Célian Ramis

Le patriarcat des objets, une histoire à pisser debout

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Rebekka Endler, journaliste franco-allemande blanche, autrice de l'essai Le patriarcat des objets
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C’est une plongée brutale dans un monde inadapté aux femmes. L'essai de Rebekka Endler, Le patriarcat des objets, crée un déclic. Un soubresaut nécessaire à l’élan collectif pour se soulever contre l’omniprésence de ces violences dans nos existences ébranlées.
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C’est une plongée brutale dans un monde inadapté aux femmes. L’essai de Rebekka Endler, Le patriarcat des objets, c’est la mise en mots et en exemples de ce malaise éprouvé intimement sans réellement le réaliser ou réussir véritablement à le formuler. La capacité à exprimer ce que le patriarcat fait endurer aux femmes, dans la matérialité de leur quotidien, permet un déclic. Un soubresaut nécessaire à l’élan collectif pour se soulever contre l’omniprésence de ces violences dans nos existences ébranlées.

Il s’agit, au départ, d’une histoire de toilettes publiques. Elle se souvient des longs trajets en voiture lors des grandes vacances d’été pour aller en France et elle se remémore la génance des arrêts pipi. « Avec ma mère, on devait faire la queue aux WC alors que mon frère et mon père pissaient dehors », se souvient-elle. Rebekka Endler pense alors qu’il s’agit d’un problème individuel : « Pour une femme, c’est plus long, elle doit peut-être changer de protection, le pantalon est peut-être plus difficile à enlever, etc. »

Mais elle s’aperçoit, à travers un documentaire audio qu’elle doit réaliser et pour lequel elle interviewe Bettina Möllring, designeuse spécialisée sur la question des toilettes publiques, qu’il s’agit en réalité d’un problème structurel et systémique. « Les racines de cette problématique sont patriarcales. Quand on a construit les canalisations, il y a 200 ans, on a pensé l’accès aux WC pour les personnes importantes : les hommes. Et depuis, il y a eu très peu de changement. En festival, quand il y a des urinoirs pour les personnes avec des vagins, c’est très joli mais ça a toujours un caractère événementiel et non durable », souligne-t-elle, précisant : « On veut un changement structurel, de grande surface. On attend ça mais il n’y a pas de volonté politique ! »

LE PROBLÈME, PRIS À L’ENVERS

Ni même médiatique. Après son entretien avec Bettina Mullring, la journaliste comprend que le sujet ne tiendra pas dans les 5 minutes dont elle dispose. Elle souhaite présenter, à la radio allemande, un documentaire d’une heure sur la question. Sa proposition est refusée dans plusieurs rédactions. Le motif : absence de pertinence sur le plan social et sur le plan politique. Une aberration qu’elle creuse avec le témoignage d’une étudiante hollandaise, punie d’une amende par la police pour le flagrant délit d’un pipi sauvage, en pleine nuit dans la rue. Celle-ci, choquée par l’injustice dont elle fait l’objet, refuse de payer et va plaider sa cause devant le tribunal. « Comme c’est la première femme à se retrouver là pour pipi sauvage, le juge en déduit que c’est un problème beaucoup plus important pour les hommes, plus nombreux à être jugés pour cet incident, que pour les femmes », explique-t-elle, bouche-bée. 

Ainsi, dans son livre, Rebekka Endler écrit : « Aussi révoltante qu’elle puisse paraitre à beaucoup d'entre nous aujourd'hui, cette façon de penser a une longue tradition. Elle correspond à une idée cultivée de longue date elle aussi, selon laquelle les femmes auraient, pour correspondre aux exigences de leur genre, le contrôle total de leurs fonctions corporelles. Elles ne se grattent pas quand ça démange. Elles ne bâillent pas quand elles s’ennuient. Elles ne pètent pas quand elles sont ballonnées, et elles ne pissent pas non plus. Une femme comme il faut sait se maitriser. » Au-delà de l’aspect humoristique et corrosif du ton employé, elle souligne la difficulté pour les femmes en territoires occupés ou frappés par des catastrophes naturelles d’accéder à des toilettes : en plus de la violence de la situation et de l’énergie mobilisée à encaisser et survivre, elles doivent affronter les souffrances liées au manque ou à l’absence de points d’eau pour elles et, possiblement, pour leurs enfants.

La journaliste élargit le propos : il ne s’agit pas là simplement d’une problématique genrée mais aussi de classes sociales et d’âges. Elle évoque les risques accrus d’agressions sexuelles pour les personnes n’ayant pas accès à un WC à son domicile ou son travail, l’impact pour une personne SDF de pouvoir trouver une source d’eau, pour les personnes âgées, les femmes enceintes, les personnes handicapées, les enfants… « Des personnes se limitent à sortir de chez elles car elles ne savent pas où elles vont pouvoir aller faire pipi. La mobilité publique est un droit ! », précise Rebekka Endler. Elle pourrait en parler pendant des heures, elle aurait pu y consacrer un livre entier. « Mais il n’aurait pas été édité ou traduit… Alors, j’ai décidé de regarder ailleurs et ça a été un choc, car partout où je regardais, je trouvais du design patriarcal ! », relate-t-elle.

LES CODES (NÉFASTES) DU GENRE

C’est un effet boule de neige auquel elle assiste et participe activement durant plus d’une année d’enquête. Pas de suspens : le masculin l’emporte sur le féminin, et pas uniquement en grammaire. Partout, tout le temps. Tout est pensé et conçu selon les caractéristiques physiques et virilistes du masculin et des valeurs que l’on attribue au genre supérieur, censé représenter la neutralité. Pourtant, on notera que les adaptations à destination des femmes sont souvent teintés de couleurs pastels (principalement roses ou violettes), fabriquées avec des matériaux de moindre qualité et vendues à des tarifs plus élevés. Une vraie arnaque mais aussi un vrai risque pour la santé, comme Rebekka Endler va le démontrer au fil des pages à travers la sécurité automobile, la recherche pharmaceutique, les équipements professionnels et bien d’autres champs explorés uniquement au prisme des biais de genre.

« Les catégories féminines et masculines sont désignées par le patriarcat de manière arbitraire. Les valeurs de genre que l’on attribue à ces catégories se traduisent dans le design, le langage, etc. »
signale l’autrice du Patriarcat des objets

Pour ça, elle se pare d’une série d’exemples illustrant le sexisme notamment d’un ordinateur, conçu en 2009, pour les femmes « mais sans parler aux femmes lors de la création du produit » : des couleurs pastels, des applications pour échanger des recettes et compter ses calories. Un désastre. « L’ordinateur coûtait plus cher que n’importe quel autre ordinateur en comparaison, en ayant moins de fonction que les autres. Mais, immense avantage : il tenait dans un sac à main ! », rigole Rebekka Endler. En quelques semaines, le backlash amène le fabricant à retirer le produit du marché. 

L’ALLIANCE DU CAPITALISME

Il suffit d’inverser les codes pour constater les projections genrées que les cibles du marketing renvoient sur les appareils. Avec la perceuse Dolphia et le mixeur aux 27 vitesses Mega Hurricane, le test est effectué sans préciser la nature des produits au panel interrogé. Le premier objet, conçu aux formes arrondies et aux couleurs claires, apparait comme un produit cheap, fragile, qui se cassera rapidement. Le second, à la silhouette d’un outil de bricolage, est perçu comme professionnel et puissant. « Les produits ménagers et de domesticité marquent la dichotomie de la technologie en fonction de son utilisateur ou de son utilisatrice », analyse Rebekka Endler, consciente que l’industrie, sous couvert de facilitateur du quotidien, a en réalité induit les femmes à davantage de charges domestiques : « Quand le mixeur est arrivé, on a commencé à faire des gâteaux plus complexes, sur plusieurs étages. Un simple gâteau ne suffisait plus à témoigner de l’amour d’une mère pour sa famille. Cela a monté l’exigence attendue d’une femme. » Même combat avec l’invention de l’aspirateur, de la machine à laver, etc. 

Parce que le capitalisme et le patriarcat se sont unis dans le challenge est né le marketing genré, avec les vêtements pour filles et pour garçons ainsi que les jouets pour filles et pour garçons. Une distinction qui s’est opérée avec le développement de la technologie spécialisée dans les échographies : « Les jouets genrés sont assez récents. Ils arrivent avec la possibilité de révéler le sexe du bébé lors de la grossesse… Patriarcat et capitalisme sont deux petites roues qui tournent bien ensemble et s’accentuent entre elles. » Ainsi, on connait les difficultés pour les petites filles à se mouvoir dans l’espace du fait de leurs tenues amples (robes, jupes) ou trop serrées et glissantes (collants) mais moins l’impact de la représentation mentale qui opère dans les esprits lorsque l’on voit une fille habillée de manière genrée. La journaliste prend le cas d’une étude réalisée dans laquelle on montre des petites filles à l’apparence ultra genrée et ces mêmes petites filles dans des tenues unisexes. Résultat :

« Les gens pensent que les filles habillées de manière genrée sont moins intelligentes. » 

Conséquence : le regard et le jugement vont influer sur la construction de ces femmes en devenir qui vont alors intégrer l’idée qu’elles sont moins intelligentes, voire idiotes, que les autres. « Je ne suis pas pour supprimer le rose ou le violet mais simplement d’enlever la valeur que les gens mettent à une chose et pas à une autre chose », ajoute-t-elle.

PAS LES BONNES CONDITIONS DE TRAVAIL

Cette valeur dont elle parle investit le champ du domaine professionnel qui vient appuyer la thèse d’un monde conçu et pensé uniquement pour les hommes cisgenres et qui vient renseigner, de par l’absence de réflexions et d’adaptations structurelles, la place que la société réserve aux femmes. « Tout, dans le design, des open space, la température, les bureaux, les chaises…, tout est fait en fonction de la taille moyenne de l’homme », résume la journaliste qui prend l’exemple de la station spatiale internationale, espace où les femmes éprouvent des difficultés à s’accorder avec l’aménagement de la capsule, les modules pour poser les jambes, se tenir, etc. étant entièrement pensé pour les hommes. 

A l’instar des équipements vestimentaires, concernant les combinaisons pour les astronautes mais aussi les accessoires, représentant là une difficulté pour se mouvoir et travailler mais aussi un danger pour leur survie : « En 2020, la première équipe féminine sort pour faire des travaux en dehors de l’ISS. L’une des deux astronautes explique, sur un plateau en Allemagne, que ça a été très compliqué car les gants sont trop grands. Et André Rieu, qui était présent ce jour-là (je ne sais pas si vous le connaissez en France, André Rieu, c’est une vraie peste qui joue du violon), lui demande : ‘Mais qui fait le ménage dans la station depuis que vous n’y êtes plus ?’ » De la blague sexiste arriérée aux embuches multiples pour réaliser à bien leurs missions, la misogynie couvre d’une cape d’invisibilité les besoins et les ambitions des femmes. On retrouve les mêmes mécanismes dans l’agriculture, le BTP, les secteurs ayant recours aux uniformes professionnels (pompier-es, avocat-es, policier-es…), l’aviation mais aussi dans le domaine du sport.

ROMPRE LE TABOU DE LA VULVE PARALYSÉE

C’est Hannah Dines, paracycliste Olympique, qui va venir rompre le silence concernant les conséquences d’une selle non adaptée à son organe génital. En 2018, après plusieurs opérations, elle brise le tabou. Le vélo, à haut niveau, lui a paralysé la vulve, à force de frottements répétés des lèvres sur la selle. « Elle n’en parlait pas au début car elle était entourée de médecins hommes. Quand elle a parlé, des cyclistes du monde entier lui ont écrit pour la remercier. Elles ont toutes pensé qu’il s’agissait d’un problème individuel alors qu’en fait, il s’agissait d’un problème de design, correspondant à des selles pour les hommes cisgenres », s’enthousiasme la journaliste, qui déchante en expliquant que par la suite, des selles « pour femmes » vont être vendues : plus larges et plus molles, elles sont, encore une fois, de moindre qualité et plus chères. 

« Mais il y a tellement de honte et de tabous autour de ces sujets qu’il est très difficile de prendre la parole ! » 

Côté foot, elle établit aussi une discrimination matérielle, en raison des chaussures souvent achetées au rayon enfants ou hommes, selon la pointure de la joueuse, afin de privilégier la qualité. Dans tous les modèles permettant de fabriquer des bottines, des escarpins, des baskets, etc. aucun n’existait jusqu’il y a peu pour le sport de course… : « Le risque de blessure est plus grand pour les femmes qui ne trouvent pas les bonnes chaussures. Pour augmenter la sécurité et la qualité du sport, il faudrait mettre l’effort, la science et l’argent. » 

Malheureusement, comme elle le démontre dans la grande majorité des cas qu’elle décrypte et analyse dans son livre, les prototypes, aménagements d’espace – à l’instar de l’espace public et des toilettes publics – objets, produits numériques, etc. sont quasiment toujours pensés et réalisés par des hommes « qui oublient, dans une application sur la santé, de prévoir un calendrier de règles… ».

DANGER POUR LA VIE DES FEMMES

C’est là que le défaut réside. Ne pas prendre en considération les femmes, les récits de leurs expériences, leurs ressentis et leurs expertises. Penser qu’elles sont simplement des versions réduites de l’homme cisgenre moyen. C’est déjà écarter une très grande et large partie de l’humanité. Mais c’est aussi mettre les vies concernées et non envisagées en danger. Jusqu’en 2010, signale Rebekka Endler, il n’existait aucune recherche genrée sur la mortalité lors des accidents de voiture. Si Lucile Peytavin, dans son essai Le coût de la virilité, montre que ce sont majoritairement les hommes qui créent des situations mortelles au volant, l’essai sur Le patriarcat des objets dévoile à son tour que les femmes et les personnes sexisées sont les principales victimes des habitacles non testées pour leur sécurité. « Elles ont 47% de risques en plus d’avoir des blessures graves, 71% de risques en plus d’avoir des blessures légères et 17% de plus de mourir », scande-t-elle. 

Où se loge le problème ? Principalement, dans l’ignorance : « Quand on ne sait pas, on n’a pas grand-chose à changer. Pour demander un changement, il faut des chiffres, des statistiques. On les a maintenant depuis 14 ans mais peu de chose bouge… » La journaliste creuse, explore des pistes et découvre que 5 crashs tests sont utilisés pour mesurer la sécurité d’un véhicule avant sa mise sur le marché. Tous sont réalisés selon le même mannequin, correspond, sans suspens, à la morphologie d’un homme cisgenre de 40 ans, d’environ 1m77 et de 80 kgs. « C’est le mannequin qui, quand il entre dans la voiture, n’a pas à avancer le siège, à baisser le volant, etc. Modifier les paramètres de la voiture nuit à la sécurité ! », alerte-t-elle. 

Et si, heureusement, une femme a réussi à développer d’autres types de mannequins, plus représentatifs et inclusifs de la diversité de la population et des spécificités qui en résultent, son invention est jugée trop chère, encore une preuve de l’absence de volonté de modifier l’équipement. L’industrie automobile a opté pour la création d’un mannequin, basé sur leur standard de test, en taille réduite, sans « prendre en compte la question de la répartition de la graisse, la densité des muscles, la densité des os, etc. ». Et la (mauvaise) blague va plus loin : « Le test est réalisé sur la place du passager. Parce que c’est là, la place de la femme… »

VIOLENCE ET RAGE

Dans un monde où on parle à des assistances vocales aux voix féminines, où l’intelligence artificielle rhabille les femmes dénudées sur Internet afin de les transformer en trad wife, où les réseaux sociaux « dépolitisent » leurs contenus (militants, de gauche…), où les habits de travail sont taillés pour un standard masculin normatif, où l’apparence genrée induit l’intelligence inférieure des filles et des femmes, où la sécurité des femmes n’est assurée par aucune vérification et aucun contrôle des produits vendus sur le marché, où le langage les invisibilise et les rabaisse, les femmes doivent sans cesse s’adapter et lutter doublement pour s’approprier un espace qui n’est pas taillé à leur mesure. Au quotidien, les femmes prennent place dans une chaise trop haute, de manière, inconsciemment, à leur rappeler que ce monde ne leur appartient pas et qu’elles n’y sont pas les bienvenues. Une violence inouïe qui se révèle au fil des pages et des chapitres que Rebekka Endler nous soumet comme une invitation à la prise de conscience, une invitation à comprendre ce malaise intimement ressenti sans jamais pouvoir le formuler aussi clairement. Une invitation qui nous met en rage et nous donne envie de nous soulever contre ce patriarcat des objets : 

« Avant de faire ce livre, je pense que, les femmes, on était seulement une arrière-pensée, qu’on passait après. En fait, je m’aperçois qu’on n’est pas seulement une arrière-pensée mais qu’il y a une volonté de carrément s’en foutre. Et c’est grave ! C’est grave d’être invisibles ou oubliées. On a du mal à rester civiles après ça. Parce qu’en plus, ça coûte des vies ! » 

Les solutions sont là, elles existent pour ne plus endurer, chaque jour, un parcours de combattant-es. Elles sont imaginées, fabriquées et promues par les personnes concernées pour les personnes concernées. Pour prendre en compte toutes les morphologies et les expériences. Pour considérer toutes les identités et toutes les existences. Pour rendre le quotidien non pas simplement supportable mais vivable et profitable à tou-tes. Comme le dit Rebekka Endler, le manque de volonté latent rend la tâche compliquée. Mais pas impossible. 

 

 

  • Le 12 mars, Rebekka Endler animait une conférence sur Le patriarcat des objets au Tambour à Rennes 2 dans le cadre des Mardis de l’égalité et du 8 mars à Rennes.

Street art : la culotte qui colle

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« Collectionneuse de petites culottes à fleurs, colleuse de culottes dans la rue ». Telle est la description du compte Twitter de Mathilde Julan.
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« Collectionneuse de petites culottes à fleurs, colleuse de culottes dans la rue ». Telle est la description du compte Twitter de Mathilde Julan. Cette vendéenne, arrivée à Rennes il y a un an pour ses études à l’école des Beaux-Arts, s’est lancée depuis quelques mois dans le collage de culottes.

Celle qui se cache derrière sa frange et ses lunettes rondes explique : « Ca fait sourire, ça amuse, ça interroge. C’est marrant ! » Et ce n’est pas par hasard qu’elle a décidé de courir les rues, avec son pinceau et sa colle, à la recherche de pans de mur pour y afficher ses dessins, « des culottes que je fais au marqueur sur du papier kraft ». A l’origine de ce street art culotté, un projet à réaliser pour l’école des Beaux-Arts, début 2013, sur le thème des « traversées dans l’espace ».

C’est là qu’elle imagine un flip book (livret de dessins animés) sur une « traversée culottée ». A la suite de cet exercice, son professeur lui conseille « de faire sortir les culottes du carnet ».

Depuis, Mathilde colle régulièrement, dans le centre ville, ses drôles de créations sans modèles prédéfinis mais toujours aux motifs « spontanés et graphiques » avec des pois et des traits. Le côté enfantin, elle l’assume. Cela fait parti de son « univers », un terme qu’elle utilise avec précaution.

« Je ne dessine pas très bien mais j’ai un style. J’ai commencé les arts plastiques en seconde, car j’étais perdue, je ne savais pas ce que je voulais faire. J’ai fini par faire une mise à niveau en arts appliqués et par postuler dans les écoles », confie-t-elle. Autre raison : éviter le côté vulgaire.

Pour elle, ce dessous, que l’on dissimule soigneusement, révèle une part de féminité et met la femme en avant. La culotte évoque aussi la sexualité, de manière élégante et raffinée. Quand elle repense à ses autres travaux, elle établit un lien particulier : « mon dessin est souvent très féminin… mais pas forcément féministe ». Sans rechercher cette finalité à tout prix, Mathilde avoue n’être pas encore assez investie politiquement pour réfléchir à ce type de graphisme. Pour elle, c’est son rapport à l’esthétisme qui prime.

La culotte s’agrandit

La féminité, la couture, les vêtements… des thèmes et des domaines qu’elle s’amuse à investir. De plus en plus. Que ce soit au niveau des zones qu’elle couvre : « A la base, je collais que sur les murs en travaux et aujourd’hui je me décoince et j’aime le risque, en en mettant par exemple sur le musée des Beaux-Arts ». Ou que ce soit au niveau de son ambition.

Repérée et contactée par une artiste plasticienne nantaise, Sophie Lemoine, elle envisage une collaboration avec cette dernière pour réaliser une sérigraphie de culottes à commercialiser. Une proposition alléchante pour cette jeune étudiante qui compte dans les prochaines années s’orienter vers la filière Graphisme et communication de l’école des Beaux-Arts (filière suivie par les deux étudiantes de La Brique, lire notre interview Graphisme et Féminisme : « On peut vraiment s’exprimer à Rennes », publiée le 14 mai 2013).

D’ici quelques années, il se pourrait donc que nos fesses soient sublimées par les créations de Mathilde. Qui sait, ce serait drôlement culotté !