Célian Ramis

Solidarité sous les toits de Rennes

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À l’heure où se loger devient un problème majeur en France, l’hébergement solidaire semble apporter une aide temporaire aux personnes en difficultés.
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Chaque année, l’Ille-et-Vilaine accueille près de 11 000 nouveaux habitants. A l’heure où se loger devient un problème majeur en France, nous nous sommes intéressés à l’hébergement solidaire, qui semble apporter une aide temporaire aux personnes en difficultés. Présentation de deux associations qui œuvrent dans la Capitale bretonne : Rennes Hébergement et Habitat et Humanisme 35. 

Lors de la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, les 10 et 11 décembre 2012, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault a présenté les axes principaux du plan pluriannuel contre la pauvreté. Un plan adopté le 22 janvier 2013 par le Comité interministériel contre les exclusions.

Parmi les points importants, l’hébergement, avec la création de 4000 places pour les situations d’urgence et la mise en œuvre d’une garantie universelle des risques locatifs, pour les travailleurs précaires et les jeunes. Mais à quoi peut-on prétendre pour se loger temporairement à moindre coût ?

UNE COLOCATION PARTICULIÈRE

Rennes Hébergement répond à un besoin précis : trouver un logement rapidement pour une courte durée. Depuis 2003, Françoise Koné et Sandra Blandin proposent des séjours temporaires chez l’habitant, à Rennes et aux alentours. « L’objectif est de permettre aux personnes ayant peu de ressources financières, comme celles en situation de précarité, des étudiants qui payent un double loyer en venant suivre une formation de quelques semaines à Rennes ou des jeunes informés d’une mission en intérim du jour au lendemain, de trouver une solution pour la nuit », explique Françoise, la coordinatrice de l’association.

Le principe est simple : la personne concernée remplit un formulaire sur le site en expliquant son projet et la durée souhaitée. Elle va ensuite être mise en contact avec un propriétaire adhérent au réseau. Elle bénéficiera alors d’une chambre de minimum 9m2 ainsi que des lieux de vie commune ainsi que d’un petit-déjeuner pour 18 euros par nuit. Une cotisation annuelle, à hauteur de 10 euros, est demandée au locataire, 15 euros au propriétaire, qui, lui, paiera aussi un droit d’entrée de 25 euros.

« Si on fait une moyenne générale sur l’ensemble de l’année, les hébergés restent 8 nuitées par mois. Nous sommes là pour répondre à des besoins extrêmement flexibles »
explique la coordinatrice.

Fabienne, qui fait partie des 130 hébergeurs de l’association, est propriétaire d’une maison de 160m2, composée de 4 chambres individuelles et d’un jardin : « Je peux accueillir plusieurs personnes, et c’est ce que je fais depuis 2006 avec cette association. C’est un avantage pour moi car toute seule, j’aurais du mal à payer les charges. Les revenus dûs grâce à la location me permettent de ne pas avoir d’ennuis financiers. Mais au-delà de cet aspect, c’est une véritable expérience de partage ! »

Plus de 450 demandes pour bénéficier de cette alternative, qui s’approche légèrement de la colocation inter-générationnelle, sont enregistrées chaque année. Si certaines n’aboutissent pas toujours, peu de conditions sont exigées. « On discute avec les propriétaires afin de déterminer leurs attentes et leur faire des propositions adéquates. Il est rare qu’ils aient des contraintes. Parfois, dans les cas de divorce par exemple, il arrive que des femmes ne veuillent pas accueillir d’hommes », explique Francoise Koné. Les locataires sont souvent des jeunes. En effet, les moins de 30 ans représentent 45% des hébergés.

Le réseau d’hébergement chez l’habitant n’est pas l’unique activité de Rennes Hébergement qui propose aussi d’accueillir des personnes en situation urgente dans la résidence sociale, Les Ajoncs, située rue Gaston Tardif à Rennes. Six appartements, en théorie, huit dans la réalité, sont gérés par l’association, financée en partie par Rennes Métropole, la Ville, la CAF ou encore le Conseil général 35. « Cette résidence est un sas pour les personnes en difficultés, pour une durée de six mois, qui n’ont pas encore pu accéder à un logement social en priorité », précise la coordinatrice. Un accompagnement, avec le Centre communal d’action sociale, des travailleurs sociaux ou des associations partenaires, peut être mis en place sur demande du résident.

SOUS-LOCATION SOLIDAIRE

Il y a 25 ans, le père Bernard Devert créait la fédération nationale Habitat et Humanisme, qui regroupe aujourd’hui 54 associations. Depuis 10 ans, une antenne départementale existe en Ille-et-Vilaine. Philippe Boquien, qui en est le président, explique : « Le principe général est d’essayer de s’attaquer au problème du mal logement, à la suite de l’appel de la Fondation Abbé Pierre ». C’est aussi d’apporter une solution complémentaire au dispositif proposé par Rennes Métropole et les Agences immobilières à caractère social :

« Ce dispositif est assez efficace dans l’ensemble et assez complet pour l’hébergement social. Mais, même si la situation est moins tendue que dans d’autres villes, nous sommes là pour élargir cette offre. »

Concrétement, Habitat et Humanisme loue un bail aux propriétaires qui propose un bail de 3, 6 ou 9 ans. Quelques conditions sont exigées : « Il faut qu’ils connaissent l’association et en partagent les valeurs et que les logements soient situés dans des quartiers qui favorisent la mixité sociale ». Et côté financier, ils devront aligner le loyer sur les loyers sociaux pratiqués par la Ville, « soit environ 6 euros le m2 pour Rennes ».

Les propriétaires doivent bien évidemment présenter un hébergement propre et en bon état. Ils peuvent, s’ils le souhaitent, effectuer des travaux de réhabilitation et de rénovation en constituant un dossier auprès de l’Agence nationale de l’habitat qui pourra les aider financièrement : « Nous pouvons les aider à remplir les papiers ».

Pour les personnes souhaitant bénéficier des appartements, l’association demande à ce qu’elles soient en attente d’une place en HLM. Quand elles accèdent à une location, elles signent une Convention d’occupation temporaire à durée déterminée, renouvelable selon les besoins. « On peut prolonger le contrat mais il faut bien penser que c’est un passage temporaire, qui n’a pas vocation à s’éterniser », insiste le Président d’Habitat et Humanisme 35.

ENTRE LE FOYER ET LE LOGEMENT "ORDINAIRE"

Une pension de famille, située rue Papu à Rennes, est gérée par Habitat et Humanisme et dispose de 18 logements individuels. « Elle est accessible aux personnes qui bénéficient des minimas sociaux, qui ont souvent un parcours un peu lourd, qui nous sont orientées par la Commission locale de l’habitat », explique Philippe Boquien. Aucune place n’étant actuellement disponible, les candidats sont placés sur liste d’attente et doivent passer un « entretien » pour démontrer sa motivation et son projet.

« Nous examinons très sérieusement les demandes de chaque personne car nous souhaitons préserver un équilibre entre les hommes, qui sont plus nombreux à connaître des situations difficiles, et les femmes. Aussi, nous prêtons attention aux difficultés rencontrées par les uns et les autres pour ne pas additionner les problèmes mais au contraire anticiper sur la vie sociale future », nous dit-il. Chaque bénéficiaire accède à un habitat d’environ 25m2 avec une chambre, une salle de bain et une cuisine.

En fonction de la superficie, le loyer peut changer mais il s’élève en moyenne à 430 euros. « On reçoit le montant qu’il reste une fois qu’ils ont perçues leurs aides, que ce soit la CAF, les allocations, le RSA ou des pensions. Pour certains, cela couvre 80% du loyer », commente Philippe.

Au rez-de-chaussée, des parties communes sont faites pour organiser des animations collectives. Le but est de créer du lien social « en proposant des repas, des sorties, des ateliers. Intégrer la pension de famille permet de retrouver la capacité à se prendre en main. C’est un sas entre le foyer et le logement « ordinaire » ». À l’inverse des logements loués par Convention d’occupation temporaire, les résidents n’ont pas de contrainte de durée de séjour. « Certains sont capables de partir au bout d’un an, et ça c’est positif ! », conclut Philippe Boquien.

Retrouver les infos pratiques à la fin de ce focus.

Fabienne*, propriétaire adhérente de Rennes Hébergement depuis 2006.

« Des amis m’ont parlé de Rennes Hébergement, ça m’a donné envie de participer. J’ai donc contacté l’association pour m’engager là-dedans. Ma maison, avec le jardin, fait 160m2, on a largement la place de vivre à trois ou à quatre sans se marcher dessus. C’est formidable ce que cette expérience apporte : l’échange avec les autres, le partage !

Je découvre plein de cultures différentes car je loge des étrangers qui viennent pour travailler ou étudier. Libanais, algériens, allemands, grecs, indonésiens, vietnamiens… et j’en passe ! Chaque semaine on essaye de se faire un repas pour être ensemble et discuter. On noue des liens très forts. Par exemple, cette année, je pars en Indonésie dans la famille d’une des locataires. Alors tant que je pourrais faire ça, je le ferais ! »

Cyndie, locataire adhérente de Rennes Hébergement pour la première fois.

« Depuis octobre dernier, je suis une formation en cuisine au lycée Louis Guilloux, à Rennes, pour réaliser mon projet : ouvrir une crêperie. J’ai cours quatre jours par semaine, je dors donc trois nuits par semaine dans le logement proposé par l’association. Ensuite, je rentre chez moi à Morlaix retrouver mon mari et mes deux filles. Le dispositif est pratique et efficace, j’ai été logée en une semaine ! Puis, j’ai dû changer de logement, c’était prévu.

On m’a tout de suite attribué un autre endroit, dans lequel je vais rester jusqu’à début juin. La cohabitation se passe bien, je suis assez discrète, je passe du temps dans ma chambre mais on discute le soir et je me sens comme à la maison. Beaucoup plus tranquille qu’à l’auberge de jeunesse ou à l’hôtel. Et moins cher. »

* La personne souhaitant garder l’anonymat, le prénom a été modifié.

Du côté des structures plus connues du grand public, les solutions se multiplient pour répondre au problème du mal-logement. Coup d’oeil sur les aides apportées par Rennes Métropole, Un Toit c’est un droit et la CAF.

Rennes Métropole : Chaque année, la métropole consacre environ 40 millions d’euros à l’habitat, dont une grande partie destinée à la réhabilitation du parc immobilier ancien. Dans l’agglo, c’est près de 44 000 logements qui sont destinés aux plus précaires. Et les pouvoirs publics se fixent un objectif de 1000 toits supplémentaires construits par an. Des solutions qui répondent à un constat : pour Gilles Dreuslin, responsable du pôle dispositifs de solidarité à Rennes Métropole, “il y a une paupérisation et une hausse des demandes” (1200 en 2010, 1800 en 2012).

Pour faire face à cet engorgement, deux fillières ont été mises en place: le droit commun et le relogement social prioritaire. Si la première établit une liste d’attente pour l’accès au logement, la deuxième, elle, donne la priorité aux situations d’urgence comme par exemple une famille monoparentale vivant des minima sociaux, soit près de 30% des dossiers.

Service habitat social : 02 23 62 16 30

metropole.rennes.fr

 

Un toit c’est un droit : L’association “Un toit c’est un droit”, née en décembre à la suite d’une scission avec Droit au logement 35 met l’accent sur les situations critiques. À travers des actions parfois controversées, comme par exemple les réquisitions de bâtiments publics, le collectif entend proposer des solutions plus durables que le 115, numéro d’urgence sociale géré par la préfecture. Les “gros squats” sont, selon Carole Bohanne, membre fondatrice du mouvement, un moyen de “rendre visible la précarité de certaines personnes”, et dans un premier temps, de “mettre les gens à l’abri”, leur première vocation.

Ils permettent aussi de se poser environ 6 mois, ce qui est énorme pour eux!”, ajoute Carole Bohanne. Autre solution : la solidarité. Grâce à un réseau établit dans tout le département, des propriétaires en lien avec l’association proposent aux sans domicile un accueil gracieux dans des gîtes ruraux pour quelques semaines.

untoitundroit35.blogspot.fr

 

Caisse d’allocations familiales (CAF): La CAF propose comme, son nom l’indique, différentes aides financières dont l’objec­tif est d’apporter un soutien au règlement du loyer. Tradi­tionnellement appelée «APL», l’aide personnalisée au loge­ment n’est en réalité qu’une des trois allocations proposées par la CAF. En effet, cette alloc est réservée aux locataires de logements conventionnés (la convention étant passée entre l’État et le propriétaire). La deu­xième ressource proposée est l’Allocation au logement familial qui prend en compte le nombre d’enfants à charge par le foyer.

Enfin, la dernière mouture bien connue des rennais : l’Allocation logement social (ALS). Réservée aux personnes seules et aux étudiants, l’ALS représentait, à Rennes, plus de 21000 dossiers au 31 décembre 2011, soit près du tiers des demandes propres à la capitale bretonne. L’attri­bution des aides par la CAF dépend du revenu ou encore de la surface du logement.

0 810 25 35 10

www.35.caf.fr

Propriétaires : les règles à respecter

 • Pour intégrer Rennes Hébergement, il suffit de contacter l’association via le site ou par téléphone. Le locataire doit pouvoir disposer d’une chambre, seul, d’une surface de minimum 9m2. Une visite des lieux sera obligatoire. Vous signez un engagement, après lecture de la charte qualité, et payez la somme de 25 euros de droits d’entrée, plus une cotisation annuelle de 15 euros. Sur les 18 euros payées par le locataire, par nuitées, vous reversez 1,50 euro à Rennes Hébergement par nuits réservées et 35 centimes au Trésor Public, selon un calendrier tenu par Rennes Métropole.

• Pour intégrer Habitat et Humanisme, il est impératif de connaître l’association et d’en partager les valeurs de partage et de solidarité. Il faut aussi accepter d’aligner le loyer sur les loyers sociaux pratiqués sur la ville de Rennes. L’appartement qui est mis en location doit être bien isolé et en bon état. Une fois votre proposition acceptée, Habitat et Humanisme signe un bail de 3, 6 ou 9 ans, à votre choix. Vous pouvez contacter Habitat et Humanisme en Ille-et-Vilaine par téléphone ou par mail.

 

Locataires : les conditions d’accès au logement

• Pour bénéficier du réseau de Rennes Hébergement, une fiche est à télécharger sur le site et à retourner remplie, avec une description de votre projet. Le temps maximal de location de la chambre est de six mois renouvelables en accord avec le propriétaire et l’association. Vous vous engagez à adhérer à Rennes Hébergement à hauteur de 10 euros pour la cotisation annuelle et à payer 18 euros par nuitées à l’hébergeur directement. 

• Pour bénéficier d’un logement proposé par Habitat et Humanisme, il faut déjà avoir fait une demande d’hébergement en HLM ou en Agence immobière à caractère social et être en attente d’une réponse. Lorsque vous accédez à une location, vous signez une Convention d’occupation temporaire à durée déterminée, renouvelable selon vos besoins et votre situation. Le montant du loyer dépend ensuite de la superficie de l’appartement.

 

www.rennes-herbergement.fr, rennes.hebergement@no-log.org ou 02 99 14 49 68 – Permanences du lundi au vendredi de 9h30 à 12h30 sur rendez-vous et de 14h à 18h au 9 rue Gaston Tardif, 35 000 Rennes.

http://www.habitat-humanisme.org/ille-et-vilaine, ille-et-vilaine@habitat-humanisme.org ou 02 99 27 76 92 – Permanence le mardi de 14h à 17h au 6 rue de l’Hôtel Dieu, 35 000 Rennes.

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