Célian Ramis

Mythos 2016 : Jain, cosmopolite et transgenre

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Festival Mythos, Rennes
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Jain était en concert le 23 avril dernier à Rennes. On se délecte d'une parole cosmopolite qu'elle transpose dans une musique transgenre colorée et joyeuse à laquelle on succombe instantanément.
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Après plusieurs coupures d’électricité consécutives affectant le site du festival Mythos, dans le parc du Thabor, Jain est montée sur la scène du Magic Mirror samedi 23 avril, pour un concert énergisant et sans frontières.

Son succès a été fulgurant. Fin 2015, elle sort son album Zanaka, après avoir sorti un EP intitulé Hope sur lequel figure le célèbre « Come ». En 2016, elle est nommée aux Victoires de la musique et enchaine les dates et festivals. Dont celui des arts de la parole, à Rennes. Et sa parole à elle est cosmopolite et se transpose dans une musique transgenre colorée et joyeuse à laquelle on succombe instantanément.  

Sur la pochette de son disque, Jain s’affiche dans sa robe noire au col blanc en déesse indienne à six bras. C’est au moins ce qui lui faut pour assurer le show qu’elle propose.

Seule sur scène, la jeune chanteuse nous invite au cœur de sa création artisanale, en loopant sa voix a capella et en reproduisant des sonorités électro en live.

Son one-woman-band détient une multitude de facettes transcontinentales qu’elle cultive depuis son enfance.

Originaire de Toulouse, elle passe ses premières années en France, apprend la batterie à Pau avant de s’initier aux percussions arabes entre Abu Dhabi et Dubaï et de s’influencer de l’afro-beat qu’elle découvre et intègre au Congo. Le titre de son album est un clin d’œil à l’héritage culturel de sa mère franco-malgache, Zanaka signifiant enfant en malgache.

Jain n’hésite pas à puiser dans toutes les richesses musicales qui se sont révélées à elle lors de ces divers périples. Et le résultat est sensationnel. On se délecte des ambiances tribales, des sonorités africaines tout comme de son phrasé emprunté au hip-hop américain. Le tout englobé dans une électro pop prenante qui oscille entre un sentiment d’urgence dans lequel la voix de la chanteuse se noie dans les samples et une sensation de bien-être envoutante et transcendante.

Ces musiques, très rythmiques entre les percussions et le synthé, sont faites pour danser. Son énergie est communicative et son partage avec le public, généreux.

En la voyant danser, sauter, bouger sur scène avec une telle envie d’emporter la foule dans son univers, on se libère d’un poids, on accepte le lâcher prise et le Magic Mirror se transforme rapidement en piste de clubbing.

Et la Toulousaine ne soigne pas uniquement sa musique d’une singularité désopilante mais aussi l’esthétique graphique et visuelle de son décor. Des écrans bordés de blanc et de dessins que l’on retrouve également sur ses instruments ou ses chaussures affichent des formes, des clips, des mots, qui soulignent et appuient l’univers éclectique de Jain avec un côté tribal et un style enfantin.

Car elle revendique sa jeunesse et ne rougit pas d’en faire partie du haut de ses 24 ans. Cela se ressent sur scène, elle assume sa musique et ses textes. Assume les changements d’ambiance et d’état, passant du djing fracassant à des instants plus calfeutrés comme lorsqu’elle prend sa guitare pour un moment privilégié et intimiste.

C’est là qu’elle révèle la pureté de sa voix légèrement éraillée et confiante.

Elle se montre aussi talentueuse dans le feutré que dans les beat animistes et nous hypnotise sans mal maniant parfaitement la dynamique de son concert très homogène niveau ambiance et chaleur et en même temps très mouvante dans les dimensions qu’elle fait prendre à ses chansons, capable de nous conter une balade presque folk aussi bien que de nous proposer un trek dans la jungle.

C’est certain, elle est une figure émergente de la nouvelle scène électro et s’impose comme une force douce. Elle invente son style qu’elle compose de ses influences internationales, principalement situées autour du continent africain, de sa voix soul et jazz et de là créé une ébullition des genres musicaux.

La voir à l’œuvre est fascinant. Pleine d’aisance, de naturel et de simplicité, elle souffle sur le cabaret botanique un vent de fraicheur et d’enthousiasme simple. Elle sollicite sans cesse son public qui répond avec une franche envie de participer.

Jain maitrise son show. Son organe vocal, comme sa machine et son clavier. Elle démontre ici qu’elle fait ce qu’elle veut, où elle veut, embarquant les spectatrices et spectateurs dans son monde généreux et stimulant.

Le jeu des lumières nous maintient dans cette atmosphère hors de l’espace et du temps, brisant les frontières entre les gens, les continents et les codes de l’électro. Entre les succès de son album Zanaka et les nouvelles chansons qu’elle teste directement sur son public, Jain se livre sans filtres et avec intelligence non pas à une démonstration ou à une performance mais à un instant de partage délicieux entre elle, sa musique et nous. Ça fonctionne, les barrières tombent, l’émotion circule et avec elle, les bonnes énergies libératrices et salvatrices.

Célian Ramis

Mythos 2016 : Coeur de Pirate, une pop plus voluptueuse

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Festival Mythos, Rennes
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En 2015, Cœur de Pirate dévoilait son album, Roses, et c’est avec ce dernier, composé principalement de chansons en anglais, qu’elle est revenue, le 20 avril, sur la scène de Mythos.
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En 2015, Béatrice Martin alias Cœur de Pirate dévoilait son nouvel album, Roses, et c’est avec ce dernier, composé principalement de chansons en anglais, qu’elle est revenue, le 20 avril dernier, sur la scène du festival Mythos pour la 3e fois.

Pour ce nouvel opus, la chanteuse québécoise tire un trait sur son côté vengeresse et conte l’Amour, son thème de prédilection, avec plus de positivisme et de recul. Une distance qui s’opère grâce à une écriture désormais plus internationale, dans la langue de Shakespeare.

Elle entre dans une ère plus pop, qui se détache de la poésie enfantine qu’elle avait l’habitude de proposer, devenue sa marque de fabrique, et qui lui permet de prendre de la hauteur.

Une élévation qui s’accompagne d’une gestuelle chorégraphiée orientée danse contemporaine. Mais qui tourne vite à la répétition. Comme si elle ne savait pas comment placer son corps lorsqu’elle s’extirpe de devant son piano.

Alors qu’en 2013 elle proposait, sous le Magic Mirror également à l’occasion d’une édition de Mythos, un piano/voix très sobre pour présenter son album Blonde, elle revoit ici sa copie et dévoile une nouvelle formule live qui fonctionne mieux.

Entourée de 4 musiciens à la guitare, à la basse, à la batterie et au synthé - dont les arrangements ont été réalisés par le trio Bjorn Yttling (Lykke Li, Franz Ferdinand, The Hives), Ash Workman (Metronomy) et Robin Ellis (PJ Harvey) - l’ensemble sonne dorénavant plus pop rock et plus aérien.

Et le live donne de l’amplitude et de la volupté à sa musique. Elle n’en oublie pas les classiques comme « Golden baby », « Pour un infidèle », « Adieu » ou encore « Comme des enfants », dont le refrain est repris en chœur par le public lors du rappel.

La nouvelle esthétique, faite de sobriété et de projections d’ombres, silhouettes et formes sur le fond de la scène, leur donne une nouvelle dimension. Les rythmes sont plus rapides, l’énergie est boostée, la batterie plus puissante.

Cœur de Pirate explore une nouvelle facette de sa personnalité. Peut-être plus sombre, sans toutefois s’attarder à nous dévoiler tous les recoins tarabiscotés de son âme. Peut-être plus mystique, aussi, sans pourtant oser le lâcher prise libérateur et libertaire.

On ressent encore de la timidité, qui s’entend particulièrement dans sa voix après la soirée de la veille réunissant sous le chapiteau d’abord Mansfield.TYA puis Jeanne Added, dont les organes vocaux sont majestueux, magnifiés, bruts. On la sent encore coincée, Béatrice Martin, dans une pudeur et des complexes dont elle commence tout juste à se délivrer.

Le contraste avec les chansons écrites en français sur des mélodies plus naïves et des textes plus (trop) jeunes dans la réflexion aux relations amoureuses est grand.

Le pont entre les dynamiques électro-pop et les poésies candides noie l’émotion dans une confusion face à cette évolution peut-être mal construite dans le set. On est secoués entre le passé et le présent dans des fractures maladroites qui finissent par nous lasser.

L’instant partagé n’est pas désagréable mais manque de saveurs inoubliables. Elle commence par nous happer et nous séduire de par sa nouvelle fraicheur annonçant une noirceur intérieure plus authentique, apaisée et conscientisée.

Puis nous suspend au dessus d’un précipice de doutes et de fragilité plus très assumée. Elle nous frustre de ce désir de la voir exploser, de la voir se frotter aux épines qu’elle revendique dans les roses noires qui figurent sur la pochette de son album. Ça manque de piquant.

 

 

Célian Ramis

Mythos 2016 : La majestueuse plénitude de Jeanne Added

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Festival Mythos, Rennes
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Elle est une révélation des Trans Musicales 2014, où elle s’était produite à L’Aire Libre – à St-Jacques-de-la-Lande – et ne va pas démériter son titre ce soir-là, au Thabor.
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Avec Mansfield.TYA, on prenait une claque, dans le Magic Mirror, installé dans le parc du Thabor à Rennes à l’occasion du festival Mythos, mardi 19 avril. Puis est venu le tour de Jeanne Added de monter sur scène. Sans broncher, on a apprécié de prendre une deuxième claque.

L’esprit du duo nantais règne encore sous le chapiteau à 22h30. Il est emprunt de rage, de force et de liberté. Jeanne Added n’a qu’à souffler sur les braises pour faire jaillir les flammes de la foule qui s’entasse et l’acclame dès que les lumières s’éteignent. Elle est une révélation des Trans Musicales 2014, où elle s’était produite à L’Aire Libre – à St-Jacques-de-la-Lande – et ne va pas démériter son titre ce soir-là, au Thabor.

D’entrée de jeu, l’artiste rémoise entame « Be sensational », également titre de son album. De par sa voix, elle impose la fascination. De par l’ensemble instrumental, composé d’une batterie, de percussions, d’un clavier et d’une basse, elle fabrique un climat sombre et inquiétant. Le tout résonne profondément dans tout l’espace du lieu.

Ses chansons sont puissantes, mélodiques, et dégagent un sentiment de plénitude. Lorsque sa musique atteint notre corps, elle nous pénètre, nous imprègne et on y succombe rapidement. Sans présenter aucune résistance. L’album de Jeanne Added et sa prestation scénique sont hypnotiques, planants et électrisants. Quasi mystique.

La noirceur des textes sonne comme une évidence à l’écoute du disque. En live, les morceaux prennent une autre dimension. La puissance de la pop électro est magnifiée, la voix, toujours aussi maitrisée, est amplifiée, l’émotion est décuplée. Les vibrations de la batterie et les sonorités organiques du clavier viennent augmenter les sensations de frisson que Jeanne Added procure à travers sa puissance et son empreinte vocale mais aussi son énergie incroyable qu’elle délivre sans concession.

L’explosion est immédiate. Ça boue et ça éclabousse tous les recoins du Magic Mirror. La chanteuse, également auteure-compositeure, maintient son public dans une envie de la suivre, de l’accompagner dans son univers qu’elle a bâti durant de nombreuses années et qu’elle a su inventer pour trouver son chemin et sa place. Une envie de sortir tout ce que l’on a à l’intérieur. Assortie d’une furieuse nécessité de délivrer cette urgence de nos viscères.

Parce que chez elle, ça sort des entrailles. Noirceur et douceur s’entremêlent et s’enlacent dans un savant mélange à vous émouvoir aux larmes.

À l’instar du titre « Look at them » durant laquelle la voix vous hypnotise pour mieux vous percuter de manière incisive et frontale. Brutale. Tout comme sa chanson « A war is coming ».

On passe alors d’une impression de flotter dans les airs sans avoir jamais envie de remettre un pied à terre à une sensation de danger imminent.

Ça déraille, sa voix s’éraille, l’énervement surgit comme un cri d’alarme, un cri des tripes, un cri impulsif. Mais peu importe la chanson qu’elle interprète, elle crée avec talent et maitrise des fractures dans les ambiances, les rythmiques et les émotions.

On passe d’une décharge d’électro acidulé à une explosion post punk qui asperge tout sur son passage. On convulse, on transpire et on sue. Pourtant rien y fait, la musique de Jeanne Added s’incruste dans la peau jusqu’à atteindre le cœur de notre âme et de notre esprit. Elle lâche les chiens et transforme la scène du Cabaret botanique en scène de fin du monde. Tout est en mutation, le son, la voix, les lumières. Jusqu’à ne plus résister du tout afin d’être élevé-e-s par la pureté de « Suddenly » chantée en chœur avec ses musiciennes.

On finit comme on a commencé. En complet lâcher prise, guidé-e-s par l’énergie bouillonnante de la chanteuse et de son groupe. Bercé-e-s par un sentiment de plénitude.

 

Jeanne Added : La rencontre et le chemin vers soi

YEGG : Les médias parlent de renaissance artistique, de musique de la réinvention. La bio sur votre site indique le parcours d’une émancipation artistique. Est-ce que vous êtes d’accord avec ces définitions ?

Jeanne Added : Pas tout à fait. Je dirais que c’est un chemin vers soi. Ça prend du temps, ça demande de la confiance pour aller à sa propre rencontre. Mais je ne parlerais pas de renaissance ou d’émancipation. Plutôt de chemin qui dure toute la vie, qui se précise au fil du temps.

YEGG : Vous avez étudié au Conservatoire de Paris puis à la Royal Academy de Londres. Vous avez toujours eu cette envie de musique ?

J.A. : Oui, c’est quelque chose de mouvant. J’ai eu accès à la musique dès 5-6 ans. J’ai une chance immense. J’ai appris à lire quasiment en même temps que la musique. Après, ça vient doucement. Quand on est enfant ou ado, le conservatoire c’est un peu « rien à foutre ». Puis le désir est né. J’ai eu la chance d’avoir des parents intelligents qui m’ont laissée partir à Paris après le bac et m’ont laissée faire pour voir où ça allait. C’est un désir un peu fou à suivre quand il arrive. J’ai une grande chance, j’y suis allée et après 2 ans à Paris, j’étais conquise, je ne me posais plus la question.

YEGG : Aux Trans 2014, vous dites « lever le voile sur une personnalité trop corsetée dans des univers trop polis ». Puis affichez la volonté d’arrêter de chanter les chansons des autres, de chanter autrement. Pas poliment. Y a souvent la notion de politesse…

J.A. : C’est pas poli dans le sens de politesse vraiment. C’est qu’au fur et à mesure, je change. C’est normal, on bouge tous. À un moment donc je ne correspondais plus à ce que je faisais (jazz et reprises, ndlr).

YEGG : Vous exprimez également l’envie et le besoin de prendre la parole. On peut parler de la musique comme moyen d’expression, vous, vous insistez sur la prise de parole. Pourquoi ?

J.A. : Ce n’est pas la prise de parole en soi, dans le sens ce n’est pas dans ce que j’ai à raconter que ça a une importance. Mais c’est un circuit très court, de moi à moi. J’avais ce besoin d’ouverture et l’écriture me permettait ça. J’ai écrit ce que j’avais à l’intérieur. J’avais besoin de cette énergie.

YEGG : Le fait d’être une femme a-t-il été un frein ?

J.A. : On a tous des histoires différentes mais personnellement je dois dire que je n’ai pas eu de difficulté par rapport au fait d’être femme. Ou alors c’est si bien intégré et ancré en moi que je n’y ai pas fait attention… Mais je ne suis pas naïve, je vois bien le système patriarcal, je ne me fais pas d’illusions. Moi, je dois dire que je n’ai pas souffert de ça ou alors je ne m’en rends même pas compte.

YEGG : Jamais lors de votre parcours ou d’une interview par exemple vous avez senti une différence de traitement parce que vous êtes femme ? Certaines artistes ont parfois la question de « l’écriture féminine », pas vous ?

J.A. : Je n’ai pas de réponse à ça. Je ne sais pas ce que veut dire féminin ou masculin et encore moins l’écriture féminine. Après, je sais qu’au niveau technique musicale, on demande plus aux femmes qu’aux hommes. Ça c’est certain.

YEGG : Votre album Be sensational est composé d’électro dark et d’espoir. Quel message souhaitez-vous faire passer ? Le titre est très parlant…

J.A. : Ce n’est pas le même sens pour le titre de l’album et le titre de la chanson. Le graphiste a posé ce titre sur la pochette pour essayer. J’ai trouvé que c’était le bon titre. Il me correspond. Pas parce que je suis merveilleuse. La question, c’est celle de comment s’autoriser à aller plus loin, la question de l’exigence envers soi. Dans ce monde en particulier. Je sens que l’on est dans une ère où on nous demande de nous en foutre, on nous endort beaucoup. Dans un monde tel qu’on l’a détruit…

YEGG : C’est un peu « la guerre approche » ?

J.A. : Elle est déjà là dans plusieurs pays ! Mais dans ma chanson, je parle d’autres guerres. Les guerres intérieures car je pense qu’il ne faut plus faire l’économie de ça. Ça peut paraître tristoune dit comme ça sur l’album mais c’est l’inverse. Je pense que c’est par la responsabilité dans la façon de vivre, de consommer, que l’on découvre beaucoup de joie, de liens de l’humain. Ça donne de la valeur aux choses. C’est de rester assis dans son coin qui est source de tristesse.

YEGG : Après un long parcours, un long cheminement pour trouver le courage d’être soi, de trouver sa place et de prendre la parole, le succès est arrivé et la critique vous encense. Comment le vivez-vous ?

J.A. : Ça ne change pas ma vie au quotidien. Ça change des petites choses sympas, ça me donne des moyens pour bien bosser et continuer mon chemin. Je me dis que les choses fonctionnent peut-être quand on s’aligne à soi. On est fait de plein de strates. Je suis très musicale dans ma façon de penser mais quand on est aligné, ça résonne plus.

YEGG : Pour terminer, un petit mot sur Rennes. Une ville sentimentale pour vous j’imagine…

J.A. : Oui, c’est très fort. J’ai pas arrêté d’en parler lundi soir. J’ai gavé Jean-Louis Brossard en le remerciant. C’est incroyable ce qui s’est passé ici pour moi. Donc c’est vrai que c’est très important.

Célian Ramis

Mythos 2016 : Tendre vers le sublime avec Mansfield.TYA

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Festival Mythos, Rennes
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Des contrastes francs, un sentiment d’ulcération, une musique électro baroque… Le 19 avril, les artistes nantaises de Mansfield.TYA ont dévoilé un concert poignant et viscéral, dans le parc du Thabor.
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Des contrastes francs, un sentiment d’ulcération, une musique électro baroque… Mardi 19 avril, à l’occasion du festival Mythos, les artistes nantaises de Mansfield.TYA ont dévoilé un concert poignant et viscéral, dans le parc du Thabor, à Rennes.

Duo basé sur la voix et le violon, Mansfield.TYA conte la rage au ventre les humeurs profondes et les tourments de l’existence. Avec franchise et poésie. A cappella, toutes les deux, elles chantent : « Seulement voilà je me fais chier / La vie est triste sans bourreaux / (…) Dans le monde du silence, je m’emmerde. » Et nous, on est ravi-e-s qu’elles brisent le silence et qu’elles l’ouvrent.

Dès la première chanson, introduite par une partie instrumentale qui unit le violon à une puissante électro anxiogène, les deux artistes donnent le ton. Ce qui se traduit par une grosse claque dans la gueule.

Les notes aigues de l’instrument à cordes, joué par Carla Pallone, mêlées à la voix singulière de Julia Lanoë, parfois amplifiée, et juxtaposées aux boucles musicales, traduisent un sentiment d’urgence, d’ulcération. Un besoin de sublimer l’indicible, d’exprimer l’ineffable et de le transposer dans un langage qui leur est propre.

Le grain de folie qui les nourrit a poussé en une dizaine d’années et continue d’être cultivé. Par une forme de désillusions, de désespoir, de mélancolie, de blessures. Mais aussi de joie, de désir de fuir, de craintes, de constats, d’espoir, etc. Et tout cela a été cristallisé sur des disques et notamment leur dernier album, Corpo inferno.

Sur scène, elles voguent entre les émotions brutes, les balades hypnotiques et les atmosphères apocalyptiques, passant des unes aux autres de manière totalement assumée, un brin facétieuse et jouissive, sans toutefois malmener le public qui se laisse bringuebaler les yeux fermés, démontrant une complète confiance en le talent des deux musiciennes emprises de liberté et poussées par une fraicheur rock à couper le souffle.

Adeptes des musiques minimalistes, elles ouvrent leur art à ce qui existe de plus noir, de plus beau comme de plus fragile. L’être humain dans toutes ses complexités, ses paradoxes et ses failles, le rapport à l’autre, à l’espace et au temps.

Et au-delà de l’écriture onirique et franche d’écorchée vive de Julia Lanoë mise en perspective et valorisée par les compositions musicales et les arrangements live, elles laissent transparaitre entre elles des regards profonds qui dénotent une complicité véritablement émouvante et puissante. Et imposent une présence scénique magnifique.

De cette synergie jaillit une déferlante d’énergie rebelle et transcendante. On pourrait craindre un arrière-goût de morosité et de dégoût d’un quotidien trop fade. Mais non, c’est tout le contraire. Mansfield.TYA dégaine sa musique acide, sans nuance et sans fausseté. Dans la retenue, néanmoins.

Ça donne envie de se lâcher, de se libérer, d’exploser. De se saisir de l’esprit clubbing instauré par la chanson « Jamais jamais », suivie de l’impétueuse et insaisissable « Bleu lagon », pour retourner à l’état sauvage avant l’apothéose du final qui monte en crescendo vers un univers post apocalyptique sur « La nuit tombe ».

Elles livrent bataille avec férocité, envie et plaisir, et partage avec le public leur victoire. Celle de sublimer l’horreur sans jamais transmettre une fausse émotion. Tout est dans les tripes et la poésie. La pureté.

 

Mansfield.TYA : « Les femmes sont sous-représentées »

YEGG : Être femme dans le secteur de la musique est difficile. Est-ce que vous avez déjà pâtit d’être un duo de femme ?

Julia Lanoë : On pâtit d’être qualifiées de duo féminin alors qu’on ne le préciserait pas pour des hommes.

Carla Pallone : C’est tellement rare qu’il faut le préciser…

J.L. : C’est très important que les petites jeunes se décident à arriver dans le secteur et osent. Car les femmes ont leur place. Faut les aider, les encourager.

C.P. : Pour notre premier concert, on nous a proposé un concert non mixte. Je ne suis pas à l’aise avec ça.

J.L. : La non mixité, ça fait un peu ghetto. Après, on comprend par exemple le festival Les femmes s’en mêlent. Les femmes sont sous-représentées. Si on prend les festivals de l’été et que l’on gomme les hommes, ils restent quoi ? Même pas 4 groupes… C’est vrai !

C.P. : Y en a marre des groupes de mecs qu’avec des mecs. Mais je n’ai pas envie de tomber dans des trucs très radicaux. On adore Les femmes s’en mêlent et en fait ce qu’il y a c’est que c’est triste que ce soit nécessaire encore aujourd’hui. C’est vrai que la création féminine n’est pas bien représentée. C’est très long de faire changer les mentalités. Par exemple, les femmes ne sont jamais productrices. Les hommes sont les super producteurs. Nous, on fait notre album toutes les deux, on dira jamais de nous qu’on est productrices. Un autre exemple : on a fait un album remix en faisant attention à mettre aussi bien des hommes que des femmes. Résultat : seuls les hommes sont cités, on ne nous parle que d’eux, aucune femme... (Elle s’adresse à Julia) Tu te souviens de l’Italie ? (Elle se tourne vers nous) On faisait une tournée en Italie. Julia parle bien anglais, moi italien. On était avec des potes qui eux ne parlaient que français. Et bien pour la technique, ils allaient voir nos potes. Ils ne nous parlaient pas !

YEGG : Est-ce que c’est un sujet qui vous inspire pour vos chansons ?

J.L. : Faut exister, faut qu’on existe. Mais on a envie de parler d’autres choses que de ça dans nos chansons.

YEGG : Entre deux albums, vous dites prendre le temps. Prendre le temps de vivre, de faire de la musique avec d’autres projets, de ne pas vivre au rythme de l’industrie musicale. Vous tenez à votre indépendance, vous êtes d’ailleurs dans un label indépendant, Vicious cercle. C’est encore possible aujourd’hui de prendre le temps et de ne pas correspondre au rythme de l’industrie de la musique ?

J.L. : C’est une autre forme de combat de prendre le temps. Pour le bien-être, c’est essentiel.

C.P. : Je dirais que c’est là une question d’honnêteté.

J.L. : On ne court pas derrière la célébrité ou l’argent. Y a plein d’autres choses dans la vie.

C.P. : On se donne le luxe du temps.

YEGG : Pour aborder votre nouvel album, Corpo Inferno, la pochette montre le visage de la déesse Hygie. L’album précédent, Nyx, faisait référence à la déesse de la nuit. Pourquoi cet attachement à des figures mystiques ?

J.L. : Parce que Dieu est une femme. Et en même temps, à mort Dieu. (Rires) Et vous avez vu, la femme est encore déesse du ménage et déesse de la nuit. La nuit, c’est moins bien vu que le jour. Faudrait regarder les fonctions des dieux et les fonctions des déesses. Nous on a encore une fois les fonctions nulles. Le ménage !

C.P. : C’est pas le ménage, c’est l’hygiène ! (Rires) Ça montre une certaine intemporalité dans nos albums et nos visuels en réalité.

YEGG : Concernant cet album, vous dites assumer de passer d’une chanson plus calme à une chanson plus violente, sans forcément fil conducteur. Pourquoi ce choix ?

C.P. : Pourquoi faudrait toujours se priver et se restreindre ? On est libres !

J.L. : On a fait ce qu’on aimait en fait.

YEGG : Qu’est-ce qui a évolué dans votre manière de travailler depuis le début de votre formation ?

J.L. : Les méthodes d’enregistrement ont changé. On peut maintenant tout faire soi-même. On a aimé pouvoir composer et enregistrer en même temps. C’est agréable, c’est un luxe.

C.P. : On a notre studio, c’est pratique. Je nage mieux maintenant, c’est ça qui a évolué. (Rires)

YEGG : C’est votre fameuse manière de fonctionner : travail matin et soir et entre-temps, vous nagez…

J.L. : Oui, c’est ça. Ça nettoie l’esprit de nager. Quand on a trop le nez dans le guidon, c’est pas bon pour la création.

C.P. : Ça nous épargne de certaines nervosités.

YEGG : Comment définiriez-vous votre formation ?

J.L. : Un duo basé sur le violon et la voix. On a mis du temps à s’en rendre compte mais c’est vraiment ça.

Célian Ramis

Mythos 2016 : Ala.ni, chanteuse de berceuses rétro

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Festival Mythos, Rennes
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La musicienne londonienne s’est installée sous le chapiteau du Cabaret botanique, lundi 18 avril, le temps d’un concert à l’occasion du festival Mythos.
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Elle a été la choriste de Mary J. Blige, d’Andrea Bocelli ou encore de Damon Albarn. C’est ce dernier, le chanteur de Blur et Gorillaz, qui va l’encourager à poursuivre sa route en solo. Après 4 EPs saisonniers, elle réunit ses compositions sur son album You & I, et après avoir passé le week-end au Printemps de Bourges, la musicienne londonienne s’est installée sous le chapiteau du Cabaret botanique, lundi 18 avril, le temps d’un concert à l’occasion du festival Mythos.

C’est une ode à la douceur, une balade entre les époques, que propose Ala.ni. Une berceuse d’hier à la sauce d’aujourd’hui. Ou l’inverse. Sans ringardise ni fioriture ou artifice. Au contraire, sa musique est épurée. Pour un rapport intimiste à son instrument privilégié, la voix. Un guitariste et une harpiste l’accompagnent, alternant trio et duo, en toute simplicité.

Avec « Cherry Blossom » et « Ol’ fashioned kiss », elle donne tout de suite le ton de son univers si singulier et inattendu. Sa voix, limpide et soprano, sonne jazz et blues. Elle qui admire Billie Holiday et vénère son défunt grand-oncle chanteur de cabaret dans l’entre-deux-guerres, s’inscrit aujourd’hui dans la lignée des figures jazz des années 40. Et va même jusqu’à cacher de moitié son visage derrière un micro allemand des années 30, dont elle ne se sépare jamais en tournée.

Mélodieuses et rétro, les berceuses que nous conte Ala.ni oscillent entre légèreté,  douceur et puissance. La londonienne, dont les parents sont originaires de Grenade, petite île des Caraïbes, sourit, virevolte, exécute quelques pas de valse, rit beaucoup et adopte tantôt une attitude d’enfant survolté, tantôt une gestuelle théâtrale style Broadway un peu timide. Au départ seulement. Ses bras prennent rapidement leur envol, et les arabesques fantasques se dessinent dans l’air des mouvements effectués.

Et quand elle prend une posture de pin-up, debout, appuyée sur son haut tabouret, une jambe pliée, le talon vers le ciel, ce n’est pas un flash back qui se présente à nous, ni une réincarnation de Marylin. C’est elle. Ala.ni. Chemise blanche et auréoles sous les bras (« Ce n’est pas attirant du tout mais au moins vous savez que je bosse dur », plaisante-t-elle), jean troué, chaussettes roses montantes et baskets. Pas d’apparat de diva. Juste une femme généreuse et authentique qui chante l’Amour.

Elle impose le silence dès lors qu’elle délivre les premières notes des chansons. Seul un léger filet de voix transperce ce silence apaisant. Elle ne suspend pas le temps, elle le rend supportable, gai et mémorable. Même quand elle entame la partie plus sombre et néfaste du sentiment amoureux et du romantisme mutilant.

Viennent alors les sublimes « Roses and wine », « Darkness at Noon » ou encore « Suddenly », des chansons qui se rapprochent dans leur intro et leur substance dramatique du célèbre titre de Nancy Sinatra, « Bang bang – My baby shot me down ». Et de par les complaintes vocales dont elle démontre la puissance, Ala.ni invente une manière de pleurer en chantant et crée une langue bien à elle, saisie de cet univers rétro qui tend pourtant vers une véritable modernité.

Et même quand le soufflet retombe, quand l’ennui désire s’installer, elle relance la sauce, redonne du rythme. Elle s’illustre alors dans un registre différent, nettement plus rock, avec une reprise de Richi Havens. « Freedom » insuffle un sentiment particulier qui tourbillonne sous le chapiteau. « Je prends de sa liberté pour la mettre en moi et pour vous en donner un peu », explique-t-elle. Et ça marche. On apprécie le retour à son propre style, scintillant et élégant, fragile et fortifiant.

Rien de surprenant à ce qu’elle clôture cet instant délicieux par une chanson des années 30 en français, « Parlez-moi d’amour » de Lucienne Boyer, reprise en chœur par le public qui apprécie l’effort, paroles devant les yeux, sur un pupitre placé devant l’artiste rétro-moderne aux berceuses envoutantes.

Célian Ramis

Looking for Alceste, enquête sur les misanthropes modernes

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Théâtre de l'Aire Libre, Saint-Jacques-de-la-Lande
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Qui sont les misanthropes d’aujourd’hui ? Ces individus qui, selon la définition, détestent et méprisent le genre humain, Nicolas Bonneau nous les raconte, entouré de deux musiciennes de talent, Fannytastic et Juliette Divry.
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Qui sont les misanthropes d’aujourd’hui ? Ces individus qui, selon la définition, détestent et méprisent le genre humain, Nicolas Bonneau nous les raconte avec son écriture et sa singularité, entouré de deux musiciennes, Fannytastic et Juliette Divry, et en compagnie du plus fascinant des misanthropes que la langue de Molière ait connu. Et c’est au théâtre de l’Aire Libre, à St-Jacques-de-la-Lande que l’artiste a dévoilé sa nouvelle création, Looking for Alceste, les 2 et 3 mars.  

De son enfance durant laquelle il jouait avec un copain dans une cabane à sa fête d’anniversaire pour ses 41 ans, en passant par sa rencontre avec Molière à l’atelier théâtre du lycée, par la chute du mur de Berlin et la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, Nicolas Bonneau tricote un spectacle puissant, aussi personnel qu’universel. Le conteur, comédien et auteur nous livre, à travers ses yeux d’enfant, d’adolescent et d’adulte quadra, un sujet qui traverse le temps et les sociétés.

Looking for Alceste, sa nouvelle création, est adaptée de l’œuvre de Molière Le Misanthrope ou l’Atrabilaire amoureux. Ça pourrait être chiant de replonger dans les classiques. Ça ne l’est pas. Car Nicolas Bonneau transpose la problématique posée par le dramaturge, dénonçant l’hypocrisie des hommes et femmes de la Cour, à notre époque actuelle, cherchant à comprendre qui sont les misanthropes modernes. Correspondent-ils encore à la définition philosophique qui en a été faite ?

Il semblerait que oui. La misanthropie survenant à la suite de désillusions profondes, et souvent violentes, de l’être humain, cet art n’est sans crainte pas en voie d’extinction. Le conteur ne se réfère pas à Platon et Socrate mais préfère moderniser la comparaison à l’amitié telle qu’elle est portée par les films de Claude Sautet, cinéaste des années 70.

« Je me méfie des petites lâchetés, des mesquineries, des manquements, des moqueries… », déclare-t-il, incarnant un personnage souvent blessé et trahi par ses ami-e-s. Mais je ne suis pas un ami irréprochable non plus. Pour mes 40 ans, j’ai décidé de prendre de la hauteur. »

À LA RECHERCHE DES ALCESTE

De là nait le misanthrope, au départ bercé d’illusions et d’espoirs en une Humanité qu’il voudrait voir blanche, la noirceur apparente le portant à la haine envers le genre humain. Bonneau, dans Looking for Alceste, ne va alors ni copier le personnage de Molière ni singer Luchini qui l’incarne et le modernise dans Alceste à bicyclette. Il part à la rencontre des personnes marginales, isolées de la société.

Tout comme dans Ali 74, le Combat du siècle, le comédien-auteur-conteur révèle sa force dans une écriture singulière, composée de tableaux et très proche du documentaire. L’artiste nous propose un sujet qui le touche et le fascine et nous embarque avec lui, nous guidant face aux divers personnages qu’il présente, que ce soit l’ancien reclus chez lui entre ses cartes, ses bouquins de philo et ses carnets intimes, l’ermite solaire et solitaire en symbiose avec la nature ou encore l’activiste investie dans la vie de la ZAD (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes contre le projet d’aéroport.

Sans jugement ni leçon de morale, il raconte leurs modes de vie, leurs états d’esprit et des bribes de leurs parcours. Loin de l’image de l’être monstrueux qu’a pu attribuer la philosophie à la misanthropie, Nicolas Bonneau apporte un discours nuancé de gris dans cette vision manichéenne de la société et de l’humanité. Et on ne peut résister à dire que son spectacle est grisant.

LES FAIRE RÉSONNER

Et le créateur de Looking for Alceste ne se contente pas de nous restituer le contenu des entretiens réalisés lors de son enquête. Avec une pointe d’humour, il les met en scène, les incarne, les poétise, les met en parallèle des mots de Molière, ceux-là même qui « ont résonné en moi », qui ont rejoint « les mots que j’écrivais dans mon journal intime ».

Il crie alors son envie de liberté, d’être soi-même, d’oser être libre, en passant par le divan de la psychanalyse tout comme en s’asseyant dans un pré au cœur d’une société éphémère créée entre misanthropes qui bougent pour un monde supposé meilleur plutôt que de broyer du noir sans agir.  

Pour soutenir cette structure ambitieuse et insolite, Nicolas Bonneau s’entoure de deux musiciennes : Fannytastic, au piano et au chant, et Juliette Divry, au violoncelle. Et c’est là que la création tend à s’envoler vers le grandiose. Si la presse insinuait que le conteur passait dans la cour des grands avec Ali 74, il prouve ici que son talent ne s’arrête pas à une seule pièce et se déplace dans des formes qu’il ne cesse d’inventer.

PRÉSENCES IMPOSANTES

Les deux artistes imprègnent la scène de leur présence particulière, quasi divine, emprunte d’une aura aussi envoutante qu’intrigante et angoissante. Comme une mauvaise augure. Mais aussi comme une bouffée d’air frais, une respiration chaude. Signes de la tension dramatique, elles instaurent un climat baroque sur cette nouvelle œuvre de par le talent de la violoncelliste dont les notes graves flirtent avec la voix puissante et inattendue de la chanteuse.

Fannytastic dévoile son organe vocal que l’on pourrait comparer à celui de l’auteur-compositeur-chanteur américain Tom Waits et manie aussi bien les graves que les aigues à la manière d’une poupée désarticulée et automate. Et son souffle est comme le vent qui s’engouffre doucement dans les branches des arbres peuplant une forêt mystique et mystérieuse dans laquelle règne le calme et la solitude. L’accompagnement musical des cordes frottées ou pincées par Juliette Divry renforce cette atmosphère et fait résonner le texte de Nicolas Bonneau, écrit en collaboration avec Cécile Arthus et Camille Behr, comme une exergue.

Les artistes féminines travaillent de concert avec le conteur, formant ainsi un trio indissociable et indispensable à la beauté et force de la pièce. Chaque personnage est pourvoyeur d’une dose de misanthropie, plus ou moins exacerbée. L’œuvre est éclatante de vérités et Nicolas Bonneau le souligne au commencement de sa création : « Je dis toujours la vérité mais je ne dis pas toute la vérité. »

 

Nicolas Bonneau et Fannytastic présenteront une version acoustique de Ali 74, le Combat du siècle, le 22 avril (Ali acoustique : spectacle d’ores et déjà complet) à l’occasion du festival Mythos, qui se déroulera du 15 au 24 avril 2016.

Célian Ramis

Waed Bouhassoun, Amour en terres syriennes

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Opéra de Rennes
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Entre émotions personnelles fortes et poésie de grands auteurs arabes d’antan, l’Opéra de Rennes accueillait mardi 23 février la chanteuse et oudiste syrienne Waed Bouhassoun.
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Dans le cadre des Divas du monde, l’Opéra de Rennes accueillait mardi 23 février la chanteuse et oudiste syrienne Waed Bouhassoun. En toute simplicité, l’artiste a livré émotions personnelles fortes alliées à la poésie de grands auteurs arabes d’antan.

La Syrie a marqué de son empreinte la musique arabe, notamment grâce à sa tradition de poésie écrite et orale. Waed Bouhassoun s’en saisit pour son deuxième disque et premier projet solo. La configuration du seule en scène, avec son oud ou a cappella, assise devant son micro, instaure une relation intimiste.

Du oud, elle en joue depuis ses 7 ans. Initiée à cet instrument par son père, elle commence les concerts en Syrie dès l’âge de 10 ans. « Quand je fais des concerts, c’est pour chanter pour le plaisir. Et pour le partage de moments de plaisir entre nous tous. Mais j’ai toujours 2 personnes à l’esprit. Mon père déjà. Malgré la situation difficile en Syrie, il me demande toujours comment va l’oud. Et je lui réponds que ça va, je travaille avec lui. Mon père, c’est celui qui me donne le courage de continuer. », raconte-t-elle à la fin du spectacle, en français.

Si la jeune syrienne maitrise la langue française, c’est qu’elle connaît bien le pays,  la capitale bretonne notamment qu’elle a découvert pour répéter une pièce de théâtre, puis Paris là où elle a poursuivi ses études en ethnomusicologie. Au sein de l’Opéra de Rennes, c’est à sa terre natale qu’elle songe et à qui elle dédie ses chansons, composées autour de textes de grands poètes, dont Adonis, un des plus célèbres auteurs de son pays.

MAITRISE DE SES INSTRUMENTS

Avec le oud, elle joue sur les rythmes et les ambiances. Douce et sereine dans sa première intro, elle va ensuite accélérer le tempo pour faire ressurgir l’urgence ressentie et développer la tension dramatique. Et de sa voix grave et chaude, elle maitrise les moindres recoins. Variant l’intensité de son organe vocal avec beaucoup de simplicité et d’authenticité.

Waed Bouhassoun manie sans artifice les modulations du chant arabe, ce qui lui vaut d’être assimilée à des grands noms de la chanson arabe des années 30, comme l’artiste égyptienne Oum Kalthoum. Et de sa musique, la chanteuse syrienne dégage émotions vives et blessures profondes. Parmi lesquelles s’entremêlent nostalgie, douleurs, souffrances, pureté et profondeurs de l’âme.

PARTITION SENSIBLE

Elle chante la passion, extraite d’un poème de l’andalou Ibn Arabi (XIIe – XIIIe siècles), met en musique l’esprit mystique du persan Djalâl ad-Dîn Rûmî (XIIIe siècle) et incarne la poésie libératrice de l’andalouse Wallada Bint al-Mustakfi (Xe et XIe siècles). Et s’inspire également du poète bédouin Qays Ibn al-Mulawwah dit « le fou de Layla » (VIIe siècle) pour déclamer son amour à Damas, ville qu’elle chérit pour y avoir vécu sa jeunesse.

L’atmosphère intimiste de ce concert renforce la transmission des émotions. Le public, attentif, est suspendu aux lèvres de la musicienne. L’instant est intense, la concentration est de mise. Et le tout se décuple lorsque l’artiste se détache de son oud. Les silences, les respirations et les souffles haletants qui surviennent à la fin d’une phrase, deviennent des éléments musicaux à part entière de la partition a cappella, les corps se crispent, tendus par les expressions faciales de la chanteuse et se délassent.

VOYAGE SENSORIEL

Elle marque solennellement des temps de pause entre les chansons. Mais ne parle pas. L’échange briserait l’instant cristallin qui semble ne tenir qu’à un fil. La tension est palpable, fragile. Waed Bouhassoun nous happe et nous enveloppe dans un cocon chaleureux dans lequel on ressent tous les frémissements d’un voyage mouvementé. Si la frustration de ne comprendre les paroles nait au début du concert, elle en fait son alliée pour nous guider de ses émotions pures. Comme une découverte sensorielle, les yeux bandés.

On s’imprègne alors d’ambiances, de sensations et de sons. On s’enivre de la musicalité d’une langue syrienne ancienne, modernisée par la jeunesse de son interprète. Les vibrations des cordes résonnent dans tout le corps et la voix qui joue d’intensités diverses provoque une bulle qui vient nous entourer le crâne et les oreilles.

Lorsque sonne la fin du concert, Waed Bouhassoun salue également, après avoir parlé de son père, un couple rencontré à Rennes. « J’ai ma famille en Syrie et ma famille ici », déclare-t-elle avant d’entamer sa première chanson en français en demandant au public de fredonner le refrain.

La langue française s’associe aux rythmiques arabes, formant deux âmes qui s’entrelacent et virevoltent dans les airs. Les fredonnements montent et s’élèvent pour aller côtoyer les cieux bretons de l’Opéra. La chanteuse et oudiste conclut sur une dernière composition qui braque les pensées vers les terres syriennes à qui elle chante son amour et l’Amour.

Célian Ramis

Trans Musicales 2015 : Monika, déferlante de bonne humeur

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Parc Expo, Rennes
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Samedi 5 décembre, dernier soir des Trans au Parc expo de Rennes. Monika assure le show et prouve que sa notoriété en Grèce est justifiée de par son talent.
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Samedi 5 décembre, dernier soir des Trans Musicales au Parc expo de Rennes. À peine 1% de femmes programmées sur l’ensemble des 4 halls. Pour chance, mais qui n’excuse en rien cette inégalité, Monika a assuré le show et prouvé que sa notoriété en Grèce, son pays d’origine, était justifiée de par son talent.

Depuis l’annonce de la programmation des Trans, sa chanson « Secret in the dark » – également titre de son 3e album, sorti le 13 novembre – circule. Disco entrainant, on se prête au jeu, on se déhanche et on imagine que son concert sera un enchainement de chansons du genre.

Monika Christodoulou nous prouve que l’on avait tort de penser ainsi. Car la chanteuse grecque dévoile une palette bien plus nuancée et plus complète que cela et gère le rythme de son set de manière à nous la faire découvrir sans lenteur, sans redondance et sans frustration.

Pour son premier concert en France, elle foule la scène des Trans Musicales, accompagnée d’un batteur, d’un trompettiste, d’un bassiste et d’un guitariste. Les sonorités jazzy se mélangent à des premiers morceaux folk rock qu’elle alimente d’une belle voix grave qui résonne dans le hall 3, rempli de spectateurs-trices envouté-e-s par la proposition.

L’ambiance est paisible sur les premières notes. Le public est saisi par la particularité de ce qui pourrait s’apparenter à un hymne porté simplement par la voix, et soutenu par la batterie qui intensifie la profondeur du chant. Monika, debout, droite, main sur le cœur, air grave. On ne peut décoller le regard de la chanteuse et se concentrer sur rien d’autre que la pureté de ce qu’elle renvoie en émotion. Une émotion forte et poignante, renforcée par la vision de son poing serré, tremblant, et de sa musculature contractée.

Elle enchaine en se rapprochant du public, descendant dans l’espace réservé aux photographes séparant le public de la scène, pour une « song d’amour ». Et éloignée de son micro durant une poignée de seconde, elle fait entendre la beauté de sa voix saisissante, à laquelle elle mêle ballade romantique et sonorités traditionnelles, lors d’un instant magique qui marque nos esprits.

De retour sur la scène, elle sonne le coup d’envoi vers des chansons teintées de disco. Musique et danse se mélangent, une bulle se forme autour du hall, le temps s’arrête, on vit l’instant présent sans penser à rien d’autre. Munie de sa guitare, elle balance un disco empli de funk tout en gardant son empreinte vocale rock et soul. Rien ne bascule jamais dans la démonstration et l’équilibre du groove et de l’émotion, transmise à travers une sensation de bien-être, nous fait chavirer.

Le côté Madonna dans Evita à la fenêtre pour entamer « Don’t cry for me Argentina » au début de la chanson « Shake your hands » est magistral et immédiatement suivi d’une rupture dans le rythme du morceau. La voilà qui sautille et parcourt la scène en dansant, derrière les musiciens. Une déferlante de bonne humeur a envahi l’espace de notre bulle et le public, timide au départ, reprend le refrain avec plaisir et enthousiasme.

Son spectacle est fort, percutant, emprunt de sensualité dont elle ne joue pas ni n’abuse dans un jeu de séduction naturel. De la spontanéité, Monika en déborde, rien ne semble too much et on apprécie son lâcher prise, même quand elle oublie les paroles et se ressaisit avec force et rage pour livrer au public les dernières notes de son concert qui se clôt, après l’excellente « Secret in the dark », sur une chanson qui allie une intro sonnant légèrement à la Abba, des airs traditionnels grecs et une partition très rock sur la suite.

Pour son premier concert en France, la chanteuse-musicienne marque les esprits du public des Trans Musicales. Son énergie communicative séduit instantanément et ne nous quitte pas de la soirée. Une révélation qui nous laisse sans voix mais nous emplit d’espoir et d’optimisme.

Célian Ramis

Trans Musicales 2015 : L'art de la différence

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Parc Expo, Rennes
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Deuxième soir aux Trans Musicales, premier soir au Parc expo de Rennes. Une programmation éclectique et féminine pour ce jeudi 3 décembre.
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Deuxième soir aux Trans Musicales, premier soir au Parc expo de Rennes. Jeudi 3 décembre, les halls se sont animés au son des concerts éclectiques de la programmation. Et à la venue de quelques artistes féminines.

3SOMESISTERS – HALL 3

C’est le groupe que l’on retiendra dans cette soirée. Anthony, Bastien, Florent et Sophie marquent les esprits de par leur univers singulier et original. Coiffes et boucles d’oreilles bleues, robes-toges et attitudes de divas, la quatuor soigne l’esthétisme de son show et interpelle.

« Au départ, nous n’avions d’envie farouche de travestissement. Nous voulions être dans la tradition des groupes vocaux qui s’appellent « sisters quelque chose ». Et pour cela, il fallait ressembler à des sisters. », rigole le groupe avant d’expliquer l’envie de décalage, de ralliement visuel autour de l’outrancier. Et si leur paraître se teinte d’humour derrière un transformisme réfléchi, le lien et la cohérence avec la musique ne sont jamais rompus : « Car la musique, c’est la base de notre projet. On était bien plus doués pour la musique mais nous avons développé ces créatures en parallèle. »

Dès les premières notes, les 3somesisters imposent le silence. La voix est grave et n’est pas sans rappeler la signature vocale de Depeche Mode. Munis de claviers, de percussions et de voix maniées à souhait, ils mêlent électro, soul et dance des années 90 (le groupe ayant commencé par réaliser des cover des tubes 90’s comme « Free from desire » ou « I like to move it ») et s’en font les ambassadeurs modernes.

Car leurs arrangements ne sont pas restés perchés deux décennies en arrière. Loin de là. La pop transgenre des 3somesisters puise aussi bien dans le baroque que dans les sonorités ethniques et tribales. Les harmonies de leur voix, les polyphonies majestueuses, leur maquillage style aztéco-égyptien, et leurs attitudes de madonnes des banlieues populaires forment un ensemble homogène sans faille, jouant du décalage avec la modernité de leur proposition et entretenant le côté urbain-streetwear.

« On est de partout de par nos origines, de par les milieux dont nous sommes issus. On était tous musiciens. On a chacun fait des musiques du monde. », arbore fièrement le quatuor. Les emprunts ethniques seraient donc la matérialisation de ce qu’ils sont. Et en fin d’interview, Sophie exprime également le bien fondé d’explorer son côté féminin. Ce qu’il apporte va au-delà de la question du sexe et du genre.

« Je suis plutôt masculine à la base et ça m’a beaucoup apporté. On devient alors des individus. Il n’y a plus de distinction. », conclut-elle. 3somesisters, un groupe composé de 4 personnes donc, et non pas de 3 hommes et une femme. C’est ce qu’il en ressort sur scène où chaque diva androgyne est magistrale. Les membres du groupe s’amusent de la théâtralité de leurs personnages, tenant leurs rôles à merveille. Une démarche qui n’est pas incompatible avec le partage et la générosité de leur groove entrainant et enthousiasmant.

 

GEORGIA – HALL 8

Elle aurait pu devenir footballeuse professionnelle, nous signale le programme des Trans Musicales. Mais son amour pour Missy Elliott lui fait prendre la voie de la musique et de la batterie pour accompagner sa compatriote britannique Kate Tempest.

Celle-là même que l’on découvrait l’an dernier, un jeudi soir également des Trans, dans un hall voisin.

La jeune artiste se différencie de la poétesse anglaise dans un hip hop plus épuré et moins émotif. Pourtant, elle ne semble pas manquer d’émotions et d’inspiration mais les contient encore peut-être trop à l’intérieur en faveur d’une puissance vocale largement démontrée.

Georgia est néanmoins loin de n’avoir que sa voix comme talent puisqu’elle a réalisé, seule, son premier album dans lequel elle personnalise son univers. Des sonorités synthétisées, des notes tribales, du trip hop et une voix légèrement criarde, elle souligne très rapidement son style métissé.

Des arguments qui sèment l’incompréhension dans nos esprits face à une émotion peinant à circuler. Pourtant, l’enthousiasme et la présence de Georgia sont au rendez-vous et son envie de le partager avec son public - « le plus gros public devant lequel j’ai joué ! » - apparaît comme une évidence.

On l’attend dans la confidence, dans le déversement de ses tripes, encore trop calfeutré derrière une musique énergique et dynamisante.

Mais lorsqu’elle s’installe à la batterie, le concert prend une autre ampleur. L’énergie monte, l’intensité que l’on attendait s’amplifie jusqu’à exploser.

Georgia, confiante derrière son premier amour musical, lâche prise et nous embarque dans une intimité viscérale sans limite jusqu’à casser une partie de son instrument – « C’est comme ça à chaque fois que je joue de la batterie, je suis une fille puissante » - et lancer ses baguettes dans le public.

« I’m so London », déclare-t-elle, à l’aise, comme soulagée, délivrée d’un poids. De l’appréhension, certainement. Ne reste plus qu’à démarrer son concert de la même manière.

 

QUEEN KWONG – HALL 3

Repérée par Trent Reznor, leader de Nine Inch Nails, la californienne Carré Callaway est Queen Kwong. Une reine déjantée qui assure le show et entretient la caricature de la rockeuse désinvolte et survoltée.

Sur la scène, elle enchaine les allers-retours, d’un pas rapide et énervé, et les mouvements épileptiques d’un corps qui semble envahi et hanté par un trop plein d’émotions. Guitares et batterie crachent d’emblée des notes rock et une énergie puissante s’en dégage.

C’est explosif et furieux, corrosif aussi. Dans les textes comme dans la composition musicale. L’urgence agressive. La chanteuse et guitariste a quelque chose d’impulsif, et semble prête à imploser à cause d’une démangeaison incessante et gênante. Presque invivable.

Hormis une gestuelle qui paraît un brin superficielle, fruit d’une ébullition constante qui peine à jaillir à travers le corps, la musicienne démontre une maitrise de son concert.

Alternant entre sons agressifs et parties plus alternatives, quasi sereines. Entre voix de Lolita, parlé psychédélique et cris de « bad girl ».

Elle manie la puissance de son organe vocal mais également celle de son show, l’intensité n’en finissant pas d’accroître, allant de la scène, à la table du dj set, installée juste devant, pour finir debout sur la barrière de la fosse avant de se laisser tomber dans la foule.

Surprenante, Carré Callaway va là où on ne l’attend pas avec un final un peu mystique, a cappella et alimenté de respirations haletantes, marquant la fin de sa folle course.

 

Célian Ramis

Trans Musicales 2015 : L'électro planante de Louise Roam

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L'Aire Libre, St Jacques de la Lande
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Premier jour des Trans Musicales. Au théâtre de L’Aire Libre, c’est l’artiste Louise Roam qui a nous a régalé de sa musique électro-aérienne.
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Premier jour des Trans Musicales, mercredi 2 décembre. Au théâtre de L’Aire Libre, à St-Jacques-de-la-Lande, c’est l’artiste Louise Roam qui a inauguré la 37e édition du festival et nous a régalé de sa musique électro-aérienne en première partie du groupe Paradis.

Parmi les one-women-bands, on retient Ladylike Lily, Mesparrow, Peau ou encore Tiny Feet pour n’en citer que quelques unes. Respectivement, Orianne Marsilli, Marion Gaume, Corinne Faillet et Emilie Quinquis. On peut maintenant y ajouter Louise Roam, le projet solo d’Aurélie Mestre.

Ce mercredi 2 décembre, sur la scène de L’Aire Libre, elle présente les chansons de son premier EP, dévoilé au printemps dernier, Raptus. Un titre qui présage une musique mouvementée, un raptus désignant une impulsion violente et soudaine pouvant conduire un sujet délirant à commettre un acte grave (homicide, suicide, mutilation, précise Le Petit Robert).

Et l’artiste compositrice-chanteuse-musicienne décolle dès les premières notes de sa première chanson, « Solsken », vers une douce transe. Debout devant un mur d’écrans bleutés qui réduit l’espace scénique de manière à créer un instant intimiste avec le public, elle s’impose, majestueuse, entre ses deux claviers et consoles.

Les sonorités organiques renforcent le côté sombre de l’électro signé Louise Roam qui traduit à travers ses textes et son chant amplifié une sorte de libération. « Je raconte à travers des personnages fictifs, des moments de ma vie. Des moments pendant lesquels j’avais envie de m’échapper d’une réalité. De coller à quelque chose de mystique. C’est une ode à la fuite en avant à travers des moments d’extase. », raconte-t-elle dans une interview accordée au site Sourdoreille (www.sourdoureille.net), le 1er juin 2015.

Pari réussi lorsqu’elle enchaine sur des notes de violon ou lorsqu’elle crée des moments bruts, uniquement à la voix ou uniquement à l’instrumentale. Elle ne se prive de rien, surtout pas d’explosion de sons maximalistes, notamment lors de sa dernière chanson « Raptus » où elle monte en intensité, soutenue par les spots lumineux au plafond et le néon au sol.

Sa scénographie est soignée, rien n’est laissé au hasard. La neutralité de son look, toute de noir vêtue, pantalon, chemise et Doc, et les lumières feutrées et froides de la scène nous concentrent sur les airs, tantôt électro-futuristes, tantôt planants, de sa musique singulière. On se laisse aisément emmené-e-s dans les contrées musicales qu’elle nous propose et qu’elle appelle les soundscapes (« paysages sonores »).

Ce voyage est une initiation à l’inconnue, une découverte apaisante d’une musique pourtant agitée et emprunte d’émotions vives sur lesquelles elle semble prendre du recul et s’en affranchir pour les partager, en toute pureté.

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