Célian Ramis
Les Féministes EnragéEs battent le pavé rennais

Mercredi 23 avril, une quarantaine de manifestants ont répondu présents à l’appel du collectif informel des Féministes EnragéEs qui organisait une marche pour l’autodéfense et la solidarité féministe.
C’est à 18h sous une pluie battante qu’une quarantaine de jeunes rennais se sont regroupés devant le Parlement de Bretagne. Un lieu symbolique pour débuter cette manifestation. Car c’est contre la justice qui « protège les machos », précise un de leurs slogans, que les Féministes EnragéEs se mobilisent en ce mercredi 23 avril.
Au départ de cette initiative, un jugement rendu par le TGI de Paris, le 8 avril dernier. « La justice a condamné une femme pour s’être défendue d’une agression violente commise à son encontre par un homme. Celui-ci était soutenu par d’autres hommes et s’en est pris à elle dans la rue, proférant des insultes sexistes et lesbophobes ainsi que des propos et menaces à caractère sexuel », explique le tract distribué devant le Parlement.
À la suite de ce jugement, plusieurs réactions, dont le rassemblement de Rennes, fustigent le système judiciaire qui défendrait la version de l’agresseur en condamnant la victime à 5 mois de prison avec sursis et à des dommages et intérêts jusqu’à 10 000 euros. La gronde s’élève alors envers le principe de « réponse proportionnée », défini par l’article 122-5 du Code pénal :
« N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ».
Les manifestants, à Rennes comme au niveau national, en soutien à la jeune femme condamnée, exigent « la reconnaissance du principe de légitime défense pour les femmes et les LGBTQI (lesbiennes, gays, bi, trans, queers, intersexes) sans condition. La politique du « œil pour œil, dent pour dent » ?
Très peu friandes de la référence biblique qui conseille de tendre l’autre joue, les Féministes EnragéEs brandissent en tête de cortège une banderole indiquant le message suivant : « Agressions sexistes et homophobes : on rendra coup pour coup, un poing c’est tout ». De telles revendications et affirmations soulèvent alors plusieurs questions : aurait-on et devrait-on avoir alors le droit de recourir à tout type d’autodéfense, sous prétexte de son sexe ou de son orientation sexuelle ?
En passant outre la « réponse proportionnée » imposée par la définition de la légitime défense ne pourrait-on pas se retrouver victimes d’un tel système ?
Autodéfense féministe
Si au départ un cours d’autodéfense féministe – autogéré – devait être organisé avant de défiler dans les rues de Rennes, il sera finalement reporté à une date ultérieure et devrait être proposé en non-mixité. « Il s’agit d’apprendre et de développer des techniques aux femmes pour se défendre des agresseurs masculins. C’est mieux d’être entre nous pour ne pas les laisser voir nos stratégies de défense », nous explique Elisa, étudiante à Rennes 2, déjà présente lors de la marche féministe nocturne, qui avait lieu le 18 mars dans l’objectif de se réapproprier l’espace urbain – lire notre article Marche féministe à Rennes : « Machos ! Machos ! Vous nous cassez le clito ! ».
Savoir se protéger, se sentir en sécurité et ne plus être considérées comme des victimes, voilà ce que revendiquent les personnes présentes ce mercredi. Du Parlement à la place Sainte-Anne, en passant par la place de la Mairie et en remontant la rue Le Bastard, les militants – qui se font de moins en moins nombreux au fil de la marche en vue des conditions météorologiques peu clémentes ce jour-là – scandent en chœur des slogans dont certains ont déjà été entendus un mois plus tôt :
« Machos ! Machos ! Vous nous cassez le clito ! », « Y en a assez de cette société qui discrimine les femmes, les lesbiennes et les gays » ou encore « La justice protège les machos ».
Le dernier étant étroitement lié à l’affaire du 8 avril 2014, au TGI de Paris. Alors que le juge rendait son jugement, 18 féministes ont « manifesté pacifiquement leur désaccord. Elles ont été évacué-e-s avec force et violence de la salle, puis ont été reconduit-e-s vers la sortie », ajoute le tract. Sans remettre en cause la liberté de manifester dans la rue, en revanche s’exprimer à travers une banderole et en criant un slogan, on peut se demander s’il est judicieux de le faire dans un tribunal ?
Là encore, la version des opposantes au jugement suscite la curiosité et multiplie les interrogations puisqu’aucune source n’est citée dans les informations publiées sur divers sites Internet comme celui de Solidaires étudiant-e-s – qui mentionne que les manifestantes ont déroulé une banderole et ont crié un slogan dans la salle – d’Indymedia, de Paris luttes, de Rennes info, qui reprennent le même communiqué. Celui qui figure sur le site du Collectif du 8 avril, à l’initiative des actions de soutien, un collectif féministe en lutte contre les violences hétérosexistes – que nous avons contacté pour recevoir le jugement officiel ; une demande actuellement sans réponse.
Seul le site Yagg s’est appliqué, à juste titre, à prendre des pincettes en recueillant le témoignage de la dite victime.
Besoin de réagir
Elisa ressent un besoin de réagir à la condamnation de la jeune femme, aux poursuites engagées contre les manifestantes présentes au TGI – « certaines devraient être convoquées pour répondre aux accusations d’outrage à agent et de dégradation de matériel » – mais aussi et surtout à la recrudescence des actes de violence envers les femmes et les personnes LGBTQI : « Il y a de plus en plus d’agressions (selon un rapport publié par SOS Homophobie, ndlr) lesbophobes notamment. Je pense que la Manif pour tous a déclenché certaines réactions chez les gens… Un discours décomplexé en tout cas. »
En réponse à ces attaques, un message de menace pour prévenir les potentiels agresseurs à travers un slogan radical, qui dénote avec le discours « coup pour coup » dans le but de se protéger : « Non, c’est non. La prochaine fois, ce sera un coup de cutter dans ta bite connard ». Une manière de se faire justice soi-même ?
« Non pas du tout. Ce n’est pas une question de justice, c’est une question de protection. On rend les coups pour se défendre. », précise Elisa.
Les Féministes EnragéEs ne comptent pas en rester là. Organisation de concerts, de cours d’autodéfense en non-mixité… plusieurs événements devraient être proposés dans les semaines à venir – après les vacances universitaires – afin de sensibiliser les femmes, de les aider à se protéger mais aussi de récolter des fonds « pour une caisse de soutien pour les meufs qui ont plein de frais de justice à payer », lance une manifestante dans le mégaphone avant de s’engager dans le rue Le Bastard en direction de Sainte-Anne.
« On va monter à Sainte-Anne montrer que le féminisme est dans les rues de Rennes et marquer notre territoire », s’écrie un des participants féministes à la marche.



L’association de ces deux personnalités semble curieuse et cela explique certainement pourquoi la salle Jouvet est comble en cette fin de journée. Si l’une est la pionnière des pratiques sexuelles les plus débridées depuis les années 1950, l’autre les expérimente à travers les réseaux sociaux et le cyber-espace.
« Il me semble que le sexe de base : sodomie, coït, cunnilingus, fellation, cela ne change jamais, c’est la même chose depuis la nuit des temps, ce sont les conditions qui vont changer », nous explique celle qui aurait tout juste cent ans en 2030.
Un nouveau souffle ? On n’en doute pas mais peu d’éléments seront donnés pour nous permettre d’imaginer le futur. Néanmoins, rien n’interdit de rêver et de fantasmer deux ou trois utopies pour la suite d’un mouvement pluriel. Luc Le Vaillant, journaliste pour Libération, était chargé de modérer le débat et pour l’occasion, il était entouré de quatre expertes : Safia Lebdi, à l’origine du mouvement Ni putes ni soumises, Françoise Picq, politiste et spécialiste de l’histoire du féminisme, Michèle Fitoussi, écrivaine, et Chekeba Hachemi, ancienne diplomate afghane.
Car pour elle, le féminisme remet en question les équilibres sur lesquels la société repose en mettant le doigt sur les problèmes complexes de cette société, « à un niveau où les autres ne les ont pas posé. Comme la prostitution ou le voile par exemple. Le voile, le débat a commencé en 1989 avec le problème de la laïcité. Et c’est Ni putes Ni soumises qui nous a ouvert les yeux sur cette question-là ».
Durant le débat, votre discours était plutôt optimiste avec un féminisme porté par la jeune génération via Internet. Pourtant, les jeunes femmes revendiquent leur volonté de ne pas être affiliées au féminisme et prônent l’égalité des sexes. Qu’est-ce qui fait peur dans le féminisme ? 

Le conseil devrait commencer à 17h. Pour l’occasion, journalistes, familles des élus et membres du public sont conviés dès 16h30 « car il va y avoir beaucoup de monde », nous dit-on du côté du service de communication. Alors que Les Verts débarquent place de la Mairie en cortège et à vélo, les uns et les autres s’entassent dans le grand salon de l’hôtel de ville, impatients de découvrir la constitution de ce nouveau conseil. Il faudra attendre 1h30 pour que fonctions et places soient attribuées à l’équipe fraichement élue.
L’émotion gagne la salle au moment où Nathalie Appéré rejoint le fauteuil anciennement occupé par ses prédécesseurs Daniel Delaveau et Edmond Hervé. Après avoir fièrement enfilé l’écharpe de maire, symbole de sa nouvelle fonction, elle se dit « fière d’être la première femme à accéder aux responsabilités de premier magistrat de la ville » et rappelle que la « loi sur la parité, votée par un gouvernement de gauche en 2000, a permis l’arrivée aux responsabilités d’équipes paritaires lors des élections municipales de 2001. Nous savons ce que notre démocratie doit à cette loi historique ».
Vers 18h30, l’heure est à l’élection des nouveaux adjoints. Une seule liste en lice composée de 19 noms, dont 5 sont issus de la liste Changez la ville, portée pendant la campagne par les co-têtes de liste Matthieu Theurier et Valérie Faucheux, symbole de l’alliance Europe Ecologie Les Verts – Front de gauche – une alliance remise en cause à plusieurs reprises par le leader de l’opposition Bruno Chavanat.
C’est Geneviève Letourneux, jusqu’alors conseillère municipale élue de quartier Longs Champs – Jeanne d’Arc, qui reprend le flambeau en tant que conseillère municipal déléguée aux droits des femmes et à l’égalité.

« Je suis un produit de la parité », nous disait Nathalie Appéré en décembre 2013, dans le cadre de notre article sur la parité dans les scrutins, à lire dans le
De son côté, Jocelyne Bougeard regrette la douloureuse séparation de certains colistiers – due à l’alliance de la liste de Nathalie Appéré et de celle de Matthieu Theurier – Valérie Faucheux – mais se déclare extrêmement contente « et consciente des engagements pris vis-à-vis de la population rennaise ». Et évidemment, ravie « qu’une femme soit élue ».
Une production rennaise – le collectif informel HCBS Productions – des acteurs rennais, des réalisateurs rennais, en quelques mots un court métrage 100% rennais. Mais le message transgresse les frontières et va au-delà de la capitale bretonne.
Pour Mathilde Joubaud, il est inacceptable de voir bafoués des droits obtenus après plusieurs décennies (lire notre article 
Jeudi dernier, les deux membres de l’association Histoire du féminisme à Rennes présentaient les archives de la section locale du groupe Choisir Rennes, une association en faveur de l’avortement. Les documents permettaient de retracer les manifestations et rassemblements pour la libéralisation de ce droit dans la capitale bretonne, à partir desquels Patricia Godard et Lydie Porée ont rédigé l’ouvrage Les femmes s’en vont en lutte, publié en février dernier aux éditions Goater. L’occasion de découvrir une partie de l’histoire des luttes féministes ayant eu lieu au début des années 70.



C’est à l’heure où tombe la nuit qu’elles ont décidé de se rassembler sur la place de la Mairie ce mardi. Plusieurs dizaines de femmes ont répondu à l’appel des syndicats étudiants et formé un cercle autour des pancartes qui seront ensuite brandies fièrement lors de la marche.
Pendant une heure, la manifestation féministe revendique les droits des femmes parmi lesquels figurent ceux de ne plus avoir peur seules la nuit, « peur de se faire juger, évaluer, interpeller, suivre, agresser, violer, arrêter… » explique le tract qu’elles distribuent aux passants, tantôt sceptiques, tantôt intéressés.