Célian Ramis

Bacchantes : Lyrisme rock

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Elles sont quatre. Musiciennes et chanteuses. Elles mêlent lyrisme, rock et poésie antique. Les Bacchantes étaient en résidence à L’Antipode, après la sortie de leur premier album. Rencontre.
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Elles sont quatre. Musiciennes et chanteuses. Elles mêlent lyrisme, rock et poésie antique. Fin février, Les Bacchantes étaient en résidence à L’Antipode, après la sortie de leur premier album. Rencontre. 

La claque dans la gueule ! La puissance ! On ne s’y attendait pas à ce point-là. L’écoute de l’album nous avait percuté. Le live nous a bouleversé. Le temps de quelques chansons, c’est un changement de dimension qui s’opère dans notre imagination, direction l’univers Bacchantes. Les premiers souffles, les premières notes, les premiers frissons.

Autour du quatuor, pousse la végétation et grimpe le lierre, transformant le plateau de l’Antipode en scène florale et organique. Alliant leurs voix et leurs instruments dans des expressions singulières et des rythmiques vibrant à l’intérieur de nos entrailles, Amélie Grosselin, à la guitare électrique, Astrid Radigue à la batterie, Claire Grupallo et Faustine Seilman aux claviers et harmoniums indiens, invoquent les éléments et convoquent l’intime et le profond qu’elles déchainent intensément et en pleine maitrise.

Nous, en revanche, on ne maitrise plus rien, on se laisse porter par leurs propositions qui nous transpercent le corps et l’esprit, ne répondant alors plus de rien, si ce n’est de tous ces mouvements mélodieux et émotionnels qui s’entrecroisent et nous guident dans une forme de lâcher prise transcendantale.

PLANTER LE DÉCOR

La nature et l’ivresse, ça leur va bien à ces quatre artistes réunies par ce projet il y a maintenant 5 ans. Elles viennent d’horizons musicaux différents : l’une noise, l’autre plutôt pop et puis les deux autres qui naviguent entre la folk et les musiques classiques. Rassemblées sous la bannière des musiques indés, elles fréquentent les mêmes salles du vaste réseau des musiques alternatives et pourtant, elles ne se connaissent pas toutes.

Elles se rencontrent grâce à Faustine Seilman qui lance l’idée de fonder un groupe ensemble. « Un groupe de drone ! C’est comme ça que je leur ai présenté ! », rigole-t-elle. Ce ne sera pas aussi minimaliste finalement mais le côté expérimental sera bel et bien présent.

« En fait, on a commencé par tester des choses qu’on n’avait jamais testées et on a monté un instrumentarium. », poursuit Faustine. Être entre musiciennes, elle le dit, lui permet davantage d’oser essayer, de se tromper et d’avouer certaines déficiences techniques.

Pareil pour Amélie Grosselin, qui parle aussi d’un gain de confiance en elle, et pour Astrid Radigue, qui constate une écoute différente, où l’égo prend moins le pas sur la création et le temps accordé à se comprendre et évoluer ensemble. Claire Grupallo ne partage pas ces ressentis.

Elles sont quatre artistes, « sans rapport hiérarchique ou de séduction », conclut Astrid sur ce point. Et Claire d’ajouter : « On ne s’est pas niées dans nos différences. On les a mises ensemble. »

DES SINGULARITÉS FLEURISSENT LES HARMONIES

Dans Bacchantes, elles partagent leur amour de la mélodie et de l’harmonie et ici, elles expérimentent librement un instrument majeur dans cette formation : la voix. Ce qui capte l’attention dans les chansons de leur premier album éponyme, sorti le 5 février dernier, c’est cette alliance dont la force s’exprime dans le fait de les sentir si connectées tout en conservant leur singularité et leur liberté d’être autonomes.

« On y met chacune quelque chose de personnel. On communie dans la musique. Les textes que l’on chante sont encore très actuels et on y met peut-être encore plus aujourd’hui, après les confinements. », souligne Faustine Seilman. Les textes sont issus de lectures, de poésies antiques et baroques notamment, et ont été sélectionnés selon leur musicalité, leurs rythmiques et leurs thématiques.

De cette ambiance solennelle et viscérale, elles chantent l’amour, la liberté et le rapport à l’environnement. Rien n’est immuable chez les prêtresses Bacchantes. Les synergies qui se dégagent de leurs postures scéniques et des regards complices et profonds qu’elles s’échangent virevoltent dans une danse frénétique s’alliant aux énergies de leurs chants lyriques et harmonieux accompagnés de sonorités percutantes et rugueuses d’un rock qui étreint la noirceur du répertoire romantique.

LA CULTURE DU TEMPS

De leurs expérimentations sont nées des chansons brutes et sensibles. De l’insurrection aux invocations, il n’y a pas de place pour les concessions. Elles portent là, sur une scène conventionnée comme dans une abbaye ou une forêt, ce qu’elles sont, mettant au service du collectif leurs individualités.

Un vent de liberté tourbillonne à leurs côtés, elles s’emparent des mots et interprètent avec authenticité le sens qu’elles veulent leur donner, laissant la possibilité à chacun-e de se les approprier. « C’est la beauté de la poésie ! », s’enthousiasme Amélie Grosselin, indiquant que chaque morceau a évolué au fil des concerts.

« On voulait que les morceaux aient vécu en live, devant le public, avant de les enregistrer. Ça a mis du temps mais ça nous va. », précise Astrid Radigue, rejointe par Claire Grupallo : « On a commencé puis on a été deux à faire une pause maternité, et puis on habite hyper loin, donc tout ça explique qu’on se réunit en gros une semaine tous les deux mois. Dans la lenteur, on a le temps de se nourrir de choses diverses. Ça alimente notre musique. »

Elles affirment leur envie et besoin de prendre le temps, comme le signale Faustine Seilman : « C’est notre rythme et ça nous convient. La musique prend de la place et c’est bien aussi dans ce monde de prendre le temps. On vit toutes à la campagne, on apprécie et on partage ce rythme plus lent. »

Bacchantes, ce n’est pas une promesse, c’est une découverte libératrice, un souffle de fraicheur qui envahit nos entrailles et nous sommes de nous laisser happer. Et on le fait. Parce qu’on y trouve là un espace pour exprimer colère, rage, désespoir mais aussi joie, apaisement et engagement. On communie avec elles et c’est d’une beauté inouïe.

Célian Ramis

Les poissons conspirent et Sabine Revillet tricote des bouquins

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ADEC, Rennes
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Sabine Revillet débarque de Paris avec ses valises remplies d’histoires énigmatiques. En résidence à l’ADEC - Maison du Théâtre Amateur, l’auteure et comédienne effectue ses premiers pas dans l’univers romanesque.
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De janvier à avril 2015, le quartier de Bourg-L’Évêque n’a qu’à bien se tenir : Sabine Revillet débarque de Paris avec ses valises remplies d’histoires énigmatiques. En résidence à l’École de l’Ille et à l’ADEC - Maison du Théâtre Amateur, l’auteure et comédienne habituée à fouler les planches, effectue ses premiers pas dans l’univers romanesque. Elle propose un projet pour le moins original : coécrire, avec les petits comme les plus grands, un roman intitulé La conspiration des poissons.

« La conspiration des poissons est un bon livre. Pire : « excellent », « génial », « le livre de l'année »... Pourquoi pas le livre du siècle pendant qu'on y est ? Du Proust dans un bocal, du Balzac à l'eau du robinet, du Molière en écailles... » Sur les planches du théâtre de l’ADEC ce vendredi 30 janvier, Yvan Dromer, directeur du lieu, déclame face au public la critique que l’auteur Olivier Arrighi a rédigé sur le nouveau roman de Sabine Revillet, un ouvrage qui n’a jusque-là pas été publié, ni même écrit. Et pourtant, les critiques affluent depuis des mois !

Sabine Revillet sourit. En cette soirée de lancement de sa résidence, elle lève le voile sur le mystère qui enveloppe la sortie de son roman : « Il y a un an, j’ai lancé un appel à textes à des auteurs que je connais. Je leur ai demandé d’envoyer un commentaire d’un texte fictif à partir du seul titre, La conspiration des poissons, et d’une couverture. » Les articles qu’elle reçoit au fil des mois (près de cinquante), elle les consigne sur le blog http://conspipoissons.canalblog.com/. Gardé secret, ce site n’était à l’origine destiné qu’à elle seule. Mais au fil de l’eau, le projet prend de l’ampleur.

D’ici quelques mois, La conspiration des poissons deviendra une histoire de tricot. À partir des textes récoltés (elle aimerait en retenir une centaine), Sabine souhaite travailler à l’envers pour broder un canevas romanesque : « Ce qui me plaît le plus dans cette affaire, c’est le principe de réunir des gens, auteurs ou non, qui vont contribuer au même projet sans se connaître. J’aimerais les faire se rencontrer un jour. Pourquoi ne pas imaginer d’ici quelques temps… une fausse sortie du livre ! »

QUAND LA CRÉATION LITTÉRAIRE DEVIENT L'AFFAIRE DE TOUT

Sur la scène du théâtre de l’ADEC, Yvan Dromer met un point final à la critique d’Olivier Arrighi : « La littérature est un art comme les autres où « le regardeur fait l’œuvre ». Plus précisément : c’est le lecteur qui fait le livre. Pour preuve : il n’y aurait pas de livres sans lecteurs et plus il y a de lecteurs, plus il y a de livres. » Il ne croit pas si bien dire : durant sa résidence dans le quartier de Bourg-L’Évêque, Sabine propose aux habitants, petits et grands, de coécrire avec elle La conspiration des poissons. « Pour l’instant, il s’agit d’un texte à construire. On fait un peu les choses à l’envers mais en bout de course, tout le monde en aura écrit un petit bout ! » précise-t-elle.

En parallèle du blog, des « livres blancs » circuleront dans le quartier jusqu’au mois d’avril. Quatre d’entre eux sont empruntables à la bibliothèque municipale de Bourg-L’Évêque, un cinquième a élu domicile à l’ADEC. Chaque participant doit suivre le mode d’emploi à la lettre. Reposant sur le jeu du « cadavre exquis », le principe est simple : chaque écrivain en herbe doit se servir du dernier mot du texte rédigé sur la page précédente afin de débuter son propre article. Un thème à respecter, celui de l’eau. Sabine rappelle que « sur le papier, on a le droit d’être ce que l’on veut. Dans le fond, il est parfois plus facile d’écrire que de dire... » Cette initiative unique en son genre n’est d’ailleurs pas sans rappeler les procédés de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle), un groupe international de littéraires et de mathématiciens qui considèrent que les contraintes formelles sont un puissant stimulant pour l’imagination.

« Ce projet est particulier. Il ne s’agit pas d’une résidence d’écriture classique, comme nous avons déjà pu le faire par le passé à l’ADEC. Nous sommes essentiellement dans un travail de médiation, de présence de l’auteure sur place et d’interaction avec les habitants. Ce qui est important pour nous, c’est le rayonnement et l’ancrage que ce projet va avoir au sein du quartier et de l’école de l’Ille », précise Yvan. L’essentiel de l’activité de Sabine se déclinera en différents volets de médiation. Dès son arrivée à Rennes mercredi 28 janvier, l’auteure a d’ailleurs animé un atelier d’écriture à l’Antre-2 Café, un café coopératif et associatif situé dans l’ancienne école Papu.

L'ÉTRANGE DÉCOUVERTE D'UN MANUSCRIT RONGÉ PAR LES RATS

« Il y a quelques temps, un ami m’a envoyé une lettre accompagnée d’un roman à moitié rongé par les rats et dont l’eau de mer a effacé une partie du récit. Ce livre a pour titre La conspiration des poissons...»
indique Sabine Revillet, sur le ton de la confidence.

L’auteure explique au public la façon dont elle compte mener une enquête littéraire avec deux classes de CM1 de l’École de l’Ille : tel un jeu de piste, ils essayeront de reconstituer ensemble cette mystérieuse histoire. En parallèle du projet mené avec les adultes, neuf livres blancs circuleront dans l’établissement, laissant l’opportunité aux élèves de percer, sur le papier, le secret de cette conspiration et de « cet auteur inconnu, certainement voyageur au long cours, qui a abandonné son roman sur une île… » 

Cette initiative, portée par le SMAE (Service de Médiation Actions Éducatives des Bibliothèques de Rennes), est avant tout adaptée aux enfants allophones, primo-arrivants à Rennes et qui apprennent cette année la langue française au sein des deux classes de CM1 sélectionnées. La résidente interviendra également sur des temps périscolaires en lien avec les ateliers théâtre à l’ADEC. « Afin de sensibiliser les enfants à la pratique théâtrale, les deux classes sont venues cette semaine à l’ADEC pour une journée « découverte ». Ils ont gouté au plateau, aux mots, à la lecture. On les a mis au parfum ! » plaisantent Yvan Dromer et Christophe Loviny, qui pilote le projet au sein du SMAE.

Marie-Anne Morel, responsable au SMAE, revient quant à elle sur l’historique du projet :

« Avec l’ADEC, nous avons développé depuis plusieurs années un partenariat sur le long cours. Nous avons rencontré Sabine l’an passé dans le cadre de l’initiative Par 4 chemins. »

L’auteure avait, à cette occasion, rédigé une pièce teintée d’humour La queue du lézard pour une troupe de théâtre amateur de Fougères, Théâtre à Falgard.

Cette année, une nouvelle étape a été franchie avec la mise en place des « Résidences d'Artistes à l'École », un projet soutenu par la DRAC Bretagne et La Ville de Rennes. « Selon les traces que l’on aura, on présentera une restitution finale mais ce n’est pas ce qui nous importe le plus pour l’instant. L’essentiel du projet repose sur tout ce qui va se dérouler pendant quatre mois. Aujourd’hui, un point nous paraît fondamental : nous souhaitons laisser un maximum de libertés à Sabine afin qu’elle prenne le plus naturellement possible sa place d’artiste au sein de l’école et du quartier. Elle sera comme un poisson dans l’eau… mais hors de son bocal ! » conclut Marie-Anne amusée.

 

Dates clés de la résidence :
Samedi 28 février à 15h00 : Rencontre & lectures à la bibliothèque municipale de Bourg-L’Évêque.
Jeudi 26 mars de 19h30 à 22h00 : Atelier libre au théâtre de l’ADEC.
Vendredi 27 mars à 19h00 : Apéro-lecture sur La conspiration des poissons à la bibliothèque de l’ADEC.
Samedi 28 mars à 10h30 : Lecture à voix haute à la bibliothèque municipale de Bourg-L’Évêque.