée de visibilité lesbienne (26 avril). Mais dans les arts et la culture, leur présence est largement insuffisante. « On représente les lesbiennes dans les scènes de sexe. Quand on regarde La vie d’Adèle, ce n’est pas réaliste. On grossit le trait. Elles ne sont pas les sujets d’histoires intéressantes. Alors, on s’identifie aux couples hétéros, par manque de représentation. », précise la militante. Un jour, elle découvre la série The L Word, créée par Ilene Chaiken en 2004, qui met en scène des femmes lesbiennes, bisexuelles et transgenres et racontent leurs histoires d’amour et de sexe. « C’était tout ce que je pensais dans ma tête ! Mais avant ça, je n’avais pas conscience que ça existait. Ça a un vrai impact sur les sexualités des jeunes. », s’enthousiasme Bilamé. De son côté, Nikita cite la série Sense8, créée par Lana et Lily Wachowski en 2015, sur Netflix.

« À l’époque, j’avais peu conscience du monde LGBTI. Pour moi, c’est une série feel good. Les personnages sont là parce qu’ils existent. », souligne-t-elle, sans oublier de citer l’actrice trans Jamie Clayton qui dans la série incarne Nomi Marks, une femme trans, blogueuse et hackeuse, en couple avec une femme noire. A l’instar de la comédienne, la musicienne n’en peut plus « de voir les personnes cis jouer les personnes trans, c’est très inapproprié. » Selon elle, ça bouge, ça évolue. « Entre la fin d’Ace Ventura (et sa scène transphobe) et Sense8, en passant par Orange is the new black (créée par Jenji Kohan en 2013 sur Netflix, ndlr), série très queer avec des lesbiennes et une femme trans, on a fait du chemin. Mais ce qui se passe à la télé et au cinéma traduit ce qui se passe dans la société : les personnes trans constituent encore aujourd’hui une minorité opprimée. », signale Nikita. Elle poursuit : « Un enfant blanc a plein de personnages pour se construire. J’aimerais porter le costume de Super Trans Woman ! Qu’on puisse nous créer une mythologie de pop culture qui nous permette de nous construire. C’est en cela que la représentation est utile aussi ! » 

Montrer des identités plurielles. Proposer autre chose. Faire exister le monde queer en dehors des espaces dédiés et militants. C’est ce qu’elle fait dans l’univers pop rock avec Vicky Veryno. Un cri du cœur : « Plus on avance, plus j’ai envie de radicaliser mes positions et je sais que ça peut m’invisibiliser. » Un cercle vicieux qui devrait pourtant être un cercle vertueux si seulement on ne résistait pas constamment à la remise en question de nos privilèges. « Mais comme on casse les codes en n’étant pas dans la moulure du patriarcat, on nous décrédibilise, on est traitées d’hystériques en tant que féministes. Il n’y a rien qu’à voir Alice Coffin… Son livre Le génie lesbien n’a rien de choquant. Elle dit simplement tout haut ce qu’on pense tout bas. Ils l’ont pourri ! Ils n’ont pas respecté cette femme ! On leur fait peur. Ils ont peur de ne plus avoir de place si nous on prend la notre. Il faut continuer de manifester, de militer : on a une place dans la société, on a notre place dans la société ! Il faut que nous soyons visibles ! », s’écrie Bilamé. 

LE CIS GAZE DANS LE VISEUR

Les représentations artistiques, culturelles et médiatiques proposent une vision restreinte de la société. En cela, elle exclut tout un pan de la population présentée comme marginale. Ce qui crée des écarts entre les individus et fige les personnes LGBTI+, la plupart du temps, dans des parcours de souffrance, ayant pour seule possibilité d’exister la difficulté à s’accepter, à s’aimer. Le collectif Représentrans œuvre pour de meilleures représentations des transidentités et non binarités. Les membres de l’équipe définissent sur leur site la notion de cis gaze, en s’appuyant sur les écrits de Galen Mitchell, écrivaine et musicienne, et de Julia Serano, chercheuse et militante trans-bi.

« La première écrit en 2017, dans TransSubstanciation, que le « cis gaze fait référence aux moyens mis en œuvre pour présenter les personnes trans’ comme si elles existaient uniquement pour satisfaire le voyeurisme des personnes cis et pour les divertir. » La seconde souligne notamment, dans son Manifeste d’une femme trans, que cette vision tend à naturaliser les identités cis et à artificialiser les identités trans. », peut-on lire, ajoutant que « le cis gaze est un regard systémique » qui a « une réelle influence sur la manière dont les personnes trans’ ont conscience de leurs corps et de leurs apparences qui sont constamment épiées à travers le cis gaze. » Un regard intériorisé par les personnes trans, qui « cristallise des comportements violents, fétichisants, menaçants et globalement stigmatisants. » On retrouve là les mécanismes à l’œuvre dans le male gaze théorisé en 1975 par Laura Mulvey et dénoncé par les militantes féministes et lesbiennes. En clair, les individus sont imprégnés des inconscients patriarcaux et capitalistes qui infusent dans toutes les sphères de la société.

Militant-es qui portent le drapeau LGBTIQ+Ainsi, les stéréotypes, tant qu’ils ne sont pas conscientisés et déconstruits, biaisent nos regards et orientent la projection de ceux-ci dans nos quotidiens. Dans le système binaire, hommes et femmes peuvent être influencé-e-s par le male gaze et le cis gaze. Au cinéma, à la télévision, dans la littérature, la peinture, la bande dessinée, la musique, les médias, etc. nous reproduisons l’objectification des femmes, personnes LGBTI+, personnes handicapées, personnes racisées… Le problème étant que la majorité des œuvres grand public, mainstream, sont dictées par les personnes blanches, cisgenres, hétérosexuelles, valides, ayant accès aux postes à responsabilité et aux espaces de décisions et de représentations. 

POUR UNE AUTRE REPRÉSENTATION

Alors oui, on pourra toujours citer Le portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma, et Sex education, de Laurie Nunn, ça reste maigre comme contre-exemples. Il faut les multiplier à travers les personnes concernées. S’ouvrir à une esthétique dans laquelle les corps en transition exécutent des mises en scène tirées du quotidien, où la banalité se revêt de couleurs vives, c’est la proposition de l’artiste non binaire canadien-ne Laurence Philomène. Dans son œuvre, « ces activités (repas en sous-vêtement, échange d’un joint, prise hormonale, sieste au soleil, etc.) ont muté, elles questionnent la binarité de l’identité de genre. », commente La Chambrée – co-production de Crab Cake, Corporation et du Collectif Contrefeux et espace d’exposition vivant, intimiste et convivial – à Rennes, qui accueille en son sein l’exposition « Arrêt sur image », composée des photographies de Laurence Philomène et de Marie Rouge, artiste articulant son travail autour du portrait et du reportage, s’intéressant particulièrement aux femmes et au milieu LGBTQI+.

Parce que comme l’analyse le philosophe Paul B. Preciado, « le corps est la chose la plus politique et la plus publique qui soit », les clichés accrochés constituent « une façon de plus de refuser les interprétations pathologisantes ou pathétiques des vécus queer, les récits dramatiques auxquels ils sont trop souvent confinés (entre autres, par le cinéma, la télévision, la littérature). Nous voulons croire que les regards que nous jettent ou nous refusent les sujets à l’image sont peut-être tournés vers cet autre film, alternatif, que construisent des pratiques que celles de Marie Rouge et Laurence Philomène. » 

En juin dernier, le comédien et réalisateur Océan a diffusé la saison 2 « En infiltré-e-s » de sa série documentaire éponyme sur la plateforme Slash de France TV. Il explique à Fraiches : « J’ai été filmer des personnes trans, intersexes, non binaires de mon entourage. Je pense que c’est très important la visibilité pour les personnes LGBTQI+, les trans en particulier, parce qu’on est souvent le parent pauvre de la commu’. Je pense qu’aujourd’hui en France, les gens connaissent très peu de personnes trans. Dans la vie quotidienne, il y a encore beaucoup de préjugés sur la transidentité, les non binaires, les gens comprennent pas bien. C’est pour ça que dans la saison 2, j’avais vraiment envie d’aller voir plein de gens, avec des parcours spécifiques. Ça reste très positif. J’ai voulu montrer des gens qui avaient beaucoup de force, beaucoup d’énergie, beaucoup d’humour. Ce n’est pas du tout larmoyant parce que c’est vrai que la représentation des personnes trans souvent elle est hyper « oh, les pauvres petits chatons qui s’en sortent pas et qui souffrent et qui vont mal, ils ont un problème parce qu’ils sont trans ». Moi je dis on n’a pas de problème, être trans est une expérience extraordinaire, par contre ce qui est dur, c’est la transphobie qu’on subit. »

Sortir du voyeurisme, écouter les récits, prendre en compte les existences. Ne pas banaliser les propos et spécificités des personnes LGBTIQ+ mais les rendre sujets dans leur entièreté et pleinement citoyen-ne-s en octroyant les mêmes droits à tou-te-s (et en les respectant, évidemment…). « Je rêve que le queer devienne un non sujet ! », confie Nikita, qui ponctue : « Je suis une musicienne avant d’être une meuf trans bi. » 

ÉCRIRE D’AUTRES HISTOIRES

Illustration de couples lesbiens qui s'embrassent et s'enlacent On le sait, l’Histoire est écrite par les hommes pour les hommes. Le patrimoine n’est que trop peu teinté de couleurs et les récits alternatifs échappent à ce qui devrait pourtant constituer l’héritage culturel commun. En introduction du premier tome de 40 LGBT+ qui ont changé le monde, Florent Manelli écrit : « Cet ouvrage aborde également la question de la mémoire LGBT+ et des archives éparpillées un peu partout en France, peu visibles et encore si peu accessibles. Cette mémoire est terriblement essentielle car elle prouve que les luttes LGBT+ ont un passé, qu’elles ont existé et que nous avons existé, écrit l’histoire, nous nous sommes battus et avons lutté pour nos droits. Les archives participent aussi à la construction d’une identité, à la façon dont chacun peut se définir au monde et aux autres. » Au total, l’illustrateur brosse le portrait de 80 activistes, personnalités, célèbres ou inconnues, qui, à leur échelle font ou ont fait avancer le mouvement LGBT+. Parmi ces personnes, figurent Marsha P. Johnson, Jean Chong, Hanne Gaby Odiele, Mykki Blanco, Harvey Milk, Hande Kader, Marielle Franco, Laverne Cox, Monique Wittig, Sylvia Rivera, Audre Lord ou encore Janet Mock.

Personnes trans, intersexes, travailleur-euse-s du sexe, non binaires, lesbiennes, bis, gays, issu-e-s de toutes les origines et classes sociales… Tou-te-s ont participé à l’évolution des droits et des mentalités. Pourtant, dans nos bouquins d’histoire, dans nos cours d’instruction civique, lesquels de ces noms avons-nous entendu ? Quelles trajectoires ont été étudiées ? Lesquelles ont été balayées, minorées, méprisées ?

« Dans beaucoup de mouvements, les lesbiennes sont invisibilisées. Alors qu’on a été hyper présentes ! Par exemple, les lesbiennes ont beaucoup donné leur sang pour aider la lutte contre le VIH aux Etats-Unis et ça, on oublie de le dire ! »
rappelle Bilamé.

Tout comme on les a longtemps écartées des luttes féministes des années 70 et 80 alors qu’elles y ont largement participé, comme l’a démontré FÉÉRIE à Rennes (les circulations militantes des lesbiennes et leur lien avec les associations féministes sont également étudiées en ce moment à Toulouse et Dijon).

À Paris, même problème. Les Gouines Rouges, d’abord affiliées au Front homosexuel d’action révolutionnaire dont elles souhaitent combattre la misogynie, et ensuite au MLF, sont invisibilisées dès lors que la pensée se radicalise : on revient à La pensée straight de Monique Wittig, interrogeant la binarité du système hétérosexuel. La militante et autrice écrira même que « les lesbiennes ne sont pas des femmes ». Comprendre ici que la construction « femme » ne prévaut que dans le cadre hétérosexuel. L’idée du féminisme en tant que théorie et du lesbianisme en tant que pratique dérange. On rend le discours minoritaire. On les fait taire. Leur participation à l’évolution des droits des femmes, concernant la contraception, l’avortement, la lutte anticapitaliste, la liberté à disposer de son corps, l’accès à la santé, etc. n’est que très peu visibilisée dans l’histoire des luttes.  

Heureusement, des initiatives diverses les réhabilitent dans l’Histoire, comme le fait notamment Queer Code en relatant les parcours de vie, engagement, résistances, chemins d’émancipation des femmes ayant aimé des femmes, qu’elles furent cisgenres ou transgenres, durant la Seconde guerre mondiale. Et des collectifs se mobilisent pour valoriser les personnes LGBTI+ dans les arts et la culture. À Rennes, l’an passé, deux labels indépendants, féministes et LGBTI+ ont vu le jour : Elemento Records et Black Lilith Label. L’objectif : déconstruire le sexisme et les LGBTIphobies qui nourrissent les imaginaires populaires et collectifs, et permettre aux artistes sexisées d’accéder aux scènes, festivals et circuits de diffusion. 

DES ESPACES SAFE

Qu’on l’appelle non mixité, mixité choisie ou entresoi, peu importe. Elle est un outil de soutien et d’émancipation pour les personnes qui en ont besoin. Elle permet d’échanger autour des vécus et ressentis, de sortir de l’isolement, de conscientiser les discriminations comme composantes d’un système oppresseur et parfois de se sentir en sécurité, là où ailleurs ce n’est pas possible. En créant Queer Gaies, Bilamé propose un espace safe aux minorités sexuelles et de genre à l’occasion de pique nique, de sorties en boite de nuit (quand elles étaient ouvertes et non soumises au pass vaccination…) ou autres événements culturels. « Pour l’instant, c’est un peu à l’arrêt à cause du covid. Je déménage à Bordeaux et je ne sais pas encore si je décale tout là bas ou si je laisse la micro entreprise à Annecy, je verrais. Ce qui est sûr, c’est que je veux reprendre les activités mais je veux avoir la certitude de pouvoir faire quelque chose de safe. Je veux réunir les personnes de ma communauté, pas créer un cluster… », rigole-t-elle.

Deux femmes se peignent les seins lors de la Marche des FiertésElle poursuit : « Je trouve que c’est cool de se réunir entre nous, on a des choses en commun, des vécus en commun. J’avoue que je déserte un peu les bars et boites hétéros. Si j’ai le choix entre un bar hétéro et un bar LGBT, c’est bien simple, j’irais au bar LGBT. Je nous vois comme une famille. Il y a un lien de sororité, d’adelphité. » Parce qu’en tant que femme lesbienne, quand Bilamé sort dans un espace non dédié, elle est régulièrement victime de remarques ou de comportements intolérables. « Je suis dans l’hypersexualisation H24 dans les lieux hétéros. En soirée, je me faisais beaucoup embêter par des hommes. Je tolérais pendant un temps et maintenant je ne supporte plus. Les mecs qui me touchent le cul parce que j’embrasse ma copine, me parlent de plan à 3, veulent me forcer à avoir un rapport en me disant que je suis lesbienne parce que j’ai pas connu le bon… Stop ! Et ça n’arrive pas qu’à moi. C’est relou et c’est tout le temps. Quelques semaines avant la crise sanitaire, un mec est venu me montrer son érection parce que je venais d’embrasser ma copine… Alors oui, en soirée, je préfère être avec des gens qui comprennent et qui partage un esprit adelphe. Je ne vis pas dans une utopie, je sais que toutes les personnes LGBTI ne sont pas bienveillantes. Mais je n’ai jamais eu d’embrouille dans le milieu queer. », conclut la militante. 

Quand on est agressé-e, discriminé-e, méprisé-e, insulté-e, relayé-e à la marge au quotidien, les espaces safe permettent de souffler et de considérer que le problème n’est pas personnel mais bien collectif. Intégré à un système qui hiérarchise et priorise les existences. Parler, discuter, être simplement soi, réfléchir ensemble à des biais d’émancipation et des chemins de déconstruction, trouver de l’aide, temporairement ou régulièrement, écouter les récits des un-e-s et des autres, les mettre en partage et en résonnance avec son propre vécu… ça fait du bien. Et c’est tout aussi important que les actions publiques et les manifestations, comme les Marches lesbiennes, les Marches des Fiertés, l’ExiTransInter – manifestation existant depuis 1997 sous la dénomination ExiTrans jusqu’en 2019, elle lutte contre la psychiatrisation des personnes trans et les mutilations génitales des personnes intersexes – ainsi que les journées du souvenir trans, journée mondiale contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie ou encore la journée de la visibilité lesbienne et la journée de la visibilité bi. Sans oublier l’importance des réseaux sociaux dans l’évolution des mentalités.

Sur Instagram, particulièrement, qui voit fleurir des comptes notamment dédiés à la pédagogie autour des droits et existences LGBTI+. On peut citer entre autres le compte de Lexie, Agressively Trans (dont on recommande la lecture de son livre Une histoire de genres – Guide pour défendre et comprendre les transidentités), de intersex.info, Malo, ou encore celui de Bilamé, Parlons lesbienne, il y en a une multitude. Autour de la transidentité, de l’homoparentalité, de l’accès à la santé, des personnes intersexes, de l’intersectionnalité, etc. Une manière de casser les clichés et d’afficher la pluralité des identités et des orientations sexuelles. De visibiliser les spécificités de la communauté LGBTI+. Pour prendre en compte leurs récits, leurs revendications et intégrer dans la société des représentations singulières, variées et contrastées. Faire évoluer les mentalités et les droits. Briser les normes, s’en affranchir. La quête de toute une vie. Alors autant la vivre en adelphité. 

 

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Célian Ramis

Contre l'aliénation capillaire, la tête haute !

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Son dispositif photographique suscite la curiosité, génère du débat et place les personnes noires et les cheveux afros au cœur des portraits aux allures royales réalisés dans son studio-performance « Colored Only ».
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Son dispositif photographique suscite la curiosité, génère du débat, provoque parfois des réactions violentes et place les personnes noires et les cheveux afros au cœur des portraits aux allures royales réalisés dans son studio-performance « Colored Only ». Hélène Jayet, artiste photographe, présentera dès mars 2021 son exposition « Colored Only – Chin up ! » à l’université Rennes 2, mais avant cela, elle était au Tambour, sur ce même campus, pour inaugurer la saison des Mardis de l’égalité avec une conférence intitulée « Relever la tête : afro-descendance et estime de soi », le 29 septembre dernier.

« Avec mon projet, je donne un espace exclusif aux personnes noires, aux cheveux afros. Quand d’autres personnes souhaitent participer, je réponds : « Désolée mais vous n’avez pas le potentiel capillaire. » Cette phrase est choisie sciemment. La plupart des gens ne comprennent pas cette phrase. On me dit « Mais c’est raciste », alors je leur dis « Bienvenu-e dans mon quotidien ». Parfois, je me fais insulter : « raciste », « ségrégationniste »… ».

Créer le débat, inviter les gens à se questionner, c’est un des objectifs de la photographe Hélène Jayet : « Mon rôle en tant qu’artiste, c’est l’impertinence. J’aime bien chatouiller… C’est ma façon de créer le dialogue. La première action je crois, c’est de parler. On peut ne pas être d’accord mais il faut parler. La parole est libératrice pour beaucoup de traumatismes. »

Depuis 10 ans, elle développe son studio « Colored Only », un espace convivial invitant les personnes noires à se faire photographier. Elle leur tire le portrait à la manière des peintres de la royauté. Inspirée par les œuvres étudiées lors de son parcours aux Beaux-Arts, Hélène Jayet positionne les participant-e-s dans une posture royale. Ce qui fait jaillir de la fierté et de la dignité.

« Je veux que les gens se trouvent beaux. Que leur self estime remonte. Il y a presque 180 personnes dans le projet déjà et tou-te-s sont porteurs/euses du message, je ne suis pas toute seule. L’idée c’est de s’accepter, de ne pas se laisser faire, prendre la place à laquelle on a le droit au même titre que tout le monde. C’est une fierté pour les participant-e-s de voir leur portrait voyager et donner de l’énergie positive à d’autres. », souligne Hélène Jayet. 

« Cheveux relaxés, frisés, rasés, tissés, nattés, twist, Bantou knot, dreadlocks… » Elle le dit clairement, elle ne prend pas parti : « Chacun-e fait ce qu’il/elle veut avec ses cheveux. » L’objectif n’est nullement de provoquer un débat entre cheveux naturels et cheveux lissés. Ça ne l’intéresse pas. 

CONSTRUCTION ET DÉVELOPPEMENT

Au début de la conférence, l’artiste photographe revient sur la genèse de « Colored Only – Chin Up ! ». Elle est issue d’une famille de 5 enfants adoptés, « de toutes les origines », ce qui lui a permis de se questionner sur la relation aux autres et l’humanité. 

« L’adoption m’a coupée de mes racines. J’ai eu besoin de comprendre, de connaître mes racines et de partir à la rencontre de mon propre challenge capillaire. Parce que des salons afros au pays basque… il n’y en avait pas. Sans méthode et routine capillaires, c’est impossible d’avoir l’afro d’Angela Davis. », explique-t-elle. 

Elle décide alors de faire des recherches, d’enquêter, de lire sur le sujet. En tirant le fil, comme elle dit, elle réalise et constate la vision occidentale du corps noir, les violences quotidiennes que subissent les personnes noires, femmes, gays… « Pourquoi la différence pose problème alors que pour moi c’est une richesse ? », s’interroge-t-elle alors. 

Hélène Jayet parle de cette chance qu’elle a de pouvoir rencontrer plein de gens très différents : « Les grands écarts sont le plaisir de ce métier. » Ce métier, c’est évidemment celui de photographe. Un secteur qui la fascine depuis l’enfance :

« Le labo argentique de mes parents était ma chambre de bébé. On allait avec eux, on expérimentait, j’étais toujours la première au pied du bac révélateur. Ils étaient fans de caméras, etc. J’ai développé une curiosité pour l’image. »

L’ALIÉNATION CAPILLAIRE

Sa curiosité se transforme en soif d’apprendre, à laquelle elle allie sa quête d’être différente. Dans son village, personne n’a la même texture de cheveux qu’elle. « Je n’ai pas eu le même développement que les femmes autour de moi. », ajoute-t-elle, soulignant que « le corps enregistre tous les stigmates de génération en génération. »

Elle entend parler d’aliénation capillaire et ce terme, qu’elle trouve juste, la questionne. Elle établit un lien avec l’esclavage et la colonisation :

« Sur 400 ans, la violence physique sur le corps noir a eu lieu. En gros, c’est la période de l’esclavage. L’histoire des coiffures en Afrique me fascine. A partir d’une coiffure, on détermine la fertilité, la virilité, la religion, la classe sociale… Pour faire ces coiffures, il faut des heures de travail mais ce sont des temps de sociabilité qui créent des liens entre les gens pour ensuite créer une solidarité entre eux. Les colons ont rasé tout ça pour maintenir la dépendance de ces personnes. »

Les esclaves étaient dépourvus de moyens et de temps pour s’occuper de leurs cheveux. Peu de produits efficaces pour hydrater leurs chevelures et des brosses qui détruisent les poils.

Elle poursuit :

« Pour moi, c’est une déshumanisation de la personne, de tout ce qui fait sa culture, tout ce qui fait cette personne. Kidnapper des gens et leur enlever leurs cheveux est un crime indescriptible. On a dégradé l’estime de ces personnes. Ce sont des violences physiques et psychologiques. Les esclaves ne pouvaient plus parler leurs langues, danser, maintenir leurs cheveux comme ils le voulaient. C’est une mise à nu, une aliénation capillaire très profonde. »

Hélène Jayet aborde également la question de la santé mentale induite par la hiérarchisation des individus : « Et puis, il y avait aussi la notion de couleur de peau. Les esclaves à la peau plus claire et les métisses étaient vendus plus cher pour être domestiques dans les maisons. Ils avaient alors accès à une meilleure nourriture, un meilleur hébergement… C’est comme ça qu’on crée des clivages entre les gens. C’est comme ça qu’on devient fou en fait ! »

Quand de telles violences ont été commises durant plusieurs siècles – et perdurent - difficile de continuer à aimer ses cheveux et sa peau et ne pas transmettre cela en héritage inconscient aux générations futures.

Stéphane Héas, sociologue à l’université Rennes 2, participe ce jour-là à la conférence et parle du contrôle du poil :

« Le poil est la cible des institutions. La tonte dégrade immédiatement la personne. Dans la logique de destruction massive et frontale d’un groupe qu’on veut s’accaparer, mobiliser le poil n’est pas anecdotique. »

CONTRE LE DÉNI ET LA RÉSISTANCE…

La photographe axe son art autour du portrait et utilise son studio pour fabriquer un lieu à double usage. Il a un côté convivial et empouvoirant pour les personnes noires qui se prêtent au jeu du « Colored Only ». Si dans l’intitulé figure « Chin up ! » (que l’on peut traduire par « tête haute »), c’est parce que c’est l’expression utilisée pour dire aux modèles photographié-e-s de relever le menton. Il a un côté également d’outil de débat. Parce que les personnes non noires ne comprennent souvent pas pourquoi elles ne peuvent pas participer au projet.

« Je donne un espace exclusif aux personnes noires, aux cheveux afros. Ce qui m’intéresse quand je dis aux gens qu’ils n’ont pas le potentiel capillaire, c’est qu’ils restent pour observer ce qui se passe et qu’ils se questionnent. »
commente Hélène Jayet. 

Depuis 10 ans, son exposition circule dans le monde. Au Pays-Bas, en Belgique, au Brésil, au Mali, au Sénégal… Et en France, ça coince. En 2021, elle exposera à l’université Rennes 2 et ce sera seulement la 3efois que l’Hexagone l’accueille. Quand elle demande des aides à la recherche et à la production, « c’est niet. »

On lui répond que le projet n’intéresse personne, on lui demande de changer le titre, on lui rétorque qu’il n’y a pas tellement d’intérêt à montrer des portraits de personnes noires. Elle n’est pas la seule, la réalisatrice Amandine Gay témoigne également de ce vécu lorsqu’elle a voulu faire un film sur une viticultrice noire lesbienne, la réponse a été nette et raciste : en France, ce profil n’existerait soi-disant pas.

Le manque d’images et de modèles concernant les personnes noires – et de manière plus globale toutes les personnes non blanches – est flagrant. On constate soit une vision très stéréotypée, réductrice et raciste, soit l’absence totale de représentation. Entre les lignes, une consigne : se rapprocher du modèle dominant qui dans les publicités, les médias, les films, les séries, etc. va valoriser davantage les peaux plus claires et les cheveux lisses.

« Il y a un problème de représentation. Dans le sport, dans les arts, partout. En France, j’ai l’étiquette de « photographe noire ». J’aimerais voir plus de fluidité, de profils différents. Ça n’en sera que plus intéressant ! On sait que quand on n’a pas quelqu’un qui nous ressemble un peu pour s’identifier, on va avoir plus de mal à se construire. Le mythe du corps noir très sportif, du corps sauvage… C’est terrible ! »

Le racisme est systémique et institutionnalisé. Il est dans le quotidien des personnes que l’on racise, partant du principe que la norme est blanche. « Je n’ai jamais pu louer un appartement moi-même. À 43 ans. C’est violent ! », souligne Hélène Jayet qui note que le racisme est également dans notre quotidien, à travers le langage : 

« On parle de la France « black, blanc, beurre ». Le seul mot en français, c’est « blanc ». Pourquoi a –t-on peur de dire noir ? »

Elle conclut alors : « On est devenu-e-s noir-e-s parce qu’on a été colonisé-e-s. C’est l’histoire et la colonisation qui ont fait que c’est devenu stigmatisant pour nous. » Elle chatouille en effet et nous invite à nous questionner, et par là même à nous remettre en question. Et surtout à nous plonger dans son travail qui sera présenté à l’université Rennes 2 du 22 mars au 31 mai 2021, si tout va bien. Croisons les doigts et déconstruisons nos imaginaires.