Célian Ramis
Mythos 2014 : Du tango à la sauce Ringer
Mercredi 16 avril, Plaza Francia se produisait sous le Cabaret Botanique, installé dans le parc du Thabor, à l’occasion du festival Mythos. Un voyage franco-suisse-argentin au pays du tango nourri à la musique électro.
L’album A new tango songbook n’était pas encore sorti (le 7 avril dernier) que Plaza Francia bénéficiait déjà d’un vent très favorable dans les médias. Et pour cause, cette nouvelle formation unit la voix mythique des Rita Mitsouko, Catherine Ringer, aux musiciens Eduardo Makaroff – à la guitare – et Christoph H. Müller – au synthé (connus pour être deux membres du groupe Gotan Project). À 22h30, les spectateurs se pressent et s’agglutinent à l’intérieur du Magic Mirror, dressé pour le festival Mythos.
Dans les rangs, on murmure que Catherine Ringer flânait cet après-midi sur les pelouses du Thabor, on exprime sa joie de retrouver la chanteuse des Rita Mitsouko et on trépigne d’impatience en attendant l’entrée des artistes sur la scène du Cabaret Botanique. À croire que sans Catherine Ringer, le projet n’aurait pas lieu d’être. Aurait beaucoup moins de saveurs. Attiserait certainement moins la curiosité.
Et pourtant, les musiciens portent aisément et brillamment l’essence même de cette formation. Accordéon, contrebasse, basse électrique, synthé et guitare, Plaza Francia allie et conjugue différents univers : celui, entre autre, du compositeur argentin, Astor Piazolla – considéré comme l’un des plus grands musiciens spécialistes du tango de la seconde moitié du XXe siècle – et celui de deux des musiciens du Gotan Project qui mêle tango et musique électronique. Une rencontre originale déjà expérimentée au début des années 2000, réunissant Brigitte Fontaine et Gotan Project sur une musique de Piazolla – qui donnera son nom à l’album de la reine des zazous, Rue Saint Louis en l’Île (2004).
On peut alors affirmer que Edouardo Makaroff et Christoph H. Müller aiment à rechercher et à combiner expérimentations musicales, personnalités déjantées et originalité. On assiste, ce mercredi soir, à un instant puissant et intense avec, au centre de la scène et de l’attention, une Catherine Ringer souriante, enthousiaste et tout en contrôle.
Elle impose sa présence de par sa prestance singulière et de par sa carrure d’abord rigide et gracieuse aux élans de danseuse de tango. Plaza Francia alterne les trois formes traditionnelles du genre musical. Entre tango, milonga et valse, le groupe y ajoute de la musique électronique donc mais aussi du swing et joue avec les variations de rythmes et de tempos.
La voix de Catherine Ringer se marie pleinement et rondement aux formes musicales proposées par les musiciens. Force, fragilité, parlé, émotion… celle qui a marqué les esprits à l’époque des Rita Mitsouko n’hésite pas à jouer de sa théâtralité pour se mouvoir et émouvoir.
Elle danse, tout en retenue dans les premiers instants avant de se laisser submerger par le brin de folie qu’on lui connaît et embarque même Eduardo Makaroff dans un début de tango. Mais elle n’hésite pas non plus à se tapir dans l’ombre pour laisser la lumière éclairer les musiciens dont les notes produites par le quatuor envoûtent et embarquent les festivaliers qui commencent timidement à bouger les hanches et taper dans les mains.
Ringer balance la sauce
La salle sera particulièrement chauffée lorsque la chanteuse remontera sur la scène, vêtue d’une nouvelle tenue. Parée d’une robe orange à paillette dorée, d’un châle dans les mêmes teintes couvrant ses épaules avant de rapidement les dénuder et coiffée d’un chignon soigneusement plantée sur le sommet du crâne, elle incarne son rôle avec sérieux et légèreté.
La musique de Plaza Francia est électrique, électrisante, lascive et dynamisante. Sans être révolutionnaire ou même novatrice et innovante, elle emporte le public sur les traces des grands airs argentins qui enlassent et embrassent le style très personnel de la chanteuse française délurée, qui reste malgré tout dans la maitrise et l’interprétation de l’art du tango. Plaza Francia termine le concert sur un hommage aux Rita Mitsouko en reprenant la célèbre chanson « Marcia Baila », l’histoire d’une chorégraphe argentine emportée par le cancer, marquant ainsi l’influence déjà présente dès le début de la formation – lancée avec son compagnon Fred Chichin, décédé en 2007 – du mélange des musiques et des rythmes d’ailleurs, teinté de rock français, à la sauce Ringer.