Célian Ramis

In Bloom ou l'évidence d'un hip hop assumé

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Le Triangle, Rennes
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Les chorégraphes Pierre Bolo et Annabelle Loiseau se sont lancés dans l’adaptation du Sacre du printemps de Stravinsky. Les 2 et 3 décembre, ils présentent In bloom, au Triangle, à l’occasion des Transmusicales.
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À chaque création, un nouveau défi. Tel est le leitmotiv de la compagnie nantaise Chute libre. Les chorégraphes Pierre Bolo et Annabelle Loiseau se sont lancés dans l’adaptation du Sacre du printemps de Stravinsky. Les 2 et 3 décembre, ils présentent In bloom, au Triangle, à l’occasion des Transmusicales.

Un siècle après la création du Sacre du printemps et de nombreuses reprises par des chorégraphes renommés, tels que Maurice Béjart, Pina Bausch ou encore Jean-Claude Gallotta, Annabelle Loiseau et Pierre Bolo, tous les deux âgés de 37 ans, souhaitent « faire groover Stravinsky et réactualiser le propos ».

Dans la version initiale, il est question de rite païen autour du sacrifice d’une jeune femme à l’abord du printemps. En 2016, la compagnie Chute libre a décidé qu’il était temps d’en finir avec cette histoire, « car heureusement aujourd’hui on n’a pas connaissance de sacrifices de jeunes filles pour le renouveau d’une saison ! »

LE RITUEL DU DEUIL

Mais le duo de chorégraphe ne s’affranchit pas entièrement de ce qui a nourrit l’imaginaire de Stravinsky et de Nijinsky. Ils en gardent la matière. « Nous avons pris le parti de dire que la jeune fille était morte dès le départ. L’histoire du rituel, ça nous parle. On s’est interrogés sur : « c’est quoi le rituel du deuil ? » Sans le côté religieux. Et comment on porte ça dans le corps, comment le corps physique et l’âme portent cette douleur. », explique Annabelle Loiseau.

En tant que danseuse, avant de co-fonder la compagnie, elle avait déjà interprété le Sacre. Pierre Bolo, non. La partition s’est imposée à lui comme une évidence lorsqu’il s’est intéressé à la question du texte classique dans la danse. « Et mine de rien, le deuil est sociétal ces derniers temps, ça résonne dans l’actualité, même si ce n’était pas voulu. Ce scénario, c’est un scénario intime plutôt que narratif. On s’est mis autour de cette histoire mais ce n’est pas forcément ce que l’on voit en tant que spectateurs. », souligne-t-il.

L’ÉVIDENCE DU HIP HOP

In bloom, titre emprunté à une chanson de Nirvana, signifiant « en floraison » (lire YEGG#53 – Décembre 2016, dès le 5 décembre), réunit 3 générations de danseurs-seuses. Leur socle commun : le hip hop. À deux voix, les deux chorégraphes complètent les propos l’un de l’autre :

« On n’a pas vu de différence dans la manière d’appréhender le deuil par rapport aux différences de générations. Ce n’était pas le but. On a travaillé ensemble autour de la manière dont chacun-e appréhende le sacre, mais aussi le travail avec nous chorégraphes, la scène et le hip hop. »

Et malgré la pression instaurée du fait de se frotter à un tel dinosaure, la compagnie est fière de relever les défis à chaque création. « On a pris un plaisir fou dans cette pièce, je ne suis pas objective mais l’équipe est géniale, vraiment. Et ce n’est pas toujours le cas… », précise Annabelle.

Car pour chaque nouveau spectacle, il leur faut explorer de nouvelles pistes, de nouveaux chemins. « Instinctivement, on danse hip hop car c’est ce que l’on transpire », livre Pierre. Mais le hip hop étant « une danse de fulgurance », sur 30 à 40 secondes en battle, il était essentiel de développer le genre pour aller au-delà, « ne pas faire un pur show technique ». Être authentique et souple à la fois dans la gestuelle et la corporalité, sans dénaturer l’œuvre et sans dénaturer également la danse qui les anime.

UN STYLE PLUS MATURE

Le Sacre du printemps se prête parfaitement à leur style : « Le rapport au sol, le piétinement, la frénésie, le rapport des pieds au sol, l’enracinement : tout cela fait écho au style hip hop. » Pour Pierre Bolo, le hip hop est aujourd’hui plus digéré, lui permettant de s’intégrer à des propositions de plus en plus vastes. Peut-on parler de démocratisation ? C’est un petit oui qu’il nous confie.

« Surtout, je crois que le hip hop sait plus où il en est et il en ressort plus mature. »
commente-t-il.

Une œuvre de 100 ans, un style qui s’assume davantage et une compagnie en floraison… Un mélange qui apparaît clairement comme une évidence et un brassage pertinent de par sa complémentarité et diversité. Une sacrée fraicheur ! 

Célian Ramis

#Trans2016 : Invocation des énergies transcendantes

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Parc expo, Rennes
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La nouvelle édition des Trans Musicales a investi le Parc expo de Rennes, jeudi 1er décembre. Deux groupes ont retenu notre attention : Anna Meredith et Marta Ren & The Groovelvets.
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La nouvelle édition des Trans Musicales a investi le Parc expo de Rennes pour le premier des trois soirs, jeudi 1er décembre. Deux groupes ont retenu notre attention : Anna Meredith et Marta Ren & The Groovelvets.

ANNA MEREDITH – 22H45 – HALL 8

Les notes graves du violoncelle viennent rejoindre la mélodie entamée par le tuba et accentuer l’ambiance angoissante du début de concert. Et lorsque la batterie et les percussions s’y ajoutent, l’ensemble sonne puissant et annonce un spectacle saisissant. Et surtout ne laisse pas entrevoir ce qui attend les festivalier-e-s.

Rapidement éclatent les sonorités électro qui rythmeront quasiment l’intégralité du set de Anna Meredith. Compositrice et musicienne, elle est avant tout une créatrice. Elle raconte que la révélation fut le jour où elle relia une pédale à distorsion à un basson. Depuis, elle ne cesse d’expérimenter et de jouer des styles pour les modeler à sa manière et les affranchir de toute étiquette.

Et c’est une musique classique réinventée qu’elle nous propose, avec son premier album Varmints, sorti au premier trimestre 2016, après avoir écrit un opéra au final électro, Tarentula in Blue Petrol, un concerto pour un beatboxer et un piano et enregistré plusieurs EP. En véritable touche-à-tout, la britannique Anna Meredith se livre à de nombreuses expérimentations et les partage avec le public sur scène.

La magie opère. De la grandeur s’en dégage. Et du sublime s’installe. C’est un spectacle instrumental que nous proposent les cinq membres du groupe qui ne chanteront que très rarement. Les symphonies se marient à des lignes groovy et des sonorités rétro, quasi robotiques avant de croiser des beats rock et puissants, et plus tard des notes disco.

Le tout est un joyeux bordel, minutieusement organisé en boucan incessant qui devient presque essentiel et psychédélique par moment. Le rythme est rapide, et la puissance des morceaux se veut en permanence crescendo. L’accélération uni à l’augmentation de l’intensité de la musique nous embarquent dans un tourbillon fracassant qui finit par s’éclater dans les applaudissements déchainés des spectatrices et spectateurs.

Puis, le calme après la tempête. La violoncelliste se fait plus romantique, la mélodie plus paisible. Mais avec Anna Meredith, on apprend rapidement à se méfier de l’eau qui dort.

Car en parallèle, elle convoque à l’aide du xylophone ou d’instruments à vent des sonorités plus expérimentales qui viennent souffler sur les cordes du violoncelle comme pour les amplifier et les déformer, et l’on pense distinguer en tendant l’oreille comme un bruit sourd d’aspirateur.

Le set est pensé pour explorer toutes les facettes de l’univers du groupe, soutenu par un écran diffusant l’apparition de plusieurs animaux dessinés à l’aquarelle dans des tons clairs et des traits incertains, oscillant entre un côté enfantin et un côté abstrait.

Anna Meredith nous plonge hors du temps et nous capte entièrement de par son esprit accrocheur et stimulant.

On s’accroche à des appuis imaginaires en attendant avec un mélange d’impatience et d’appréhension le décollage. L’implosion. Ou l’explosion. On ne distingue plus. On passe par tous les états, baladés entre l’électronique très poussé, le rock, les percussions et les respirations contemplatives.

D’une chanson à l’autre, qui semble toujours reprendre la dernière partie de la précédente pour la poursuivre et lui donner une nouvelle direction, un nouveau souffle, plane toujours dans le hall une once d’angoisse. Qui sait ce qui va nous arriver.

Sur scène, l’ambiance est détendue, les musicien-ne-s souples et souriants. Ce sont les instruments qui prennent le contrôle du concert, inversant les rôles, utilisant les moyens humains dont ils disposent pour raconter leur propre histoire à travers l’extension de leur propre musique et de leur propre mélodie. Avec toujours, le soutien de la surpuissance de la batterie et des percussions.

On aurait pu attendre un final digne de l’apothéose et là encore Anna Meredith en a décidé autrement. La polyphonie dont elle use avec son petit orchestre est cette fois mise au service du chant dans leur « morceau disco de Noël ». Alors que le groupe explorait les chemins d’un style indie singulier, il prend un tournant inattendu et aborde une pop très vaste qui nous projette tout à coup à la fin d’un film de Noël des années 90.

Un virage détonnant qui ne colle pas au reste du concert mais s’affiche finalement en parfaite adéquation avec les capacités du groupe anglais à nous trimbaler d’un genre à un autre, ou dans un genre nouveau de musique classique expérimentale et rock qui du côté de Rennes pourrait ressembler au terrain escarpé et brillant du musicien et compositeur Olivier Mellano.

 

MARTA REN & THE GROOVELVETS – 1h05 – HALL 3

C’est ensuite au tour de l’ancienne chanteuse de The Bombazines de nous enchanter lors de cette première soirée au Parc Expo. Marta Ren envoie une énergie qui nous cloue sur place mais ne nous empêche pas de danser au rythme de sa soul/funk rafraichissante et fascinante.

Sur scène, elle n’est pas seule. Elle est accompagnée de ceux qui vont rendre son groove percutant grâce au talent du saxophoniste, du trompettiste, du pianiste, du batteur, du guitariste et du bassiste.

Ensemble, ils balancent une musique entrainante, dansante et explosive. Le groupe portugais dépoussière la soul et d'une performance vocale ils en font un véritable spectacle hypnotisant.

Elle, elle attire le regard. Difficile de la quitter des yeux tant son dynamisme est envoutant. Marta Ren s’affiche combattante, conquérante, nourrie d’une énergie rock, limite punk. En tout cas, bestiale. Sa voix puissante, perchée, parfois nasillarde, est parfaitement maitrisée et assumée.

Elle chante l’amour, la déception et la désillusion mais sans fatalisme. Elle invoque les grands noms de la soul et flirte parfois avec l’esprit d’Amy Winehouse, sans pour autant essayer de l’imiter ou dénaturer son œuvre, et prend sa place, bien méritée auprès de ces talents. La chanteuse portugaise démontre dans son attitude et les textes qu’elle interprète une personnalité entière.

Elle réclame le respect et la dignité. Chanter les histoires d’amour et les sentiments, oui, mais pas à n’importe quel prix. Elle n’est peut-être pas la « regular woman » de l’homme dont elle parle mais elle n’est pas prête à tout accepter. Et elle sait faire la différence entre les « two kinds of men ». Elle a l’esprit vaillant, le sourire et l’énergie positive des grandes femmes. De celles qui assument la globalité de leur être et explorent toutes les facettes d’un être humain. Sans barrière.

Marta Ren & The Groovelvets font de la soul en 2016 mais ne renient rien ni personne. Et adaptent même « Light my fire » des Doors, que la chanteuse admire depuis longtemps. Le regard frétillant, elle se tourne vers ses musiciens : « Light my fire babies » et entame avec eux une version arrangée très jazzy, sensuelle et langoureuse.

Elle délivre son instinct félin et derrière son faux air de Jane Birkin jeune dévoile une dark lolita un peu rock qui ne tombe pas dans le travers d’une diva soul. Au contraire, elle joue avec le public d’attitudes aguicheuses et provocatrices et joue avec ses musiciens pour qu’ils l’émoustillent de touches très funk, mélangés à un côté rétro, type années 50 et 60.

Et ça groove dans le hall 3 pendant plus d’une heure, envoyant sur la fin une énergie sauvage et animale. L’effet est fulgurant et transcendant. Marta Ren & The Groovelvets laisse le souvenir d’une expérience bouleversante et nous marque de son empreinte de guerrière de la soul.

 

 

Célian Ramis

Mythos 2016 : La majestueuse plénitude de Jeanne Added

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Festival Mythos, Rennes
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Elle est une révélation des Trans Musicales 2014, où elle s’était produite à L’Aire Libre – à St-Jacques-de-la-Lande – et ne va pas démériter son titre ce soir-là, au Thabor.
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Avec Mansfield.TYA, on prenait une claque, dans le Magic Mirror, installé dans le parc du Thabor à Rennes à l’occasion du festival Mythos, mardi 19 avril. Puis est venu le tour de Jeanne Added de monter sur scène. Sans broncher, on a apprécié de prendre une deuxième claque.

L’esprit du duo nantais règne encore sous le chapiteau à 22h30. Il est emprunt de rage, de force et de liberté. Jeanne Added n’a qu’à souffler sur les braises pour faire jaillir les flammes de la foule qui s’entasse et l’acclame dès que les lumières s’éteignent. Elle est une révélation des Trans Musicales 2014, où elle s’était produite à L’Aire Libre – à St-Jacques-de-la-Lande – et ne va pas démériter son titre ce soir-là, au Thabor.

D’entrée de jeu, l’artiste rémoise entame « Be sensational », également titre de son album. De par sa voix, elle impose la fascination. De par l’ensemble instrumental, composé d’une batterie, de percussions, d’un clavier et d’une basse, elle fabrique un climat sombre et inquiétant. Le tout résonne profondément dans tout l’espace du lieu.

Ses chansons sont puissantes, mélodiques, et dégagent un sentiment de plénitude. Lorsque sa musique atteint notre corps, elle nous pénètre, nous imprègne et on y succombe rapidement. Sans présenter aucune résistance. L’album de Jeanne Added et sa prestation scénique sont hypnotiques, planants et électrisants. Quasi mystique.

La noirceur des textes sonne comme une évidence à l’écoute du disque. En live, les morceaux prennent une autre dimension. La puissance de la pop électro est magnifiée, la voix, toujours aussi maitrisée, est amplifiée, l’émotion est décuplée. Les vibrations de la batterie et les sonorités organiques du clavier viennent augmenter les sensations de frisson que Jeanne Added procure à travers sa puissance et son empreinte vocale mais aussi son énergie incroyable qu’elle délivre sans concession.

L’explosion est immédiate. Ça boue et ça éclabousse tous les recoins du Magic Mirror. La chanteuse, également auteure-compositeure, maintient son public dans une envie de la suivre, de l’accompagner dans son univers qu’elle a bâti durant de nombreuses années et qu’elle a su inventer pour trouver son chemin et sa place. Une envie de sortir tout ce que l’on a à l’intérieur. Assortie d’une furieuse nécessité de délivrer cette urgence de nos viscères.

Parce que chez elle, ça sort des entrailles. Noirceur et douceur s’entremêlent et s’enlacent dans un savant mélange à vous émouvoir aux larmes.

À l’instar du titre « Look at them » durant laquelle la voix vous hypnotise pour mieux vous percuter de manière incisive et frontale. Brutale. Tout comme sa chanson « A war is coming ».

On passe alors d’une impression de flotter dans les airs sans avoir jamais envie de remettre un pied à terre à une sensation de danger imminent.

Ça déraille, sa voix s’éraille, l’énervement surgit comme un cri d’alarme, un cri des tripes, un cri impulsif. Mais peu importe la chanson qu’elle interprète, elle crée avec talent et maitrise des fractures dans les ambiances, les rythmiques et les émotions.

On passe d’une décharge d’électro acidulé à une explosion post punk qui asperge tout sur son passage. On convulse, on transpire et on sue. Pourtant rien y fait, la musique de Jeanne Added s’incruste dans la peau jusqu’à atteindre le cœur de notre âme et de notre esprit. Elle lâche les chiens et transforme la scène du Cabaret botanique en scène de fin du monde. Tout est en mutation, le son, la voix, les lumières. Jusqu’à ne plus résister du tout afin d’être élevé-e-s par la pureté de « Suddenly » chantée en chœur avec ses musiciennes.

On finit comme on a commencé. En complet lâcher prise, guidé-e-s par l’énergie bouillonnante de la chanteuse et de son groupe. Bercé-e-s par un sentiment de plénitude.

 

Jeanne Added : La rencontre et le chemin vers soi

YEGG : Les médias parlent de renaissance artistique, de musique de la réinvention. La bio sur votre site indique le parcours d’une émancipation artistique. Est-ce que vous êtes d’accord avec ces définitions ?

Jeanne Added : Pas tout à fait. Je dirais que c’est un chemin vers soi. Ça prend du temps, ça demande de la confiance pour aller à sa propre rencontre. Mais je ne parlerais pas de renaissance ou d’émancipation. Plutôt de chemin qui dure toute la vie, qui se précise au fil du temps.

YEGG : Vous avez étudié au Conservatoire de Paris puis à la Royal Academy de Londres. Vous avez toujours eu cette envie de musique ?

J.A. : Oui, c’est quelque chose de mouvant. J’ai eu accès à la musique dès 5-6 ans. J’ai une chance immense. J’ai appris à lire quasiment en même temps que la musique. Après, ça vient doucement. Quand on est enfant ou ado, le conservatoire c’est un peu « rien à foutre ». Puis le désir est né. J’ai eu la chance d’avoir des parents intelligents qui m’ont laissée partir à Paris après le bac et m’ont laissée faire pour voir où ça allait. C’est un désir un peu fou à suivre quand il arrive. J’ai une grande chance, j’y suis allée et après 2 ans à Paris, j’étais conquise, je ne me posais plus la question.

YEGG : Aux Trans 2014, vous dites « lever le voile sur une personnalité trop corsetée dans des univers trop polis ». Puis affichez la volonté d’arrêter de chanter les chansons des autres, de chanter autrement. Pas poliment. Y a souvent la notion de politesse…

J.A. : C’est pas poli dans le sens de politesse vraiment. C’est qu’au fur et à mesure, je change. C’est normal, on bouge tous. À un moment donc je ne correspondais plus à ce que je faisais (jazz et reprises, ndlr).

YEGG : Vous exprimez également l’envie et le besoin de prendre la parole. On peut parler de la musique comme moyen d’expression, vous, vous insistez sur la prise de parole. Pourquoi ?

J.A. : Ce n’est pas la prise de parole en soi, dans le sens ce n’est pas dans ce que j’ai à raconter que ça a une importance. Mais c’est un circuit très court, de moi à moi. J’avais ce besoin d’ouverture et l’écriture me permettait ça. J’ai écrit ce que j’avais à l’intérieur. J’avais besoin de cette énergie.

YEGG : Le fait d’être une femme a-t-il été un frein ?

J.A. : On a tous des histoires différentes mais personnellement je dois dire que je n’ai pas eu de difficulté par rapport au fait d’être femme. Ou alors c’est si bien intégré et ancré en moi que je n’y ai pas fait attention… Mais je ne suis pas naïve, je vois bien le système patriarcal, je ne me fais pas d’illusions. Moi, je dois dire que je n’ai pas souffert de ça ou alors je ne m’en rends même pas compte.

YEGG : Jamais lors de votre parcours ou d’une interview par exemple vous avez senti une différence de traitement parce que vous êtes femme ? Certaines artistes ont parfois la question de « l’écriture féminine », pas vous ?

J.A. : Je n’ai pas de réponse à ça. Je ne sais pas ce que veut dire féminin ou masculin et encore moins l’écriture féminine. Après, je sais qu’au niveau technique musicale, on demande plus aux femmes qu’aux hommes. Ça c’est certain.

YEGG : Votre album Be sensational est composé d’électro dark et d’espoir. Quel message souhaitez-vous faire passer ? Le titre est très parlant…

J.A. : Ce n’est pas le même sens pour le titre de l’album et le titre de la chanson. Le graphiste a posé ce titre sur la pochette pour essayer. J’ai trouvé que c’était le bon titre. Il me correspond. Pas parce que je suis merveilleuse. La question, c’est celle de comment s’autoriser à aller plus loin, la question de l’exigence envers soi. Dans ce monde en particulier. Je sens que l’on est dans une ère où on nous demande de nous en foutre, on nous endort beaucoup. Dans un monde tel qu’on l’a détruit…

YEGG : C’est un peu « la guerre approche » ?

J.A. : Elle est déjà là dans plusieurs pays ! Mais dans ma chanson, je parle d’autres guerres. Les guerres intérieures car je pense qu’il ne faut plus faire l’économie de ça. Ça peut paraître tristoune dit comme ça sur l’album mais c’est l’inverse. Je pense que c’est par la responsabilité dans la façon de vivre, de consommer, que l’on découvre beaucoup de joie, de liens de l’humain. Ça donne de la valeur aux choses. C’est de rester assis dans son coin qui est source de tristesse.

YEGG : Après un long parcours, un long cheminement pour trouver le courage d’être soi, de trouver sa place et de prendre la parole, le succès est arrivé et la critique vous encense. Comment le vivez-vous ?

J.A. : Ça ne change pas ma vie au quotidien. Ça change des petites choses sympas, ça me donne des moyens pour bien bosser et continuer mon chemin. Je me dis que les choses fonctionnent peut-être quand on s’aligne à soi. On est fait de plein de strates. Je suis très musicale dans ma façon de penser mais quand on est aligné, ça résonne plus.

YEGG : Pour terminer, un petit mot sur Rennes. Une ville sentimentale pour vous j’imagine…

J.A. : Oui, c’est très fort. J’ai pas arrêté d’en parler lundi soir. J’ai gavé Jean-Louis Brossard en le remerciant. C’est incroyable ce qui s’est passé ici pour moi. Donc c’est vrai que c’est très important.

Célian Ramis

Trans Musicales 2015 : Monika, déferlante de bonne humeur

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Parc Expo, Rennes
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Samedi 5 décembre, dernier soir des Trans au Parc expo de Rennes. Monika assure le show et prouve que sa notoriété en Grèce est justifiée de par son talent.
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Samedi 5 décembre, dernier soir des Trans Musicales au Parc expo de Rennes. À peine 1% de femmes programmées sur l’ensemble des 4 halls. Pour chance, mais qui n’excuse en rien cette inégalité, Monika a assuré le show et prouvé que sa notoriété en Grèce, son pays d’origine, était justifiée de par son talent.

Depuis l’annonce de la programmation des Trans, sa chanson « Secret in the dark » – également titre de son 3e album, sorti le 13 novembre – circule. Disco entrainant, on se prête au jeu, on se déhanche et on imagine que son concert sera un enchainement de chansons du genre.

Monika Christodoulou nous prouve que l’on avait tort de penser ainsi. Car la chanteuse grecque dévoile une palette bien plus nuancée et plus complète que cela et gère le rythme de son set de manière à nous la faire découvrir sans lenteur, sans redondance et sans frustration.

Pour son premier concert en France, elle foule la scène des Trans Musicales, accompagnée d’un batteur, d’un trompettiste, d’un bassiste et d’un guitariste. Les sonorités jazzy se mélangent à des premiers morceaux folk rock qu’elle alimente d’une belle voix grave qui résonne dans le hall 3, rempli de spectateurs-trices envouté-e-s par la proposition.

L’ambiance est paisible sur les premières notes. Le public est saisi par la particularité de ce qui pourrait s’apparenter à un hymne porté simplement par la voix, et soutenu par la batterie qui intensifie la profondeur du chant. Monika, debout, droite, main sur le cœur, air grave. On ne peut décoller le regard de la chanteuse et se concentrer sur rien d’autre que la pureté de ce qu’elle renvoie en émotion. Une émotion forte et poignante, renforcée par la vision de son poing serré, tremblant, et de sa musculature contractée.

Elle enchaine en se rapprochant du public, descendant dans l’espace réservé aux photographes séparant le public de la scène, pour une « song d’amour ». Et éloignée de son micro durant une poignée de seconde, elle fait entendre la beauté de sa voix saisissante, à laquelle elle mêle ballade romantique et sonorités traditionnelles, lors d’un instant magique qui marque nos esprits.

De retour sur la scène, elle sonne le coup d’envoi vers des chansons teintées de disco. Musique et danse se mélangent, une bulle se forme autour du hall, le temps s’arrête, on vit l’instant présent sans penser à rien d’autre. Munie de sa guitare, elle balance un disco empli de funk tout en gardant son empreinte vocale rock et soul. Rien ne bascule jamais dans la démonstration et l’équilibre du groove et de l’émotion, transmise à travers une sensation de bien-être, nous fait chavirer.

Le côté Madonna dans Evita à la fenêtre pour entamer « Don’t cry for me Argentina » au début de la chanson « Shake your hands » est magistral et immédiatement suivi d’une rupture dans le rythme du morceau. La voilà qui sautille et parcourt la scène en dansant, derrière les musiciens. Une déferlante de bonne humeur a envahi l’espace de notre bulle et le public, timide au départ, reprend le refrain avec plaisir et enthousiasme.

Son spectacle est fort, percutant, emprunt de sensualité dont elle ne joue pas ni n’abuse dans un jeu de séduction naturel. De la spontanéité, Monika en déborde, rien ne semble too much et on apprécie son lâcher prise, même quand elle oublie les paroles et se ressaisit avec force et rage pour livrer au public les dernières notes de son concert qui se clôt, après l’excellente « Secret in the dark », sur une chanson qui allie une intro sonnant légèrement à la Abba, des airs traditionnels grecs et une partition très rock sur la suite.

Pour son premier concert en France, la chanteuse-musicienne marque les esprits du public des Trans Musicales. Son énergie communicative séduit instantanément et ne nous quitte pas de la soirée. Une révélation qui nous laisse sans voix mais nous emplit d’espoir et d’optimisme.

Célian Ramis

Trans Musicales 2015 : L'art de la différence

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Parc Expo, Rennes
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Deuxième soir aux Trans Musicales, premier soir au Parc expo de Rennes. Une programmation éclectique et féminine pour ce jeudi 3 décembre.
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Deuxième soir aux Trans Musicales, premier soir au Parc expo de Rennes. Jeudi 3 décembre, les halls se sont animés au son des concerts éclectiques de la programmation. Et à la venue de quelques artistes féminines.

3SOMESISTERS – HALL 3

C’est le groupe que l’on retiendra dans cette soirée. Anthony, Bastien, Florent et Sophie marquent les esprits de par leur univers singulier et original. Coiffes et boucles d’oreilles bleues, robes-toges et attitudes de divas, la quatuor soigne l’esthétisme de son show et interpelle.

« Au départ, nous n’avions d’envie farouche de travestissement. Nous voulions être dans la tradition des groupes vocaux qui s’appellent « sisters quelque chose ». Et pour cela, il fallait ressembler à des sisters. », rigole le groupe avant d’expliquer l’envie de décalage, de ralliement visuel autour de l’outrancier. Et si leur paraître se teinte d’humour derrière un transformisme réfléchi, le lien et la cohérence avec la musique ne sont jamais rompus : « Car la musique, c’est la base de notre projet. On était bien plus doués pour la musique mais nous avons développé ces créatures en parallèle. »

Dès les premières notes, les 3somesisters imposent le silence. La voix est grave et n’est pas sans rappeler la signature vocale de Depeche Mode. Munis de claviers, de percussions et de voix maniées à souhait, ils mêlent électro, soul et dance des années 90 (le groupe ayant commencé par réaliser des cover des tubes 90’s comme « Free from desire » ou « I like to move it ») et s’en font les ambassadeurs modernes.

Car leurs arrangements ne sont pas restés perchés deux décennies en arrière. Loin de là. La pop transgenre des 3somesisters puise aussi bien dans le baroque que dans les sonorités ethniques et tribales. Les harmonies de leur voix, les polyphonies majestueuses, leur maquillage style aztéco-égyptien, et leurs attitudes de madonnes des banlieues populaires forment un ensemble homogène sans faille, jouant du décalage avec la modernité de leur proposition et entretenant le côté urbain-streetwear.

« On est de partout de par nos origines, de par les milieux dont nous sommes issus. On était tous musiciens. On a chacun fait des musiques du monde. », arbore fièrement le quatuor. Les emprunts ethniques seraient donc la matérialisation de ce qu’ils sont. Et en fin d’interview, Sophie exprime également le bien fondé d’explorer son côté féminin. Ce qu’il apporte va au-delà de la question du sexe et du genre.

« Je suis plutôt masculine à la base et ça m’a beaucoup apporté. On devient alors des individus. Il n’y a plus de distinction. », conclut-elle. 3somesisters, un groupe composé de 4 personnes donc, et non pas de 3 hommes et une femme. C’est ce qu’il en ressort sur scène où chaque diva androgyne est magistrale. Les membres du groupe s’amusent de la théâtralité de leurs personnages, tenant leurs rôles à merveille. Une démarche qui n’est pas incompatible avec le partage et la générosité de leur groove entrainant et enthousiasmant.

 

GEORGIA – HALL 8

Elle aurait pu devenir footballeuse professionnelle, nous signale le programme des Trans Musicales. Mais son amour pour Missy Elliott lui fait prendre la voie de la musique et de la batterie pour accompagner sa compatriote britannique Kate Tempest.

Celle-là même que l’on découvrait l’an dernier, un jeudi soir également des Trans, dans un hall voisin.

La jeune artiste se différencie de la poétesse anglaise dans un hip hop plus épuré et moins émotif. Pourtant, elle ne semble pas manquer d’émotions et d’inspiration mais les contient encore peut-être trop à l’intérieur en faveur d’une puissance vocale largement démontrée.

Georgia est néanmoins loin de n’avoir que sa voix comme talent puisqu’elle a réalisé, seule, son premier album dans lequel elle personnalise son univers. Des sonorités synthétisées, des notes tribales, du trip hop et une voix légèrement criarde, elle souligne très rapidement son style métissé.

Des arguments qui sèment l’incompréhension dans nos esprits face à une émotion peinant à circuler. Pourtant, l’enthousiasme et la présence de Georgia sont au rendez-vous et son envie de le partager avec son public - « le plus gros public devant lequel j’ai joué ! » - apparaît comme une évidence.

On l’attend dans la confidence, dans le déversement de ses tripes, encore trop calfeutré derrière une musique énergique et dynamisante.

Mais lorsqu’elle s’installe à la batterie, le concert prend une autre ampleur. L’énergie monte, l’intensité que l’on attendait s’amplifie jusqu’à exploser.

Georgia, confiante derrière son premier amour musical, lâche prise et nous embarque dans une intimité viscérale sans limite jusqu’à casser une partie de son instrument – « C’est comme ça à chaque fois que je joue de la batterie, je suis une fille puissante » - et lancer ses baguettes dans le public.

« I’m so London », déclare-t-elle, à l’aise, comme soulagée, délivrée d’un poids. De l’appréhension, certainement. Ne reste plus qu’à démarrer son concert de la même manière.

 

QUEEN KWONG – HALL 3

Repérée par Trent Reznor, leader de Nine Inch Nails, la californienne Carré Callaway est Queen Kwong. Une reine déjantée qui assure le show et entretient la caricature de la rockeuse désinvolte et survoltée.

Sur la scène, elle enchaine les allers-retours, d’un pas rapide et énervé, et les mouvements épileptiques d’un corps qui semble envahi et hanté par un trop plein d’émotions. Guitares et batterie crachent d’emblée des notes rock et une énergie puissante s’en dégage.

C’est explosif et furieux, corrosif aussi. Dans les textes comme dans la composition musicale. L’urgence agressive. La chanteuse et guitariste a quelque chose d’impulsif, et semble prête à imploser à cause d’une démangeaison incessante et gênante. Presque invivable.

Hormis une gestuelle qui paraît un brin superficielle, fruit d’une ébullition constante qui peine à jaillir à travers le corps, la musicienne démontre une maitrise de son concert.

Alternant entre sons agressifs et parties plus alternatives, quasi sereines. Entre voix de Lolita, parlé psychédélique et cris de « bad girl ».

Elle manie la puissance de son organe vocal mais également celle de son show, l’intensité n’en finissant pas d’accroître, allant de la scène, à la table du dj set, installée juste devant, pour finir debout sur la barrière de la fosse avant de se laisser tomber dans la foule.

Surprenante, Carré Callaway va là où on ne l’attend pas avec un final un peu mystique, a cappella et alimenté de respirations haletantes, marquant la fin de sa folle course.

 

Célian Ramis

Trans Musicales 2015 : L'électro planante de Louise Roam

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L'Aire Libre, St Jacques de la Lande
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Premier jour des Trans Musicales. Au théâtre de L’Aire Libre, c’est l’artiste Louise Roam qui a nous a régalé de sa musique électro-aérienne.
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Premier jour des Trans Musicales, mercredi 2 décembre. Au théâtre de L’Aire Libre, à St-Jacques-de-la-Lande, c’est l’artiste Louise Roam qui a inauguré la 37e édition du festival et nous a régalé de sa musique électro-aérienne en première partie du groupe Paradis.

Parmi les one-women-bands, on retient Ladylike Lily, Mesparrow, Peau ou encore Tiny Feet pour n’en citer que quelques unes. Respectivement, Orianne Marsilli, Marion Gaume, Corinne Faillet et Emilie Quinquis. On peut maintenant y ajouter Louise Roam, le projet solo d’Aurélie Mestre.

Ce mercredi 2 décembre, sur la scène de L’Aire Libre, elle présente les chansons de son premier EP, dévoilé au printemps dernier, Raptus. Un titre qui présage une musique mouvementée, un raptus désignant une impulsion violente et soudaine pouvant conduire un sujet délirant à commettre un acte grave (homicide, suicide, mutilation, précise Le Petit Robert).

Et l’artiste compositrice-chanteuse-musicienne décolle dès les premières notes de sa première chanson, « Solsken », vers une douce transe. Debout devant un mur d’écrans bleutés qui réduit l’espace scénique de manière à créer un instant intimiste avec le public, elle s’impose, majestueuse, entre ses deux claviers et consoles.

Les sonorités organiques renforcent le côté sombre de l’électro signé Louise Roam qui traduit à travers ses textes et son chant amplifié une sorte de libération. « Je raconte à travers des personnages fictifs, des moments de ma vie. Des moments pendant lesquels j’avais envie de m’échapper d’une réalité. De coller à quelque chose de mystique. C’est une ode à la fuite en avant à travers des moments d’extase. », raconte-t-elle dans une interview accordée au site Sourdoreille (www.sourdoureille.net), le 1er juin 2015.

Pari réussi lorsqu’elle enchaine sur des notes de violon ou lorsqu’elle crée des moments bruts, uniquement à la voix ou uniquement à l’instrumentale. Elle ne se prive de rien, surtout pas d’explosion de sons maximalistes, notamment lors de sa dernière chanson « Raptus » où elle monte en intensité, soutenue par les spots lumineux au plafond et le néon au sol.

Sa scénographie est soignée, rien n’est laissé au hasard. La neutralité de son look, toute de noir vêtue, pantalon, chemise et Doc, et les lumières feutrées et froides de la scène nous concentrent sur les airs, tantôt électro-futuristes, tantôt planants, de sa musique singulière. On se laisse aisément emmené-e-s dans les contrées musicales qu’elle nous propose et qu’elle appelle les soundscapes (« paysages sonores »).

Ce voyage est une initiation à l’inconnue, une découverte apaisante d’une musique pourtant agitée et emprunte d’émotions vives sur lesquelles elle semble prendre du recul et s’en affranchir pour les partager, en toute pureté.

Célian Ramis

Femmes DJs : Quelle place pour elles ?

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Rennes
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Le sexe n'est pas un critère de talent. Mais être un homme semble favoriser la mise en lumière lors des soirées et festivals. Les musiques électroniques ne font pas exception. Enquête auprès des Djettes et des programmateurs musicaux.
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Le secteur de la musique n'échappe pas au sexisme. Lorsque les femmes sont mises en avant, c'est souvent pour leur physique, et non pour leurs qualités artistiques. Et les médias contribuent aveuglément à ce système. Dans les concerts ou les festivals, elles sont très peu programmées. À cause de leur faible nombre ? Ou d'un manque de compétences ?

YEGG a rencontré une dizaine de Rennaises Djs et des programmateurs artistiques pour comprendre ce phénomène flagrant, en particulier dans les musiques électroniques. Les clichés de genre restent bien ancrés, surtout dans l'esprit des premières concernées. Certaines refusent de jouer par peur de paraître « trop » féminines ou de ne pas savoir faire. Ce qui contribue à cette sous-représentation mais n'explique pas tout. Pas question non plus pour elles de promouvoir le fait qu'elles soient des femmes.

Les programmateurs ainsi que Béatrice Macé, co-dirigeante de l'association des Trans musicales (ATM) qui chapeaute l'Ubu, salle historique des musiques actuelles dans la capitale bretonne, refusent également une binarité hommes-femmes. Or, ces Djs, tout aussi talentueuses, méritent autant leur place que les hommes mais y accèdent peu. Ce paradoxe n'est pas propre à la musique. Au contraire, il semble révélateur du fonctionnement global de notre société.

Jeudi 24 septembre, 22h30. Le bar Le Chantier, en bas de la place des Lices, se remplit au fur et à mesure que les sons de basses augmentent. Ce soir-là, Midweek fête sa « Midweek des familles », soirée de retrouvailles « entre copains ». Trois membres de cette association rennaise, chargée d'organiser des évènements de musiques électroniques, créée en 2012, mixent chacun leur tour : Antoine Pamaran, Tristan MDWK et Vanadis.

L'ambiance de la salle aux murs orangés se réchauffe ; les pintes de bières se passent de main en main, le premier rang se déhanche en rythme. Après un premier passage en début de soirée, Vanadis mixe à nouveau. Derrière les platines vinyles et cds, posées sur une planche en bois et deux grands tonneaux de chantier, la Dj choisit les prochains morceaux qu'elle va diffuser.

Son énergie est communicative. Véritable pile électrique lors de son set, la jeune femme brune bat le rythme avec sa jambe gauche, bouge les bras et chante sur ses lèvres les paroles des chansons qu'elle passe. Au bout d'un quart d'heure, Antoine et Tristan la rejoignent sur l'estrade pour préparer les vinyles et mixer quelques morceaux. Une parole échangée, un regard entendu, la complicité entre les trois personnes se ressent derrière les tourne-disques.

« Il y a deux ans, je venais juste d'arriver à Rennes et je voulais m'investir comme bénévole dans le milieu des musiques électroniques. J'ai envoyé un message à Midweek car je trouvais leur programmation cool. Cela a très vite collé et c'est parti directement ! Les gars m'ont dit : "ça te dirait pas de mixer ?" et ma première date s'est faite en avril 2014 au Bar'Hic », se souvient Vanadis, de son vrai nom, Morgane Deturmeny.

La jeune femme de 22 ans, qui a pratiqué du piano petite, a acquis son oreille musicale grâce à son père, dévoreur de disques. Au lycée, l'étudiante s'est plus tournée vers l'électro, même si elle se qualifie comme une « grosse boulimique de sons » en tout genre : « Je ne peux pas passer une journée sans en écouter ! Je passe vraiment par tous les styles pour aller à la recherche de la petite pépite. »

Morgane a commencé à mixer par hasard. C'était, au départ, pour s'amuser avec son cercle d'amis. Ce parcours, les femmes Djs rennaises l'ont toutes eu, à quelques différences près. L'univers du mix s'est ouvert à elles par la pratique artistique ou grâce à des proches, qui leur ont prêté du matériel et des vinyles pour s'entraîner.

Certaines, comme Dj Miss Blue, ont usé, adolescentes, des semelles dans des concerts ou des festivals. « Depuis mes seize ans, je fais les Trans Musicales chaque année ! Je n'ai loupé le festival qu'une seule fois car j'étais à l'étranger », raconte cette trentenaire, lunettes bleues relevées sur ses cheveux blonds et vêtements indigo. Cette dernière tient son nom de scène à son prénom breton, Bleunienn, signifiant bleu, et a créé la majeure partie de son personnage sur scène autour de cette couleur.

De sa culture familiale bretonnante, elle en a créé un style musical, le « Breizh'n'bass » dans lequel elle mélange danses traditionnelles bretonnes et drum'n'bass : « En m'entraînant dans le garage et en puisant dans la bibliothèque de ma mère, je suis tombée sur les vinyles des sœurs Goadec, d'Alan Stivell et des Frères Morvan. Et je me suis rendue compte que les structures des morceaux de musique électronique collaient complètement avec le plinn et la gavotte. »

En 2006, la demoiselle bleue quitte son travail d'institutrice et se lance comme Dj. En une dizaine d'années, sa musique s'est très rapidement exportée à l'étranger, en Asie et aux États-Unis, pour animer des évènements en rapport avec la Bretagne, sa région natale dont elle parle couramment la langue.

Katell a également tourné sur la scène locale et hors des frontières. Mais, contrairement à Miss Blue, la jeune femme brune tatouée n'a jamais souhaité en vivre et ne le considère pas comme un métier, bien qu'elle mixe depuis onze ans. Elle préfère garder cette activité à côté, sans avoir la pression du nombre d'heures pour obtenir le statut d'intermittente du spectacle.

Partenaire de platines et amie de Katell, Menthine approuve : « Mixer, c'est comme une drogue ! Tu peux être derrière tes platines pendant des heures et des heures et ne pas t'en rendre compte. Il y a des heures de travail au compteur... Mais les cachets ne sont pas suffisants pour en faire un salaire et le temps ne le permet pas. »

COMMUNAUTÉ MUSICALE HIÉRACHISÉE

Être Dj, c'est surtout faire partie d'une « grande famille », celle des musiques électroniques. « Il y a un aspect très communautaire. Le son arrive comme un trait d'union entre les gens qui tendent vers une organisation commune », témoigne Katell, qui a beaucoup côtoyé le monde des « sound system » et des « free party ». S'y intégrer, en tant que femme, n'a jamais posé problème. « Nous n'avons jamais bagarré pour avoir notre place », répondent en chœur Menthine et Katell.

« On dit même merci aux gars, sans eux on aurait jamais eu de platines ! », s'enthousiasme Menthine, qui a animé les émissions électro Open Fader sur Radio Campus Rennes (RCR) et organisé les soirées du même nom de 2006 à 2015. Miss Blue ne s'est, elle, jamais posé la question : « Je ne m'en rends pas compte, je fais mon métier et je suis un peu dans ma bulle. »

"Tu joues bien pour une fille !" Cette remarque a pourtant parfois été dite après leurs passages. Des comportements qui leur indiquaient qu'elles restaient des femmes avant tout. Mac l'Arnaque, qui mixe du hip-hop et du rap depuis 2009, l'a ressenti une seule fois :

« Alors que je jouais, un jeune homme, en train de danser, s'est retourné, m'a regardé et est directement parti. »

Autre constat : une pression supplémentaire est souvent mise sur la technique lorsque les femmes jouent. « Quand on est exposées comme ça, en tant que femme, des connaisseurs viennent, par curiosité, pour voir comment on s'en sort. Cela met forcément un peu la pression », reconnaît Mac l'Arnaque, casquette enfoncée sur la tête, qui ne souhaite donner ni son nom civil ni son âge. Anecdotiques, peut-être, mais ces actes n'auraient jamais été faits à des Djs masculins. Menthine rétorque : « C'est le jeu et je préfère m'en amuser ! »

Dans cette « grande famille » électro, à Rennes, une partie rayonne, l'autre reste dans l'ombre. Et c'est dans cette deuxième catégorie que les femmes seraient le plus nombreuses. Elena Tissier, 25 ans, qui se produit en tant que The Unlikely Boy, le remarque :

« J'ai du mal à citer beaucoup de noms de femmes Djs à Rennes, on se sent un peu isolées. »

Et cela se retrouve dans les programmations musicales de la ville. Les femmes aux platines se font rares. Cédric Bouchu, alias Dj Ced, qui tourne à Rennes depuis 20 ans, en fait le constat. Ayant commencé à mixer à l'âge de 17 ans au Saint Georges, il n'a jamais été sur le même plateau qu'une fille alors qu'il a « fait facilement plus de 1000 dates ».

FAVORISER L’ARTISTE ET NON LE GENRE

Également programmateur du festival I'm from Rennes, qui met en avant la scène rock et électro depuis 2011, Ced l'avoue : « Des femmes Djs, il y en a très peu cette année... ». La quatrième édition, qui s'est étalée du 16 au 26 septembre, comptait seulement Valandis et Mr. et Mme Henri, un duo mixte.

Bien que le manque de femmes interroge l'équipe organisatrice masculine, ce n'est pas prioritaire lorsqu'ils constituent la programmation. Cédric Bouchu s'en défend : « Il n'y a que l'artistique qui nous intéresse, nous n'avons pas envie de faire un quota avec 50% d'hommes et 50% de femmes. »

Pourtant, la quinzième édition du festival Maintenant, qui fait des passerelles entre art, musique et technologies, prouve qu'il est possible de programmer autant d'hommes que de femmes Djs, sans faire de quota.

Cette année, du 13 au 18 octobre, elle donne un coup de projecteur à la scène locale Dj, lors de ses « Ambiances électroniques », à la Salle de la Cité. Sur six Djs, trois sont des femmes : The Unlikely Boy, Vanadis et Knappy Kaisernappy. « C'est involontaire, il n'y a pas de recherche de parité », réagit Gaétan Nael, programmateur du festival et adjoint à la direction de la salle de musiques actuelles, l'Antipode.

Pour élaborer chaque programmation, il rencontre les personnes, se déplace à leurs concerts ou les écoute sur Internet : « Je ne me focalise pas sur le sexe, je ne fais pas de calcul. L'objet du festival, c'est de révéler des choses peu montrées ainsi que de partager des coups de cœur. Si on peut donner la visibilité que les femmes méritent, tant mieux ! Car elles travaillent, elles cherchent des morceaux, elles ont une capacité à partager avec les gens, elles ne cherchent pas la facilité. »

Privilégier l'artiste par rapport au genre, ce discours d'une musique asexuée n'est pas nouveau. Et cette volonté vient autant des programmateurs que des femmes elles-mêmes.

« Je pense qu'il n'y a aucun artiste, homme ou femme, qui aurait envie d'être booké pour une histoire de quotas, en tout cas, j'espère que ce ne sera pas mon cas car je trouve ça extrêmement réducteur », développe Elsa Quintin, alias Knappy Kaisernappy, interviewée dans la trentième émission Technosaurus, qui se consacre à la place des femmes dans l'électro, diffusée le 2 juillet dernier sur la radio nantaise, Radio Prun.

L'artiste préférerait plutôt se concentrer uniquement sur le projet artistique :

« Il existe plein de manières d'incarner son son, qu'on soit un mec ou une nana cela ne change rien ! Je trouve qu'en France, la question du genre est trop binaire. »

L'ÉLECTRO SE DÉMOCRATISE

À Rennes, la scène électro se développe énormément depuis ces cinq dernières années, bien qu'elle soit présente en terre bretonne depuis le début des années 90. Elle s'est plus institutionnalisée grâce à l'autorisation de la municipalité, comme c'est le cas pour les « Rencontres Alternatives », teknival qui a lieu à la Prévalaye depuis cinq ans. Une tendance qui n'est cependant pas propre à la ville mais due à une impulsion nationale.

« Depuis deux, trois ans, l'Ubu, l'Antipode... Tout le monde s'y met ! Ça se démocratise. L'électro arrive même dans les festivals populaires et familiaux comme les Vieilles Charrues et Rock en Seine, qui touchent toutes les générations », analyse Katell, installée à Rennes depuis quinze ans. La demande vient également des bars, à la recherche de Djs. D'après Mac l'Arnaque, qui a mixé en inter-plateaux aux Trans Musicales en 2014, ces derniers sont plus accessibles pour se produire que trouver une résidence.

« De nombreux collectifs ont toujours existé sur des esthétiques différentes comme la noise, la techno ou la drum'n'bass. Le bassin étudiant rennais a toujours permis un renouveau »
tient à rappeler le programmateur de l'Antipode.

L'effervescence autour de ce style musical multiplie les initiatives. Au 1988 Live Club, qui coordonne toute la programmation de la discothèque Le Pym's, c'est de cette façon que les soirées « elektro » se sont instaurées tous les vendredi soirs.

Si ce courant est autant en vogue, c'est grâce à l'arrivée des nouvelles technologies qui le rendent à portée de main et de clavier. « Avant, on apprenait à mixer et à caler en même temps les disques vinyles. Désormais, il faut seulement mettre les morceaux qui vont ensemble et qui ont une bonne rythmique. La technique est moins dure », développe Katell, qui mixe toujours avec uniquement des vinyles.  

À LA RECHERCHE DES FEMMES DJS

Decilab, Pulse, Social Afterwork, Midweek... Toutes ces organisations rennaises « très très masculines », selon The Unlikely Boy, dessinent le paysage électro le plus visible de la ville. La solution pour le transformer ? « Je pense qu'il faut lancer le mouvement », affirme Vanadis.

Ces dernières années, de nouveaux noms féminins sont apparus sur les affiches. « Plus on y réfléchit, plus on se rend compte qu'il y a pas mal de nanas Djs ! Rennes est un grand village », sourit Katell. « Pourvu que ça dure, que ce ne soit pas juste un effet de mode », espère Menthine.

Si les femmes Djs restent moins visibles, ce serait à cause des réseaux majoritairement masculins des programmateurs, avance Carole Lardoux, directrice artistique de la salle du Carré Sévigné, à Cesson-Sévigné :

« Je ne crois pas qu'il y ait d'actes volontaires de leur part de ne pas programmer de femmes. Parfois, ce sont des réseaux d'affinités et de sensibilité artistique. Il faut être à la croisée des réseaux afin de leur porter une attention tout aussi particulière. Il y a beaucoup de femmes qui créent, il faut juste y avoir accès. »

Pour beaucoup, programmer autant de femmes que d'hommes semble facile. Noëmie Vermoesen, qui mène une thèse sur les musiques électroniques à l'université Rennes 2, était de cet avis-là : « Je disais : "Ils font chier les programmateurs, on peut trouver des nanas !" ».

L'ancienne animatrice à Canal B de l'émission Track/Narre a déménagé à Berlin cet été. Depuis, la doctorante organise toutes les trois semaines une soirée électro où, une fois sur deux, l'artiste est féminine :

« C'est beaucoup plus compliqué que ce que je pensais. C'est important qu'il n'y ait pas que le critère « nana », il faut qu'il y ait quand même des affinités artistiques et personnelles avec la personne. »

Alors, les femmes Djs ont décidé de se les créer elles-mêmes, ces réseaux. En 2010, Mac l'Arnaque a crée le collectif rennais « Girls do it better » avec deux autres Djettes, Dj TFlow et Fckn Mood. « Quand il y a des filles Djs, on fait une petite veille mais on ne veut pas créer un cercle de Djettes. Ce n'est pas parce que t'es une fille qu'on va faire des choses ensemble mais on se serre les coudes, qu'on le veuille ou non », indique-t-elle. L'année dernière, Katell et Menthine ont appelé leur nouvelle formation duo, Las Gatas Electronicas, qui signifie en français « Les Chattes Électroniques ».

Ces noms, quelque peu provocateurs, ne se veulent pas revendicatifs. « On ne se prend pas au sérieux ! », rigole Menthine. Ces rassemblements permettent surtout de se regrouper par projets communs. Depuis neuf ans, Miss Blue fait partie du collectif international Geishaz, qui met en relation uniquement des femmes qui mixent : « Aux États-Unis, c'est moins exceptionnel qu'une fille soit Dj. » Geishaz est surtout un moyen d'entraide pour se trouver des dates.

S'AFFIRMER DANS UN MILIEU MASCULIN

« La seule différence que je vois entre une femme et un homme Dj à Rennes, c'est que beaucoup de Djs hommes se manifestent à nous, là où une femme est plus réservée et ne va pas oser », remarque Gaétan Nael.

Ce problème de confiance en soi et d'auto-censure est surtout dû à un conditionnement typiquement féminin, qui tend à se dévaloriser et se sentir illégitimes. « Beaucoup de filles qui sont à fond dans le son me disent : "Je ne saurai pas faire" », remarque Vanadis. Les stéréotypes de genre ont la vie dure :

« Il y a moins de filles qui jouent, je ne pense pas que cela vienne de l'extérieur. Les nanas ne s'y mettent pas trop car elles pensent que c'est réservé à la gente masculine, comme le bricolage ! »
rigole Menthine.

« Ce n'est pas parce qu'il y a des câbles et des ordinateurs qu'une fille ne peut pas le faire », lance The Unlikely Boy. 

Il faut donc une volonté de fer pour s'affirmer dans un milieu majoritairement d'hommes. « Dans la musique, les femmes doivent tout le temps avoir des forts caractères. Chez les mecs, il y en a des assez timides derrière les platines. Une meuf, elle, elle sait ce qu'elle veut ! », compare Cédric Bouchu. Et les femmes Djs de la capitale bretonne le savent. Quitte à s'y conformer et favoriser leur côté plus masculin.

« Je suis un peu garçon manqué, j'ai très peu d'amies, la plupart sont des mecs », reconnaît Vanadis. Sur scène, Mac l'Arnaque ne veut pas du tout valoriser sa féminité : « J'ai baigné dans la culture urbaine, je m'habille avec des casquettes et des baskets. » 

Or faut-il nécessairement mettre de côté sa féminité pour jouer ? Cette question a posé problème à Juliette, l'animatrice de l'émission nantaise Technosaurus. « J'ai rapidement abandonné l'idée de mixer car je ne voulais pas renvoyer l'image de la fille faiblarde qui ne cache pas du tout sa féminité. Ma phobie, c'est d'être classée comme "pétasse de la techno". Je me suis moi-même arrêté aux a priori que je dénonce. Alors, oui, on peut être une petite meuf en sucre, avoir sa féminité et être une bête derrière les platines », raconte-t-elle dans sa trentième émission.

Cependant, les fantasmes des programmateurs sur les Djettes existent bel et bien. « Une femme Dj va tenir une sorte de faire valoir, les mecs la programment car elle est jolie. Je sais que c'est quelque chose qui se fait », avoue Sylvain Le Pennec. « Certains programmateurs, quand on dit Djette, ils voient tout de suite une personne girlie, bien apprêtée et canon », rajoute Mac.

SOIRÉES FÉMININES, MARKETING OU LEVIER VERS LA VISIBILITÉ ?

Pour cette raison, les soirées Djs « 100% filles » sont encouragées car elles deviennent des arguments marketing. Le collectif France Téléconne en a fait l'expérience lorsqu'il a démarché les bars de Rennes pour organiser sa soirée « 100% meufs ». « Nous n'avons jamais eu de refus catégorique, les gens sont plutôt enthousiastes, note Adélaïde Haslé, la programmatrice. Mais ils trouvent ça trop cool car on est des filles, c'est comme si ils venaient voir un spectacle ! » Jeanne Marie Heard, deuxième tête pensante du collectif, rajoute : « Mais on s'en tape un peu, on s'affranchit de ça ! »

L'envie de cette soirée : s'amuser. Alors, ce collectif de « fêtardes et pochardes », comme elles se définissent, a mis en place un moment festif dans lequel les filles, la plupart inexpérimentées, pourront mixer pour le plaisir, le 28 novembre, au Bar'Hic.

« On passe la même musique que les mecs alors on estime qu'on a autant notre place dans le milieu »
développe Adélaïde, 34 ans, grande consommatrice de concerts avant d'être Dj.

Passer par la petite porte, plutôt que d'attendre, telle est leur philosophie. « L'idée n'est pas de nier les différences entre les hommes et les femmes mais ce n'est pas parce qu'on n'est pas pareils qu'on ne doit pas avoir les mêmes places », estime-t-elle.

Revendiquer des soirées 100% féminines dérangent les programmateurs. Sylvain Le Pennec parle d'effet « hyper pervers » : « En disant cela, on dessert la cause car on ne met en avant que des noms ». Même discours du côté de Gaétan Nael :

« Le clivage sera plus important si on oppose hommes et femmes. Un bon artiste est un bon artiste, qu'il soit homme ou femme. »

UN BON ARTISTE RESTE UN HOMME

Le souci vient de là : si un bon artiste est repéré, il effectue beaucoup de dates. Alors que le vivier se féminise de plus en plus, pourquoi aussi peu de femmes sont programmées ?  Publiées en 2013, les statistiques du collectif berlinois female:pressure parlent d'elles mêmes : les femmes ne représentaient que 8,4% de têtes d'affiches des festivals électros internationaux. 

« Nous pensons qu'il est inacceptable qu'au 21ème siècle, nous en soyons encore à constater que nous sommes parfois la seule femme figurant au programme d'un grand festival. Nous connaissons un grand nombre de collègues femmes tout aussi intéressantes les unes que les autres et nous pensons que le public par ailleurs très mixte, mérite d'entendre ces artistes », écrit le collectif dans un communiqué de presse publié le 8 mars 2013, pour la journée des droits des femmes.  

Organiser des évènements uniquement féminins a, pourtant, un effet sur la programmation. Pour preuve, en ajoutant les festivals « 100% femmes », la barre des 10% est atteinte.

Dans la même dynamique, Alice Cornélus a fondé en 2012, le réseau Women Multimedia Network !, qui soutient activement et communique sur les artistes féminines des arts numériques dont l'électro. Sa devise : « Ce n’est pas une question de genre mais de visibilité ! ».

LENTE PRISE DE CONSCIENCE

Malgré tout, le milieu des musiques électroniques évolue. C'est, en tout cas, ce que considère Noëmie Vermoesen, qui voit les changements à la fois en France et en Allemagne :

« Il y a une vraie prise de conscience et un changement de mentalités dans le milieu. De plus en plus de mecs s'en rendent compte et n'abordent plus le truc de la même façon. »

En un an, les chiffres de female:pressure 2015 montrent eux aussi une amélioration. L'année dernière, 10,8% de femmes se partageaient l'affiche de festivals.

Le milieu musical, en particulier des musiques actuelles, s'intéresse de plus en plus à cette problématique. Des artistes féminines occidentales poussent régulièrement des coups de gueule sur le sexisme ambiant. Dernier exemple marquant : l'artiste islandaise Björk en janvier dernier. Interviewée par le magazine Pitchfork, elle rapporte le conseil qu'elle a donné à la rappeuse M.I.A lorsqu'elles se sont rencontrées :

«[...] Je lui ai dit : Prends-toi en photo devant une table de mixage dans un studio, et les gens se diront "Oh, ok ! Une femme avec une machine, comme un homme avec une guitare."» Depuis, de nombreux blogs, comme Visibility et celui de female:pressure, ont été ouverts sur lesquels les musiciennes publient des photographies d'elles en train de travailler.

SECOND RÔLE POUR LES FEMMES

« L'évolution à Rennes, je la sens comme je peux la sentir dans la société française, ça s'ouvre petit à petit avec une volonté gouvernementale », commente le programmateur du 1988 Live Club. De plus en plus de femmes s'orientent, en effet, dans le milieu musical, que ce soit sur scène ou à la technique.

Cependant, elles restent toujours cantonnées au second rôle. « Les nanas sont dans les chœurs ou jouent du tambourin. C'est souvent aussi l'image de la groupie, la copine du chanteur ou celle qui s'occupe du catering..., rit jaune Adélaïde du collectif rennais France Téléconne. Elles ne se trouvent pas aux places fortes comme à l'organisation. Nous sommes les seules avec Nate & Jojo à programmer des concerts électro. Tout est lié au sexisme de notre société, la musique ne déroge pas à cela, bien que ce soit pourtant censé être plus ouvert. »

Alors que le secteur devient plus paritaire, les femmes restent bien souvent en arrière-plan, qu’elles le veuillent ou non. Alors on repose la question : Pourquoi cette évolution n'écarte-t-elle pas le fait qu'un Dj, ou plus généralement un artiste, reste toujours un homme, par défaut ?

 

Co-directrice de l’Association Trans Musicales, elle gère depuis plus de 37 ans les célèbres Rencontres Trans Musicales à Rennes et assume sans complexe d’être la femme de l’ombre, au profit de Jean-Louis Brossard, directeur artistique.

YEGG : D’où venez-vous et êtes-vous issue d’un milieu musical ?

Béatrice Macé : Je viens de Dinan, je suis arrivée à Rennes après mon bac. Je voulais faire des études d’archéologie mais j’ai fait latin, grec, histoire de l’art. Je devais faire ma licence et partir à Paris mais les Trans sont nées avant. Et comme je n’étais pas majeure, la majorité était à 21 ans à l’époque, mes parents n’ont pas voulu que j’y aille. Pour le milieu culturel, on était plutôt branchés bouquins, patrimoine, histoire. J’ai une grand-mère pianiste et un père saxophoniste mais, petite, j’ai refusé de faire le Conservatoire. J’ai refusé car il y allait avoir les mêmes filles qu’à l’école. Ça m’énervait.

Pourquoi ?

Être à nouveau en compétition… J’ai 57 ans aujourd’hui alors là je vous parle d’une époque avant 68. Il y avait une culture académique. À  la maison, mon père écoutait du classique, du jazz. Il avait fait pas mal de concerts à Paris. C’était quand même très classique. J’ai regretté plus tard de ne pas être allée au Conservatoire, je me suis mise au piano mais j’ai abandonné car je n’avais aucun don pour ça. J’étais beaucoup plus dans les bouquins et les musées.

Dans quel contexte est né le trio avec Jean-Louis Brossard et Hervé Bordier ?

Il y avait peu de concerts de musiques actuelles à Rennes. Il y avait moins de 20 concerts à l’année. Rien à voir avec l’effervescence de maintenant ! Aujourd’hui, plus personne n’a conscience de ça. C’était de la musique académique qui passait. J’ai rencontré Jean-Louis à la fac, à Villejean et on a gardé le contact. Lui, il avait déjà rencontré Hervé. Jean-Louis achetait déjà beaucoup de disque. Comme moi, il venait d’une culture hyper classique mais dès qu’il a découvert le monde du rock il s’y est mis à fond, d’abord en écoutant la radio, et ensuite en achetant les disques.

Je n’ai pas une grande culture musicale dans ce domaine, à part The Doors, Hendrix, Neil Young, j’avais repéré aussi la musique black avec Otis Redding, Aretha Franklin… Mais bon j’étais branchée Louvre et arts plastiques. D’où histoire de l’art à la fac. Et justement à la fac, c’était une expérience de vie. On était très insouciants. Donc Jean-Louis rencontre Hervé et on rentre dans l’association. Ce qui m’a branchée, c’est l’énergie, l’ambiance particulière. C’était comme je m’amuse à le dire une post-adolescence. J’avais 19 balais à ce moment-là, tu fais tes expériences. En plus venant de Dinan, une petite ville, tu arrives là dedans, c’est fou.

Ça ressemblait à quoi alors les concerts à cette époque ?

Déjà il faut se dire que là la 37e édition des Trans ne ressemble plus du tout à ce que l’on faisait au début. C’était très post 68, les gens ne voulaient pas payer pour aller au concert, c’était une société où la contre-culture était forte. On ne parlait pas de musiques actuelles mais de rock, d’esthétiques. On est en 77, il y a encore un esprit contestataire, sans les manifs, Morrisson est mort, le trio des 27 ans est mort.

Et puis on commence à rentrer dans le rock industrie. Juste après Yes. Le punk est venu comme une réponse, un redémarrage de la contre-culture. Le rock s’académise. Il y a une contestation contre le marché dans lequel entre le rock. Et nous, on est une toute petite asso Terrapin, en référence à une chanson de Syd Barrett, le chanteur des Pink Floyd, qui veut dire Tortue d’eau douce.

À cette époque, j’ai une copine qui habite à Londres et avec Jean-Louis et d’autres potes on allait passer toutes nos vacances de Noël chez elle. On faisait tous les concerts et Jean-Louis achetait des disques. Les Trans sont la continuité de cette manière de vivre. J’ai arrêté les études pour organiser des concerts. C’est une manière de vivre pour exprimer une forme de liberté. Une manière de dire non à un parcours social qui aurait pu nous conduire à reproduire ce qu’avaient fait nos parents ! On a décidé de vivre comme on avait envie de vivre et d’en faire notre métier.

Quel est votre rôle au sein de l’ATM ?

Ce qui m’intéresse, c’est de construire un projet, de dire quelque chose. Nous sommes en co-direction avec Jean-Louis et je m’occupe du projet, de l’écrire. En fonction de l’histoire et du positionnement du festival, comme on l’a décidé. Avant, c’était en juin, les 14 et 15 juin. On a fait un concert de soutien à Terrapin qui avait des problèmes financiers. On avait décidé de faire monter sur scène des groupes rennais. Ce n’était pas dans l’objectif de le refaire l’année suivante.

Mais les artistes et les publics sont venus nous solliciter. On a décalé en décembre car c’était une période sans examens. Mais il n’y avait pas de préméditation. Faire un festival, c’est interrompre le quotidien pour proposer quelque chose de différent. On y passe toute la nuit, il y a une intensité différente. On voit plusieurs groupes, les émotions sont beaucoup plus sollicitées. Aujourd’hui sur les Trans il y a une bonne quinzaine d’esthétiques majoritaires. Ça prend plus qu’un concert.

En 85, on arrête Terrapin et on lance l’ATM. On en fait notre festival les années suivantes. En 90, on reprend la gestion de l’Ubu, puis les rave ont eu un impact sur nous. En 96, c’est le départ d’Hervé. Mais nous on voulait continuer. Ça fait 20 ans maintenant et les choses se sont enchainées dans une logique. On n’est jamais rassasiés. D’une année sur l’autre ce n’est pas la même ambiance, pas les mêmes enjeux, pas la même programmation.

Le cadre est similaire mais les éditions sont différentes. Il n’y a pas de lassitude. Je travaille le même projet mais de manière différente. Le projet c’est la philosophie instinctive des 1ères Trans, c’est ça qui nous intéresse de développer.

C’est aussi de montrer des artistes rennais qui ne sont pas connus. Marquis de Sade, Etienne Daho, cette année, Her, Kaviar Special… Mais à l’époque Marquis de Sade et Etienne Daho, ils n’étaient pas connus. Le rock n’avait pas le droit de cité à ce moment-là. Aujourd’hui, les gens ne maitrisent pas leur choix culturel. Avec Internet et le marché, on pré-choisit pour nous. Et la diffusion est limitée par rapport à la création.

Ce qui nous intéresse, c’est de faire connaître la chose inconnue. Les Trans, c’est l’interstice entre ce qui existe et qui n’est pas très connu. Des artistes singuliers qui ne sont pas encore dans la focale des médias. C’est cette singularité qui nous plait, le truc qui fait que ça marquera l’histoire des arts et de la musique. On est là pour les faire découvrir. Ça ne veut pas dire forcer à aimer.

Concrètement, quel est votre boulot ?

Dans le projet, j’écris tout. À quoi je sers ? Attendez, je vais vous montrer (elle se lève et va chercher le projet rédigé sur son bureau, ndlr). J’écris tout le projet artistique que Jean-Louis va mettre en forme. Je fais une Convention aussi pour les partenaires. En fait, je réunis les conditions pour que le projet existe. Avant, j’étais directrice de production et de projet. Mais j’ai délégué.

Je travaille sur la construction du futur, la prospective et sur comment on va passer le projet. Je prends les décisions d’être dans l’Agenda 21, les normes ISO, d’aller au Parc expo, je fais et je négocie les dossiers. Je suis directrice mais pas artistique. Par contre, je suis dans l’accompagnement artistique. Le jeu de l’ouïe, Mémoires de Trans… tout ça c’est moi. En fait j’ai un rôle d’architecte : je pose les bases et les murs de la maison ATM. Mais les gens ne voient que ce que Jean-Louis fait.

Et ce n’est pas frustrant ?

Pas frustrant du tout.

Pourtant, vous le soulignez. Simple constat ou petite blessure ?

Vraiment, je ne suis pas frustrée. Je sais ce que je fais, je sais quelle est ma place, quel est mon rôle. Par exemple, je ne veux plus aller à Paris rencontrer les journalistes. Je ne me sens pas à l’aise. Je me sens à l’aise au moment des Trans, quand je suis dans le public et que tout se passe bien. Je gère aussi la sécu’, les bars, etc. Je suis comme une cheffe d’entreprise. Je fais en sorte que tout ça existe. Jean-Louis est le cœur du réacteur et moi mon rôle est de d’alimenter le corps en sang.

Je reviens sur le fait que vous avez délégué. Dans un article de Libération, paru en 2011, un acteur culturel rennais dit de vous : « Sans elle, le festival ne serait pas devenu ce qu’il est aujourd’hui. C’est une bosseuse hors pair, qui n’arrête jamais et qui a du mal à déléguer. Elle en fait 15 000 fois trop »…

(Rires) Oui, c’est vrai. C’est mon tempérament. Mais c’était en 2011 ? J’ai changé depuis. On a dit qu’on transmettait, je délègue. Et puis, je vais vous dire : à 57 ans, on ne veut plus faire ce que l’on faisait à 45 ans. J’en fais beaucoup moins aujourd’hui. Je préfère le monde des idées et la transformation des idées. Écrire le projet pour les 40èmes Trans. Faire en sorte que le quotidien des équipes soit moins compliqué. Ne pas laisser le projet se scléroser.

Et pour être dans l’interstice du connu et de l’inconnu, nous devons toujours être attentifs. Toujours prendre en considération les évolutions culturelles et musicales. Par exemple, les réseaux sociaux ont changé le festival. On a donc un webmaster, un community manager, un tweet wall… Perso, je ne pratique pas ça mais c’est la pratique des jeunes qui viennent au festival. Et notre rôle là dedans, c’est aussi de ne jamais oublier qu’il va y avoir un après 37e, un après 38e, etc.

En 40 ans de carrière, vous devez avoir des anecdotes sur le sexisme dans ce milieu non ?

J’ai vu des hommes quitter la salle, quitter l’équipe même juste parce qu’ils avaient une femme en face d’eux. Enfin, je n’ai pas bon caractère aussi, il faut bien le dire… Bon, je vous dis ça mais c’était il y a très longtemps. Ou alors en réunion, j’ai déjà dit une phrase et c’est arrivé que quelqu’un la reprenne en disant « Comme a dit Jean-Louis… » ! Par contre, j’ai toujours eu de la chance avec Hervé et Jean-Louis car pour eux, ça n’a jamais été un problème de bosser avec une femme. 

Mais bon, c’est sûr qu’on n’est pas beaucoup de directrices. 12% je crois selon HF. Ce n’est pas beaucoup ! Et dans les programmations, c’est pareil. Le secteur culturel n’est pas mieux que les autres. On pourrait penser le contraire, mais non. L’étude de Reine Prat montre aussi que les subventions accordées sont plus importantes quand c’est un homme qui porte le projet.

Vous êtes pénalisés à l’ATM ? Puisque c’est vous qui allez chercher les sous…

On a la plus grosse subvention de musiques actuelles donc je ne peux vous dire si nous sommes pénalisés (Rires). Mais vous savez aujourd’hui, tout le secteur est en crise. La différence entre nous et les plus petites structures, c’est que nous on tombera de plus haut.

Il faut s’imposer quand même femme à la tête d’une des plus grosses structures musicales…

Pour tout vous dire, je suis partie de l’association pendant 2 ans. Lors de l’édition 84 et je suis revenue pour l’édition 86 parce qu’Hervé est venu me chercher. Et ils ne m’avaient pas remplacée.

Pourquoi êtes-vous partie ?

J’en avais marre d’être la seule fille aux Trans. On était 3 nanas à la base et les deux autres sont parties. J’avais envie de prouver que je n’étais pas juste la nana des Trans. J’étais mal à l’aise quand je me suis retrouvée seule et j’avais aussi besoin de faire autre chose. D’exister et pas seulement à travers les Trans. Maintenant, l’ATM c’est mon univers. Quand j’arrive au bureau le matin, c’est mon univers, les Trans, l’Ubu, je suis à l’aise et je suis à la maison. Mais oui je me suis imposée.

Et vous ne vous dites pas féministe ?...

Pas militante féministe. Par contre, je réclame pour moi et pour les femmes que je connais le même respect et la même attention que pour les hommes. J’avais 16 ans quand la loi sur l’avortement est passée. J’ai encore des bouquins de mes 14/15 ans qui sont féministes. Jeune, j’ai lu le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir. J’y suis sensible.

Pour moi, nous sommes avant tout des êtres humains. Je suis pour le respect pour tous, hommes et femmes, femmes et hommes. À mon époque, il y avait des radicales, anti hommes. Je ne suis pas dans l’antagonisme, dans l’opposition.

Et dans le contexte d’aujourd’hui ? Quand on a une fille de plus de 20 ans…

Ma fille a 22 ans et elle a été élevée par des femmes qui ont toujours bossé. Ma grand-mère, ma mère, moi… on a toutes fait des carrières professionnelles. Et puis, il faut dire que mon père était cool. Lors de la loi de 63, quand les femmes ont eu le droit d’ouvrir un compte bancaire, qu’elles ne passaient plus de l’aval de leur père à celle de leur mari… mon père avait dépassé ça depuis très longtemps.

J’ai toujours vu mon père aider ma mère qui était indépendante financièrement et socialement, elle gérait sa vie ! J’ai toujours baigné là dedans. Et je n’ai jamais eu à me poser la question par rapport à mon sexe. Je suis un être humain à part entière. Certaines femmes sont bridées. Pour moi, ce n’est pas concevable. Je ne suis pas née hier, je suis née sous René Coty quand même et j’en ai vu des vieilles dames qui avaient été entravées. Mon père l’avait noté, on en avait discuté.

Je suis fille unique, pas mariée, c’est un choix, faut l’assumer. Faut assumer la solitude. Mais il y a d’autres manières d’être en société, d’être épanouie. Mais c’est clair qu’on ne peut compter que sur soi même. Pour moi, le choix premier, c’est la liberté. Pas la liberté contre les hommes. La liberté, point. Je ne suis pas guerrière contre les hommes.

Simplement, je veux être celle que j’ai envie d’être au moment où j’ai envie de l’être. Je suis une nana et alors ? C’est comme ça, on ne va pas en faire un fromage ! (Rires) Après, je suis bien consciente que mon cas n’est pas une généralité et je suis sensible à toutes les luttes pour les droits des femmes. Je considère que c’est un vrai combat.

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Célian Ramis

Ladylike Lily, l'onirisme sombre et enchanteur

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Chapelle du Conservatoire, Rennes
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À l’occasion du festival I’m from Rennes, la bretonne de Ladylike Lily est revenue au bercail, le temps d’un concert à la Chapelle du Conservatoire, samedi 19 septembre.
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C’est à Rennes que sa carrière a été lancée, il y a 5 ans, grâce au Tremplin Mozaïc. Et c’est à l’occasion du festival I’m from Rennes que Ladylike Lily est revenue au bercail, le temps d’un concert à la Chapelle du Conservatoire, samedi 19 septembre.

La salle est intimiste, propice au voyage que propose Orianne Marsilli, alias Ladylike Lily, ce soir-là. Les premières notes sont celles de « Pearl and Potatoes », chanson extraite de son premier EP On my own, sorti en 2010, à la suite de sa victoire au Tremplin Mozaïc, à Rennes.

Un titre d’album qui confirme le projet solo de la jeune musicienne, alors âgée de 23 ans. Et qui reflète aussi son parcours musical. Elle apprend très vite à écouter la musique, son environnement et découvre le chant. « J’ai une mère harpiste. Ce n’est pas son métier mais c’est une grande passionnée qui m’a transmis l’amour de la musique. Et mon père était aussi très mélomane. », explique-t-elle.

Elle commence alors par travailler sa voix, l’instrument qu’elle peut emmener partout. Sans intégrer une école de musique ou le conservatoire, elle tâtonne et vogue à l’instinct. Puis, à 10 ans, Orianne apprend la guitare : « J’ai commencé parce qu’on m’a mis la guitare entre les mains. Avec la voix, ça me donnait les moyens de raconter des histoires, des émotions. J’écris depuis que je suis petite. »

NAISSANCE DE LADYLIKE LILY

Installée à Rennes pour y étudier l’anglais, elle fait naitre en parallèle son double musical, Ladylike Lily, qui prend au départ des allures de ballades folk légères et enchanteresses. Sa musique est très vite rapprochée de l’univers mystique qui émane de la région bretonne, emplie de contes et de légendes. « C’est le côté étiquette. En tant que Finistérienne, je suis sensible à la musique celtique, d’où le côté mythologie qu’on a pu évoquer mais pourtant je n’en parle pas dans mes chansons. », évoque Orianne Marsilli.

Et c’est bien dans le département dont elle est originaire qu’elle s’isolera pour écrire son premier album Get your soul washed, sorti en 2012. « C’est un endroit un peu magique, très sauvage dans lequel je me suis installé, avec les animaux et la nature. », précise-t-elle. Les textes sont écrits en anglais et développent des thèmes « très humains, très actuels ». L’amour au cœur du message. Servi par la voix singulière et envoutante de Ladylike Lily, accompagnée tantôt par la guitare et tantôt par le clavier, et toujours avec sa pédale à boucles.

Ainsi, elle évoque les sentiments amoureux, le rapport à l’autre, les questionnements sur la vie, le passage de l’enfance à l’âge adulte. « L’amour a toujours nourri les écritures, les peintures, les paroles de chansons. C’est la preuve que c’est un sujet important. Je n’en ferais jamais le tour car j’évolue aussi. », confie la jeune artiste. Dans sa musique, elle habite un univers onirique, qui oscille entre beauté pure, presque naïve et candide, et noirceur brute, augmentées par les chœurs et les envolées résonnantes. Comme savent aussi le faire, à leur manière et dans leur registre, Cécile Corbel, Maïa Vidal ou encore Astrid Radigue alias Furie.

TOUJOURS EN MOUVEMENT

Le talent de Ladylike Lily lui vient aussi de son envie perpétuelle de tout réinventer, de tout réinterpréter. D’un album à l’autre, elle revisite ses chansons, ses états d’âme, ses arrangements. S’entoure pour la scène des musiciens qu’elle connaît bien (Montgomery, We Only Said…) – ce soir-là, c’est Stéphane Fromentin qui viendra l’accompagner le temps de deux morceaux – ou défend seule son projet.

« Je suis hyperactive et je me lasse assez rapidement de la manière dont sont agencées les chansons. Je souhaite vraiment que d’un album à l’autre, les émotions et les histoires soient différentes. »
avoue Orianne Marsilli.

Elle se définit grosse travailleuse, paniquée par le farniente, avec un fort caractère : « Je sais ce que je veux et je n’ai pas de mal à me mettre en action. » En 5 ans, elle a enregistré 2 EP (son 2e EP, Blueland, est sorti en 2014), un album, elle a tourné dans les festivals - Printemps de Bourges, les TransMusicales, les Veilles Charrues, les Embellies, les 3 éléphants… - et a roulé sur les routes de France et de l’étranger.

NOUVEAU DÉPART

Depuis un an, Orianne se lance un nouveau défi : écrire en français. Après sa première tournée avec Miossec, dont elle fait la première partie, le chanteur la pousse à composer dans sa langue maternelle. Elle lui envoie ses premiers textes et repart en tournée avec lui. L’occasion de tester ce nouveau travail auprès du public. « Je voulais m’adresser aux gens dans ma langue et parler de sujets très personnels et douloureux. Je ne voulais plus de la protection de l’anglais », explique-t-elle.

Tout comme Emily Loizeau ou Emilie Simon – qui font parties de la série des « Emilie » que Orianne admire – elle envisage la musique de manière globale, utilise sa voix comme un instrument et joue avec les mots simples. « Ça n’a pas changé ma manière de travailler de passer au français mais ça m’a fait beaucoup de bien. J’ai mis des mois et des mois à apprivoiser ma voix sur les nouveaux sons. J’ai du dompter tout ça. », se souvient-elle.

Et sur scène, à la Chapelle du Conservatoire, elle présente aux Rennaises et aux Rennais un set majoritairement construit de ces nouvelles chansons. Elle livre une nouvelle facette d’elle-même à travers son double musical maintenant bilingue, puisant toujours dans la fragilité de l’être humain, la poésie des sonorités et la douceur des ambiances dans lesquelles elle nous transporte avec aisance et légèreté. Et Orianne maitrise toujours autant l'émotion qu'elle délivre délicatement comme des décharges électriques.

Et entre les chansons, elle partage ses souvenirs - comme celui d’avoir joué son titre « Who’s next ? » avec Mermonte et Totorro - et expériences, son attachement à la ville de Rennes, berceau de son projet Ladylike Lily. Elle qui aujourd’hui vit entre Quimper, Rennes et Paris, « la ville que vous n’aimez pas » semble émue et apaisée de retrouver le côté « village » de la capitale bretonne. « C’est la ville qui m’a mis en lumière. J’y ai vécu 7 ans, j’y ai découvert plein de choses, c’est précieux de me retrouver là à nouveau même si je vais devoir retourner à Paris défendre mon prochain album… », confie-t-elle avant de monter sur scène.

ALBUM EN PRÉPARATION

Ladylike Lily réunira prochainement ses titres en français pour construire son 2e album :

« Aujourd’hui, la différence avec mes premières chansons, c’est que j’ai mis 2 pieds dans ma vie de femme. J’ai une personnalité plus assumée, j’ai moins besoin de me cacher et je ressens moins le besoin de dissimuler ce que j’ai à dire. »

Confiante, Orianne poursuit son chemin, en forêt, dans un bain de minuit, à l’aurore, et partout où le vent la porte… que ce soit dans des mondes énigmatiques ou que ce soit dans des lieux familiers, conviviaux ou hostiles. Elle n’a pas peur et nous non plus, si ce n’est de devoir patienter trop longtemps avant de pouvoir la redécouvrir en live en terre bretonne.

Célian Ramis

Femmes aux TransMusicales 2014 # 4 - Cinq minutes avec Sabina

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Le Liberté, Rennes
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Survoltée et carrément rock, l'originale Sabina, de passage à Rennes pour les TransMusicales, répond à nos questions.
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Sabina Sciubba, ex-leader des Brazilian Girls, a ouvert le bal des femmes aux TransMusicales 2014, mercredi 3 décembre à l’Ubu, avec sa formation solo, Sabina. Elle répond, entre sa promo et son train, aux questions de YEGG, clôturant ainsi notre couverture du festival, pour sa 36e édition.

YEGG : Vous avez joué plusieurs années avec Brazilian Girls, aujourd’hui vous vous lancez dans un projet sous votre prénom, que vous avez présenté mercredi à l’Ubu. Vous aviez cette volonté depuis longtemps ?

Sabina : Oui, assez. Nous avons fait une pause avec Brazilian Girls. J’ai donc voulu profiter de ce temps pour moi. J’avais pas mal de chansons qui trainaient. J’ai juste eu à les cueillir !

Brazilian Girls, c’est vous et trois musiciens. Sabina, c’est vous et trois musiciens. Forte volonté de vous entourer de trois hommes à chaque fois ou pure coïncidence ?

C’est le destin ! Quoique je fasse, je termine toujours avec trois hommes ! (Rires) Non, plus sérieusement, ça s’est fait comme ça. Parmi les trois musiciens actuels, il y en a un que je connais depuis très longtemps. Les deux autres, c’est assez récent. Mais, ce n’est pas fait exprès du tout, ce n’est pas pour reprendre la structure de Brazilian Girls.

D’origine italienne, vous avez vécu en Allemagne, en France et aux Etats-Unis, et vous puisez dans chacune des langues que vous parlez pour composer vos chansons. Sacrée gymnastique…

J’espère que sur scène, ça ne donne pas l’impression d’une gymnastique car c’est très naturel chez moi. Ça correspond bien à ce qui se passe dans ma vie. Avec mon mari et mes trois enfants, je parle trois langues différentes, alors j’ai vraiment l’habitude. Comme j’ai vécu aux Etats-Unis, en France, en Allemagne… (Rires)

Dans vos chansons, vous parlez beaucoup d’amour et sur scène mercredi soir, vous faisiez un parallèle entre l’amour et la révolution. Les deux sont indissociables selon vous ?

Oui, vraiment. La révolution impulse de changer les choses au mieux. Dans un sentiment de collectivité. C’est la chose que je recherche le plus ! J’aime pour de vrai la sensation de collectivité. La symphonie entre tout le monde. Et c’est ce qui se passe avec le public quand je suis sur scène. Entre les musiciens, entre les spectateurs, entre le groupe et le public…

Côté révolution, votre tenue aux couleurs de l’Europe et votre déclaration : « Je suis l’Europe et je brûle » ont fait sensation…

(Rires) Oui forcément. En fait, c’était l’Europe mais c’était surtout abstrait. La vérité, c’est qu’un jour j’étais dans le train, j’allais de Nice à Paris. Et on est passé par Marseille. Marseille ! Une très jolie ville avec toute sa culture et son patrimoine, et tout. Et là, entre deux immeubles, je vois toute une rangée de voitures en train de brûler. J’ai trouvé ça très symbolique. Il y a quelque chose qui arrive en Europe en ce moment. Une inflammation de l’Europe. On se sent en sécurité dans cette Europe mais on n’est pas en sécurité ! Tout peut arriver d’un moment à l’autre. Comme l’amour, ça peut arriver partout, tout le temps…

On doit s’en méfier ?

Ah non surtout pas, surtout pas ! (Rires)

Pour revenir sur votre performance à l’Ubu, le live sonnait plus rock que vos chansons enregistrées. C’est une volonté pour se démarquer de ce que l’on peut entendre à la maison ?

Oui c’est vrai, c’est bien plus rock. Pour dire la vérité, je n’ai aucun contrôle là dessus. Ça devient très rock, c’est comme ça. En fait, on part en couilles ! (Rires) C’est rock et ça chauffe. C’est une forme de pouvoir qu’a la guitare. À peine on effleure la corde que ça envoie direct. Ça donne envie de partir en couilles ! (Rires)

Bon à savoir. Merci Sabina.

Merci à vous, à bientôt.

Célian Ramis

Femmes aux TransMusicales 2014 #3

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Parc expo, Rennes
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Moins nombreuses le vendredi 5 décembre, les femmes ont néanmoins défendu avec force leur style et univers musical, dans le Hall 8 du Parc expo.
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Au synthé dans Grand Blanc ou au chant dans Metà Metà , c’est dans le Hall 8 ce vendredi 5 décembre que se sont faites entendre les femmes, hélas bien minoritaires au Parc expo.

 
21h45 – GRAND BLANC – FROIDEUR ADDICTIVE

 

 

 

À peine installés, ils instaurent déjà un climat de tension dans le Hall 8. Les musiciens de Grand Blanc imposent à vitesse éclair leur univers fortement inspiré par le rock new wave des années 80. En référence, on les classe sur les traces de Joy Division mais dans la langue de Bashung et de Ferré.

Des influences qui ravissent les festivaliers qui fourmillent dans la fosse, en direction de la scène, comme attirés par la lumière. Grand Blanc a ce pouvoir d’envoûter les esprits et d’envahir les corps pour les figer, curieux de l’expérience en cours. Dégré 0 commence, la voix de Camille, également aux claviers, brise les sonorités électro et entame une chanson qui résonne comme une ode à un mal-être profond avide de torpeur.

Et c’est pour conjurer le sort et éviter la léthargie que ce nouveau groupe français prend la scène jusqu’à la posséder en l’enrobant d’une atmosphère froide et angoissante. La formation musicale joue avec les rythmes entre calme déstabilisant et accélérations brutales en réussissant à surprendre le public qui attend l’explosion des notes et qui reste en attente de sensations fortes.

« On va vous jouer un morceau qui parle de notre adolescence, de notre nullité au football et de comment on essaye de se construire… Je parle de ça parce que je crois que Rennes joue ce soir non ? », lance le chanteur. Derrière le trait d’humour, la voix tremblotante laisse apparaître la sensibilité du chanteur. Un écorché vif dans la retenue.

Il alterne le chant avec Camille, dont la voix rappelle fatalement les années 80, épousant le style vestimentaire Madonna de cette époque – ou Olivia Newton John à la fin de Grease – et tous les deux apportent un sentiment d’urgence, de précipitation sans pourtant nous saisir les entrailles. Peut-être pas encore assez abouti, on ne doute pas que Grand Blanc saura évoluer dans les eaux troubles du rock français.

 

 

 
23h20 – METÀ METÀ – MOUVANCE JAZZY

 

 

 

 

Dès la première chanson, le hall se remplit de convivialité et de chaleur. Les lumières blanches, électrisantes de Grand Blanc ont laissé la place à des lumières rouges orangées. Guitare, basse et batterie révèlent immédiatement leur puissance et la chanteuse vient y mêler son énergie vocale pour un ensemble dynamique et rafraichissant.

Les compositions très instrumentales, portées par le saxophone, nous transportent directement dans une ambiance de club. Dans un lieu intimiste, confiné. Pour mieux en exploser les murs et les frontières puisque les brésiliens de Sao Paulo sont des génies du brassage musical et culturel. Les sonorités latinos rencontrent ainsi le chant et les rythmes du Candomblé, une religion afro-brésilienne.

La samba prend des airs psychédéliques, le jazz s’enivre et flirte avec l’afro-punk dans un mélange délirant et entrainant qui laisse présager une sorte d’urgence, de précipitation, mêlée  aux chants traditionnellement adressés aux divinités. Le côté folklorique invite à une danse conviviale et festive tandis que les inspirations de rock tendu lacèrent nos entrailles. 

Les musiciens dégagent une belle énergie et transmettent inéluctablement leur passion transpirante pour le live et cet univers imaginaire et neuf. Avec Metà Métà, pas question de rester passif. On est tout le temps pris dans le mouvement. Tourbillon de fraicheur sur la scène musicale brésilienne, il ravit les spectateurs venus puiser dans les découvertes de cette édition TransMusicales.

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