Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2014 : La rencontre swing du hula hoop et du burlesque

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Rennes
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Une Electro Swing Party placée sous le signe du swing, de l'effeuillage, du hula hoop et de l'accordéon... La formule est insolite, pas une réussite néanmoins.
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Samedi 4 octobre, le festival rennais d’accordéon proposait une formule originale lors d’une Electro Swing Party réunissant Edith Presley, sélecta rock, Maryll Abbas, accordéoniste, Candy Scream, performeuse burlesque et Anossens, reine du hula hoop.

Après un concert énergétisant avec Manouche, Etienne Grandjean, directeur artistique du festival, relevait le pari risqué d’une deuxième partie de soirée exclusivement féminine. Le risque ne provenant pas du sexe des protagonistes mais d’une production réalisée à distance et composée de quatre femmes d’univers différents.

La sauce aurait pu prendre si les talents avaient été mis davantage en avant. Les numéros s’enchainent avec une extrême rapidité, laissant les spectateurs-trices dans une grande confusion des genres. Pour autant, les danseurs et danseuses de lindy hop sont au rendez-vous et leurs mouvements effrénés, effectués aux rythmes des chansons de DelaDap, Chinese Man, Parov Stelar ou encore des Swingrowers, produisent des instants inattendus empreints d’énergie et de bonne humeur. Néanmoins, les performances de hula hoop et de burlesque charment le public à chaque brève apparition.

Anossens, agile professionnelle des cerceaux, nous emporte dans son univers onirique et coloré, tout comme son accessoire de prédilection, et nous laisse ce goût d'enfance qui nous marque l'esprit face à un numéro de cirque et de magie. De son côté, la danseuse aux courbes fines et divines, Candy Scream, exécute deux performances d'effeuillage empreints des profondeurs parfumées des revues de cabaret. Le burlesque ne laisse personne indifférent et on aime toujours autant y assister.

Plus tôt dans la journée, c'est à l’abri du mauvais temps que nous avions rencontré Anossens et Candy Scream, dans les coulisses du Grand Soufflet. interview.

YEGG : Vous offrez, à l’occasion de l’Electro Swing Party, deux performances originales. Racontez-nous comment vous avez découvert vos disciplines respectives, le hula hoop et le burlesque.

Anossens : C’est lors d’un concert avec des performeurs de hula hoop que je suis restée scotchée. J’ai eu le coup de foudre. J’étais alors dans l’informatique mais je m’intéressais déjà à la discipline, dans le sens du mouvement, de la détection du mouvement.

Candy Scream : Moi j’ai cherché sur Internet. J’étais dans une école de théâtre mais je rêvais de faire du cabaret. C’est là que j’ai découvert le Cabaret des Filles de joie. Je suis alors allée les voir sur scène puis j’ai pris des cours dans cette école pendant un ou deux ans. J’aimais le message que pouvait faire passer cette revue féministe et rock n’ roll.

L’an dernier, à l’occasion du spectacle Porte jarretelles et piano à bretelles, produit par Etienne Grandjean et présenté au Grand Soufflet 2013, nous interrogions les danseuses burlesque sur la vocation féministe de la revue. Elles soutenaient que ça n’était pas un genre féministe mais humaniste…

Candy Scream : Chaque fille a son engagement. On défend forcément quelque chose sur scène, on s’engage. Je trouve que c’est féministe dans le sens où on est des femmes, rien que des femmes, déjà. Et ensuite parce que le message que je veux faire passer est : Je suis comme je suis et vous allez m’accepter comme je suis.

Qu’est-ce qui vous anime dans votre pratique, Anossens ?

Anossens : Je peux pratiquer le hula hoop pendant des heures ! À ce moment-là, rien d’autre ne compte. J’aime être à fond dans quelque chose. On dompte des éléments. Avec la discipline aérienne par exemple (Anossens pratique également la pole dance), on dompte l’air. Il y aussi le feu que je manie. Et avec le cerceau, on ressent le sentiment d’un élément qui coule, ça rappelle l’eau, de manière symbolique évidemment.

Les performeuses burlesque multiplient parfois les compétences. Candy Scream, quelles sont les vôtres ?

Candy Scream : Je manie aussi le feu avec les torches, les bâtons de feu, les bollasses. Ça reste de l’ordre de l’accessoire. Avec le costume et les chaussures à talons ! Après, forcément il y a beaucoup de danse puisqu’on apprend à danser au cabaret. Même si l’effeuillage et le cabaret ont évidemment leurs propres codes. En fait, on peut tout faire, selon nos personnages.

Vous êtes réunies pour un soir avec Edith Presley, et Maryll Abbas, sur la scène du Grand Soufflet. Comment s’est déroulée la rencontre ?

Candy Scream : Je connaissais Porte Jarretelles et Piano à bretelles, j’ai des amies qui dansent dans ce spectacle. Etienne Grandjean m’a contacté, il m’avait vu au Cabaret des Filles de joie. Il m’a alors proposé de participer à cette soirée.

Anossens : Moi, il m’a contacté car il voulait impérativement du hula hoop. (Rires)

Pas facile de préparer un spectacle à plusieurs lorsque tous les membres sont à distance… Concrètement, comment avez-vous travaillé ?

Anossens : On a fait nos choix de musique parmi une sélection. On en a choisi 2 sur lesquelles on allait jouer. Avec Internet et le téléphone, on y arrive !

Candy Scream : J’ai été en contact à plusieurs reprises avec Etienne Grandjean. Il m’a donné pas mal de conseils pour occuper la scène et préparer mes numéros en fonction de la surface.

Interpréter vos numéros sur de l’électro swing était une contrainte pour vous ?

Anossens : Non car c’est une rythmique très intéressante, joyeuse. Ça me donne envie de bouger donc c’est très bien. Je peux reprendre exactement les mouvements que je travaille au quotidien, en les adaptant au rythme de la chanson.

Candy Scream : J’ai l’habitude de fréquenter les soirées électro de La Java à Paris. Mais c’est vrai que j’ai plus l’habitude du milieu rock. J’ai sélectionné deux playback de femmes. Car cela permet de décrisper le visage et donner de l’expression au personnage que j’incarne lors de mon numéro. Après c’est de l’effeuillage, c’est pas sorcier de se déshabiller !

(Anossens : Alors là je ne suis pas d’accord avec toi ! (Rires) Au contraire, je trouve ça très dur !)

Candy Scream : Concrètement, cela donne une entité au personnage. Et comme c’est une nana limite hystéro que j’interprète, ça correspond très bien ! (Rires)

Merci Anossens et Candy Scream.

Anossens et Candy Scream : Merci à vous.

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2014 : Edith Presley, la sélecta rock prête à swinguer

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Rennes
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Parmi les talents programmés lors du Grand Soufflet 2014, la rennaise Edith Presley, djette rock et originale, qui sera entourée, le 4 octobre de l’accordéoniste Maryll Abbas, de la performeuse burlesque Candy Scream et de la reine du hula hoop Anossens.
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Swing et électro-swing sont convoqués à la nouvelle édition du Grand Soufflet, qui prend ses quartiers cette année dans le parc du thabor, du 2 au 11 octobre. Et parmi les talents programmés, la rennaise Edith Presley, djette rock et originale, qui sera entourée, le 4 octobre de l’accordéoniste Maryll Abbas, de la performeuse burlesque Candy Scream et de la reine du hula hoop Anossens. Une soirée Electro Swing Party qui ne laissera pas les spectateurs-trices indifférent-e-s. Et surtout pas la rockeuse. Portrait.

Il court, dans le milieu rock rennais, des bruits de couloir sur Edith Presley. La légende raconte qu’elle serait la fille du sosie d’Elvis à Fourqueux. Et que c’est en mettant de la musique dans sa baraque à frites qu’elle se serait faite repérer, en faisant danser les genoux de ses client-e-s. La vérité est toute autre et c’est à une table du Petit bar, place Sainte-Anne, qu’Edith Presley nous la raconte :

« En fait, ça remonte aux soirées chez mes potes. Je suis un peu une anarchiste, voire une fasciste, de la musique. Je voulais toujours choisir ce qu’on écoutait. Un jour, on m’a demandé de venir faire ma maligne au Bar’Hic, il y a environ 3 ans. Je ne faisais pas la fière… Mais en réalité c’était génial ! Je me suis laissée prendre au jeu depuis. »

Quelques mois plus tard, la djette figure dans la programmation des Bars en Trans et est alors repérée par Jean-Louis Brossard qui fait d’elle une résidente à l’Ubu et lui propose un Dj set lors de l’édition 2013 des Transmusicales.

Son personnage évolue et de fille de sosie, elle devient la petite sœur des Ramones, djette talons aiguilles et veste en cuir : « J’adore les chaussures et les fringues. Même si à l’Ubu, je suis dans ma petite cabine, j’aime être bien habillée et je peux me permettre de partir dans les extrêmes. Personne ne me juge et c’est génial. On peut donc allier les hauts talons, le bandeau dans les cheveux à la Rosie la riveteuse et toute la panoplie rock’n’roll ! »

ROCK, SOUL ET PIN-UP

Ici, pas de « Hey mister DJ » mais plutôt du « Don’t let me be misunderstood ». Car si on pourrait croire que ce sont les nanas de The Hole, L7, The Sound ou Le Tigre qui l’ont inspirées, c’est au contraire des « Madames » de la soul comme Nina Simone ou Aretha Franklin par exemple qui l’ont amenées à la musique. Elle aborde tout de même au détour de la conversation des grandes du rock et du punk comme la chanteuse, Nico, de Velvet Underground, Lydia Lunch – qui a enregistré avec Sonic Youth – ou encore Blondie (Debbie Harry).

« Ces musiciennes rock de The Hole ou L7, un peu « crades », je les écoute maintenant et j’aime bien. Mais à la base, j’aime les femmes plus élégantes. J’adore les pin-up, les années 50, toute cette période avec les rondeurs, l’absence de jugement et les femmes qui s’émancipent ! Il y en a quelques une encore à Rennes, je suis toujours en admiration… », explique-t-elle en rigolant. Ce qu’elle préfère, c’est jouer là où elle veut – le Mondo Bizarro étant presque sa 2e maison - et quand elle le veut. Elle aurait pu être intermittente et se consacrer à son activité de Dj. Mais elle ne s’y voyait pas :

« ça ne correspond pas à qui je suis. Là j’ai plus de temps pour la créativité, l’originalité. Je garde le plaisir et je profite des moments intenses. J’accepte ce que l’on me propose quand je trouve ça cool ».

Ainsi, elle a pu faire la première partie d’Aggrolites à Paris et des BB Brunes à Rennes. Pour elle, pas besoin de faire « des remix et du boum boum » pour faire danser et vibrer le public, les originaux suffisent. Qualifiée sélecta, elle ne produit ou ne remixe aucune chanson, elle passe les morceaux rock en l’état.

Et pour cela, elle encaisse les reproches et critiques de certains djs : « Aux Trans notamment, je m’en suis pris plein la gueule sur les réseaux sociaux, disant que je n’étais pas légitime. Je ne me suis jamais prise pour une DJ à proprement parler. Mais il y a les puristes, avec les vinyles et les autres. Moi je viens avec ma sélection et mon casque. »

Être femme dans ce milieu n’est pas tâche aisée et chacune doit se faire sa place. Elle cite notamment Katell Mixette, « plus orientée électro mais je l’admire beaucoup ». Un moral d’acier, un entourage solide, un apprentissage rapide de l’art de la discrétion, Edith Presley ne se démonte pas et continue à cultiver sa particularité et son amour de la musique. « Ce qui est passionnant dans cette discipline, c’est qu’il faut avoir une grande culture musicale. Et un morceau vous amène à un autre morceau, sans cesse. On découvre l’histoire de la chanson, l’histoire de la musique et on va sans arrêt plus loin », explique-t-elle, prise dans le sillage de sa passion qui l’embarque dans un tourbillon de challenges qui l’animent profondément.

SWING, ÉLECTRO ET ACCORDÉON

Et elle relèvera son prochain défi lors de la prochaine édition du festival Le Grand Soufflet, qui se déroule à Rennes du 2 au 11 octobre, principalement au parc du Thabor. Accordéon, électro et swing, la petite sœur des Ramones troquera-t-elle son perfecto contre une robe charleston ? Ce n’est pas dit. Mais ce qui est certain, c’est que la djette a bel et bien remonté ses manches pour dénicher des chansons hors de son répertoire habituel.

« Au départ, je devais intervenir seulement dans le teaser du festival », confie-t-elle. Mais Etienne Grandjean, directeur artistique, a vu plus grand et surfe sur le succès de sa production, présentée dans la capitale bretonne lors de l’édition précédente, « Porte-jarretelles et piano à bretelles ». Il convoque alors sur scène la performeuse burlesque du Cabaret des Filles de joie Candy Scream, la reine du hula hoop Anossens et l’accordéoniste Maryll Abbas pour une Electro Swing Party – le 4 octobre au Thabor.

Edith Presley proposera également un Dj set à Saint-Coulomb, le 11 octobre, lors de la soirée partagée avec le délirant Balluche de la Saugrenue. Des propositions originales auxquelles la rockeuse adhère avec fierté.

Célian Ramis

Slam Connexion : existe-t-il un slam au féminin ?

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Théâtre du Vieux Saint-Etienne, Rennes
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Aurélia Décordé chargée de projet et d’administration pour l’association et Charlotte Bonnin, animatrice d’atelier d’écritures destinés à l’oralité évoquent la place des femmes dans cet art poétique issu de la scène ouverte.
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À l’occasion de la « Coupe de la Ligue Slam de France » – qui se déroulait du 15 au 18 mai dernier au Théâtre du Vieux St Etienne à Rennes, organisée par la Ligue Slam de France et l’association rennaise Slam Connexion – Aurélia Décordé chargée de projet et d’administration pour l’association et Charlotte Bonnin, animatrice d’atelier d’écritures destinés à l’oralité évoquent la place des femmes dans cet art poétique issu de la scène ouverte.

En 2006, le grand public a pu découvrir cet art oratoire auparavant presque mystérieux qu’est le slam, avec la sortie de l’album Midi 20 de Grand Corps Malade ; mais c’est également l’année de la création de l’association Slam Connexion à Rennes, première du genre à l’époque en Bretagne.

Poétique, humoristique voire politique, mise en musique ou non, seule ou à plusieurs, la pratique slam s’ouvre à tous, jeunes ou moins jeunes. Le but de l’association est justement d’ouvrir cet art au plus grand nombre comme l’explique Charlotte Bonnin : « Pour nous il s’agit à travers des ateliers d’écriture, de montrer comment utiliser cet outil à des fins d’expression libre, comme outil pédagogique alternatif, que ce soit vis-à-vis de structures scolaires comme de centres sociaux, d’associations, de maisons de retraites ou à la prison des femmes par exemple ».

Arrivées dans le milieu du slam un peu par hasard et par des portes différentes, elles ont cependant en commun la passion de l’écriture, d’abord slameuses puis engagées dans l’associatif ou l’inverse, Aurélia Décordé et Charlotte Bonnin affirment avoir « pris une claque » la première fois qu’elles ont assisté à une scène slam. « Ce qui m’a touché dans le slam c’est tout d’abord le côté scénique, la prestance des poètes. Il n’y a pas de vedettariat dans ce milieu, on brille le temps de déclamer son texte et on retourne s’asseoir dans le public. Mais c’est aussi le fait qu’on écrive un texte pour le dire, c’est extrêmement différent du monde de l’édition par exemple. Chaque soirée est différente, on passe toujours un bon moment, on fait toujours de belles découvertes ».

Dans le slam, pas de professionnel. On peut se faire un nom certes, mais tout dépendra d’un soir, d’une prestation, d’un tournoi. Quelques-uns sont cependant reconnus comme par exemple la slameuse Luciole, rennaise d’origine, qui a pu se faire connaître en posant ces textes sur de la musique, ce qu’on appelle le spoken word. Une slameuse reconnue c’est bien, mais retrouve-t-on beaucoup de femmes sur scène ?

« Dans le slam, il n’est pas question de sexe mais de parcours »

« Le slam est un milieu très masculin et cela ne vaut pas seulement pour Rennes et parfois la tendance s’inverse. Au début ici, c’était une fierté pour nous slameuses de se faire une petite place, mais disons que depuis une dizaine d’années les choses ont bien évolué. De ce constat nous avons décidé de former des équipes entièrement féminines », explique Aurélia Décordé.

Milieu masculin oui mais pas misogyne pour autant comme l’explique Charlotte Bonnin, « les garçons sont toujours heureux de découvrir une nouvelle slameuse, c’est toujours un peu la fête pour nous tous dans ce cas-là ». Pas réellement d’explication pour les deux jeunes femmes quant à la disproportion des sexes sur scène. Si il y a des équipes féminines en tournoi, beaucoup sont mixtes et très peu de slammasters (présentateurs/trices des soirées slam) sont des femmes.

« Je pense qu’il s’agit peut-être d’une question d’engagement. Beaucoup de femmes commencent par monter sur scène puis graviter dans le monde du slam pour peu à peu s’engager dans les associations à plus long terme. C’est très difficile à expliquer, disons peut-être que certaines d’entre nous sont moins compétitrices en tournoi que les hommes ».

Lors de la coupe au Théâtre du Vieux St Etienne, 30% environ des poètes étaient des femmes mais dans l’association Slam Connexion il est intéressant de noter que sur huit référents, cinq sont des femmes et les bénévoles également sont majoritairement des femmes. Qu’en est-il des textes, de la poésie ? Une femme slamera-t-elle de manière différente ? « Cela peut paraître cliché mais chez les hommes l’écriture va avoir tendance à être plus rapée alors que les femmes seront plus en prose, en douceur mais cela n’empêchera pas certaine d’y intégrer une certaine violence. Par contre, au niveau des thèmes, les garçons ne sont pas en reste quand il faut parler d’amour ».

Le slam semble ainsi évoluer avec son temps, pratique peu connue au début des années 2000, elle se démocratise petit à petit et diffuse une nouvelle forme d’expression chez les femmes comme chez les hommes, les adultes comme les enfants, les artistes comme les novices. Le but étant de se lâcher, de faire sortir notre colère, notre joie, nos sentiments, bientôt un slam comme outil de militantisme pour les femmes ?

Célian Ramis

YEGG fait sa Biennale de l'égalité : Girl power contemporain (3/5)

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Le girl power s'impose sur la scène de la Biennale de l'égalité avec deux groupes féminins : The Boxettes et Les soeurs Bervas.
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Conférences, tables-rondes, ateliers, spectacles composaient la 4e Biennale de l’égalité femmes-hommes, au Palais des congrès de Lorient, vendredi 16 mai. Le soir venu, à quelques mètres de là, c’est dans le parc que les femmes ont continué de s’exprimer. Par la chanson et la musique cette fois, avec deux groupes féminins : The Boxettes et Les Sœurs Bervas.

Vendredi, à 20h30, le parc Jules Ferry respire le calme et la tranquillité. Pourtant, les voix puissantes des membres de The Boxettes percent cette fausse quiétude. Celles qui se sont produit le 20 mars dernier, à Rennes, sur la scène de l’Antipode sont de retour en terre bretonne pour environ une heure de beatbox détonnant, 100% féminin, pour notre plus grand plaisir.

Ces cinq londoniennes, alignées en toute simplicité et sobriété, font résonner leurs voix a cappella devant un public restreint, contre toute attente. Le groupe est composé de quatre vocalistes et beatboxeuses, Alyusha Chagrin, Kate Brown, Neo Joshua et Yvette Ribby-Williams, réunies autour de Bellatrix, première championne du monde de l’histoire du human beatbox.

Leurs chansons mêlent puissance, pureté vocale, harmonies mélodieuses et techniques impressionnantes de beatbox en mélangeant les genres musicaux qui oscillent entre r’n b, soul, hip hop et jazz. Engagé, le quintet expriment à travers leurs textes le girl power contemporain en chantant la force détenue par les femmes. Et la démontrent également en formant un groupe uni au style percutant et original.

Leur concert soulève un vent d’énergie et apporte un souffle nouveau à la scène beatbox. La performance de Bellatrix ne peut passer inaperçue et ne cesse d’étonner et d’impressionner la gente masculine tant elle dévoile des capacités hors-normes. Vêtue d’une robe noire et d’une paire de baskets streetwear, la championne anglaise ne se contente pas de flirter avec les graves, elle produit avec sa voix – et semble le faire avec une aisance déstabilisante – des fréquences que la basse ne pourrait délivrer.

Elle se mesure alors à des techniques de dubstep et de drum and bass, délivrant ici une énergie enivrante qui incite le public à se rassembler devant la scène pour danser. The Boxettes alternent chansons originales et reprises – de Rudimental et Lorde – et même impro, en demandant aux spectateurs de leur donner 3 mots – freedom, peace et aller (to go) – pour en faire une chanson. Elles entrainent le public dans leur univers, grâce à leur présence scénique et leur générosité. Un groupe qui illustre à merveille le thème de la Biennale de l’égalité femmes-hommes.

Dans le clan Bervas

Il est 22h et des poussières – et des bières pour certains échauffés - lorsque le deuxième groupe monte sur scène. Une scène plus chargée que lors du tableau précédent puisque Les Sœurs Bervas sont accompagnées, elles, de plusieurs instruments. Trois musiciens soutiennent le duo féminin constitué d’Ann et de Gaëlle. Le changement d’ambiance est radical.

Du human beatbox diabolique, on passe à la chanson française teintée de musiques venues d’ailleurs. Une affiche séduisante également. Les deux complices proposent un univers « réalistico-féérique » aux allures de cabaret familial dans lequel on croise des personnages cabossés, des souvenirs douloureux et dans lequel on soulève des cailloux hantés par des secrets de famille. Logique quand on partage depuis toujours le même environnement familial. Au fil des chansons, Les Sœurs Bervas nous embarquent dans leurs vies réelles, imagées et imaginées, avec ferveur mais aussi avec douceur puisqu’elles chantent derrière chaque ligne des textes un thème central et universel, celui de l’amour.

Et si on avoue ne pas adhérer entièrement au style proposé - qui souligne quelques faiblesses en matière d’originalité dans le genre musical – il est à noter qu’elles ont l’art de faire danser les spectateurs et de les emmener dans leur monde déjanté et festif. Ces deux lorientaises s’arment de belles paroles pour naviguer contre vents et marées avec humour, émotion et gaieté contagieuse. Les Sœurs Bervas apportent une touche humaine de par leur sens de la théâtralité et de la scène.

Parfois cruelles, parfois fantasques et parfois à fleur de peau, elles mettent leur imagination et leur vision de la vie à nu avec élégance et même sensualité.

Célian Ramis

Mythos 2014 : La java explosive de Carmen Maria Vega

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Rennes
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Insouciance et liberté sont les maitres mots de la chanteuse Carmen Maria Vega qui présentait son spectacle Fais moi mal Boris, dimanche 20 avril, sur la scène du Cabaret botanique.
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Insouciance et liberté sont les maitres mots de la chanteuse Carmen Maria Vega qui présentait son spectacle Fais moi mal Boris, dimanche 20 avril, sur la scène du Cabaret botanique.

Rien qu’en écoutant « La menteuse », le titre qui propulse la carrière de l’artiste en 2008 et qui figure sur son premier album, on comprend que Carmen Maria Vega s’attaque aux œuvres du Satrape du collège de ‘Pataphysique, Boris Vian, tant il lui colle à la peau. « Avantageusement connu sous le nom de Bison Ravi », nous précise en voix-off la chanteuse au début du spectacle – reprenant des informations publiées dans la plaquette qui accompagne le coffret de disque Boris Vian intégrale, intitulée Éléments d’une biographie de Boris Vian avantageusement connu sous le nom de Bison Ravi.

Elle est cachée derrière un rideau blanc, pendant que ses deux musiciens accordent leurs instruments. Un style de pin-up rock, le sourire du Joker aux lèvres, elle ouvre le bal avec une des plus célèbres chansons signées Boris Vian, interprétée par une femme, « Fais moi mal Johnny ». Ici, Carmen Maria Vega donne le ton : elle revisitera les textes de Vian, d’accord, mais à sa propre sauce.

Si elle partage avec l’auteur un goût prononcé pour la liberté, et surtout celle de parole qui permet de mettre à mal les failles de la société dans laquelle ils vivent (à des époques différentes), elle ne cherche pas à le ressusciter, à l’imiter ou encore à recréer son univers – un terme qu’elle n’aime pas, nous dira-t-elle après le concert (lire notre interview ci-dessous). On est bien loin des caveaux de Saint-Germain-des-Près que l’écrivain fréquentait avec Raymond Queneau et pourtant on retrouve chez l’interprète lyonnaise une ressemblance avec l’esprit de celui qui signait certaines de ses œuvres sous le pseudonyme Vernon Sullivan.

En effet, durant plus d’une heure, elle convoque l’esprit des zazous et le swing qu’elle affectionne depuis longtemps. Elle y ajoute sa gouaille et son insolence, marié à l’impertinence dont elle raffole et qu’elle partage avec Vian.

Accompagnée de ses deux musiciens lookés à la Orange mécanique, le maquillage et l’aspect effrayant en moins, Carmen Maria Vega insuffle aux textes qu’elle interprète un nouveau genre grâce aux sonorités rock de la guitare électrique et de la batterie.

Et ainsi, embarque le public dans une atmosphère de cabaret rock moderne et contemporain. « Ne vous mariez pas les filles », « Les joyeux bouchers » ou encore « La java des bombes atomiques », les chansons sont reprises avec légèreté, humour et souvent une bonne dose de sensualité. L’interprétation de la chanteuse et les arrangements du batteur Kim Giani forment un mélange explosif et jouent avec les genres variant les styles musicaux d’une chanson à l’autre, voire même au sein d’un morceau, comme dans « La complainte du progrès » par exemple.

Parfois rockabilly, parfois swing et parfois rock, celle qui apporte un vent de fraicheur sur la scène de la chanson française se laisse porter par ses humeurs et ses envies. Pour reprendre le standard du jazz, extrait de l’Opéra de Quat’sous traduit par Vian en français, elle s’exécute en mode « scène subventionnée ».

Pour la savoureuse chanson « J’suis snob », elle pousse les paroles à leur paroxysme, adoptant une attitude de bêcheuse qui semble lui venir naturellement. Une preuve de son potentiel théâtral – un art qu’elle pratique depuis son enfance – dont elle use et abuse au fil du concert créant ainsi un spectacle complet qui allie musique, danse et théâtre. Et la richesse du répertoire de Boris Vian lui permet de naviguer entre délicatesse et sensibilité d’un côté et intensité dramatique et esprit rock de l’autre.

Elle clôturera même ce show par un numéro d’effeuillage burlesque, qu’elle ne délivrera pas intégralement mais qui se terminera sur une note humoristico-fashion. On pourrait y voir un clin d’œil à la meneuse de revue dont elle interprètera le rôle dans le spectacle musical, Mistinguett la reine des années folles, à la rentrée 2014 au Casino de Paris.

En tout cas, Carmen Maria Vega, c’est un tempérament de feu dont les flammes se répandent comme une trainée de poudre en chaque spectateur, ravi de redécouvrir les textes écrits et chantés par ce monstre sacré des arts de la parole qui a prouvé, sa courte vie durant, qu’il maitrisait bien plus que la langue française. Et la chanteuse-interprète marque ici son envie d’explorer des répertoires variés qu’elle personnalise avec brio et confirme son talent de transporter le public à l’endroit qu’elle veut. Un moment original et électrisant dont on savoure chaque instant.

 

Carmen Maria Vega : « Comme la Bretagne, Boris Vian, ça nous gagne ! »

Tout d’abord, comment avez-vous ressenti le public rennais ce soir ?

Je vais encore faire ma fayotte : formidable ! Les Bretons quoi… J’étais déjà venue au festival Mythos, je suis très contente d’y revenir. Et puis la Bretagne, ça vous gagne ! (Rires)

Et Boris Vian alors, ça vous gagne ?

On dirait que oui. Boris Vian, ça nous gagne. J’en avais envie depuis longtemps. J’ai arrêté ma tournée en mars 2013 et je n’avais pas envie de retourner tout de suite en studio. Je voulais faire autre chose entre temps.

Surtout qu’en concert, vous aviez l’habitude de reprendre des chansons de Boris Vian. Pourquoi avoir choisi d’en faire un spectacle à part entière ?

Vous savez, dès qu’on reprend une chanson, c’est un peu frustrant de n’en faire qu’une ou deux. Vian, il a un univers (je n’aime pas ce mot mais enfin bon…), c’est un artiste libre. Même si la liberté a ses failles. Il voulait faire de la trompette, des films, des chansons, être auteur, chanter alors qu’il n’a pas la voix… En France, on bloque si on n’arrive pas à mettre une personne dans une case. C’est ça que j’aime chez lui, il n’y a pas de barrière. On grandit au contact des autres, en ne restant pas toujours dans son propre milieu.

Vous insistez beaucoup sur la liberté et sur le fait que vous êtes une interprète, accédant ainsi à un large répertoire…

Oui c’est vrai. Avant je n’osais pas dire que j’étais interprète. Mais c’est cool d’être interprète. Je ne sais pas écrire donc de toute manière je ne vais pas faire quelque que je ne sais pas faire. Depuis le début de ma carrière, je travaille avec Max Lavegie, c’est lui qui écrit les textes. On a arrêté de travailler ensemble en 2013. J’avais alors l’idée de ce spectacle sur Boris Vian.

Beaucoup d’artistes se sont attaqués à Vian et s’y sont cassés les dents. Comment on appréhende un spectacle de cette envergure ?

Ah, je n’étais pas au courant de ça. Heureusement, sinon je ne l’aurais pas fait (rires). En fait, j’avais participé en 2008 à la tournée de On n’est pas là pour se faire engueuler (plusieurs artistes reprennent des grands classiques du répertoire de Vian, ndlr). C’est là que j’ai rencontré Nicole Bertolt, la gardienne des ayant droits éditoriaux de Vian. Elle vit dans la maison musée de Boris Vian d’ailleurs. C’est une passionnée, une proche de sa deuxième femme qui l’a prise sous son aile pour gérer son patrimoine. Quatre ans plus tard, je lui ai fait part de mon envie et je lui ai demandé : est-ce que tu peux m’aider à le faire ? C’était là le point de départ, c’était très important pour moi qu’elle accepte. J’ai pu faire une photo là-bas, dans son appartement dans la Cité Véron, derrière le Moulin Rouge. C’est complètement dingue. Quand j’imagine les soirées qui ont du se faire là-bas, avec Prévert, André Breton, etc. Complètement dingue !

Comment avez-vous choisi le contenu du spectacle ?

Il a fallu du temps. Déjà il m’a fallu 6 mois pour apprendre les chansons ! Et les choisir, ça n’a pas été facile. Il y en a plein entre les chansons et les poèmes… Et puis il faut faire plaisir au public, il y a des chansons auxquelles on ne peut pas couper. Après on fait des choix, forcément. Mais par exemple, je n’ai pas chanté « On n’est pas là pour se faire engueuler ». Mais parce qu’elle est chiante. Franchement, moi je me fais chier sur celle là. Alors pour d’autres, on réarrange. En plus dark, en plus tendu.

L’ambiance cabaret avec Boris Vian, les années folles avec Mistinguett. Vous aimez cette période du début XXe…

Oui, beaucoup. Après, ce n’était pas la même chose. Quand Mistinguett était connue, Vian était encore petit. Mistinguett, c’est les années folles, l’après première guerre mondiale. Faut reconstruire le pays ! Les femmes, elles en ont marre des corsets, de se plaquer les seins, elles laissent alors les bas apparents, et tout.

L’époque de l’insouciance et la liberté que vous revendiquez aujourd’hui…

C’était formidable ! Et Mistinguett, c’est une sacrée femme. Elle a créé la revue. La première revue au Casino de Paris. Et c’est ça qui est cool, c’est qu’on jouera là où elle a travaillé. C’est un peu ça le spectacle, l’histoire de la création, les coulisses. Mistinguett, c’est une femme de poigne, elle n’était pas commode, bon c’était une femme amoureuse aussi. Mais elle privilégiait sa carrière plus que ses histoires d’amour. C’était une re-sta !

Vous dites que le tournage du clip « Mon homme », premier titre du spectacle à être dévoilé, a été très éprouvant. Entre la préparation de Mistinguett et le spectacle autour de Boris Vian, est-ce que vous avez le temps pour vos projets personnels ?

En fait, ce qui était compliqué, c’est l’avant. Apprendre la choré, le travail des danseuses. Moi, je veux bien danser, ça fait parti du personnage, et puis elle était tellement charismatique ! Mais à côté, oui, je continue de bosser sur mes maquettes, sur la pré-prod. Je devrais m’y remettre dès la semaine prochaine d’ailleurs. Vous savez, le temps on le trouve quand on veut. J’aime faire tout en même temps, ça me nourrit !

Célian Ramis

Mythos 2014 : Airnadette, une comédie musiculte savoureusement potache

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La Comédie Musiculte a encore frappé et l’humour potache a emporté la victoire !
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La Comédie Musiculte a encore frappé et l’humour potache a emporté la victoire ! Samedi dernier, le 19 avril, le mauvais esprit rock d’Airnadette s’est abattu sur le festival Mythos, déchainant ainsi la foule entassée dans le Cabaret botanique.

À 18h ce samedi, les festivaliers se pressent pour entrer dans le Magic Mirror, installé dans le parc du Thabor à l’occasion du festival des arts de la parole. Un art que les membres de Airnadette – en hommage à une ancienne première dame de France – sont loin de maitriser. Eux, leur truc, c’est le play back, le air guitar ou le air batterie. Ils ne chantent pas, ils ne parlent pas mais ils bougent les lèvres, brandissent leurs instruments imaginaires et déchainent les foules.

Le airband se forme en avril 2008 et réunit des spécialistes du genre, qui seront ensuite rapidement rejoints par le comédien Sylvain Quimène, connu pour son personnage créé pour Airnadette, à savoir Gunther Love  – qui n’honorera pas le public rennais de sa présence – double champion du monde de Air guitar. Airnadette va alors enchainer les dates et les tournées s’imposant comme un des groupes les plus déjantés « de mon dentier ».

Et c’est cette histoire-là que le sextet, accompagné de leur manager et présentateur Philippe Risotto, va nous raconter durant plus d’une heure. Des débuts du groupe miteux qui répète dans un garage à la vie de stars à la renommée internationale, le airband présente sa « presque vraie vie » et se caricature avec humour, absurdité et surtout une bonne dose de rock’n’roll dans la Comédie Musiculte – mise en scène par l’ancien Robin des Bois, Pef, et chorégraphié par Lydia Dejugnac – faisant ainsi résonner et vibrer tous les recoins du parc rennais.

De l’extérieur, on entend simplement de la musique. Des chansons qui jamais ne sont diffusées dans leur intégralité. Juste des refrains qui défilent et s’enchainent, sans liens et sans rapport. Comme si on déroulait les fréquences radio d’un transistor, allant de Nostalgie à Chérie FM en passant par Skyrock, Virgin et RTL.

Et de temps en temps, Rires et Chansons. À l’intérieur, c’est carrément un autre monde qui nous est proposé. On quitte la réalité, les spectacles intellos-bobos tant appréciés et la flânerie dans les allées du Thabor pour un grand n’importe quoi débordant d’énergie et complètement délirant.

Philippe Risotto, à l’allure d’un vieux pervers voyeur, assure le show, vêtu de son costume ringard à carreaux. Il est le manager des six hurluberlus qui s’agitent sur scène et qui mettent leur énergie au service d’un play back déluré et détonnant. Ils ont l’air tout droit sortis du jeu vidéo Guitar Hero et campent chacun un personnage caricatural et stéréotypé. La brosse à cheveux dans la main, portée au niveau de la bouche, ses chanteurs de salle de bain agitent les lèvres sur une panoplie de tubes qui ont tous à un moment cartonnés.

Que ce soit une chanson extraite de la comédie musicale Roméo et Juliette, le générique de Cat’s Eyes, un duo entre Diams et Vita, une reprise de Britney Spears ou encore des grands classiques du rock comme Queen ou Queen of the Stone Age, ils ne reculent devant rien. Bien au contraire. Tout le monde en prend pour son grade. Ils font dans le potache, dans la variétoche, singeant au maximum les interprètes originaux et créant ainsi des situations qui rendent les spectateurs hilares.

Ils maitrisent l’absurdité, ils subliment la caricature. Avec Airnadette, plus c’est gros – et gras – mieux c’est. Ils sont rock et emmerdent le monde. Et se moquent bien de Rennes, ville rock par excellence. Le public se fait insulter et en redemande. Et surtout n’hésite pas, entre deux ou trois « Ta gueule » ou encore « Enculés », à leur rendre la pareille.

Aussi, les festivaliers se plient avec plaisir à l’exercice proposé par Philippe Risotto : tourner le dos à la scène, lever les deux bras en l’air, agiter les dix doigts puis en plier 4 sur chaque main. Les uns et les autres s’observent, d’abord un peu gênés mais quand même fortement amusés, jusqu’à se marrer à la vision de tous les doigts d’honneur levés.

Un geste qu’ils ne manqueront pas de reproduire à plusieurs reprises pendant le show et que les parents auront certainement du mal à ne pas faire répéter à leurs enfants qui regardent le spectacle, les yeux ébahis devant cette foule en délire. Le mauvais esprit a envahi le Cabaret botanique, qui transpire l’humour potache, le pétage de plomb et le lâcher prise. Un vent de légèreté donc qu’il est bon de saisir au vol – un peu à la manière de Jérôme Rouger qui invitait le public, la veille, à délicieusement caqueter comme des poules, lors de ce son spectacle « Pourquoi les poules… » – et qu’il est appréciable de savourer.

Entre les séries de chansons, les pros du air lèvres jouent avec les répliques des films cultes comme Les bronzés, La cité de la peur, Dikkenek, Le Père-Noël est une ordure, Nos jours heureux ou encore The big Lebowski, Las Vegas parano et Star Wars. Pendant que des canettes géantes de bières en ballon rebondissent sur les mains agitées des spectateurs, les talentueux membres du airband se déchainent et se défoulent, finissant même par invoquer l’esprit de Michael Jackson qui vient expliquer, à travers le corps du présentateur, son adoration pour eux et leur donner l’autorisation d’interpréter la chorégraphie de « Thriller ».

Absurde, hilarante, décapante, la Comédie Musiculte convoque tous les éléments capables de provoquer facilement le rire – qui se propage à la vitesse de l’éclair dans tout le chapiteau – en use et en abuse, pour notre plus grand plaisir. Le rythme est soutenu, intense. Le délire part dans tous les sens, sans se préoccuper justement du sens. On débranche les cerveaux, on se marre et c’est tout – et c’est déjà bien !

Célian Ramis

Mythos 2014 : Emilie Simon fait sa mue

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La chanteuse Emilie Simon se produisait hier soir, vendredi 18, dans le Cabaret botanique pour présenter au public rennais son nouvel album Mue, à l’occasion du festival Mythos.
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La chanteuse Emilie Simon se produisait hier soir, vendredi 18, dans le Cabaret botanique pour présenter au public rennais son nouvel album Mue, à l’occasion du festival Mythos.

Depuis le début de sa carrière, Emilie Simon aligne les victoires, les récompenses, les succès. De son premier album, Emilie Simon en 2003, pour lequel elle remporte le prix du meilleur album de musiques électroniques, groove et dance de l’année aux Victoires de la musique, à son nouvel album Mue, sorti le mois dernier, cette auteure-compositeure-interprète française a également signé la délicate bande originale de La marche de l’empereur en 2005 – et celle du film La délicatesse, en 2011, avec son album Franky Knigh.

Après dix ans de carrière, l’artiste fait sa mue et s’accomplit à travers un registre riche et varié. Hier soir, elle succédait aux ovnis de Cascadeur et affrontait un public impatient ; il faudra attendre près d’une heure entre les deux plateaux. Mais c’est également un public averti et particulièrement friand de sa musique et de son univers qui fait le pied de gru devant l’estrade, installée dans le Cabaret botanique.

C’est donc quelques minutes avant minuit qu’elle fait son entrée, sa chevelure brune déployée qui tombe sur ses épaules couvertes d’un gilet à plumes blanches, qui se marie à sa longue robe blanche. Un ange, pourrait-on croire. Ce serait mal connaître les artistes programmés et l’esprit qui se dégage du festival des arts de la parole. Une parole qui nous emporte dans la profondeur de son âme, qui dévoile un imaginaire personnel et personnalisé. Et qui permet à nos esprits de vagabonder et de se perdre dans un espace temps situé en dehors de la réalité.

Avis de tempête

Elle a la voix pure, cristalline, on la compare à celle précisément de Vanessa Paradis, à celle plus largement d’une Lolita. Son registre musical pourrait également être un argument de comparaison. Et quand elle brandit sa guitare électrique, elle nous rappelle alors la mystique Iva G. Moskovich que l’on avait découvert sur la scène des Transmusicales, en décembre dernier.

Une apparition angélique qui révélait son côté sombre dans un rock gothique saupoudré de sonorités empreintes aux musiques de l’Est. Ici, pas de rock gothique mais une personnalité diabolique qui nous envoute à sa guise, c’est certain ! Dans son nouvel album, Emilie Simon se promène agilement entre pop-électro, ballades romantiques et noirceur rock.

Elle a le pouvoir d’envouter les spectateurs, de les emmener à l’endroit qu’elle veut et de passer de Paris j’ai pris perpète à Quand vient le jour en passant par Fleur de saison. Une preuve que son répertoire est varié et que le talent de l’artiste ne réside pas dans un seul style musical. Sous ses allures d’être sensible et fragile, on la sent solide et confiante. « Je suis ravie d’être de retour à Rennes, lance-t-elle, timidement. J’adore cette salle, c’est beau. C’est beau un Magic Mirror ». Elle a le sourire, l’œil qui pétille et l’envie de partager sa musique, ses émotions, ses préoccupations. Elle nous conte alors des histoires musicales, accompagnées de ses musiciens, à la batterie, à la guitare et au clavier.

Et comme dans un conte traditionnel, le groupe nous embarque, après avoir posé la situation initiale, dans des péripéties qui portent les protagonistes à surmonter les difficultés pour finir dans une ambiance festive et chaleureuse. C’est là tout l’esprit d’Emilie Simon qui célèbre souvent le romantisme, les surprises que nous réservent et offrent l’amour et la vie, le quotidien, l’aventure. Intriguante, elle conserve et nourrit sa part de mystère à travers un imaginaire pur et complexe.

Elle dévoile de manière crescendo une force tranquille. Un avis de tempete est lancé : entre chaleur et froideur, Emilie Simon est un coup de tonnerre cinglant et brusque que l’on avait pas vu venir. La pureté de la voix, l’élégance et l’intensité des notes qui claquent, c’est un tourbillon de sensations et d’émotions qui se dégagent de la scène et qui s’abat sur certains spectateurs déchainés au contact de la jolie brune.

C’est également un mélange qui passe ou qui casse. Emilie Simon alterne les chansons calmes qui peuvent parfois peser et plomber la dynamique engagée par les moments pop et les instants carrément électriques et électrisants, ceux-là qui nous emportent et nous envoient valdinguer dans les recoins fantasques du chapiteau.

Célian Ramis

Mythos 2014 : Christine, Queen of Pop

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Christine and the Queens faisait son diva-show, une expérimentation théâtrale et musicale aussi burlesque que travaillée. Dans le Cabaret botanique, le public de Mythos a profité d’un concert original et décalé.
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Vendredi 18 avril, Christine and the Queens faisait son diva-show, une expérimentation théâtrale et musicale aussi burlesque que travaillée. Dans le Cabaret botanique, le public de Mythos a profité d’un concert original et décalé.

Héloïse Letissier a rapidement été remarquée et suivie par les médias. En 2010, la jeune nantaise partie à Lyon faire ses études de théâtre à l’ENS décide de lancer son projet musical. Elle a alors en tête de bâtir un show à l’américaine avec des musiciens et des danseurs.

Trois EP à son actif depuis 2011 – dont deux auto-produits – elle assure les premières parties de Woodkid, The Do ou encore Lykke Li et marque chacun de ses passages télévisés ou prestations scéniques de sa patte et sa singularité. Ce qui l’a amenée à signer avec le label français indépendant Because, qui devrait rapidement produire son premier album – dont elle nous dévoile lors du concert le titre Saint-Claude – à la suite de son EP, Nuits 17 à 52, sorti en 2013.

Celle qui a débuté seule sur les planches et incarné plusieurs personnalités sur scène peut maintenant se vanter d’emprunter le chemin d’un succès bien au rendez-vous. Dans le Cabaret botanique, en cette fin d’après-midi d’un vendredi ensoleillé, la chanteuse fait son entrée, entourée de ses Queens. Car Christine and the Queens, c’est la rencontre entre Héloïse Letissier et des musiciens travestis, une nuit à Londres.

Pour la jeune femme, c’est là son inspiration, sa source d’énergie et de création, son graal pour un projet abouti. Elle foule alors les planches du Magic Mirror derrière ses deux danseurs vêtus de noir, l’air concentrés et protecteurs. Elle, en pantalon et veste bordeaux, lookée à la Michael Jackson et la mine facétieuse. Des divas viennent d’apparaitre. Ensemble, ils effectuent des mouvements lents et sensuels.

« Bonsoir, nous sommes Christine and the Queens. Christine et les reines, à Rennes. On va bien rigoler ce soir…, lance la jeune femme. Je vois très bien tout le monde. Je vois ceux qui dansent… et ceux qui ne dansent pas. Je vois ceux qui sourient… ceux qui ne sourient pas. » Elle est à l’aise sur scène, à l’aise dans l’échange avec le public.

C’est là son plaisir d’ex-étudiante en théâtre qui alimente toutes ses phrases et tous ses mouvements par un second degré assumé et poussé à l’extrême. Sur des airs de r’n’b old school, elle libère ce qu’elle définit comme de la « freakpop », une musique populaire qu’elle agrémente à sa sauce électro-délurée et sensible dans laquelle elle soigne l’esthétique et le message.

Ainsi, avec les Queens, elle se lâche et effectue des chorégraphies calquées sur celles du King de la pop, elle interprète des chansons à la Whitney Houston et Beyonce – exclusivement dans les mimiques – et surtout elle joue avec les codes et les genres. Le féminin au masculin et inversement.

Ce sur quoi elle a bâti l’identité de Christine and the Queens. Le mélange entre les sexes, la présence des drag-queens, sa façon de se travestir dans ses clips, les diverses facettes qu’elle dévoile dans ses textes et dans sa façon d’être… « Si je ne veux pas être une grande fille, je serais un petit garçon », chante-t-elle. Elle aime flirter avec la poésie de la langue française et la classe de l’anglais pour en faire un objet unique qui résonne dans chaque texte sur lequel elle pose sa voix ronde et profonde. Et les notes qui en sortent semblent simples, légères ou parfois tortueuses et endolories.

Christine and the Queens, c’est une expérience et une expérimentation musicale et scénique qui nous emporte et nous transperce à travers plusieurs émotions. Le public est aussi bien suspendu à ses lèvres lorsqu’elle délivre intimement son titre Nuits à 17 à 52 – « composé dans ma toute petite chambre et que j’ai fini par chanter à la télé (le soir des 29èmes Victoires de la musique, ndlr)… Can you believe it ? » – que entrainé inlassablement par la rythmique de The loving cup, qu’elle chantera également lors du rappel.

Héloïse Letissier incarne le projet qu’elle étoffe et perfectionne de mois en mois et se transforme en personnage féminin/masculin à chaque pas exécuté, à chaque note lâchée et à chaque texte dévoilé. On ne doute pas qu’elle accomplira très bientôt son rêve de véritable show à l’américaine, dissimulé derrière son côté indé bien français.

Célian Ramis

Mythos 2014 : Un road trip avec Moriarty

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Jeudi soir, c’est le groupe franco-américain Moriarty qui se produisait sur la scène du Cabaret botanique, installé au Thabor dans le cadre du festival Mythos. Un voyage dans de lointaines contrées remplies de fugitifs.
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Jeudi soir, c’est le groupe franco-américain Moriarty qui se produisait sur la scène du Cabaret botanique, installé au Thabor dans le cadre du festival Mythos. Un voyage dans de lointaines contrées remplies de fugitifs.

C’est un road trip musical que nous propose Moriarty en cette 3e soirée de Mythos. Une virée apaisante et planante guidée par la voix pure de Rosemary Standley, dont les Rennaises et les Rennais se souviennent de son passage lors de l’édition précédente. Les arts de la parole, les membres du groupe les maitrisent.

Folk et blues se mélangent pour nous faire voyager sur les traces des grands noms de ces genres musicaux dont s’inspirent Moriarty. Tout est parti d’une commande passée par la Cité de la musique en 2012, à l’occasion de l’exposition sur Bob Dylan. Le quintet propose alors un concert reprenant non pas les chansons de ce monstre sacré qu’est Robert Zimmerman mais celles de ceux qui ont marqué sa musique et inspiré son imaginaire, qui se trouvent être également leurs influences.

De Woody Guthrie (chanteur et guitariste folk américain) à Hank Williams (compositeur américaine, icône de la musique country) en passant par Blind Willie McTell (chanteur et guitariste blues américain), ce sont les icônes de la première moitié du XXe siècle auxquelles la formation franco-américaine emboite le pas. Sur la route et en tournée, ils continuent de jouer leurs reprises et finissent par enregistrer Fugitives, leur troisième album, sorti au début de l’année, « entre deux concerts, dans des chambres d’hôtel… », précisait la chanteuse dans une interview accordée aux Inrocks, en janvier 2014.

Et pour aiguiser et étoffer cet opus empreint de souvenirs de leurs ancêtres spirituels et musicaux, ils s’entourent de fins connaisseurs comme Wayne Standley, Don Cavalli ou encore Mama Rosin qui apportent leur touche rock et leurs influences transcontinentales.

Fugitives, c’est donc un retour aux sources, un voyage dans le temps et l’espace. Sous le Magic Mirror ce soir-là, les spectateurs sont transportés loin de la capitale bretonne. En quelques minutes, la voix chaude et modulable de Rosemary Standley et les notes folk des différents instruments nous embarquent dans un road trip au cœur du désert américain.

On traverse les zones arides mais aussi les plaines verdoyantes qui s’etendent à perte de vue. On s’arrête dans des bars à première vue miteux dans lesquels s’adonnent des bandes de potes réunis pour taper un bœuf. On reprend les routes escarpées, étriquées et tournicotantes qui semblent n’en plus finir. Tout cela au son des instruments à cordes – guitare électrique, guitare acoustique, basse, violoncelle – des percussions – batterie modifiée, maracas – et de la guimbarde.

En chemin, on croise des fugitifs, des personnages en fuite, des amants assassins, des bandits de grand chemin, des mères abandonnées par des hommes accros au jeu, des cowboys exploités ou encore des femmes adultères… Les fantômes du passé ressurgissent, les incontournables des histoires fantastiques répondent présents, et ensemble, viennent envahir le Thabor. Les esprits vagabondent.

On se surprend à imaginer la rencontre entre Moriarty et Fabrice Murgia, auteur et metteur en scène de Ghost Road qui nous plonge dans un périple aux Etats-Unis le long de la route 66. Quand on revient à la réalité et à l’instant présent, on se laisse tantôt bercer par les chansons plutôt calmes qui appellent à la quiétude et tantôt emporter par les chansons plus rythmées et entrainantes.

La chaleur de la musique monte dans le Cabaret botanique. Allié à la douceur des mélodies, c’est une ambiance enivrante qui se dégage de ce concert. Toutefois, 1h30 suffisent à nous rassasier et si les festivaliers réclament encore quelques prolongations, on éprouve le sentiment d’avoir atteint les limites de cet univers pourtant si riche. Moriarty réussit tout de même le pari de marcher dans les pas de grands pontes du blues et de la folk américains et confirme son talent de narrateur d’histoires nourries d’imaginaire et de passé réinventé.

Célian Ramis

Mythos 2014 : Jeanne Cherhal, une histoire de J.

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L'Aire libre, St jacques de la Lande
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La fragile brunette découverte dans les années 2000, Jeanne Cherhal, livrait un nouveau spectacle plus rock que les précédents jeudi 17 avril à l’Aire Libre dans le cadre de Mythos.
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La fragile brunette découverte dans les années 2000, Jeanne Cherhal, livrait un nouveau spectacle plus rock que les précédents jeudi 17 avril à l’Aire Libre dans le cadre de Mythos. Elle n’a plus rien de la femme « pas solide » de ses premières chansons. Au contraire, solide comme un roc, elle est devenue une pierre angulaire de la chanson française.

Jeanne Cherhal est accompagnée pour ce nouveau spectacle de plusieurs musiciens: un batteur, un guitariste et un bassiste avec lesquels elle a enregistré l’album Histoire de J., sorti le 10 mars dernier. Ils se connaissent bien et cela s’entend. Lorsqu’un imprévu vient perturber la chanteuse, ils savent rebondir sur les notes qu’elle égraine joyeusement.

Elle accueille le public toute de blanc vêtue, assise derrière son piano. La salle est comble et enthousiaste, le succès ne se dément pas. La voix particulière de la chanteuse, fine et mélodieuse, résonne entre les murs de la salle de l’Aire Libre.

Des textes plus engagés

Jeanne Cherhal, plutôt connue pour l’ambiance intimiste de ses textes, a travaillé sur de nouvelles thématiques. La cause des femmes à travers le monde semble l’avoir inspirée. Sa chanson en hommage à Noxolo Nogwaza, lesbienne violée et assassinée en Afrique du sud à cause de son orientation sexuelle, est très émouvante.

Dans la même lignée, elle aborde le thème du viol en criant sa détermination : « Quand c’est non, c’est non! »,  scande-t-elle au refrain. Elle confie à son public : « J’ai écrit cette chanson un jour où j’étais furieuse, mais je ne sais pas si ça s’entend… » Par petites touches d’humour et grâce à une énergie virevoltante elle entraîne les spectateurs dans ses révoltes. Elle garde néanmoins un goût pour les mélodies douces et mélancoliques. Lors du rappel elle interprète le titre qui fit son succès « Je suis liquide ».

Un public conquis

Conquérir le public n’était pas bien difficile à atteindre tant les personnes présentes étaient déjà sous le charme de la chanteuse. La salle de l’Aire Libre était remplie d’admirateurs. La taille humaine de la structure a permis un véritable échange avec le public. La chanteuse s’est donc lâchée, disant aimer particulièrement le public rennais et le festival Mythos. Esquissant des pas de danse qui prenaient parfois des allures de défi acrobatique, n’hésitant pas à converser avec des spectateurs, la chanteuse a livré une performance endiablée et bien rythmée.

Elle s’éclipse un instant, le temps d’enfiler une robe à paillette et de revenir pour un moment « Cabaret ». Seule, avec sa voix et son piano, elle entreprend des mélodies douces et intimistes, plus proches de son univers de prédilection. Sa reprise de « Les nuits d’une demoiselle » version 2.0 a particulièrement enchanté: « Je me fais vibrer le sans-fil, je me fais exporter le point com… » chantonne-t-elle sous les rires de l’assistance.

Décidément connectée avec son temps tout en apportant une touche de mélancolie, Jeanne Cherhal a de nouveau rayonné sur les planches de Mythos qu’elle foulait pour la quatrième fois. La jolie romance entre le festival rennais et la chanteuse peut continuer, on en redemande.

 Chloé Rébillard

 

Jeanne Cherhal : « Je me sens solidaire des femmes et je me sens féministe »

Mythos est un festival que vous connaissez bien puisque vous étiez présente en 2001 puis 2004 et 2010. Que ressentez-vous aujourd’hui à l’idée de vous produire devant le public rennais ?

J’en suis très heureuse ! J’adore jouer en Bretagne et dans le Nord. Ce sont deux régions que j’affectionne particulièrement. C’est un peu cliché de dire ça mais ce sont des régions très chaleureuses, les gens sont très accueillants. Je chante d’ailleurs une chanson qui s’appelle « Finistère ».

Justement, cette chanson « Finistère », racontez-nous…

Cette chanson, c’est une déclaration d’amour à la Bretagne. Je chante un état d’esprit. C’est un lieu qui se mérite un peu, qui paraît aride au premier abord, mais quand on connaît…. Souvent j’y loue une maison, jamais la même, et j’y reste pendant 5 jours pour travailler. J’y vais avec mon clavier numérique, mon ordinateur, et je m’isole, et l’inspiration vient. Je me sens bien là-bas.

Histoire de J., comme Histoire de Jeanne. C’est un album autobiographique ?

Complètement. C’est un album très personnel, j’y livre beaucoup de choses sur moi-même, sur ma vie. J’ai fait le choix de l’initial J pour garder une part de mystère, et en même temps pour que l’on comprenne qu’il s’agit de moi, de mon histoire. Si j’avais décidé de l’appeler Histoire de Jeanne, ça aurait fait trop mégalo !

Est-ce un hommage à Véronique Sanson ?

Non, non pas du tout ! Ce n’est pas un hommage à Véronique Sanson mais plutôt à l’époque où est sorti son album « Amoureuse ». Mon travail est né d’une expérience autour de cet album. C’est un hommage au groove des années 70, aux sonorités de cette époque. J’ai d’ailleurs enregistré l’album dans les mêmes conditions qu’à l’époque, en analogique pour reproduire ce son si propre au 70’s. C’est une période qui me donne une impression de liberté totale.

Vous évoquez le viol (Quand c’est non c’est non) et l’homophobie (Noxolo). Vos textes sont plutôt engagés.

À partir du moment où l’on chante quelque chose c’est une démarche engagée. Une chanson est un engagement pour soi et aussi pour les autres. Je parlerai d’ailleurs de chansons « concernées » plus qu’engagées. Je me sens solidaire des femmes et je me sens féministe. Je chante très simplement un message qui est dirigé vers le sexisme ordinaire.

Qu’est-ce qui vous inspire au quotidien ?

Tout et n’importe quoi ! Enfin surtout les rapports humains qui sont une source d’inspiration inépuisable, que ce soit positif ou négatif. Je ne serai pas capable d’écrire quelque chose sans me sentir émue ou bouleversée. J’ai besoin de me sentir concernée pour écrire.

Après un album rock (Charade), vous revenez au piano. Un retour aux sources ?

Oui, bien sûr, encore une fois orchestré par « Amoureuse ». C’était un travail de remise en selle sur mon instrument, le piano voix. Je ne me suis pas occupée d’autre chose que de mon piano voix. Je n’ai pas eu l’envie de faire autre chose, ni eu l’envie de prendre une guitare ou une batterie.

Quels sont vos futurs projets ?

Pour l’instant je n’ai rien d’autre à faire que de me concentrer sur ma tournée qui va durer un peu plus d’un an, et de penser au prochain album.

Comment vous sentez-vous quelques heures avant la scène ?

C’est un peu tôt pour ressentir le trac (l’interview se déroule à 18h et Jeanne Cherhal se produira en concert à 22h30, ndlr). Par contre je l’aurai une heure avant. Mais je suis vraiment contente de faire partie de la programmation de Mythos encore cette année. Parce que c’est un festival qui met en avant la parole et le verbe sous toutes ses formes. Là, je me sens hyper francophone et francophile, et je trouve qu’il est très important que ce genre de festival existe.

Justine Gourlay

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