Célian Ramis

8 mars : À chacun-e sa contraception

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Planning familial 35
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Le Planning familial d’Ille-et-Vilaine organisait samedi 10 mars une journée sur le thème de la contraception pour toutes et pour tous. À travers plusieurs ateliers, les Rennais.e.s (re)découvrent les méthodes de contraception.
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Le Planning familial d’Ille-et-Vilaine organisait samedi 10 mars une journée sur le thème de la contraception pour toutes et pour tous. À travers plusieurs ateliers, les Rennais.e.s découvrent ou redécouvrent toutes les méthodes pour des rapports sexuels protégés et sans tabou.

Boulevard Maréchal de Lattre de Tassigny, des flèches dessinées à la craie sur le sol et des ballons en préservatifs nous guident jusqu’au Planning Familial de Rennes. Le temps d’une après-midi, l'association féministe d’éducation populaire anime six ateliers sur le thème de la contraception pour toutes et tous.

L’objectif des bénévoles est de faire découvrir ou redécouvrir les méthodes de contraceptions féminines et masculines à travers des quizz, des échanges, des jeux et même de la couture. “Toutes les salles, ou presque, ont été transformées en ateliers imaginés par l’équipe”, explique Anne-Claire Bouscal, directrice du planning familial rennais.

POUR TOUTES LES ENVIES

Guirlande de préservatifs, clitoris en 3D en guise de décoration, autocollants “Ici vous êtes libres de vos choix” : l'ambiance est détendue, les discussions sont sans tabou et surtout sans préjugés. Derrière un rideau opaque noir se cache le “Cabinet des Curiosités”, plongé dans une lumière rouge intimiste.

La salle regorge d’informations pour les participant.e.s. Une frise chronologique rappelle quelques dates qui ont marquées l’histoire du sexe en France comme la fondation du Planning familial en 1960, ou encore la très récente loi Veil de 1975 qui autorise l’avortement.

Des illustrations sur le clitoris dévoilent ses incroyables pouvoirs sur l’orgasme féminin. Une affiche “Qui vivra JOUIRA” sur fond rouge supplante deux boîtes où l’on glisse les mains pour enfiler des préservatifs féminins et masculins à l’aveugle - sur des reproductions d’organes génitaux bien-sûr. 

Dans “l’atelier capote”,  toutes les contraceptions hormonales ou naturelles - pilules, préservatifs, diaphragme, stérilets, implant et même digue buccale qui permet un sexe oral protégé des maladies sexuellement transmissibles - sont à portée de main.

Bénévoles et participant.e.s échangent sur leurs expériences personnelles et sur l’efficacité des produits. Sans oublier les idées reçues qui volent en éclat notamment en ce qui concerne la contraception masculine. 

LA CONTRACEPTION MASCULINE EXISTE

Censurées ou simplement oubliées, les méthodes de contraception pour hommes sont pourtant multiples. Ce samedi 10 mars, l'association quimpéroise Thomas Bouloù a fait le déplacement pour présenter l’une d’entre elle : le remonte-couilles.

Ce sous-vêtement au nom amusant résulte de recherches scientifiques très sérieuses menées par le docteur Roger Mieusset à Toulouse dans les années 80. Reposant sur le principe de chaleur, le slip – ou string ou boxer - remonte les testicules afin de les maintenir à la température corporelle.

Cette dernière inhibe la création de spermatozoïdes au bout de trois mois. Pour retrouver sa fertilité, il suffit de revenir aux slips classiques et d’attendre trois autres mois pour que la production reprenne.

La fabrication est artisanale : chaque homme doit créer son slip en fonction de sa morphologie. C’est une méthode de contraception Do It Yourself - Fait le toi même - donc très peu chère. Et puis les hommes se retrouvent à coudre ensemble, à échanger sur la contraception et sur d’autres sujets que l’on aborde jamais entre nous généralement”, confie Aurélien Le Gall, membre de l’association. “C’est économique, écologique et ça existe depuis 30 ans. Mais personne n’en parle”.

Et ce n’est pas la seule méthode à être occultée. L’injection hormonale hebdomadaire ou la vasectomie, légalisée en France seulement en 2001, sonnent encore comme des crimes contre la virilité. Pourtant, l’intervention qui consiste en la section des canaux déférents n’est pas une fatalité. André, présent au planning familial, a eu recours à la vasectomie à 24 ans, dans les années 70.

C’était une évidence pour lui et sa femme : “A l’époque, c’était interdit en France. Mais en Angleterre, c’était une pratique couramment effectuée et légale. Ma femme et moi avions deux filles et nous ne voulions pas d'autres enfants. J’ai donc fait un aller-retour entre Paris et la clinique anglaise. Si je souhaite redevenir fertile, il suffit que je retourne là-bas.”  

Loin d’être acceptée dans les moeurs où la grossesse est encore trop souvent une préoccupation féminine et où le mythe de la virilité reste à déconstruire, la contraception masculine doit encore convaincre. Et c’est une des missions du planning Familial.

Cette association milite depuis près de 60 ans pour le droit à l’avortement, la reconnaissance de toutes les sexualités, l’accès à la contraception et lutte contre toutes les formes de violences et de discriminations. Autant de droits qui permettent à toutes et tous d’être libre de choisir. 

Célian Ramis

"La meilleure contraception, c'est celle que l'on choisit !"

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Planning Familial 35
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Cinquante ans après la promulgation de la loi Neuwirth (19 décembre 1967), le Planning Familial 35 a souhaité faire le point sur les avancées à saluer mais aussi sur les combats encore à mener.
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Il n’existe pas de bonne ou de mauvaise contraception. C’est à la personne concernée – qu’elle soit femme ou homme - de faire son choix. Celui-ci doit être éclairé par une information complète et accessible à tou-te-s. Cinquante ans après la promulgation de la loi Neuwirth (19 décembre 1967), le Planning Familial 35 a souhaité faire le point sur les avancées à saluer mais aussi sur les combats encore à mener. Tout cela dans une optique claire : l’égal accès à la liberté de choisir. Des mots importants, qui résonnent dans toutes les luttes (et les bouches) féministes !

« L’histoire que je raconte ici se déroule en 1971. Année charnière pour les femmes. Trois ans après mai 68, l’année du Manifeste des 343 femmes – ayant une certaine notoriété – qui proclament, en défiant la loi, qu’elles avaient avorté. Un an avant le procès de Bobigny où une jeune fille de 16 ans que je défendais devant le tribunal avait choisi l’avortement après avoir été violée et engrossée par un voyou de son quartier. Procès qui devait ouvrir la voie à la loi de 1975 (dite loi Veil). »

Ce sont les mots que Gisèle Halimi, présidente de Choisir la cause des femmes – fondée notamment avec Simone de Beauvoir en 1971 – couche dans la préface de la bande-dessinée de Pierre Wachs et Philippe Richelle, Libre de choisir. Avant de poursuivre : 

« Les Anne, les Isa aujourd’hui doivent savoir que les droits obtenus par leurs aînées demeurent fragiles et peuvent toujours être remis en question. Notamment le plus important d’entre eux, celui de choisir de donner – ou non – la vie. Car la précarité marque toujours les acquis des femmes. »

Avant les années auxquelles l’avocate se réfère, l’Histoire de la lutte des droits des femmes est marquée en 1967, le 19 décembre exactement, par la promulgation de la loi Neuwirth. La contraception - et la pilule oestro-progestative notamment - est dès lors autorisée. Dans le texte seulement, puisqu’il faudra attendre 1972 pour voir publiés les décrets d’application.

« LULU LA PILULE »

Entre temps, la loi de 1920, interdisant l’avortement et la contraception, est encore en vigueur, rendant impossible la publicité autour de la contraception. Lucien Neuwirth, député de la Loire et gaulliste, va devoir se battre contre ses collègues élus et l’opinion publique. Et va devoir convaincre le général de Gaulle, très réticent à cette idée, comme la plupart des hommes politiques, excepté François Mitterrand qui se déclarera favorable.

On connaît peu l’histoire de celui que l’on a surnommé « Lulu la pilule ». Pour les 50 ans de la loi, le magazine Causette, dans son numéro de décembre, revient sur l’acharnement de cet homme qui a mené bataille, 20 ans durant, pour qu’ait lieu cette révolution sociale. Une histoire – et une société - sur laquelle est également revenue l’émission « Qui sommes-nous ? » en diffusant le 19 décembre, sur France 3, le documentaire La bataille de la pilule.

« La première des choses pour une femme, c’est de maitriser son corps. Mon corps m’appartient ! », peut-on entendre dans les premières minutes du film, coproduit par Causette et France Télévisions. Si aujourd’hui, les femmes ne peuvent pas encore se dire pleinement libres de disposer de leurs propres corps, elles peuvent en revanche célébrer les luttes qui ont mené à des avancées significatives en ce sens.

LE COMBAT CONTINUE

« On ne se verrait pas revenir en arrière ! », souligne Katell Merdignac, bénévole et membre de la commission Contraception-IVG du Planning Familial 35. En effet, l’association féministe et d’éducation populaire milite, comme le rappelle sa directrice Anne-Claire Bouscal, « pour créer les conditions d’une sexualité vécue sans répression ni dépendance dans le respect des différences, de la responsabilité et de la liberté des personnes (…). Contraception, avortement, éducation à la sexualité sont les conditions essentielles de l’autonomie, de l’émancipation des femmes, et de la libre disposition de leur corps. »

Et n’oublie pas de faire remarquer qu’en 2017, le combat est toujours d’actualité. L’accès à la contraception de son choix restant encore fragile. Parce que la population manque encore d’informations.

Pour plusieurs raisons : la loi de 2001 sur l’éducation à la sexualité (prévoyant des interventions en milieu scolaire chaque année, de l’élémentaire au lycée) est très peu appliquée, les professionnel-le-s de la santé sont trop peu formé-e-s à ces questions durant leur cursus universitaire, les structures ressources manquant de moyens financiers et humains sont inégalement réparties sur le territoire…

« Nous avons des partenariats avant certains établissements scolaires mais pas beaucoup. Ils demandent souvent une intervention pour les classes de 4ème. Et de 3ème. On va très peu dans les lycées, il y a beaucoup de résistance. Je remarque que ça se fait souvent à l’initiative d’une personne, ça tient sur une infirmière scolaire, un prof de SVT… Mais si un prof de SVT souhaite l’intervention et pas son collègue, ça complique les choses… Il faut convaincre les non convaincu-e-s. », déplore Laure Stalder, conseillère conjugale et familiale au PF 35.

La directrice note également que la demande d’intervention est souvent motivée par un événement survenu dans l’établissement, « alors que ça devrait être mis en place avant, dans un cadre d’information et de prévention. » Pas seulement en réponse à un incident.

La faible application de la loi de 2001 révèle un inquiétant manque de financements - les interventions étant à la charge des établissements – et, par conséquent, de volontés politiques. Pourtant, l’information est primordiale pour le maintien des acquis sociaux, menacés par la montée, et la médiatisation, des réactions conservatrices et les idées reçues, dont la déconstruction reste un enjeu majeur du Planning Familial.

DÉCONSTRUIRE LES IDÉES REÇUES

Le scandale des pilules de 3ème et 4ème générations, les études sur le potentiel lien entre pilule et cancer du sein, l’idée que la pose d’un stérilet est possible uniquement après une grossesse, le retrait de l’implant Essure du marché (pour « raison commerciale »)… Les polémiques s’accumulent, suscitant doutes et inquiétudes, constamment autour de la contraception, le tri dans les informations devient difficile et un ras-le-bol se fait sentir.

Le 26 septembre, à l’occasion de la journée mondiale de la contraception, nombreux étaient les articles titrant autour de la désaffection de la pilule et du retour aux méthodes naturelles. L’emballement médiatique est lancé et encore une fois, ce sont les femmes qui trinquent.

Depuis 1978, la progression de l’usage de la pilule a été constante, souligne le PF 35 dans un communiqué, passant de 27% (cette année-là) des utilisatrices de contraception à 45% en 2000. On constate alors que les méthodes dites traditionnelles (retrait et abstinence périodique), utilisées à 23%, sont largement délaissées, chutant à 3%.

Dans les années 2000 pourtant, les études de l’INED (Institut national d’études démographiques) mettent en avant une inversion des tendances. L’usage de la pilule passe de 41% en 2010 à 33% en 2016. D’un autre côté, d’autres méthodes contraceptives prennent du gallon. Comme le stérilet (DIU, dispositif intra-utérin) qui voit son utilisation passer de 19% à 26% (sur la même période) et le préservatif qui passe de 11% à 16%.

Les méthodes naturelles reviennent en flèche en 2010, doublant son pourcentage avant de se stabiliser autour des 5% de 2014 à 2016. Un chiffre assez proche de celui de la stérilisation féminine (ligature des trompes), qui serait d’ailleurs en régression.

La pilule reste en France la méthode privilégiée par les concernées, particulièrement chez les jeunes de 15 à 19 ans (60,4%). Le Baromètre santé 2016 indique que son utilisation baisse avec l’âge (35,4% des 30-34 ans). En Bretagne, l’ARS (Agence régionale de santé) révèle même qu’en 2016, plus d’une femme sur deux utilise la pilule entre 18 et 29 ans.

ÉCOUTE ET DIALOGUE

« En consultation, on part des idées reçues des patientes, de ce qu’elles ont entendu, de ce dont elles ont peur. Les études sur les risques de la pilule sont très controversées. On dit aux femmes que la pilule provoque le cancer du sein mais on ne leur dit pas qu’elle les protège du cancer de l’utérus et du colon. Je ne peux pas assurer à une patiente qu’il n’y a aucun risque avec la pilule mais déjà le risque est extrêmement faible et ensuite c’est le cas avec tous les médicaments. »
déclare Cloé Guicheteau, médecin du PF 35.

Elle poursuit : « Quand elles sont jeunes, en majorité, elles ne connaissent que la pilule, qu’elles aient commencé une sexualité ou non. Elles veulent donc ce qu’elles connaissent. Notre rôle est de leur expliquer tout ce qui existe. Je leur parle du stérilet, de l’implant, etc. De comment vont se passer leurs règles, selon les méthodes de contraception. Je leur dis de ne surtout pas hésiter à revenir nous poser des questions, à revenir nous voir si jamais après la pose de l’implant elles ont des saignements trop fréquents. Pour voir comment on peut faire, comment ça peut passer. Il faut leur expliquer et dire que ça peut ne pas convenir. Ensuite entre 20 et 29 ans, on voit une diminution de l’utilisation de la pilule au profit du stérilet, souvent. Parce que ça peut être vécu comme une contrainte pour certaines de prendre la pilule tous les jours, ou parce qu’elles veulent prendre moins d’hormones, etc. »

Une baisse qui peut s’expliquer par une plus grande connaissance du sujet et peut-être une plus grande écoute de son corps et de son environnement. À l’heure où la société tend à se tourner vers des comportements plus écologiques et où l’on s’interroge sur la composition des cosmétiques, du textile, de l’alimentation, etc., les femmes prennent évidemment part au mouvement et questionne aussi leur quotidien.

Cloé Guicheteau et Laure Stalder se rejoignent sur la complémentarité de leurs fonctions. Les femmes peuvent parler différemment de leur rapport à la sexualité, à leurs corps, à leurs vécus, face à un-e médecin ou face à une conseillère conjugale et familiale. D’où l’importance de l’écoute et de l’information. Savoir aussi que selon les âges, les parcours, les expériences, les étapes de vie, les personnes évoluent et la méthode contraceptive peut être modifiée.

DES CONNAISSANCES POUR UN CHOIX RÉEL

Le mot d’ordre de la structure, d’autant plus valorisé à l’occasion des 50 ans de la loi Neuwirth : il n’y a pas de bonne ou de mauvaise contraception. Bénévoles et salariées insistent, il s’agit là d’un choix individuel, qui doit être éclairé par une information complète et accessible à tou-te-s.

« Nous ne sommes pas là pour décider à la place des patientes mais nous devons les informer sur tout ce qui existe, que ce soit sur les méthodes réversibles, comme sur les méthodes définitives. »
explique Marie Lintanf, bénévole et membre de la commission Contraception-IVG du PF 35.

La contraception ne doit pas être une fatalité mais un choix. Aujourd’hui encore, néanmoins, on regrette le manque d’écoute de certain-e-s professionnel-le-s de la santé et le manque, voire l’absence, d’informations dispensées par ces dernier-e-s. Sans compter certaines idées reçues encore véhiculées en 2017 (même si elles tendent à disparaître pour certaines).

D’un côté, on aborde la contrainte de la prise quotidienne d’un comprimé hormonal. D’un autre, on appréhende la douleur lors de la pose d’un stérilet (ou que notre corps le rejette). On réfléchit à la solution préservatif mais « Monsieur » préfère sans. Le retrait ? On n’y pense pas toujours dans le feu de l’action… Choisir sa contraception peut ressembler à un casse-tête chinois et être source d’angoisse et de souffrance, comme en témoigne Le chœur des femmes, de Martin Winckler.

Mais l’ouvrage montre surtout l’importance de l’écoute et de l’information. Du travail collectif entre patientes et professionnel-le-s. Sans oublier la relation de confiance. « C’est très important de prendre le temps de discuter. De ne pas forcément faire l’examen gynécologique dès le premier rendez-vous par exemple. », insiste Cloé Guicheteau.

SE FORMER À L’ÉCOUTE ET À L’ADAPTATION

Pour elle, il est essentiel de s’adapter à chaque patiente. Et de bien expliquer étape par étape les gestes qui vont être réalisés lors d’un examen :

« Je montre le spéculum, j’explique à quoi il sert, l’endroit où je vais le mettre et ce que je vais faire. Il faut bien faire attention à expliquer ce que l’on va faire sur leur corps. Ce n’est pas seulement imaginaire, il est important qu’elles visualisent. Pour le stérilet, on passe plus de temps à préparer le matériel qu’à le poser. Alors pendant la préparation, on échange avec la patiente. Plus elle est décontractée et détendue, moins elle ressentira de gêne. On discute, on parle d’autres choses. On voit comment elle se sent, on peut lui montrer avec un miroir si elle le souhaite, c’est vraiment selon la personne !

On prévient de tout ce qu’on va faire pour qu’elles ne soient pas surprises. Elles vont avoir des petites douleurs, comme une petite douleur de règles, pendant la pose parce que l’utérus est un muscle, il se contracte. On travaille alors la respiration pour bien oxygéner le muscle utérin. On peut utiliser l’hypnose aussi si on sent qu’il y a trop d’angoisse. Et surtout, il ne faut pas insister si on voit que c’est difficile. On va alors essayer de discuter, voir s’il n’y a pas d’antécédent de traumas, et malheureusement, souvent dans ces cas-là, on s’aperçoit qu’il y en a. A partir de là, on prend le temps avant de réenvisager la pose ou pas. »

Pour Anne-Claire Bouscal, la question des violences faites aux femmes, de l’écoute, de l’information, de l’adaptation à la personne, etc. doivent être obligatoirement prises en compte dans toutes les formations des professionnel-le-s de la santé, tout secteur confondu. Et pour cela, une vraie volonté politique doit être, pas seulement affichée, mais entreprise réellement sur le terrain.

L’INFORMATION POUR TOU-TE-S

Les associations manquent de moyens financiers mais aussi humains. Et ne peuvent, à elles seules, faire tomber les barrières sociétales et pallier toutes les inégalités territoriales. Le gouvernement doit également prendre sa part, au travers de financements plus importants, via des campagnes d’information visibles et accessibles à tou-te-s.

Chloé Bertin, bénévole et membre de la commission Contraception-IVG du PF 35, soulève un point essentiel : les événements autour de ces questions, et notamment autour de la contraception masculine, sont quasiment exclusivement organisées à l’initiative d’associations et ne touchent ainsi pas tous les publics :

« Chaque année à Rennes, en 2016 et en 2017, il y a une soirée sur la contraception masculine. Il y a Ardecom qui en parle, ou encore Thomas Bouloù, mais ça reste des initiatives associatives. Pas institutionnelles. Le Planning parle aussi bien des méthodes de contraception féminine que des méthodes de contraception masculine. Ces dernières sont très peu choisies et c’est le parcours du combattant pour la vasectomie. »

LES HOMMES AUSSI SONT CONCERNÉS

Le parcours du combattant, c’est ce que relate le rennais Franck Bréal dans Causette (numéro de novembre 2017 – à lire absolument, hommes et femmes, on précise). Il fait parti des 0,8% (en France, parce que dans des pays voisins, le chiffre se rapproche des 20%) d’hommes à s’être orienté vers une méthode définitive. Son témoignage met le doigt sur un tabou profond, criant de vérités : la contraception peut, et doit, se conjuguer au féminin et au masculin.

Depuis la légalisation de la contraception, seules les femmes sont visées. Elles sont les seules responsables d’une éventuelle grossesse. À elles de penser au petit comprimé à prendre tous les jours à heure fixe. À elles de réfléchir à leurs moyens de contraception. À elles d’aller chercher la contraception d’urgence à la pharmacie (et de s’entendre dire qu’elles ont été irresponsables) si besoin. À elles de dire « On va mettre un préservatif (féminin ou masculin) parce que je prends pas la pilule / j’ai pas de stérilet / j’ai pas d’implant » ou « Il faudra se retirer avant la fin (pour les mêmes raisons) ».

À elles de calculer les dates d’ovulation et jours de menstruations, sans qu’aucune question ne lui soit posée. Oui, elles gèrent. Et elles gèrent toutes seules. Pourquoi ? Parce que c’est une affaire de gonzesses. C’est faux. Franck Bréal le dit d’ailleurs au début de son article :

« Véro (sa compagne, ndlr) a raison : la contraception est aujourd’hui considérée comme une prérogative féminine. Cette charge (mentale) normée et imposée est pourtant loin d’être un acte banal et n’est pas sans risque. »

Et la vasectomie est également considérée comme loin d’un acte banal et sans risque. Parce que cet acte atteint à la virilité (idées reçues : la vasectomie rend impuissant / c’est certainement sa compagne qui le force parce qu’elle en peut plus d’être enceinte / il va le regretter plus tard – selon l’âge de l’individu, évidemment), dans l’opinion publique.

AVANCER ENSEMBLE

Encore une fois l’absence d’information et de connaissance joue en défaveur de la méthode et surtout en défaveur de la liberté de choisir (un délai de réflexion de 4 mois est obligatoire avant la réalisation de la vasectomie). À cela viennent s’ajouter les assignations de genre, parfait cocktail mortel qui n’oublie pas de polluer les esprits.

Cinquante ans ont passé depuis que la victoire de Neuwirth sur les conservateurs-trices. Celui qui était traité de « fossoyeur de la France » et « d’assassin d’enfants » - contraint de retirer sa fille de l’école catholique  en 1967 « à cause du harcèlement dont elle est victime » (Causette), est aujourd’hui salué par la grande majorité de la population.

Depuis la promulgation de la loi et l’application des décrets, les avancées se sont multipliées, notamment le remboursement du stérilet et de la pilule, la vente libre de la contraception d’urgence en pharmacie, l’autorisation de la stérilisation à visée contraceptive, la prescription de la contraception et la pose du stérilet par les sages-femmes, la gratuité de certains contraceptifs pour les mineures de plus de 15 ans, le lancement d’un numéro vert gratuit (0 800 08 11 11 de 9h à 20h du lundi au samedi) ou encore la gratuité et la confidentialité de tout le parcours de soin relatif à la contraception pour les mineures de plus de 15 ans.

Mais le combat reste d’actualité. Pour ne pas revenir en arrière. Et pour progresser encore dans l’évolution des mentalités et dans l’accès à la contraception pour tou-te-s. Désormais, la contraception doit se conjuguer au féminin comme au masculin et l’information doit être complète, tout autant que l’écoute et la formation des professionnel-le-s.

Le Planning Familial 35 insiste sur le non jugement : « C’est la personne concernée qui sait le mieux ce qui est bon pour elle. Le panel contraceptif a beaucoup évolué en 50 ans et va continuer à évoluer. Maintenant, la contraception est quasi exclusivement féminine parce qu’on tient les femmes dans un rôle de procréation ou de responsable unique de sa contraception. L’égalité doit passer par le fait d’en parler et d’en discuter ensemble. »

 

 

POUR INFOS :

Le Planning Familial 35, c’est :

  • 180 adhérent-e-s

  • Une cinquantaine de bénévoles qui se mobilisent pour faire connaître le Planning et diffuser ses valeurs

  • 27 professionnel-le-s salarié-e-s qui forment et informent, qui écoutent et accompagnent les personnes au quotidien

  • 2 sites : Rennes et Saint-Malo

Célian Ramis

Contraception : Fiabilité limitée

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Rennes
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Enquête sur les méthodes contraceptives actuelles : scandale, manque de prévention, insouciance, hausse des IVG, méthodes naturelles... Quelles priorités aujourd'hui ?
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Une récente étude de l’Ined et de l’Inserm révèle une profonde évolution des pratiques contraceptives depuis le début des années 2000, et notamment un rejet de la pilule, celle-ci ayant, entre 2005 et 2010, reculé de 5 points (de 55% à 50%). Ce repli s’est accentué en 2013 avec la controverse sur les pilules de 3e et 4e génération – à la suite d’une plainte déposée en décembre 2012 par une victime d’AVC - passant de 50 % à 41 % entre 2010 et 2013, soit une baisse de 14 points en moins de 10 ans.

En Ille-et-Vilaine, 23 041 femmes utilisaient ces pilules entre octobre 2012 et septembre 2013. Elles n’étaient plus que 1 320 entre octobre 2013 et septembre 2014, soit une chute vertigineuse de 94 % en 1 an (source CPAM 35). Si la pilule inquiète, les femmes ont d’autres recours pour se prémunir de grossesses non désirées.

Pour autant, la crise du contraceptif le plus répandu soulève de nombreuses interrogations et souligne des graves conséquences collatérales. De quoi s’agit-il précisément ? YEGG a mené son enquête.

Rejet de la pilule, retour des méthodes naturelles, intérêt croissant pour le stérilet et la stérilisation, le rapport des femmes à la contraception a changé. Cette nouvelle donne a des effets positifs mais aussi des répercussions perverses sur l’IVG. 

Si les françaises continuent de se protéger des grossesses non désirées, elles le font autrement. L’étude de l’Ined et de l’Inserm révèle qu’elles se tournent vers le préservatif, qui sur la période gagne 3,2 points, vers les dispositifs intra-utérien ou DIU (stérilets) en hausse de près de 2 points, et vers les méthodes naturelles dont le retrait, ou coït interrompu (+3,4 points). La pilule ne serait donc plus la panacée et 40 ans après sa légalisation, sa remise en cause et les nouveaux usages contraceptifs ont pour première conséquence l’augmentation du nombre d’IVG.

LA PILULE EN CRISE

« Le problème s’est posé en Angleterre dans les années 90, à la suite d’une même controverse », confie Vincent Lavoué, gynécologue-obstétricien au CHU Sud, à Rennes. Rien d’étonnant pour lui. Il rappelle que les risques de phlébite et d’embolie pulmonaire liés à la pilule ont été reconnus et publiés, dès les années 60. « Il faut rappeler que la pilule est un médicament », ponctue-t-il. Le praticien précise que ces accidents restent rares et inférieurs aux risques observés pendant une grossesse.

Il partage avec sa consœur, Estelle Bauville, le sentiment d’être ici confronté à une erreur des pouvoirs publics et des médias, lesquels ont créé une panique générale. « Or, depuis 2004, les médecins doivent respecter les recommandations sur la pilule de 2e génération à prescrire en première intention. Si elle ne convient pas, alors seulement on peut proposer une 3e génération », précise le Dr. Bauville.

Les autorités de santé préconisent aussi un dépistage des femmes à risque lors d’une prescription de pilule et à chaque renouvellement.

« La Haute Autorité de Santé conseille d’orienter les patientes vers un contraceptif de longue durée en première intention, afin de faire face au problème d’observance (respect de la prise quotidienne et à heure fixe de la pilule, ndlr) et de risques cardio-vasculaires »,
ajoute Estelle Bauville.

Loin de nier l’existence des risques et la douleur des victimes, cette crise interpelle les deux praticiens. Manque d’autorité et champs d’action réduit des pouvoirs publics face à un lobby pharmaceutique trop puissant ? Praticiens négligents et en mal de formation continue ? Pré carré des gynécologues installés « en ville » qui ont dépossédé, depuis 25 ans, les généralistes de leurs prérogatives en matière de contraception et de contrôle gynécologique ? Femmes peu ou mal informées et donc inconséquentes ? Les causes sont multiples et les responsabilités partagées. Les effets sur la hausse des IVG, eux, sont alarmants.

FORTE PROGRESSION DES IVG

« En 2013, à Rennes, nous notons une hausse des IVG de 10 % »,
confie Vincent Lavoué.

En Ille-et-Vilaine, la hausse est de 13 %. Pour le praticien la réponse des pouvoirs publics à la crise - déremboursement des nouvelles pilules - a été une erreur entraînant plus d’IVG. Or, il ne conçoit pas qu’en 2014 on ne contrôle pas plus les grossesses, « en terme de santé publique c’est un bénéfice majeur, surtout pour les femmes », argue-t-il. Difficile aussi pour le Dr. Bauville de concevoir qu’avec le nombre de contraceptifs disponibles on puisse « se mettre ainsi en danger. L’IVG n’est pas une chose banale, il peut y avoir des infections, psychologiquement c’est dur ».

Elsa en a subi deux à la suite de deux grossesses non voulues sous pilule. « La première fois, à l’Hôtel Dieu, personne ne m’a alertée et parlé contraception, j’en ai un souvenir amer, glauque et froid », livre-t-elle. C’était il y a plus de 20 ans, mais le problème semble perdurer, Jean-Pierre Epaillard, médecin inspecteur de santé publique à l’Agence Régionale de Santé le confirme :

« Il n’y a pas, ou trop peu, d’examens et d’informations données aux femmes post-IVG».

Elsa est persuadée que de bons conseils auraient évité sa seconde IVG, 8 ans plus tard. Cette fois-là, on lui parle d’un contraceptif plus efficace pour elle, l’implant, lequel vient d’arriver en France. Elsa admet avoir « subi » les effets secondaires – prise de poids et cycles anarchiques - pour autant, l’important était ailleurs :

« Je ne voulais surtout pas revivre ça. Je crois malheureusement que tant qu’on n’a pas vécu une IVG on ne se doute pas de ce que c’est. C’est horrible »,
confesse-t-elle.

Pour le Dr. Bauville la contraception s’envisage au cas par cas, et cela parait facile au regard de l’arsenal contraceptif qui s’offre aux femmes. Certaines ne semblent pas avoir trouvé dans ce large dispositif « contraceptif à leur sexualité » et optent pour les méthodes naturelles.

LE RETOUR DES MÉTHODES NATURELLES

« L’indice de Pearl (il permet de mesurer l’efficacité d’un contraceptif, ndlr) prouve qu’il y a 30 à 40 femmes sur 100 qui tombent enceintes avec les méthodes naturelles : ça n’a pas de sens. Il faudrait savoir si tomber enceinte est un problème, ou pas, pour ces femmes. Se font-elles avorter ? », interroge le Dr. Lavoué. Difficile à savoir. D’autant plus qu’aux choix de ces méthodes pour raisons religieuses et culturelles, se sont ajoutés de nouveaux critères. L’étude Ined-Inserm indique que le recours à ces modes est orienté par des problèmes économiques, le niveau d’études et la catégorie socioprofessionnelle.

Les femmes sans aucun diplôme ont davantage délaissé les pilules récentes au profit de ces méthodes, tout comme celles en situation financière difficile. Une situation qui n’étonne pas le Dr. Epaillard, pour lequel il est évident qu’il existe des disparités sociales et des inégalités selon les territoires :

« On note que la prise de contraception d’urgence est plus importante en centre ouest Bretagne. Je ne suis pas étonné que la crise impacte la contraception. Lorsque l’on a des problèmes sociaux, la santé passe après, et la contraception en fait partie ».

L’étude parle aussi de certaines femmes qui rejettent tout contraceptif hormonal. Vincent Lavoué pense qu’il s’agit ici d’un mouvement plus global, écolo, avec l’allaitement exclusif, les couches lavables, l’alimentation bio, le recueil du cycle dans des dispositif de « coupe »…etc. « Ces suspicions à l’encontre des hormones ont été alimentées par la polémique. C’est juste une question d’appréciation des choses, car il n’y a pas de réalité physiologique, au contraire, outre le contrôle des grossesses, cela permet la diminution des risques d’infections sexuelles transmissibles (IST) et de cancer des ovaires. En revanche, il y a bien amplification des menaces de cancer du sein », précise-t-il.

Pour Anne et Bertrand Toutain, couple rennais qui pratique la méthode Billings depuis 20 ans, les contraceptions naturelles vont au-delà de toute mouvance et de tous milieux sociaux et présentent l’intérêt de bénéficier d’une excellente connaissance du corps féminin. Un savoir qui manque cruellement aux femmes et aux jeunes filles.

UN PROBLÈME RÉCURRENT DE SANTÉ PUBLIQUE

Aujourd’hui, Elsa pense à ses filles : « J’espère savoir trouver les mots pour qu’elles prennent conscience de l’enjeu. » Quant à son fils, elle envisage aussi de lui en parler sérieusement, considérant que la contraception ne doit plus être uniquement l’affaire des filles. Une initiative heureuse puisque de nombreuses méconnaissances sur la contraception circulent encore. Ainsi, certaines adolescentes pensent que le premier rapport sexuel n’est pas fertilisant.

« Il y a un gros problème auprès des jeunes filles, elles sont très mal informées. Depuis qu’on ne parle plus du Sida, elles ne se protègent plus et l’on voit plus d’IST, particulièrement le papillomavirus, responsable du cancer du col de l’utérus, et la chlamydia, cause de stérilité. Il n’y a pas assez de mise en garde, même si les infirmières scolaires font un énorme boulot »,
s’inquiète le Dr. Bauville.

Le problème persiste malgré la mesure de Marisol Touraine, ministre de la Santé, en 2013, de rendre la contraception pour les mineures gratuite et de réduire la TVA sur le prix des préservatifs. Pour ces derniers, se pose un souci de bon usage que les plus jeunes maîtriseraient mal. Néanmoins, l’étude Ined-Inserm révèle aussi que cette nouvelle donne contraceptive génère une plus grande diversité des pratiques, comme la pose de stérilets chez les 25-29 ans.

VERS UNE CONTRACEPTION LONGUE DURÉE

« Plus de stérilets et moins de pilules ? C’est un bénéfice réel ! Un effet positif de la polémique », assure Vincent Lavoué. Prôné par la Haute Autorité de Santé depuis 2004, le stérilet ne séduisait pas les jeunes, jusqu’en 2010. Depuis, il est passé de 2 à 5 % chez les 20-24 ans, et de 8 à 16 % chez les 25-29 ans. « Dans l’intervalle, un stérilet pour jeune fille, le short (petite taille, ndlr), a été mis sur le marché », note Estelle Bauville.

Longtemps victime d’un vieux dogme médical – disant les DIU responsables d’infections – il n’est donc plus réservé aux multipares. « Là encore, c’est un défaut de formation et de pratique qui poussent les praticiens à le refuser aux plus jeunes. Mais, ils ont l’obligation légale de les informer que d’autres collègues peuvent le faire », précise la gynécologue. Autre signe de ce tournant, l’attrait pour la stérilisation. Autorisée seulement depuis 2001, elle entre peu à peu dans les mœurs.

« On note une recrudescence des demandes de ligatures des trombes. Les profils sont très variés et nous procédons là aussi au cas par cas »,
confie le Dr. Bauville.

Elle s’alarme toutefois que cela ne devient un « nouveau jouet à la mode » sans que les femmes n’en mesurent vraiment les suites irréversibles, puisque une toute nouvelle méthode, Essure, se pratique par voie vaginale (la méthode initiale se fait par endoscopie, ndlr) et en 5 minutes seulement. « Je crains une banalisation de l’acte et un retour de manivelle dans peu de temps, surtout dans les DOM-TOM », concède-t-elle.

Car la contraception ne s’envisage pas avec légèreté, il en va du confort et de la liberté des femmes. À Rennes, depuis 2011, l’hôpital Sud a mis en place une formation au dépistage pour les généralistes. Les médecins traitants rennais reprennent donc en main la contraception et le contrôle gynécologique de leurs patientes, bon à savoir.

La plupart des pilules contiennent un œstrogène et un progestatif, des dérivés synthétiques de l’oestradiol et de la progestérone, deux hormones sécrétées naturellement chez la femme. Le progestatif fait fonction de contraception, l’œstrogène, hormone sexuelle, est là pour contrecarrer les effets du premier. La pilule de 1ère génération, celle des années 60, était riche en œstrogène, ce qui causait des effets secondaires importants (nausées, migraines).

La découverte de nouveaux progestatifs a permis de réduire le dosage d’œstrogène dans la pilule de 2ème génération, celle des années 70 et 80. Néanmoins les effets secondaires étaient toujours notables et les risques de thrombose veineuse toujours présents. Les pilules de 3e et 4e génération, arrivées dans les années 90, renferment plusieurs nouveaux progestatifs, censés réduire les effets secondaires (comme l’acné) et les risques d’accident thrombo-embolique. Mais, au contraire, ils les multiplient par 2.

« Depuis 40 ans, les risques de phlébite et d’embolie liés à la prise de la pilule – un médicament, rappelons-le – ont toujours existé, ils sont connus et publiés. Ils restent néanmoins faibles en fréquence. Les victimes ont souvent des antécédents familiaux »,
confie le Dr. Vincent Lavoué.

Le praticien précise qu’ici les responsabilités sont partagées par le lobby de l’industrie pharmaceutique, les pouvoirs publics ne jouant pas leur rôle de régulateur et les praticiens qui continuent de prescrire la 3e génération en première intention. Un récent rapport de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) indique que les ventes des 3e et 4e génération ont chuté de 60 % entre janvier et avril 2014 par rapport à 2012. Parallèlement, les ventes de 1ère et 2e générations ont augmenté de 36 %.

« À 38 ans, mariée et mère de deux enfants, j’ai décidé de me faire ligaturer les trombes (stérilisation chirurgicale féminine). J’ai été opérée en mai dernier. Depuis, je suis ravie ! J’éprouve une sensation de tranquillité, de liberté, de confort », confie la jeune femme.

Un choix d’abord personnel, après plusieurs mois de réflexion guidée par une insatisfaction rencontrée avec d’autres moyens de contraception, « les hormones me rendaient malade et je n’ai pas supporté les stérilets (hormonal et au cuivre). Parallèlement l’idée de la stérilisation cheminait dans mon esprit », précise-t-elle.Un choix de couple ensuite. Si la démarche vient d’elle, son mari a entériné l’acte :

« Nous étions parfaitement d’accord sur le fait de ne plus vouloir d’enfants. J’ai alors pensé aux pires éventualités (perte d’un enfant, séparation), mais nous ne voulons pas avoir d’autres enfants, c’est notre choix ».

Décidée, Fanny s’est renseignée, notamment auprès de ses amies qui l’ont fait avant elle, puis elle a rencontré une gynécologue.

« Elle m’a posé beaucoup de questions, elle a testé ma motivation, car ce n’est pas anodin, c’est irréversible. Elle m’a aussi bien mise au fait des possibles retombées psychologiques par rapport à ma féminité, puis il y a eu les 4 mois de réflexion obligatoire »,
poursuit Fanny.

Elle avoue ne pas avoir vécu cela comme une remise en cause de sa féminité ou, pire, une mutilation, mais comme un acte médical banal, une étape dans leur vie de couple, une phase naturelle. « Subir l’ablation d’un sein à la suite d’un cancer est un acte mutilant, une ligature non », insiste-t-elle.

Anne et Bertrand Toutain pratiquent la méthode Billings depuis 20 ans et forment d'autres couples à la contraception naturelle, à Rennes. Témoignage.

YEGG : Pourquoi avez-vous choisi la méthode Billings ?

Bertrand : Nous avons commencé cette méthode au début de notre mariage, il y a 20 ans. Nous sommes plutôt bio et pas trop médicaments… Nous nous sommes intéressés à différentes méthodes. Et la méthode Billings a eu un aspect très positif sur notre couple. C’est un partage et un épanouissement pour nous deux. Accompagner les autres couples l’est également.

En quoi consiste l’accompagnement des couples ?

Bertrand : C’est une formation de couple à couple. Les personnes souhaitant se former à la méthode viennent à la maison pour une soirée qui dure en moyenne 2h / 2h30.

Anne : Ensuite, il y a un suivi de femme à femme. Une entrevue de 10 minutes, c’est très rapide, en face à face. En général, on se voit une fois par cycle (un cycle allant du début d’une menstruation à la fin de l’autre menstruation), pendant X cycles. Le temps qu’il faut. Au bout d’un moment on peut échanger par mail. Je tiens à ce que ce soit pratique pour les personnes qui se forment. Mais il faut savoir qu’on comprend généralement la méthode en un cycle. C’est très important de bien comprendre cela car la méthode Billings est très rigoureuse. Elle est aussi fiable qu’une pilule pour qui la suit rigoureusement.

Qu’est-ce qui les motive ?

Anne : Les personnes qui viennent nous voir, pour les femmes, sortent de pilule ou de stérilet, ressentent parfois une perte de libido. On rencontre tous les âges, tous les milieux sociaux… Les femmes peuvent aussi faire appel à nous au moment où elles souhaitent allaiter – pour savoir si cela est compatible avec la contraception naturelle – où lorsqu’elles sont en pré-ménopause.

Bertrand : Il faut savoir que la plupart des couples qui vient nous voir ne sont pas réticents aux grossesses et aux enfants. Il s’agit ici de réguler les naissances, pas de les éviter à tout prix. Pour cela, il faut bien comprendre le cycle féminin. Et cela aide par la suite pour avoir des enfants justement ! En connaissant son corps et son cycle, elle est rassurée et plus sereine. Ça crée un climat et une connaissance pour les femmes qui est très importante.

Anne : Il y a aussi des couples qui viennent nous voir alors qu’ils sont médecins, sage-femmes ou infirmières ! Ils connaissent bien le corps humain mais pas forcément dans la finesse de ce corps. Personnellement, je trouve que c’est une méthode féministe. Nous sommes fécondes entre quelques heures et quelques jours, tout dépend des femmes, par mois. Et on nous demande de prendre une pilule tous les jours ! Certes, il faut pratiquer l’abstinence pendant cette période de fécondation mais finalement ce n’est pas grand chose comparé à une prise de pilule chaque jour. Je trouve cela beaucoup plus contraignant.

Bertrand : Ce n’est vraiment pas très astreignant.

Anne : Sinon c’est 25 jours de liberté.

Bertrand : C’est une méthode très utilisée en Chine. Très rigoureuse. L’état chinois fait venir des moniteurs Billings. Pour illustrer, en France, nous sommes environ 600 moniteurs Billings. En Chine, dès le départ, ils ont formé 1000 moniteurs. Car ils voulaient se détacher des pays occidentaux et des méthodes de contraception. Et les statistiques sont très intéressantes. Il faut regarder sur le site de l’OMS.

Comment, concrètement, pratique-t-on la méthode Billings ?

Anne : La méthode consiste à sentir si l’on est humide ou sèche à la vulve. Il suffit de se poser la question plusieurs fois par jour pour acquérir le réflexe. C’est simple : la femme se demande comment elle se sent à la vulve pour déterminer le moment de fécondité. C’est une méthode « main dans les poches » ! En 20 ans, aucun couple venu nous voir n’a souhaité quitter la méthode. Souvent, ça booste le couple. L’homme est aussi impliqué.

Bertrand : Les femmes ont le même nombre de capteurs sur les grandes lèvres que sur les lèvres. Lors du premier cycle, elles doivent être attentives à ce qu’elles ressentent. Ensuite, avec l’entrainement, le cerveau sait reconnaitre. Au début, on fait sonner le portable pour y penser.

Anne : En 20 ans, il y a eu un seul bébé « non désiré » par un couple. Ce couple s’était bien planté dans la méthode !

Bertrand : La glaire cervicale est une substance qui s’écoule au niveau du col de l’utérus. Quand la femme la sent couler, c’est qu’elle est très féconde. En fait, cette substance aide les spermatozoïdes à remonter dans le corps. Souvent, les femmes ne connaissent pas toutes ces choses là. Et elles peuvent alors se sentir sales  à ce moment-là. Cela est dû au manque de relais entre les mères et les filles. Entre les pères et les fils. C’est dommage de passer à travers cette connaissance !

Anne : Et quand on ressent une sécheresse au niveau de la vulve, c’est que la substance est compacte comme un bouchon de liège. Impossible pour les spermatozoïdes de passer ! Avec cette méthode de contraception, l’union est tout à fait naturelle, et pour un couple, c’est tout à fait agréable.

Anne : Pour voir arriver cette humidité, il faut éviter certaines choses comme les collants, les jeans serrés… il faut favoriser les culottes en coton. Et une fois la période de fécondité passée, on peut alors s’habiller comme on veut à nouveau. Au-delà tout ça, l’important c’est qu’une femme puisse se comprendre en tant que femme. Elle comprend alors pourquoi elle a des changements d’humeur, de comportements et à quel moment en fonction de là où elle en est dans le cycle. Et c’est aussi très riche pour l’homme.

Bertrand : Au début de notre mariage, j’avais l’impression d’avoir épousé la seule femme qui change d’avis ! En fait, j’ai appris à découvrir les changements dus aux hormones et à repérer les signes (éclat de la peau, brillant des yeux, caractère…) Et pour un homme c’est primordial de comprendre la question hormonale sachant que nous n’avons pas de cycle. Et pour le couple, c’est très vivifiant. Une union, ça se prépare. Alors lors de la période d’abstinence, rien n’empêche d’avoir de petites attentions envers l’autre pour préparer justement l’union, quelques jours plus tard. On peut se courtiser.

Bertrand : L’homme s’associe à la fécondité car c’est lui qui tient le tableau. La femme ne doit pas porter seule la responsabilité de l’abstinence. On se doit en tant qu’homme de ne pas proposer d’union à la femme par exemple lors de la période d’abstinence. C’est enrichissant de respecter sa femme, d’apprendre à calmer ses besoins.

Anne : Sans oublier que lorsqu’on a fini la période de fécondité, on peut alors se lâcher complètement dans les unions car on se sent en confiance quand on n’est pas fécondes. La méthode Billings, c’est un art de vivre et c’est plus qu’une méthode puisque ça touche l’art de se comprendre à 2. Ça demande évidemment un effort, on ne nie pas du tout cette facette. Mais il faut bien savoir que les couples Billings ne sont pas des couples de frustrés ! Bien au contraire, aux Etats-Unis par exemple, des chiffres ont révélé que seulement 1 à 2% des couples Billings se séparent. Quand on sait qu’aujourd’hui c’est presque 1/3 voir la moitié des couples qui se séparent…

Mais, sans pouvoir établir de corrélation directe avec les contraceptions naturelles, l’augmentation des IVG laisse penser qu’un lien peut être établit…

Anne : Oui, je comprends. Beaucoup de couple qui viennent nous voir ont déjà subi une IVG avant. Et là, parce que la femme était sous pilule ou autre contraceptif, ça a été vécu comme un échec. La méthode Billings met en confiance et permet également d’avoir des enfants puisque le couple saura exactement à quel moment concevoir l’enfant. Personnellement, les couples que nous avons formés n’ont pas eu recours à l’IVG depuis l’utilisation de la contraception naturelle. Je crois que cela ouvre aussi sur la vie.

Bertrand : Le problème quand on pense aux contraceptions naturelles, c’est que beaucoup pensent à Ogino. Mais c’est une catastrophe cette méthode car elle se base sur des suppositions. On suppose que le cycle est complètement régulier. C’est trop dangereux de faire des hypothèses !

Anne : L’abstinence laisse respirer le corps de la femme et le couple. L’union peut se préparer sur plusieurs jours. C’est une très belle richesse les unions et elles apportent beaucoup au couple.

On parle d’une mouvance écolo-bobo, vous êtes d’accord avec cette image ?

Bertrand : Oui c’est vrai mais écolo dans le sens positif. Sans oublier que c’est une méthode gratuite qui permet à la femme de s’écouter, d’écouter son corps. C’est une démarche réfléchie. Souvent les couples qui viennent nous voir ne sont pas heureux avec les contraceptifs dont ils disposent.

Anne : Et puis c’est une vraie liberté pour les femmes. Ce n’est pas agréable de se sentir aimé que dans sa sexualité. Là, c’est une méthode de couple à couple, pas besoin d’être médecin pour la pratiquer ou pour former d’autres couples. Car le problème dans la contraception, c’est le manque de transmission sur les corps féminins. Sans parler du fait que les femmes n’écoutent pas leur corps !

Vous avez parlé d’un tableau que l’homme remplit. Comment fonctionne-t-il ?

Anne : L’homme doit le remplir tous les soirs. Avec un stylo rouge, un stylo vert et un stylo blanc (respectivement pour les menstruations, la sécheresse et l’humidité à la vulve).

Bertrand : C’est une richesse pour l’homme de tenir ce tableau. Cela permet de regarder de manière encore plus belle sa femme. La féminité ne doit pas être source de blessure.

 

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