Célian Ramis

Explorer la sexualité dans le cinéma de genre

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Comment sont représentés la sexualité et le plaisir féminin à l’écran, et notamment dans les courts-métrages fantastiques ? Cyrielle Dozières, directrice de Court Métrange, et Maude Robert, philosophe, interrogent ces notions à travers le monstrueux...
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Comment sont représentés la sexualité et le plaisir féminin à l’écran, et notamment dans les courts-métrages fantastiques ? Cyrielle Dozières, directrice du festival Court Métrange, et Maude Robert, philosophe, ont interrogé ces notions et la figure monstrueuse qui y est associée, à l’occasion d’un ciné-débat le 10 mars, au musée des Beaux-Arts.

Une femme devant le miroir se déshabille. Elle se regarde, se touche, scrute son corps. Au fil de sa chorégraphie, elle sculpte son désir, le laisse s’évader et fait corps avec avant que celui-ci ne s’incarne, entre ses cuisses, en loup léchant son sexe. La respiration bestiale se fait entendre au milieu d’une forêt qui jaillit et dans laquelle commencent une course poursuite et une danse charnelle entre la femme et cette figure monstrueuse qu’elle tient à distance, embrasse, rejette, enlace, repousse avant de lâcher prise et de se faire dévorer par son désir grandissant qui la pénètre jusqu’à la jouissance. Fin du premier court-métrage. Celui de Vladimir Mavounia-Kouka, La bête, réalisé en 2013. Une forme dans laquelle le plaisir féminin est esthétisé, par l’animation en noir et blanc et le crayonné délicat et virevoltant, mais aussi mouvementé et teinté de brutalité dans un acte masturbatoire subjectif et consenti. La tension oscille durant le film, proposant des moments de respiration et d’apaisement, avant l’explosion menant à la sérénité et la libération. 

Une ambiance très éloignée du deuxième court-métrage présenté ce soir-là, celui de Joséphine Hopkins, réalisé en 2016 et intitulé Margaux, du nom de la protagoniste. Une lycéenne de 16 ans dont les premiers émois sexuels et la découverte du désir sont caractérisés symboliquement par une créature monstrueuse rodant à chaque balbutiement de plaisir. Noirceur, mal être, pression sociale, insultes et agression physique, enjeu de séduction et domination patriarcale s’emparent de la jeune fille et s’exercent tout au long de la projection, suscitant de très nombreuses interrogations quant à un final associé au genre horrifique qui laisse libre cours à notre imagination.

QUESTION DE REGARDS

Difficile de parler de représentation de la sexualité et du plaisir féminin sans évoquer la problématique du male gaze, traduit en français par regard masculin. Théorisé en 1975 par Laura Mulvey, il encadre toute une culture visuelle imposant, à travers le corps des femmes, l’expression de leur sexualité, leurs postures, attributs et soumission, une vision patriarcale hétérosexuelle cisgenre dans le but de satisfaire le plaisir masculin. Cyrielle Dozières, directrice du festival Court Métrange à Rennes, rappelle que plus récemment, c’est Iris Brey qui a, en France, réintroduit cette notion sous l’angle du regard féminin qu’elle analyse dans son livre éponyme. Elle décrit la représentation de la sexualité comme un spectacle et non comme une expérience. « Les deux courts-métrages que l’on a sélectionnés ne sont pas dans cette optique-là, mêmes s’ils sont imparfaits et qu’on peut interroger des choses dedans. Il faut déjà préciser qu’en 19 ans de festival, il y a eu très peu de films qui ont présenté le plaisir féminin et la sexualité. Ici, ils montrent le plaisir par l’expérience de la femme, par l’intérieur du personnage. », précise-t-elle, en ajoutant : « C’est très important de pouvoir représenter le corps et le plaisir d’une femme qui n’est pas dépourvue d’une personnalité. »

Permettre aux personnages féminins d’incarner les sujets de leurs histoires et trajectoires. Comme dans La leçon de piano, de Jane Campion, dans lequel la réalisatrice fond sa caméra dans le vécu de sa protagoniste. « On sent l’émoi et l’excitation sexuelle. On sent le corps en effervescence. C’est quasiment la première fois au cinéma. », s’enthousiasme la philosophe Maude Robert. Nous sommes en 1993 et depuis, la sexualité des femmes restera majoritairement figée dans l’imaginaire collectif dans des représentations et des reproductions de la vision patriarcale et des rapports de dominations qui perdurent dans la société. Gros plans sur les fesses et les poitrines des femmes, scènes de nudité féminine et de sexe hétéro qui n'apportent souvent rien au propos du film, démonstration de force et de violence dans les rapports sexuels et les relations femmes-hommes, absence de sexualités plurielles et variées, etc. constituent les principaux reproches au fameux male gaze, retranscrit également par les femmes, imprégnées de ses schémas sociaux et cinématographiques. 

SE LIBÉRER DU REGARD MASCULIN

« Le premier film de Gustav Machaty, Extase, en 1933, est un affront extraordinaire. Il a été censuré parce qu’il dévoile frontalement le plaisir féminin. Le cinéaste essaye vraiment de nous faire vivre l’expérience. D’autres ont essayé… C’est vraiment une histoire en pointillés et elle n’est pas terminée ! Il faut vraiment s’interroger sur comment on peut filmer les corps de femmes et leur plaisir pour s’affranchir du regard masculin. C’est précieux de venir imager la quête du plaisir. », commente Cyrielle Dozières. Aussi bien dans La bête que dans Margaux, les deux personnages sont en recherche autour de leur sexualité et de la manière dont elles vont pouvoir éprouver du plaisir, à travers leur corps mais aussi à travers le regard des autres et l’approbation – ou désapprobation – sociale. Associée à la figure du monstre, la sexualité de l’une et de l’autre semble explorer leur propre psyché, leur inconscient, tel que l’analyse Maude Robert, au prisme de la psychanalyse : « Dans le premier, on serait plutôt dans quelque chose de l’ordre de la pulsion, du fantasme. Dans le deuxième, il semblerait qu’on soit dans la représentation de sa subjectivité et de son inconscient. »

Elle parle de la pulsion de mort, certainement enfouie chez Margaux. Représenter l’irreprésentable. « Mettre en image ce qui nous traverse inconsciemment. », poursuit-elle. Le spectateur plonge alors dans la tête d’une jeune fille qui découvre ses premiers émois. Les deux professionnelles constatent également la faible présence des personnages masculins. « Ce n’est pas très fréquent au cinéma. Le plaisir féminin est souvent associé à la présence masculine. », souligne la directrice de Court Métrange. Pourtant, Margaux semble bel et bien construire son rapport à la sexualité directement en lien avec le regard des hommes de son environnement scolaire (camarade de classe, prof…) et son angoisse pourrait venir de cet apprentissage biaisé par le poids de la norme et de la pression sociale. Puisque c’est à l’adolescence, lorsque survient la puberté, que les filles deviennent objetisées et sexualisées par le regard patriarcal. Une période charnière durant laquelle elles intègrent l’injonction à être séduisantes, à paraitre sexuellement disponibles, sans pour autant apprendre à découvrir leurs corps et désirs personnels. 

LA FIGURE DU MONSTRE

Le plaisir féminin est souvent tabou. Honteux, caché. À l’instar des organes sexuels qui sont en partis dissimulés et méconnus. « Pendant le Moyen-Âge et la Renaissance, les femmes étaient considérées comme lubriques. Celles qui attirent et qui sont attirées. Parce qu’elles sont facilement corruptibles, sensibles, etc. elles sont davantage tentées par le malin, le diable. Leur appétit sexuel était considéré comme vorace et insatiable, c’est pourquoi on a pensé qu’il fallait endiguer le plaisir féminin. Cette pensée a traversé les siècles. », analyse Maude Robert. Tentation, peur, sexualité, mort, plaisir se croisent, se confrontent et se répondent dans les deux courts-métrages. « Ce sont des thématiques qui irriguent complétement le cinéma de genre. Le genre horreur. », ajoute Cyrielle Dozières. La dualité, le choc, la résistance et l’acceptation semblent des étapes essentielles à la découverte de la sexualité. L’aspect pulsionnel dont parlait déjà Maude Robert refait surface, servant de levier dans la compréhension de l’utilisation de cette figure monstrueuse : « Dans les pulsions, il y a une forme de monstruosité. La vie pulsionnelle en général ne correspond pas aux valeurs morales. Il y a les pulsions de mort, de destruction, d’agression, d’autodestruction. Et il y a les pulsions de vie, d’autoconservation et de sexualité. Tout ne se dit pas en société. Ce n’est pas étonnant d’en passer par le monstre. » Dans La bête, elle y voit une forme de rêve « et le rêve s’achève toujours par la satisfaction du désir. » Si le final indique la jouissance, on peut interroger le rapport de domination montré dans la course poursuite dans la forêt. « Et pourquoi toujours passer par la pénétration ? Est-ce que ce film interroger les limites entre l’acceptable ou non ? On voit une forme de bestialité qui finit par être acceptée. », questionne Cyrielle Dozières. 

INJONCTIONS PARADOXALES

La figure du loup dans La bête, la créature gluante et repoussante dans Margaux, nous amènent rapidement à entrevoir les intentions des réalisateur-ice-s comme étant celles d’associer la sexualité au côté sauvage et sale afin de dénoncer son aspect culturellement mal vu lorsque les femmes se livrent à leurs pulsions. La figure monstrueuse semblerait par conséquent incarner le désir et le plaisir des femmes, honteuses de les éprouver et de s’y abandonner. Il se peut aussi que la flaque visqueuse et tentaculaire qui hante Margaux soit la représentation d’une société elle-même monstrueuse. « On retrouve dans le court-métrage cette ambivalence entre la société qui demande aux filles d’être sexualisées mais qui punit, ici par une agression, lorsqu’elles passent à l’acte. », signale la directrice de Court Métrange. Avec Maude Robert, elles établissent des hypothèses : « Margaux est peut-être effrayée par sa propre libido. Les tentacules du monstre symbolisent peut-être son fantasme. Ou peut-être un symbole de mort ? Ou alors, est-ce qu’il s’agit d’une projection de son mal être ? » Pas de réponse. Des indices sont distillés dans le film mais c’est à chacun-e de faire son cheminement et de trancher, ou non. Une piste audacieuse est élaborée par les deux intervenantes : celle de l’inceste. 

Que l’on adhère ou non à cette thèse, la discussion menant à différentes pistes d’analyse et aux multiples hypothèses de Cyrielle Dozières et Maude Robert démontre l’ampleur d’un sujet comme celui de la représentation de la sexualité et du plaisir féminin. La thématique questionne et fait débat. Qui filme ? À travers quelle perception ? Dans quel contexte ? Pourquoi ? Comment ? Se situer semble essentiel comme dans tout propos développé autour de sujets controversés par la morale patriarcale (hétéro cisgenre) et blanche. Diversifier les propositions, les visions, les représentations. Surtout lorsque le fantastique interroge le réel, il suscite les réflexions profondes et incite à donner libre cours à nos imaginaires. Toutes les formes d’art les construisent en partie et les nourrissent en profondeur. Cultivons-les pour nous élever, nous libérer et nous faire prendre notre pied ! 

Célian Ramis

Au-delà des normes oppressives, libérer le cul !

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Claire présente son nouveau seule-en-scène, Préliminaires, pénétration, orgasme ?, dans lequel pendant plus d’une heure, elle parle de cul, sans détour et avec beaucoup d’humour. Ça nous plait !
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Mardi 30 juin, à La part des anges, c’est la première fois que Claire présente son nouveau seule-en-scène, Préliminaires, pénétration, orgasme ?, dans lequel pendant plus d’une heure, elle parle de cul, sans détour et avec beaucoup d’humour. Ça nous plait !

Pendant 10 ans, elle s’est emmerdée 95 fois sur 100 en baisant. Durant son adolescence, elle s’est beaucoup touchée, et de partout. Elle s’est regardée aussi. Puis photographiée, puis filmée. Jusqu’au jour où elle a perdu la K7.

« J’avais méga honte. Parce qu’en tant que femme, on n’a pas le droit de se masturber, de se mettre en scène. Que ce soit visible. », souligne-t-elle. Ce qui l’emmerde précisément, c’est le schéma hétéro-cisgenre, « entrée, plat, dessert ». Comprendre alors, préliminaires, pénétration, (marathon à l’)orgasme.

« Quand j’ai commencé à faire l’amour avec des femmes, ce taux d’emmerdement a littéralement chuté. J’aimerais bien pouvoir m’amuser avec des gars. Je suis attirée aussi par les gars. Et je vous en parle car je me rends compte que je suis pas la seule dans ce cas-là. C’est une chouette activité le sexe. Franchement, c’est mon activité préférée. »
poursuit-elle.

Il y a pas mal d’humour et d’autodérision dans son spectacle mais surtout, il y a de nombreuses réflexions, basées sur ses expériences personnelles ainsi que sur des recherches et des discussions avec son entourage. Elle aborde l’apprentissage de la sexualité, avec en toile de fond une transmission phallo-centrée d’injonctions patriarcales. En gros, ce qui compte, c’est la bite et la sacro-sainte pénétration. Ce qui vient avant, on appelle ça préliminaires et ça, ça lui fait chier à Claire :

« Tout le monde pense que ça va des pelles jusqu’à la bite dans la chatte. Dans les rapports hétéros… Mais non, c’est l’ambiançage et ça dure pendant tout le rapport sexuel. »

Elle n’a rien contre la pénétration, elle aime ça, « c’est fort et intense ». Mais elle fait l’analogie avec les betteraves. Elle aime ça mais elle en a ras-le-bol de les manger cuites à la vapeur et coupées en cube avec de la vinaigrette. Il y a plein d’autres façons de les consommer sans pour autant en devenir dégoutée…

Son message, il est là. La sexualité ne peut se réduire à une seule recette ou à une seule formule. Il fait du bien ce spectacle. Il questionne et il nous invite et encourage à mettre nos récits en commun, pour bénéficier « de la puissance de nous tou-te-s » et se rappeler que nous sommes des sujets désirants, maitre-sse-s de nos corps, de nos envies et de nos plaisirs. Au-delà des normes oppressives. 

Célian Ramis

Les arts du sexe : Libres de ne pas se cacher !

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Diapason, Rennes 1, campus Beaulieu
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Sommes-nous totalement libéré-e-s niveau sexualité(s) ? Pas vraiment. Pas encore. Mais le sexe est un art à cultiver, à partager et à cajoler. Heureusement, Sexlame ! et ses partenaires sont là pour nous décomplexer !
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« Nos libidos ont peut-être chaviré, mais elles n’ont pas sombré. La majorité d’entre nous est contente de passer au lit, l’orgasme fait toujours du bien. Ouf. Et pourtant… nous pourrions aller encore mieux. En prolongeant les enseignements de 2017, nous pourrions même nous assurer des lendemains qui ahanent. Chiche ? » Défi relevé chère Maïa Mazaurette !

La chroniqueuse de « La Matinale du Monde », lanceuse du savoureux et vibrant appel « Clitoridiennes de tous les pays, unissez-vous ! », nous ravit et nous redonne espoir à chaque article qu’elle publie. Parce qu’avec elle, la sexualité, c’est beau, c’est sain et ça fait du bien. Quand elle est libre et consentie, en solitaire ou à plusieurs.

C’est le même esprit qui a soufflé sur la ND4J dédiée aux genres et aux sexualités, le 14 décembre dernier au Diapason (campus Beaulieu, à Rennes) organisée pour l’occasion par l’association rennaise Sexclame ! 

Finie la diabolisation du clitoris et du plaisir féminin ? Pas tout à fait… Mais cette année, l’organe du plaisir – correctement représenté – a fait son entrée dans un manuel scolaire de SVT, le manifeste pour s’affranchir des diktats sexuels Libres ! – signé Ovidie et Diglee – trône fièrement en tête de gondole dans les librairies, tout comme la BD militante de Liv Strömquist, L’origine du monde, et la Ville de Rennes se saisit de la question des sexualités, en confiant une soirée de son dispositif ND4J à l’association rennaise Sexclame !, le 14 décembre dernier au Diapason.

« On n’a pas pensé consciemment par le prisme de l’art et de la culture pour la soirée, mais on a pensé festif, dans l’esprit de la ND4J. Avec des propositions qui font réfléchir, tout en restant dans le divertissement. Pour que ce soit léger et décomplexé ! », explique Margo, co-fondatrice de l’association Sexclame !, jeune structure rennaise, tout aussi capable d’organiser une soirée Amours à l’Élaboratoire – en octobre dernier – qu’une soirée plus institutionnelle au Diapason :

« On ne brasse pas le même public dans les différents lieux, et ça, ça nous intéresse aussi, de passer du milieu underground à un plus grand public. Ça permet aussi de se rappeler qu’on n’est pas tou-te-s déconstruit-e-s (des clichés, des injonctions et des mythes régissant la sexualité, mais pas que, ndlr) de la même manière. Selon là où on en est, selon les vécus, il peut y avoir des propos qui ne plaisent pas à tout le monde. Une programmation 100% safe et inclusive, c’est bien de tendre vers ce sens-là et de prendre en compte toutes les discriminations mais on prend toujours un risque en organisant une soirée. »

En tout cas, c’est un pari joliment réussi pour les bénévoles qui ont ce soir-là transformé le hall de l’établissement en pieuvre de l’amour, du désir et du plaisir, qui nous mène de part et d’autre de ses tentacules vers une sexposition, un bar aphrodisiaque, une sexothèque, des lectures érotico-décalées, des associations, une conférence performée, des massages shiatsu ou encore un concert délirant.

RÉAPPROPRIATION DES SAVOIRS

Sans oublier à l’étage, dans une salle de réunion, un atelier « Hacke ton vibreur », animé par Antoine. Il est alors 18h30 et la soirée vient juste d’ouvrir ses portes. L’atelier donne tout de suite le ton. Outre le fait que le titre évoque les sextoys, il est question ici de l’esprit Do It Yourself.

« C’est toi qui le fait, toi qui décide des matériaux. Le DIY est un courant qui rassemble tout un tas de chose. Pour moi, il s’agit de la réappropriation des savoirs. On ne comprend pas toujours ce qu’il y a à l’intérieur des objets autour de nous. Le Do It Yourself propose de donner accès à ces données-là, il y a vraiment la notion de partage. On ne donne pas le gâteau tout seul, on donne le gâteau avec la recette. », souligne l’animateur.

L’idée alors n’est pas de fabriquer sur place son sextoy personnalisé mais d’en comprendre le mécanisme, « afin de démystifier les moteurs qui vibrent ». De voir si les compétences des un-e-s et des autres peuvent se croiser et si à l’avenir il serait envisageable de poursuivre l’expérience.

C’est surtout une belle entrée en matière qui suggère la réappropriation de la sexualité qui heureusement ne peut être unique mais bel et bien personnelle, à partir du moment où l’on (s’)autorise à se détacher des diktats de la société et sa morale. Il est alors nécessaire de pouvoir avoir accès aux savoirs, de pouvoir choisir et de pouvoir composer et vivre ses expériences, selon chacun-e. D’appeler un chat un chat, ou pas.

Puisqu’on pourrait aussi dire « Andouille à col roulé, Berlingo, Chatte, Dard, Extincteur, Foune, Garage à bite, Hochet de Vénus, Instrument, Joystick, Kiki, Levier de vitesse, Minou, Nénuphar, Ouverture, Pine, Quéquette, Radis, Salle des fêtes, Tarte aux poils, Urne, Verger de Cypris, Willy, Xiphoïde, Youka, Zob. »

Cet abécédaire des petits noms donnés au sexe féminin et au sexe masculin, c’est la compagnie Les Becs Verseurs qui la dresse à l’occasion de ces lectures érotico-décalées. Des Frères Jacques à l’abbé de Lattaignant, en passant par Colette Renard, Juliette et Le Petit Robert, les trois comédien-ne-s nous invitent à (re)découvrir des textes autour des plaisirs et des sexualités.

On sent bien là la patte des Becs Verseurs qui allient humour et poésie et manient avec subtilité les jeux de mots, les sous-entendus et le langage cru. Parfait mélange, auquel le trio ajoute un œil frétillant, un sourire en coin et un déshabillé coquin.

À travers le Kamasutra, des paroles de chanson, des recettes de cuisine ou encore des écrits romancés et romantiques, on croise des personnages aux fesses petites, grosses, basses ou déprimées, on entend claquer de doux baisers, on découvre une version érotique de la comptine « Au clair de la lune », on écoute le coming out d’un jeune homme natif de Lutèce et on réinterprète la condition d’Eve, de Pénéloppe ou de Jeanne d’Arc, loin d’être pucelles effarouchées et passives succombant aux plaisirs coupables, comme le dit Juliette dans sa chanson « Il n’est pas de plaisir superflu », déclamée en cette soirée :

« Profitons de l’instant, saisissons le présent / Osons, ne restons pas inertes / Quand le Monde court à sa perte / Il n’est pas de plaisir superflu ! / En été, en automne, en hiver, au printemps / Entrons si la porte est ouverte / Quand le Monde court à sa perte / Il n’est pas de plaisir superflu ! »

À CHACUN-E SON SEXE, À CHACUN-E SON EXPRESSION

Le sexe se décline de multiples façons. Sujet inépuisable, il fait fantasmer autant que frémir et, dans tous les cas, il inspire énormément. Preuve en est avec les larges rayons de la sexothèque, constituée et remplie par Sexclame ! depuis sa création. Mais aussi la sexposition, réunissant une dizaine d’artistes, dont Lis Peronti et ses serviettes hygiéniques aux lettres brodées en rouge.

Au centre de la salle, ses créations sont entourées de celles de Leslip – cofondatrice de l’association avec Margo – de Diane Grenier, de Laura Zylberyng, Claire Grosbois ou encore Stéphane Vivier et Marylise Navarro. Sans oublier les gaufrages de Salomé Marine qui présente des gravures, sans encre, de photos de vulves de femmes souhaitant se faire opérer des lèvres.

Du porno en photo au moulage de tétons, en passant par la contraception d’urgence, les œuvres, qui varient dans les matières, les couleurs et les manières d’aborder ce vaste sujet, sont à regarder, observer, toucher, caresser et même à écouter :

« Il lèche mal mais il baise bien. Je garde comme règle de ne pas simuler, j’exagère parfois ma respiration pour encourager. Je lui bidonne que je suis plus vaginale que clitoridienne. »

On se le répète en sortant de la pièce, il n’y a pas qu’une sexualité. Heureusement. Pas qu’une seule manière d’en parler et la soirée va encore nous prouver que tout peut être exploré et interprété, selon les goûts, les préférences, les courants de pensée mais aussi selon qui fait l’Histoire.

« La pornographie c’est bien mais c’est un peu scolaire. Ce que l’on préfère, c’est ce qui est plus masqué, ce qui doit être dévoilé. Pas parce que c’est plus ludique mais parce que c’est plus pervers. Bienvenue dans l’histoire de la perversité ! » Ce soir-là, Hortense Belhôte, comédienne et professeure d’Histoire de l’art, fait un carton dans la salle de spectacle du Diapason avec sa conférence performée « Les arts du sexe » ou le sexe dans l’art classique. C’est drôle, percutant et passionnant.

CACHÉ OU PAS CACHÉ, LE SEXE ?

En une heure et une multitude de diapos proposant un voyage dans la peinture classique et la mythologie, celle qui a été repérée cet été par Margo - au Festival du Film de Fesses, à Paris - qui sort de quatre jours de bronchite et qui douille parce que c’est le premier jour de ses règles, s’amuse des représentations sexuelles, sexuées et genrées. D’abord avec la Vénus pudica qui, debout, accroupie ou allongée, a toujours le sexe caché.

« Peut-être qu’elle vient de faire l’amour avec son mari, de se faire un plaisir solitaire ou bien a-t-elle une mycose, on ne sait pas ! », plaisante Hortense, qui poursuit ses savoureuses interprétations personnelles : « Zeus est le dieu archétypal de la conquête sexuelle et amoureuse. Il est marié, mais intéressé par d’autres. Alors il se métamorphose pour arriver à ses fins. En nuage pour faire un baiser à une femme, en aigle pour séduire un jeune éphèbe pré-pubert ou encore en cygne une autre fois. Est-ce que Zeus ne serait pas le dieu tutélaire du sextoy ? C’est une piste à creuser… »

Elle passe en revue les représentations de l’amour lesbien, de la virilité, jusqu’à l’apparition de la question du genre, lorsqu’Hercule est fait prisonnier par la reine Omphale, celle ci prend les affaires et lui, porte les siennes.

« On voit alors Hercule en robe rose à paillette, il coud pendant qu’elle, elle tape avec sa massue. C’est l’inversion des genres dans les tableaux, avant que survienne la superposition des attributs. Aujourd’hui, les Hercule et Omphale modernes pourraient être les sculptures des stars trans, Buck Angel et Allanah Starr ! Après, la question à laquelle on n’a jamais répondu, c’est est-ce que c’est Hercule qui enfile ou Omphale qui encule ? Ça reste ouvert… », lâche Hortense Belhôte, qui passe des mythes et légendes à la valeur ajoutée par la chrétienté, à savoir la morale.

Tandis qu’elle retire son pantalon, elle démontre comment la religion a introduit la naissance du textile, faisant de la nudité quelque chose de choquant. Pourtant, dans le tableau de Rubens « Suzanne au bain », on voit la jeune femme, de dos, faire sa toilette intime, « et des vieillards la matent et qui derrière vont faire croire que c’est elle qui les a aguichés, machin, machin… Parce qu’une fois déshabillé-e, qu’est-ce qu’on a envie de faire ? De toucher ! »

Du consentement bafoué à l’assignation réductrice des femmes dans la cuisine – avec les peintures de Vermeer et sa célèbre Laitière – les œuvres se veulent des allégories de la jeunesse, de la chasteté et de la mise en danger. Celles-ci sont restées, devenant peu à peu des références indiscutables dans l’Histoire de l’art, tandis qu’on a fini par oublier, ou négliger, les représentations de la déesse Baubo, dont le visage se situe dans le bas ventre.

On lui attribue pourtant une belle victoire, puisque c’est elle qui a fait rire Démeter, déesse de l’agriculture et des moissons, lorsque celle-ci succombait à la dépression, à la suite de l’enlèvement de sa fille Perséphone. On raconte qu’en quelques blagues grivoises « la déesse de la vulgarité féminine aurait sauvé le monde. En faisant rire Démeter dont l’humeur a fait mourir la Nature, elle a permis le renouveau. »

Simplement vêtue d’une culotte, en position de Vénus alanguie, Hortense conclut alors, se tournant dos au public et révélant ainsi la célèbre marque de Batman sur ses fesses : « Peut-être que nous aussi, ce soir, nous venons de changer le monde. »

LA SEXUALITÉ, C’EST LUDIQUE ?! OUI, OUI, PROMIS !

« J’ai jamais autant rigolé à une conférence. Et en plus, j’ai appris des trucs ! », s’enthousiasme une participante, en quittant les gradins, la mine enjouée. Tout comme ce curieux qui se balade de stand en stand, avant de s’arrêter devant celui du Centre Gay Lesbien Bi et Trans de Rennes (CGLBT) pour jouer au Jeu des lois :

« On pose des questions sur les connaissances autour de la transidentité. Quand on a une bonne réponse, on avance et on peut tomber sur des cartes Chance ou Malchance. Cela permet de connaître le quotidien des personnes trans. »

Comment doit-on parler à un homme trans : au masculin / au féminin / ça dépend de son apparence ? Quelle est la cause de la transidentité : une surexposition à des personnages de série homos / une alimentation trop riche en oligotrans / On ne sait pas et on s’en fout ? En France, le changement de sexe est interdit par la loi : Vrai ou Faux ? Papy vous accepte comme vous êtes, bravo, rejouez !

L’instant est ludique et joyeux. Sans jugement. Se tromper n’est pas grave, le tout étant de comprendre les réponses et informations données. Une manière légère d’établir un premier contact, pour ensuite pouvoir éventuellement aller plus loin. Comme c’est le cas pour les voisin-e-s du CGLBT, entouré de Diane, animatrice de prévention bénévole dans une association de lutte contre le VIH et fondatrice du « Gougle du cul », le site Sexy Soucis, et du Planning Familial 35.

« Je pense que le public de la soirée était majoritairement un public averti, avec pas mal de gens de notre réseau mais je sais qu’il y a aussi eu un public varié. Diane a rencontré et discuté avec une travailleuse du sexe par exemple, qui lui a dit qu’elle n’avait avant jamais mis les pieds dans une soirée comme ça. C’est un moment très fort et c’est une victoire pour nous. C’est important de pouvoir se sentir en confiance quand on n’est pas dans la norme. », souligne Margo.

De son côté, Lydie Porée, présidente du PF 35, note une grande mixité dans les personnes présentes et rencontrées. L’association a placé sur la table le slip chauffant, confectionné par l’association Thomas Bouloù (pour la responsabilisation des hommes dans la prise en charge des risques et conséquences de leurs sexualités). En guise d’appât. Parce qu’il attire l’œil et les passant-e-s :

« C’est notre produit d’appel on va dire. C’est sur la contraception mais ça permet de parler de ça et d’élargir à la vie affective et sexuelle. On est là pour que les un-e-s et les autres puissent poser leurs questions. Tout est posable, tout est entendable. La réponse n’est pas toujours évidente mais le but est d’échanger sur les questions de sexualité. »

SORTIR DU JUGEMENT ET DE LA MORALE

Elle constate que les discussions tournent beaucoup autour du préservatif externe et de ses contraintes. Le mettre au bon moment sans casser le rythme ou l’envie, trouver la bonne taille, la peur des infections sexuellement transmissibles… Tout cela mène directement au sujet du dépistage. Le jour même, le Service inter-universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé de Rennes proposait un après-midi de dépistage sur le campus Beaulieu.

« Certain-e-s sont venu-e-s à la soirée en cherchant justement à avoir accès à un dépistage immédiat et étaient surpris-es qu’il n’y en ait pas à ce moment-là. C’est très intéressant car d’une part, on s’aperçoit que le dépistage fait parti du scénario d’une vie affective et sexuelle, c’est rassurant, et d’autre part, ça montre qu’il y a de la demande dans ce genre d’événement. Car ce n’est pas toujours simple d’aller au CeGIDD (Centre de dépistage, CHU de Rennes, ndlr) et ça montre que c’est à nous assos d’aller vers le public. », analyse Lydie.

Son bilan nous interroge. Pourquoi, si le dépistage fait parti du scénario, attend-on l’organisation d’événements ? La peur du jugement, venant de certain-e-s professionnel-le-s de la santé ?

« Je pense que le jugement et la morale pèsent certainement. Ce n’est pas en faisant la morale que l’on va changer les choses. Qui n’a jamais pris de risque ? C’est illusoire de se dire qu’on est observant-e-s et réglos toute une vie sexuelle durant. La vie, c’est des oublis, c’est des ‘c’est pas le moment’ ou des ‘c’est pas venu’. Prendre soin de soi est contraignant, alors quand en plus on rajoute un-e partenaire dans l’équation… J’ai fait une formation volontaire à Aides sur la réduction des risques qui consiste à adapter la prévention à la pratique, en fonction de la situation. Ça veut dire qu’on doit être en mesure d’entendre que le préservatif, c’est chiant. On a vraiment intérêt à se détendre ! En tout cas, cette soirée m’a ouvert les yeux sur la nécessité d’aller vers les gens, avec des outils rapides. », répond-elle.

DISCOURS ET SUPPORTS DÉCULPABILISANTS !

Au service culturel de l’université Rennes 1, ce 14 décembre, ça grouille de propositions, de curieux-ses, de questions et de réponses, d’informations en tout genre et pour tous les genres. On peut d’ailleurs, avant ou après s’être fait masser (non obligatoire, on précise), avant le concert des Banquettes Arrières ou pendant que l’on prête une oreille attentive aux contes coquins de Quentin Foureau, composer sa pochette surprise, avec des préservatifs, des stickers Sexclame ! décorés de clitoris, une planche dessinée par Laurier The Fox sur le coming out d’une personne trans, la roue du consentement ou encore de la documentation sur « Le viol, c’est quoi ? », « 10 conseils pour éviter le viol » (adressés aux hommes, pour une fois) ou des slogans tels que « Le viol concerne la violence pas le sexe, si tu te prends un coup de pelle, t’appelles pas ça du jardinage » et « La vie est trop courte pour s’épiler la chatte ».

Au fur et à mesure, les complexes s’estompent. Le fascicule « Tomber la culotte ! Coups de pouce pour s’affirmer, s’amuser et prendre soin de soi – Pour les lesbiennes, bies, et autres curieuses » a raison :

« Les filles, détendons notre string !!!! Qu’on se le dise, la masturbation est une source de plaisir, de découverte de soi, de désinhibition, de développement de l’imaginaire sexuel, et… j’en passe et des meilleures. Chacune a sa façon bien à elle de s’y adonner et toutes n’y ont pas recours non plus. Là encore, nous ne sommes pas toutes faites sur le (là !) même moule, et c’est tant mieux. Mais si ça vous tente, ne boudez pas vos envies ! »

Tout comme on peut se pencher également sur la brochure « BDSM, jouez safe » au slogan croquant : « Fais-moi mal mais fais le bien ! » ou sur la brochure « Choisir sa contraception », éloignée de tout jugement et injonction. C’est ce que réussit à faire l’association Sexclame ! lors de la soirée : proposer de nombreuses facettes de la sexualité, sans orienter les participant-e-s vers une vision imposée mais en participant certainement à un processus de déculpabilisation.

Parce que l’objectif de la structure est d’interroger les sexualités dans leur diversité. Briser le discours sur une sexualité unique, « imprégnée de sexisme et de tabous », afin de « libérer les paroles et susciter la réflexion à ces sujets. »

ENCORE DES RÉSISTANCES !

Parler librement de sexualité n’est pas tâche aisée. Encore aujourd’hui, dans notre société, les tabous et les mythes, teintés de valeurs morales et religieuses, régissent nos sexualités qui ont bien du mal à se détacher du rôle de procréation pour tendre vers celui du plaisir et du désir. L’exemple le plus significatif est celui du clitoris.

Seul organe destiné uniquement au plaisir, il est étiqueté ennemi public n°1, voué à rester dans l’ombre du vagin et de la fécondité des siècles et des siècles durant. Représenté de manière schématique depuis peu de temps, il reste - malgré les tentatives, comme le chouette court-métrage de Lori Malépart-Traversy, Le clitoris, dont la vidéo est à voir sur Internet – un élément de crispation.

« La communication avec la mairie a été un peu compliquée. Pour l’affiche, le dispositif reprend toujours les 4 lettres ND4J mais on met ce que l’on veut dedans. Nous, on a choisi des mains, des bouches, des tétons et des clitoris. On a reçu un mail nous demandant si on n’avait pas autre chose à mettre à la place des clitoris… Ce n’était pas dit « On refuse les clitoris », c’était un peu glissé entre deux phrases… », explique Margo.

Elle poursuit : « On a réfléchi et pour nous, il était très important de parler du clito, du plaisir féminin, etc. Et c’est ce que l’on a répondu clairement. On était prêt-e-s à annuler la soirée si les images de clitoris étaient refusées. Finalement, c’est passé. Je pense que la personne en charge de l’affiche a eu peur de prendre la responsabilité, peur de créer un problème et finalement ça en a créé un. C’est remonté jusqu’au cabinet de Nathalie Appéré. Aussi, certains termes ne sont pas passés sur l’affiche : érotico-décalée, aphrodisiaque, Soirée genres et plaisirs… ça a un peu crispé les relations. »

Difficile en effet de se figurer que fin 2017 on s’effraie autour de la représentation d’un clitoris et qu’on censure certains mots qui pourraient choquer le tout venant lors de sa promenade dans le centre ville de la capitale bretonne. Si la co-fondatrice - et l’équipe de l’association - ne souhaite pas dissimuler les complications survenues, elle prend le recul nécessaire à l’analyse de ces événements :

« Au final, c’est très intéressant de voir les questions que ça a soulevé. On est content-e-s que ça ait un peu remué la mairie, c’était une expérience intéressante et il ne faut pas oublier que nous avons eu une vraie liberté de programmation. Ça nous y tenons pour cette soirée passée, comme pour les prochaines à venir. Nous avons été très bien accompagné-e-s par la mairie, notamment par Elodie Coquart, en charge du dispositif. Après les crispations, on a pu en parler avec elle et ça, ça m’a fait du bien, d’avoir au bout du fil un être humain qui explique que ça a soulevé des questions auxquelles les services de la Ville ne s’attendaient pas. »

Et parce que pour l’association le clitoris représente bien plus que le plaisir féminin, Sexclame ! prépare son logo aux formes de cet organe du plaisir.

Combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que les tensions autour de la sexualité ne s’évaporent ? Et y parviendra-t-on un jour ? Combien de temps devrons-nous subir les fléaux et conséquences des violences sexistes et sexuelles à cause des réticences, des tabous et des pressions conservatrices ?

On ne sait pas mais on mise sur l’avenir. Sur la faculté des individus, grâce à des événements bienveillants et décomplexants comme celui de Sexclame ! par exemple, à suivre leur curiosité, à oser découvrir et à s’encanailler, à s’aventurer main la première dans l’exploration de leurs corps et de leurs désirs.

Pour s’affirmer et se réapproprier leur sexualité. C’est tout le bonheur que l’on vous souhaite pour cette nouvelle année.

 

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La sexualité, un art à caresser dans le sens que vous voulez !
La nuit de toutes les sexualités
Les jeunes, la sexualité et Internet
Terrifiante éducation à la sexualité

Célian Ramis

Sexualité : Plaisirs intimes, et non tabous

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Rennes
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La sexualité féminine reste hélas objet de fantasmes et de mystères néfastes à l'épanouissement des individus. Comment briser les tabous et s'affranchir des normes sociales ? Enquête sur la découverte du corps et des plaisirs sexuels.
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Non, le corps des femmes n’est pas une conquête. Ni un continent noir, comme a pu le dire Freud… Celui ou celle qui cherche absolument à planter le drapeau de la victoire sur le point G fait fausse route. Les cultes se succèdent et se juxtaposent : performance, orgasme, libre sexualité… et finissent par semer la pagaille d’une norme à une autre, sans prendre en compte la réalité du quotidien et surtout sans envisager la différence des corps.

Femme ou homme, chaque individu possède une enveloppe charnelle unique, forte d’un héritage des générations familiales et sociétales passées d’où découle des blocages et des leviers propres à chaque personne et son histoire. À cela s’ajoute une pression journalière liée à l’évolution de la société, dont le comportement est dicté aujourd’hui par un marketing genré et des stéréotypes relayés dans les médias, sans mesure (ou plutôt en se fichant) des conséquences.

La sexualité ne peut se résumer à des techniques, des positions, des chantages affectifs, encore moins à des mystères et à des sornettes dignes des romans Arlequin (ou plus récemment Cinquante nuances de Grey).

Il est temps d’en finir avec les distinctions clivantes et aberrantes entre clitoridiennes et vaginales mais également entre sexualité féminine à l’eau de rose et sexualité masculine mécanique. Temps de nous connaître, précisément.

Les femmes veulent vivre une passion, les hommes tirer un coup. Mais quelle vision entretient-on des femmes et des hommes ? Et comment se libérer de tels carcans imposant une sexualité féminine opposée à une sexualité masculine ?

« Les femmes aujourd’hui sont infiniment plus libres dans leur sexualité que leurs ainées. Le désir féminin est reconnu ; la masturbation n’est plus taboue ; elles expriment leurs fantasmes et se trouvent, pour la plupart, belles et sensuelles. Reste que l’orgasme ne survient que dans un rapport sur cinq. Et qu’un quart des femmes y accèdent rarement ou jamais. »

Une utopie présentée en 2012, dans l’émission « Sexualité, plaisir et désir féminin », sur France Inter, visant à entendre les témoignages des femmes d’aujourd’hui, avec leurs réalités et leurs désillusions. Moderne et libérée. C’est ainsi que l’on veut présenter la sexualité féminine. Mais le sujet, bordé de tabous dus aux dissonances des discours religieux, scientifiques, psychanalytiques ou encore médiatiques, a la vie dure.

Le philosophe Michel Foucault le souligne dans Histoire de la sexualité (1976-1984), le corps des femmes reste un enjeu de pouvoir. Et c’est d’ailleurs le cheval de bataille du féminisme pro-sexe : utiliser le corps et le plaisir sexuel comme armes politiques, dont les femmes doivent s’emparer. Comment comprendre qu’elles ne soient toujours pas maitresses de leurs désirs et de leurs sexualités, au même titre que les hommes ?

PLONGÉES DANS LA PASSIVITÉ

Au début du XXe siècle, Freud, père de la psychanalyse, établit des théories bancales sur la sexualité féminine, néfastes pour l’évolution des mentalités et des générations à venir. Partant du principe que le clitoris est un pénis tronqué, il en déduit que la petite fille est un petit garçon qui se masturbe en fonction de pulsions et plaisirs virils.

Pour accéder à la féminité, la jeune fille devra opter pour la passivité et le refoulement de ces pulsions. En découvrant qu’elle ne possèdera jamais de pénis, et que les hommes en sont dotés, elle va se détourner de sa mère et tourner son désir vers son père (complexe d’Œdipe), avant de le remplacer, en vieillissant, par un désir d’enfant.

La découverte du clitoris appartiendrait donc à la petite fille, qui apprendra à s’en détacher et à vivre avec la frustration transfigurée en envie du pénis, et la découverte du vagin à la femme, objet et passive, face à l’homme sujet et actif.

Son travail lui vaudra la célèbre phrase comparant la sexualité féminine à un continent noir. Une métaphore que Marine Bachelot Nguyen, auteure et metteure en scène à Rennes, a souhaité creuser dans son spectacle « À la racine », dans le cadre du projet Féministes ? en 2011.

« C’est mystérieux et obscur mais c’est aussi une référence coloniale, explique-t-elle. Qu’est-ce que le corps de la femme quand il est vu comme un continent ? Ça implique que l’on peut le conquérir, le violer, le coloniser, se l’approprier ?! »

Tout cela avec la vision de l’homme occidental, blanc, hétérosexuel. La militante féministe va alors s’amuser des codes de la domination masculine, représenté par le phallus, comme norme et référence autour de la sexualité pour mettre en exergue le propos de Freud : « En manquant de pénis, on manque le droit d’être reconnues comme des êtres humains… » Mais aussi souligner ce clivage désastreux entre jouissance vaginale et jouissance clitoridienne qui reste encore et toujours d’actualité.

On pourra lire en octobre 2014, sur le site de Madame Figaro : « Oubliez tout ce que l’on vous a dit : il n’y a pas d’orgasme vaginal, ni d’orgasme clitoridien. Il n’y a qu’un orgasme féminin. Et le point G ne serait qu’un mythe, selon les conclusions de deux chercheurs italiens, parues dans la revue Clinical Anatomy ».

Pour Marine Bachelot Nguyen, les discours livrés au grand public sont dangereux dans la mesure où on l’éduque à une distinction nette et précise de la sexualité psychologique chez les femmes et de la sexualité mécanique chez les hommes.

« On a des connaissances autour du sexe des femmes mais très peu diffusées. Aujourd’hui, on a plus accès au porno mainstream, qui prône l’humiliation et met en scène l’assujettissement des femmes et privilégie les fantasmes des hommes, qu’à des documentaires. Dans le spectacle, je parle du clitoris et du schéma anatomique que les femmes elles-mêmes ne connaissent pas. », souligne-t-elle, mettant ainsi en lumière la méconnaissance persistante du corps et de son fonctionnement.

CLITORIS, AU PLACARD !

Le clitoris est pourtant connu depuis des millénaires. Dans l’Antiquité, le médecin grec Hippocrate expliquait déjà l’importance du plaisir ressenti lors de la procréation. Au XVIe siècle, les premières planches d’anatomie montrent avec précision le clitoris, dessiné par l’italien Mateo Renaldo Colombo qui le définit comme un organe du plaisir.

Mais en 1875, la découverte du système de fécondation le renvoie au placard, puisque incohérent avec l’idéologie religieuse, et il sera même diabolisé par la suite. Il faudra attendre 1998 pour que l’urologue Helen O’Connell rétablisse la vérité anatomique du seul organe actuellement connu pour ne procréer que du plaisir.

Le documentaire Le clitoris, ce cher inconnu se propose de faire un bilan des connaissances sur l’anatomie et la physiologie sexuelle féminine, montrant un organe dont la partie visible, recouverte par un repli de peau appelé le capuchon et munie de 8000 fibres nerveuses permettant ainsi l’érection et le plaisir, se situe au sommet des petites lèvres. Si on l’aperçoit en général qu’un centimètre maximum, le clitoris mesure entre 8 à 10 centimètres de long et de 3 à 6 centimètres de large, le corps entourant le vagin et l’urètre.

Il apparaît alors que les femmes peuvent jouir de manière aussi mécanique que les hommes, voire au-delà puisque la stimulation du clitoris pourrait procurer des orgasmes multiples (et mêmes nocturnes, la nature de ces derniers n’étant pour l’instant pas précisément affirmés). Pourquoi alors tant de mystères et de tabous autour de cette partie du corps ?

LES NORMES PERSISTENT…

« Il y a un interdit de la masturbation féminine. Elle est compliquée car elle n’est pas envisagée comme une découverte de connaissances de son corps et de son plaisir. On se pense sexuellement et sentimentalement dépendantes de quelqu’un d’autre. Homo ou hétéro, le but est d’avoir un couple stable. », analyse Marine Bachelot Nguyen. La sexualité se définirait donc par rapport à la vision du couple.

Ce que confirme le sexologue Michel Bozon, dans le documentaire réalisé par la féministe pro-sexe Ovidie, également réalisatrice de pornos féministes, À quoi rêvent les jeunes filles ?, diffusé sur France 2 dans Infrarouge, en juin 2015. Un héritage de la culture judéo-chrétienne et de la norme sociale qui en découle, impliquant quasi obligatoirement la vie à 2. Elle se définirait aussi selon le modèle de domination homme/femme, pré-existant depuis la naissance de l’espèce.

Ainsi, Marie-Laure Déroff, docteure en sociologie et enseignante au département de Sociologie de l’université de Bretagne occidentale, publie en 2007, aux Presses Universitaires de Rennes, Homme/Femme : la part de la sexualité – Une sociologie du genre et de l’hétérosexualité, dans lequel elle constate :

« Hommes et femmes sont ainsi définies comme deux catégories distinctes, déterminées par une Nature fondatrice des identités féminines et masculines. »

Elle a réalisé pour cet ouvrage de nombreux entretiens avec des femmes et des hommes, qui indiquent des différences dans le langage, dans la manière d’aborder le sujet et de correspondre dans les réponses à l’ordre social pré-établi de son genre. Pour comprendre, elle s’est intéressée à l’analyse du discours médiatique, à travers deux titres de presse féminine, Marie Claire et Cosmopolitan, et un titre de presse masculine, Men’s Health.

Marie-Laure Déroff y démontre des messages conservateurs et stéréotypés, fondés sur la Nature. En 2002, dans Men’s Health, on rappelle les rôles : « À la femme revient l’intérieur, l’univers de la maison, à l’homme, l’extérieur, c’est un chasseur. » Et dans Cosmopolitan, on explique en 2001 le désir féminin comme l’illustration d’un besoin hystérique de plaire « parce qu’elle est programmée pour assurer la survie de l’espèce, grâce à son utérus, elle a développé ce besoin-là. »

… ET SE DÉPLACENT

Pourtant, dans les médias, l’émancipation des femmes ne manque pas d’être prise en compte et est même poussée à son paroxysme. La sexualité féminine prend un virage radical, et son sexe préalablement destiné à la procréation devient l’objet de toutes les conquêtes. La libération sexuelle de 1968 et la lutte pour l’IVG et les méthodes de contraception permettant de ne plus vivre les relations sexuelles dans la peur d’une grossesse.

La femme doit maintenant devenir l’amante idéale, la performance prévalant encore sur la connaissance de son corps. Hypersexualisation, corps lisses et parfaits, chirurgie des grandes lèvres, la norme glisse et se déplace. Comment prendre son pied quand la société nous oblige à jouir ? La WonderWoman doit maitriser parfaitement sa sexualité.

Toutefois, sa libération et sa jouissance ne lui sont pas offertes, elles sont le prix à payer pour sauver son couple, principalement hétérosexuel, les autres « catégories » n’étant que très peu signifiées (hétéro, bi, homo, trans, pansexuel, polysexuel, hétéroflexible, etc.). Les médias, féminins mais pas que, multipliant les articles et dossiers sur les secrets d’une sexualité épanouie pour garder son homme, sur les mystères féminins basés sur les petites attentions, les jeux de séduction et les caresses, ou encore sur les positions préférées de ces messieurs (eux, seront servis des positions préférées de ces demoiselles).

Marie-Claire Bouchery Carlier, sexologue et psychothérapeute à Rennes, en voit régulièrement des « executive women », comme elle les appelle. Des femmes célibataires, trentenaires principalement, qui gèrent leur vie d’une main de maitre, mais se coupent de l’affectif :

« Elles ont des relations avec des hommes, sans le versant affectif, elles prennent du plaisir et du bon temps. Mais elles sont bloquées côté amoureux. Et quand elles lâchent prise, là, ça bloque dans le sexuel… Mais c’est normal, l’humain reprend ses droits. Et il y a une peur de la sexualité. La pression sociale leur dictant d’être des WonderWoman ! »

La professionnelle est catégorique, la souffrance derrière les problèmes sexuels est réelle, et est en partie due aux dictats de la société. En 23 ans, le sujet l’anime toujours autant, « la sexualité vient dire dans le corps que quelque chose ne va pas. » Pour elle, pas de réponse organique, seulement des causalités psychiques.

« Je recommande aux femmes de s’autoriser à prendre du temps pour se découvrir. Mais les causes appartiennent au psychisme. La sexualité vient vous parler de vous, dans votre intimité. Les traumatismes accumulés, les blocages sexuels, l’incapacité à lâcher prise, l’éducation, l’héritage familial, les complexes d’infériorité dont s’emparent les médias… Tout est lié à l’intime. Et parfois, ce sont des histoires hyper douloureuses qui se dénouent ici. C’est toute une souffrance qui se met en mot ! Ça peut être des secrets de famille, une histoire de transmission mère-fille, une question de respect de l’intégrité dans l’enfance… C’est hyper confrontant de faire l’amour avec quelqu’un ! », lâche-t-elle naturellement.

RELÂCHER LA PRESSION

Elle plaide pour la déculpabilisation des individus et pour décomplexer les discours pour ne pas tendre à une tyrannie du bonheur. Parler et se soulager pour identifier la nature du blocage et en trouver le levier. Elle évoque également la gestion de l’énergie, que l’on soit en couple ou non. « Il y a tout un travail sur l’équilibre global, apprendre à gérer les différents espaces de sa vie ne va pas de soi. Et le désir n’est pas naturel, il est culturel. Il n’existe que dans l’interaction avec l’autre. », rappelle-t-elle.

La sexologue insiste, les humains ne sont pas des robots, et quand le corps dit stop, il s’exprime, « c’est l’inconscient de la personne, le vécu de la personne ». Ainsi, l’injonction à avoir une vie sexuelle épanouie, fondée sur la performance et la technique, ne peut créer que des blocages. « Réussir sa vie, c’est réussir impérativement sa sexualité », déclare Ovidie dans son documentaire. Et femmes et hommes en pâtissent assurément.

« Les hommes sont pris pour des robots et les femmes ne comprennent pas quand ça ne marche pas. Il faut qu’ils soient performants. Ils ont une grosse pression et certains viennent me voir car ils vivent de profondes souffrances, ils s’effondrent. Il y a une vraie solitude chez eux car ils parlent moins entre eux que les femmes, entre copines. »
note-t-elle, signifiant la dangerosité à perpétuer des discours sur la virilité masculine.

Les hommes n’étant pas non plus habilités à explorer leurs corps, autrement que par la masturbation acquise de leur pénis, certains articles commençant à peine à évoquer le plaisir anal.

Pourtant, le sujet s’est invité naturellement à Trégunc en avril dernier, lors du festival Clito’Rik, organisé par le collectif Gast ! de Quimper et Douarnenez, qui prône le féminisme inclusif, la déconstruction des normes et la réflexion sur le genre. « On avait envie de parler de sexualité de manière positive, avec la question du plaisir. », explique Camille. Aborder le sexe anal n’était pas au programme mais s’est révélé comme un besoin.

Après l’atelier « Chatte », dans lequel les participantes ont été invitées à construire leur « chatte à modeler » et à découvrir, dans l’intimité et la confidentialité, l’intérieur de leur vagin en présence d’une gynécologue et d’une médecin généraliste, la discussion s’est poursuivie dans un café de Trégunc et s’est élargie. De quoi réjouir le collectif qui a su impulser un festival innovant dans la proposition et le sujet, qui a séduit un public hétérogène.

« Il y a un climat de crise religieuse, politique… Et de la pudeur sur le sujet. On est tou-te-s concerné-e-s par les questions de liberté, de sexualité. Et pourtant on ne parle pas beaucoup de plaisir… Alors que ça pourrait être évident et décomplexé. »
s’enthousiasme Camille.

Au programme : questions du consentement, de la contraception masculine, du polyamour, de la masturbation féminine, d’éducation non-sexiste, projections de documentaires tels que Clito va bien, réalisé par le Planning familial 29 (1979), Alors, heureux ? d’Yvonne Debeaumarché (2006) ou encore Les branleuses de Frédérique Barraja (2010) et conférences gesticulées.

Dont « Le clito, un petit nom qui en dit long. Plaisir et politique au pays de la sexualité féminine », créée en 2012 à l’initiative de l’association féministe rennaise Questions d’égalité. Sur scène, 7 femmes – 3 lesbiennes et 4 hétéras, blanches, sans enfants, entre 30 et 40 ans – racontent leur rapport à la sexualité.

LA RECONQUÊTE

« Nous avons voulu mêler expériences et théories. Il y a des parcours plus ou moins accidentés, des questions de transmissions familiales, de violences dans l’enfance, l’adolescence, des premières expériences, des notions de tabous, des casseroles de la religion, de la médecine, des médias, du capitalisme… », détaille rapidement Marine Bachelot Nguyen, qui participe à la conférence gesticulée.

Un savant mélange de récit d’expériences concernant la prise de conscience de femmes face à leur sexe et face à leur condition de femme. « Je raconte par exemple le jour où ma mère a voulu m’expliquer, à 9 ans, comment on fait les bébés. Elle a pris un bouquin pour expliquer et m’a mis un miroir entre les jambes. Aujourd’hui, je lui suis très reconnaissante d’avoir fait ça ! », précise-t-elle.

Avec ce spectacle, elles entendent également mettre des mots sur leurs vécus intimes devenant universels, transmettre des savoirs anatomiques et aborder concrètement la phase de reconquête. À travers l’auto-défense féministe mais aussi par l’éducation sexuelle, qui passe alors par la formation des professionnels. Comme le propose par exemple le Planning familial de Rennes.

Pour Marine Bachelot Nguyen, « Il n’y a pas assez de représentations alternatives, dans les livres pour enfants par exemple, dans les romans pour ados, les films, les courts-métrages. Et il n’y a pas assez de prise en charge. On n’aborde pas dans l’éducation des petits garçons la question des violences sexuelles. Et pourtant, ils vont peut-être rencontrer une femme qui aura vécu ça, et ce sera une réalité à prendre en compte dans la relation sexuelle. »

Elle soulève alors la question de chaque réalité à prendre en compte. De chaque bagage, chaque vécu, chaque personnalité, chaque corps. Autant d’individualité et de différences que la société ne veut pas saisir.  « On veut taper sur le porno pour ne pas remettre la société en cause. On pense que c’est le porno qui amène ça dans la société alors que c’est le contraire. Tout comme les jeux vidéos et la violence. », observe Ortie, réalisatrice de films érotiques sur Internet.

Elle se définit enfant d’Internet et de la sexualité 2.0. Elle aime poser nue ou en lingerie, pour se sentir belle et assumer son corps, et diffuser les photos sur les réseaux sociaux. Elle pointe alors le paradoxe de cette génération : « J’ai beau savoir que je m’expose, je ne supporte toujours pas les commentaires de certains… Je veux participer à l’image de la femme forte, libérée, mais je participe aussi à l’image de la femme objet. »

Avec Internet, les corps s’exposent, les langues se délient, suscitant le sentiment que la sexualité a pris un nouveau tournant, que les femmes assument désormais leur sexe et prennent en main le contrôle de leur condition. Mais ne confondrait-on pas le tabou avec l’intime ? Et finalement, on peut s’interroger sur le lien réel avec leur corps.

RENOUER AVEC SON CORPS

« Beaucoup de femmes sont dissociées de leur corps, couper de leur énergie et pas du tout dans le présent. L’image du corps parfait, mince et bronzé… Les femmes l’acceptent ! Mais il faut savoir qu’elles se pénalisent, elles et seulement elles, en n’aimant pas leurs corps. Le regard sur soi et la prise en charge de soi-même sont souvent très passifs. », recadre Anne Koch, énergéticienne dans le Morbihan depuis peu, jusqu’alors installée en Ille-et-Vilaine, et formée à Rennes en bioénergie.

C’est la trentaine passée que la professionnelle a vécu un déclic. Son corps se braque, elle ne ressent plus l’envie de faire l’amour, plus l’envie d’être pénétrée. Lorsqu’elle rencontre son compagnon, ils décident ensemble de se lancer dans un apprentissage d’une sexualité partagée et approfondie. Le simple fait de se regarder dans les yeux, de se recentrer sur l’acte quand l’esprit vagabonde, en parler pour elle, être à l’écoute pour lui, apprendre à dire non…

« Au départ, on s’est détachés de l’objectif orgasme. On sait maintenant relâcher nos corps pour des orgasmes plus intenses, plutôt que de maintenir les muscles serrés au moment de jouir. Le corps est plus ample et l’orgasme prend tout le corps. »
explique-t-elle lentement.

Sans complexes, elle livre son ressenti et les étapes de son parcours personnel vers l’épanouissement sexuel : « En apprenant cela, on peut vivre nos fantasmes avec tendresse et respect. On peut aussi ne pas toujours passer par la pénétration mais par les câlins et caresses. Et il m’est déjà arrivé de jouir en même temps que lui pendant une fellation. »

Aujourd’hui, l’énergéticienne propose des soins et des stages liés aux points spécifiques de la sexualité. Le but étant de faire circuler l’énergie du vagin et de l’utérus, en partant du plancher pelvien jusqu’au bas du ventre, à travers des massages, de la méditation ou des exercices énergétiques.

« Elles ne viennent pas spécifiquement pour cela en général mais le blocage se sent vite. Je dialogue alors avec le corps pour identifier la source et débloquer le problème, sans mettre de mots dessus si elles n’en ont pas la volonté. », décrit-elle. Elles ont entre 35 et 45 ans en moyenne, et viennent à la suite d’un changement de situation sentimentale et d’une remise en question globale. L’occasion de découvrir ou redécouvrir son corps, son désir et son plaisir.

Car malgré l’injonction à réussir sa vie sexuelle, dès le début de l’âge adulte, il n’est jamais trop tard pour s’initier à sa propre sexualité et à s’affranchir des carcans moraux et normatifs imposés par la société. Et cela passe la découverte et la connaissance de son corps et de ce qui l’anime. Alors, un conseil : osez vous y plonger !

Après plusieurs années à exercer sa profession dans le milieu hospitalier, Isabelle Peyrode, sage-femme, s’est lancée il y a un an en libéral. Elle lève le voile sur une compétence peu connue de son métier : aborder avec les patientes la sexualité et le plaisir féminin.

YEGG : Cette thématique est-elle abordée précisément lors de la formation de sage-femme ?

Isabelle Peyrode : Cela fait partie de la formation à l’école, mais elle est abordée de manière assez brève. On a des bases puis on apprend par expérience. On peut ensuite passer un DU (diplôme universitaire) en gynécologie-sexologie si l’on souhaite se spécialiser davantage ou suivre des formations.

Les femmes viennent-elles vous voir spécifiquement pour parler sexualité et plaisir féminin ?

Non, elles viennent pour leur grossesse ou post-accouchement. À cette occasion, elles nous parlent beaucoup. Peut-être plus qu’aux gynécos. Quand elles ont des douleurs après l’accouchement, elles posent des questions. Six semaines après avoir eu leur bébé, elles reviennent pour la rééducation du périnée.

On va pouvoir parler de si elles ont repris les rapports, s’il y a des soucis… La rééducation aide les femmes à comprendre et à prendre conscience de leur périnée. Je peux leur donner des pistes si elles ont besoin. Et quand je ne sais pas, j’oriente vers une sage-femme qui, elle, aura plus de compétences à ce sujet.

C’est donc plutôt associé à des douleurs…

Souvent oui, à des douleurs ou à des peurs. Forcément, si elles ont eu mal lors des rapports ou qu’elles ont peur d’avoir mal, le cerveau dit stop. Dans ce cas-là, je suis là pour identifier le problème et lever le soucis. Par le massage par exemple. Il faut soigner le traumatisme. Et il y a souvent de l’appréhension.

Quel type d’appréhension ?

La peur des rapports sexuels pendant la grossesse, par exemple. Chez les mamans, mais aussi chez les papas. Peur de toucher le bébé, de lui faire mal. À cela se mêle, pour certaines, le fait de se trouver grosses, changées… D’autres n’ont aucun problème et ne changent rien à leur vie sexuelle.

Tout dépend des personnes. Elles peuvent aussi avoir une libido plus intense lors de la grossesse.

Y a-t-il des recommandations particulières niveau sexualité quand une femme est enceinte ?

Quand il y a menace d’accouchement prématuré, on peut conseiller de faire attention en effet. Mais il n’y a aucune contre-indication ! Au contraire. Chacun fait comme il souhaite. Ça peut même parfois aider pour déclencher l’accouchement. Une fois l’enfant né, on recommande de prendre son temps.

On compte un mois à 6 semaines en général mais là encore tout dépend des personnes et de comment s’est déroulé l’accouchement.

Et en ce qui concerne la masturbation féminine ?

Pareil. Elles font comme elles veulent. Ce qui est surtout difficile, c’est qu’avec l’arrivée du bébé, elles sont fatiguées la plupart du temps. Nous sommes là pour leur dire qu’il y a un temps pour tout. Que de retrouver des moments à 2, c’est important pour le couple.

Après l’accouchement, le corps est modifié, les organes aussi. Est-ce une redécouverte de la sexualité et du plaisir féminin ?

Complètement. C’est même parfois une découverte tout court ! C’est là qu’elles posent pas mal de questions. Et d’autres redécouvrent, en effet. Il faut s’adapter au bébé, à une potentielle baisse de désir… Mais il faut bien savoir qu’il n’y a pas de norme.

Elles viennent spécialement en parler ?

Non, encore une fois, c’est ce que l’on disait précédemment, c’est lors de la rééducation. Sinon après on peut faire le suivi gynéco, mais on va moins aborder la sexualité comme ça peut être le cas pendant la grossesse et juste après. C’est à ce moment-là que certaines nous disent « J’ai mal, faites quelque chose ! ».

À quoi sont dues les douleurs en général ?

La sécheresse, due à une chute hormonale, peut provoquer des douleurs. La sensation de béance aussi peut les gêner car elles ressentent moins de sensations lors de l’acte. Le fait d’en parler déjà est une première étape qui fait du bien. Entre la rééducation du périnée, le ventre et les seins modifiés…

Elles ont besoin à mon sens de se retrouver en tant que femmes. Pas uniquement en tant que mamans. D’autant qu’avec la fatigue et le manque de temps, certaines vont se « laisser aller » et ne plus se retrouver. Souvent, les femmes veulent « récupérer » leur corps d’avant, le plus vite possible.

Quelle est la différence avec un-e sexologue ?

Je pense que le/la sexologue est davantage en mesure d’expliquer les différents rythmes car l’homme et la femme ne sont pas « réglés » pareil. Il/Elle pourra donner des pistes pour aborder cela entre eux. J’entends souvent dire « Mon mari s’y prend mal »… C’est symptomatique du manque de communication.

Il faut en parler, garder en tête aussi l’importance des préliminaires, etc. Par exemple, certains hommes refusent les rapports pendant la grossesse, pensent que c’est impur ou ont peur de toucher le bébé. Je leur explique et je leur fais des dessins en général pour qu’ils visualisent. La communication reste le meilleur moyen d’avancer et de s’accorder.

Vous recevez aussi des couples lesbiens ?

En 8 ans, j’en reçu un couple de femmes lesbiennes en consultation, c’était en Belgique. Nous n’avons donc pas pu développer les questions liées à la sexualité. Mais les peurs et les douleurs ressenties lors de la grossesse et post-accouchement doivent être a priori semblables.

 

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