Célian Ramis

Marche féministe à Rennes : "Machos ! Machos ! Vous nous cassez le clito !"

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Rennes
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« La société enseigne « Ne vous faites pas violer » plutôt que « Ne violez pas » », « Un enfant est un choix. L’IVG est un droit », « Une femme voilée agressée, c’est toutes les femmes qui sont visées ».
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« La société enseigne « Ne vous faites pas violer » plutôt que « Ne violez pas » », « Un enfant est un choix. L’IVG est un droit », « Une femme voilée agressée, c’est toutes les femmes qui sont visées ». Hier soir, mardi 18 mars, était organisée une marche féministe non-mixte, à l’initiative de trois syndicats étudiants de Rennes 2 – SLB Skol Veur Roazhon, CNT-FAU et Solidaires étudiant-e-s Rennes. Un objectif en tête : se réapproprier l’espace public, de nuit.

C’est à l’heure où tombe la nuit qu’elles ont décidé de se rassembler sur la place de la Mairie ce mardi. Plusieurs dizaines de femmes ont répondu à l’appel des syndicats étudiants et formé un cercle autour des pancartes qui seront ensuite brandies fièrement lors de la marche.

Sur le papier, elles sont lesbiennes, trans, bisexuelles, hétéras, queers, intersexuées, grandes, noires, communistes, libertaires, maquillées, mères, sœurs, bretonnes, filles d’immigrées, libertines et bien d’autres choses encore. Et tout en même temps.

C’est l’idée qui est portée au travers de ce mouvement, organisé à l’occasion du mois du féminisme, par l’université Rennes 2. « Le but est de se réapproprier la rue en tant que femmes, dans n’importe quelle tenue, dans n’importe quel lieu », s’écrie Leila, du syndicat Solidaires étudiant-e-s Rennes, dans le mégaphone avant d’ouvrir la marche. Il est 19h30 et le cortège, composé d’une soixantaine de personnes selon les forces de l’ordre, s’élance dans la rue d’Orléans, pour rejoindre les quais avant de remonter la rue de la Monnaie, la place des Lices, la place Sainte Anne pour terminer rue Legraverend, au bar 1675.

La non-mixité comme outils de lutte féministe

Pendant une heure, la manifestation féministe revendique les droits des femmes parmi lesquels figurent ceux de ne plus avoir peur seules la nuit, « peur de se faire juger, évaluer, interpeller, suivre, agresser, violer, arrêter… » explique le tract qu’elles distribuent aux passants, tantôt sceptiques, tantôt intéressés.

« Sur le trajet, un homme nous a traité de sales putes et nous a fait un doigt d’honneur. Ce n’est pas évident de mobiliser autour du féminisme et d’expliquer pourquoi la marche est non-mixte. Certains hommes, et certaines femmes, ont du mal à le comprendre », précise Leila. Le choix de n’autoriser que la gente féminine à défiler marque une volonté de libérer la parole et l’espace pour les femmes : « Aujourd’hui, on considère l’égalité femmes-hommes acquise mais c’est justement dans ce genre d’événement que l’on se rend compte que c’est faux. La non-mixité est un outils de lutte féministe qui permet de comprendre à quel point on intègre au quotidien l’oppression masculine ».

Selon les participantes, marcher entre femmes permet d’oser prendre la parole, d’oser crier des slogans et d’oser s’assumer. Hier soir, elles refusaient donc de se laisser enfermer dans les stéréotypes et carcans infligés, selon les discours, par la société. Le message est clair et direct : elles veulent être libres dans leur corps, dans leur sexualité, dans leur mode de vie, dans leur manière d’être et dans leur manière de s’habiller.

Un point qui a fait l’actualité ces derniers jours avec l’histoire de Jack parker, blogueuse et ex-rédactrice en chef du site Madmezoille.com, qui raconte le 13 mars avoir été agressée sexuellement dans le métro parisien. Un « quadra lambda » faufile sa main sous la jupe de cette femme et enfonce ses doigts dans son entrejambe, à travers le collant. Certains commentaires sexistes ont été publiés par l’hebdo Les Inrocks – article du 17 mars 2014 « Agressée sexuellement dans le métro, une blogueuse est accusée d’avoir porté une jupe », www.lesinrocks.com.

Des slogans radicaux ?

Ce soir-là, les militantes peuvent marcher sur la route, de nuit, sans craindre le discours réprobateur des juges de la bienséance et des contrôleurs de l’image des femmes. Et défiler avec fierté, dans une ambiance décontractée et joyeuse. Elles scandent en chœur des slogans qui ont le mérite d’être francs et directs et qui pourraient être qualifiés de radicaux pour certains. « Machos ! Machos ! Vous nous cassez le clito », « À bas, l’hétéro-patriarcat ! » ou encore « Non c’est non ! La prochaine fois, ce sera un coup de cutter dans ta bite connard ».

Une violence à la hauteur de leur colère face aux disparités qui subsistent, voire qui se creusent davantage dans la société actuelle, entre les femmes et les hommes. Une violence qui démontre aussi leur volonté de se démarquer et, par ce message, de se libérer de cette emprise dominatrice. « L’idée est que chacun et chacune puissent circuler dans l’espace sans avoir peur et puissent se charger de comment se défendre », explique Pauline, qui marche à quelques pas d’une militante tenant la pancarte « Ne me libérez pas, je m’en charge ».

La jeune femme fréquente les milieux militants et les collectifs féministes informels. Elle a eu vent de la marche par le bouche à oreille et a souhaité participer. Pour elle, la lutte « passe aujourd’hui par le militantisme mais ça devrait être évident ! » Au cours du mois du féminisme, plusieurs actions sont organisées telles qu’une chorale féministe, des interventions des sages-femmes toujours mobilisées ou encore un débat sur le sexisme à l’université.

Célian Ramis

Accoucher chez soi, une liberté remise en cause

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L’accouchement assisté à domicile est menacé et il devient difficile de trouver des sages femmes qui le pratiquent.
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Depuis plus de cinq mois les sages femmes sont en grève et poursuivent les manifestations, à Rennes. Elles revendiquent le statut de praticien hospitalier. En parallèle, l’accouchement assisté à domicile est menacé et il devient difficile de trouver des sages femmes qui le pratiquent.

80 à 90% des naissances ont lieu à domicile, dans le monde. C’est seulement après la Seconde Guerre mondiale que l’accouchement à l’hôpital s’est peu à peu généralisé dans les pays occidentaux. Les progrès techniques et médicaux ont été tels, notamment depuis les années 70, que la grossesse et la naissance sont devenus aujourd’hui surmédicalisées, surtout en France. Simultanément, l’accouchement assisté à domicile (AAD), encore assez répandu en Europe du Nord – aux Pays Bas, en Grande-Bretagne, en Belgique ou encore en Allemagne – est mal perçu dans notre pays, considéré comme archaïque, dangereux, inconscient.

Aucune étude n’a pourtant prouvé qu’il augmente les risques. « Dans le cas d’une grossesse normale, dite physiologique, sans mauvaise position du bébé ou du placenta, sans diabète gestationnel, avec une bonne préparation, l’AAD offre plus de confort, de confiance et de liberté à la femme et les suites de couches sont vraiment mieux vécues », confie Katell Chantreau, 37 ans. Elle a mis au monde ses trois enfants chez elle, à Rennes, et a réalisé le documentaire Fait Maison qui suit la grossesse et l’accouchement à domicile de son amie Kate Fletcher (http://film.fait.maison.free.fr/).

Au début des années 2000, l’AAD a connu un regain d’intérêt dans notre pays, « C’est une réaction logique face aux excès. Les femmes ne veulent plus de cette surmédicalisation. Elles ont pris conscience qu’elles pouvaient « consommer mieux » leurs grossesses et leurs accouchements, elles ont plus de discernement de ce côté là, plus de réflexion, elles ne subissent plus. Souvent, elles ont eu un premier mauvais vécu, elles ont été déçues, frustrées voire traumatisées », confie Emmanuelle Oudin, une des deux sages-femmes qui pratiquent l’AAD en Ille-et-Vilaine.

Liberté de choix

« À la maison, si on est bien préparé, si la sage-femme connaît bien le couple, cela supprime un tas d’éventuelles complications. On peut prendre un bain, se détendre, ça change beaucoup de choses. On choisit sa position ! Et cette liberté posturale n’est pas négligeable. Si je devais militer pour quelque chose, ça serait pour ça ! En outre, les pères sont plus impliqués. Et puis il y a moins de baby blues ! », insiste Katell pour défendre l’AAD tant décrié.

La jeune femme pense que son documentaire a le mérite d’alimenter la réflexion et le débat sur les différents modes d’accouchement et surtout de poser cette question : « Est-ce un droit d’avoir le choix ? ». Or, aujourd’hui, selon elle, on n’a, en France, de l’accouchement et de la grossesse qu’une vision pathologique. Un sentiment fortement partagé par la professionnelle brétillienne :

« Nous sommes formatées à l’école, on ne nous apprend que le culte de la peur, le principe de risque, alors que partout ailleurs en Europe l’AAD fait partie de la formation ». Pas étudié, mal vu, l’AAD est aujourd’hui remis en cause par une loi datant de 2002.

L’AAD remis en cause

La loi Kouchner de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé prévoit que les sages-femmes pratiquant l’AAD soient assurées. Jusqu’ici rien d’anormal. En 2011, un rapport de la Cour des Comptes, d’autre part élogieux pour les sages-femmes, a mis le doigt sur le fait que sur les 72 sages-femmes pratiquant l’AAD en France à l’époque, seulement 4 étaient assurées.

« Oui, car les assureurs nous demandent des sommes exorbitantes ! 20 000 euros en moyenne par an. Impossible », explique la sage-femme.

Ces primes sont en effet calquées sur les accouchements à risque, or l’accouchement à domicile est physiologique pas pathologique. « Nous ne prenons aucune risque, l’AAD n’est possible que si la grossesse est normale », ajoute-t-elle. Une situation incompréhensible et inextricable pour les adeptes de l’AAD. Résultat ? « Déjà critiquées, beaucoup de sages-femmes vont arrêter. Sauf que les mères qui ont eu un enfant chez elles ne vont pas aller en maternité pour leur(s) futur(s) bébé(s), elles accoucheront seules, et là il y a danger », avance Katell Chantreau.

Peu nombreuses à l’heure actuelle – entre 70 et 80 au total en France – les professionnelles risquent donc de voir encore leur nombre diminuer et ne pourront pas répondre à la demande qui elle, augmente. La France pourrait alors se faire taper sur les doigts par l’Europe, car l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme prévoit que la femme a le droit de choisir où elle accouche.

Célian Ramis

Mille et une voluptés rennaises

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L’érotisme nourrit le quotidien des hommes et des femmes, stimule l’imaginaire à travers la suggestion, l’éveil des sens, le jeu de la séduction, les plaisirs charnels, le désir et la découverte physique de son corps et de l’Autre…
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Dans les médias, la question de l’érotisme est très souvent traitée comme une notion permettant de pimenter la vie sexuelle des couples. On réduit donc cet art, défini dans Le Petit Robert par tout ce « qui a rapport à l’amour physique, au plaisir et au désir sexuel distincts de la procréation », à une simple alternative susceptible de pallier les problèmes existants dans les rapports sexuels. Pourtant, l’érotisme nourrit le quotidien des hommes et des femmes, stimule l’imaginaire à travers la suggestion, l’éveil des sens, le jeu de la séduction, les plaisirs charnels, le désir et la découverte physique de son corps et de l’Autre… Aujourd’hui commercialisé dans différents registres (chic, glamour, populaire, etc.), l’accès à l’érotisme semble simple et direct et il est avéré que le marché attire des femmes de plus en plus nombreuses. Elles poussent les portes des sex shops, fréquentent le salon de l’érotisme, organisent des soirées entre copines ou couples ou encore consultent une sexologue. YEGG explore le monde voluptueux de l’érotisme.

Le marché du sexe s’est-il démocratisé ? Les femmes semblent ne plus avoir peur d’entrer dans les boutiques spécialisées et de s’adonner à de nouvelles pratiques. Qu’en est t-il réellement ? Où se placent les rennaises ? YEGG a rencontré deux vendeuses de produits érotiques. Elles nous expliquent.

Depuis plusieurs années, le marché du plaisir s’est ouvert à un large public d’adulte. La multiplication des points de vente, la diversité des produits et l’amélioration de la qualité y sont, en partie, responsables. Des changements s’opèrent, la clientèle évolue et de nombreux acteurs du milieu le constatent. C’est le cas de deux femmes. Elles travaillent dans des boutiques spécialisées au sein de la métropole rennaise. L’une est vendeuse à Dorcel Store, à Saint-Grégoire depuis plus de 2 ans et l’autre est la seule femme salariée d’un sex-shop* à Rennes depuis 25 ans.

Au quotidien, elles observent une féminisation de la clientèle. Pour la plus ancienne des vendeuses, entrée dans le milieu par hasard en 1986 en cherchant un poste de libraire, « les femmes sont plus nombreuses depuis une douzaine d’années ». En raison du développement du marché sur Internet et de l’ouverture d’esprit des nouvelles générations : « Des femmes viennent entre copines pour trouver des idées ou organiser un enterrement de vie de jeune fille, par exemple  ». Dans son magasin, tous les âges, toutes les classes sociales et les statuts (célibataire, en couple ou marié) sont présents. Cependant, leurs goûts diffèrent.

« Une femme seule achète davantage un accessoire, type « sex toy  », pour un plaisir solitaire alors qu’une personne en couple se tourne vers les huiles, la lingerie ou les jeux de société  ». Cependant, dans l’ensemble, l’attirance des femmes pour tel ou tel article reste similaire. « Les femmes aiment les sex toys et autres accessoires qui tolèrent le contact avec l’eau et achètent également des DVD ».
Salariée de Dorcel Store.

Elle relève une consommation de films X qui varie dans les choix selon les hommes et les femmes.

ÉROTIQUE CHIC

Et les rennaises ? « Elles aiment les choses sophistiquées, assez couteuses et qualitatives  », ajoute l’employée. « Les entrées de gamme les intéressent moins qu’auparavant et côté esthétique, elles apprécient surtout les couleurs et les articles travaillés  ». Quant à l’écart de goût entre les femmes et les hommes, il se réduit. « Il y a encore une quinzaine d’année, l’homme était plus physique et les femmes plus cérébrales dans leurs achats. Aujourd’hui, c’est moins frappant  », confie la salariée du centre ville.

Pour sa concurrente, les femmes ont également une influence sur les achats de leur compagnon : « Ils prennent des articles qui plaisent à leurs femmes et n’hésitent pas à les partager  ». Certaines lectures féminines, à succès, telles que Cinquante nuances de Grey de E.L. James, ont même un impact sur leur manière de consommer des accessoires érotiques. Toutes les deux constatent que le marché s’ouvre. « Les femmes entrent facilement dans la boutique », raconte la jeune vendeuse. Elles se décident à venir grâce au bouche à oreille et à l’aspect moderne du magasin : la lumière claire, les couleurs chatoyantes et les univers bien distincts y contribuent.

« Cela rassure » commente-t-elle. Bien sûr, les vendeuses font tout pour mettre à l’aise leurs clients. « On les accompagne, les conseille et dédramatise leurs achats. Certains vont même jusqu’à nous confier leurs secrets  », nous dit-on à Saint-Grégoire. Pour ce qui est de la pérennité du marché ? L’avenir semble prometteur… «   Il n’y aura pas de période dans la vie où les gens n’auront plus de plaisir  », explique l’employée de Dorcel Store. « Il fait parti d’un équilibre pour tout être humain. C’est un point essentiel », conclut enfin la plus ancienne des deux. Portée par un marché prospère et en pleine ébullition, la notion de plaisir se maintient sur le podium des priorités féminines.

  • Sur demande de la vendeuse, le nom n’est pas cité.

Véritable effet de mode depuis plusieurs années, les réunions entre copines sont idéales pour consommer des produits érotiques en toute intimité.

© Sophie Barel

C’est en dehors de Rennes que nous assistons, un vendredi soir, à une soft party. Maelys est « ambassadrice du bonheur  » pour Soft Paris en Ille-et-Vilaine depuis 3 ans. Onze femmes sont réunies chez Tina pour l’occasion. « Je n’ai jamais fait ce genre de réunions, comme la majorité des personnes qui sont là, j’en ai entendu parler par des copines et dans les médias et j’ai décidé d’en organiser une par curiosité. Il n’y a pas de tabous  », explique-t-elle.

La professionnelle de la vente directe est venue pour vendre du rêve, « du chic et du glamour. Pour cela, il faut également penser au langage employé pour ne pas choquer et pour mettre en confiance.  » Un point sur lequel la rejoint Véronique, ambassadrice depuis 4 ans et qui a entre temps lancé son business, Plaisirs charnels. « Il faut s’adapter à la clientèle. Si la structure de la réunion est plus ou moins la même, on peut personnaliser l’événement  », explique-t-elle.

La structure type, c’est la présentation du catalogue : lingerie, huiles, jeux/accessoires coquins et sex toys. Chez Tina, l’ambiance est frileuse au départ, le temps de se mettre en jambe puis l’atmosphère se réchauffe. Portes-jarretelles, culottes surprises (fendues au niveau des lèvres), nuisettes, poudres comestibles, baumes à lèvre, crèmes hydratantes, crèmes de stimulation clitoridienne, jeux de rôle ou encore boules de geisha et vibromasseurs… la multiplicité des produits démontre la diversité des possibilités liées à la sexualité des femmes, des couples et des hommes.

« Il faut oser se faire plaisir. Il est important de connaître son anatomie, se connaître, pour connaître son corps, et guider son partenaire pour prendre du plaisir »
explique Maelys aux participantes.

Ce soir-là, Virginie questionne l’ambassadrice sur sa silhouette et sur ses difficultés à trouver de la lingerie adaptée à sa poitrine (bonnet G). C’est sa première réunion entre copines. « J’essaye de trouver comment mettre mon corps en valeur. Avec ma copine, on discute beaucoup autour de notre sexualité et on utilise parfois des jouets  », confie-t-elle, en dehors du groupe.

Ce qu’elle apprécie dans la soirée – et qui la fera acheter plusieurs produits - c’est la délicatesse de la présentation, le glamour des produits : « érotique mais pas choquant, coquin sans être vulgaire. Dans un sex shop, je ne me sens pas à l’aise. Trop frontal pour moi ». Pour Véronique, il est important de démocratiser le marché de l’érotisme qui est souvent confondu avec la pornographie. « L’utilisation d’un objet n’est pas encore ancré dans les moeurs et je note en organisant des réunions de couples que ce sont souvent les hommes qui y sont réticents », souligne-t-elle.

Pour attirer les femmes, les fournisseurs multiplient les couleurs, les formes, les textures. Une fois la présentation terminée, les deux ambassadrices procèdent de la même manière : elles définissent une pièce intime qui leur permet de discuter en toute intimité, tour à tour, avec chacune des participantes. Un moment qui permet de poser des questions, d’apporter des précisions, « les ambassadrices de Soft Paris étant toutes formées par un sexologue pour être au fait des questionnements actuels  ».

Un moment propice à la commande de produits, puisque tel est le but premier : la prestation n’est pas facturée « mais lorsque je rencontre l’organisatrice en amont, je suis claire à ce sujet, je ne me déplace pas pour rien non plus », précise Maelys. Du côté de sa concurrente, même fonctionnement. Pour cette dernière, le côté commercial, l’entretien du réseau, la fidélisation des clients et le renouvèlement des formules proposées sont essentiels pour éviter la mort de ces réunions qui, avoue-t-elle, relèvent plus de l’effet de mode que du réel besoin, « même s’il est important d’ouvrir le marché aux femmes ».

Elle conclut sur une pensée effrayante : « J’arrête ce métier le jour où une femme me dit qu’elle n’a plus besoin d’un homme. Ce n’est pas le but des accessoires et de l’érotisme, loin de là  ».

Le temps d’un week-end, le parc expo de Rennes ouvre les portes de toutes les voluptés charnelles réunies dans un salon, organisé par Eropolis. Les 18 et 19 janvier, plus de 10 000 personnes « de 16 à 77 ans », nous dit-on du côté de l’organisation, ont foulé les allées de ce supermarché populaire de l’érotisme.

Au centre, 40 exposants de produits allant des tenues sexy aux jouets coquins en passant par les indispensables accessoires de massages. On se croirait plutôt boulevard Michelet à Saint-Ouen lors du marché aux puces qu’au milieu de Pigalle, quartier qui révèle une multitude de facettes, libère les fantasmes et envoute les esprits libidineux.

« L’objectif est de démocratiser l’érotisme et lever les tabous en mettant l’accent sur tout ce qui est artistique et la valorisation du corps féminin. »
Maya Cortes, chargée de la logistique et de l’animation.

Des shows artistiques donc sont présentés sur une scène « grand public » sur laquelle défilent stripteaseurs et stripteaseuses avant de se diriger vers une zone plus « hard » pour des shows individuels, dans des cabines isolées des regards indiscrets. « La majeure partie du salon est en lien avec l’érotisme mais on sait que les visiteurs restent à l’affut de plus. Ils trouvent ce qu’ils viennent chercher dans la partie + de 18 ans  », précise Maya. Catch sexuel, spectacle animé par des stars du X, stand sado-maso… Dans cet espace, la pornographie prend la main sur le monde des fantasmes et de la sensualité.

Ici, tout est montré, plus rien n’est suggéré, en dehors des strip, qui en moyenne oscillent entre 25 et 60 euros (du show soft au show « X sex toy »). Angel fait partie de la tournée Eropolis et pratique cet art depuis 4 ans. Pour elle, pas de vulgarité, uniquement de l’érotisme : « Ce n’est pas la classe du Crazy Horse mais on cherche à avoir une approche sensuelle. Que ce soit dans le regard, la douceur, la suggestion. On suscite l’envie avec cela. On vend du rêve ». Barbara, 27 ans, et Anaïs, 30 ans, venues de Saint-Malo et de Saint-Brieuc, reviennent cette année au salon de Rennes pour la 2e année consécutive.

« On recherche la nouveauté, les pratiques tendances. Cela évite la monotonie et permet d’acheter des produits comme des oeufs vibrants ou de la lingerie », confient-elles. Sans complexes, elles laissent tout de même paraître une gêne quant au côté porno :

« Nous sommes là depuis deux heures et nous n’avons pas encore vu un show soft. Sans être choquées, on note quand même une confusion. Sans mentionner que depuis l’an dernier, il y a de plus en plus de choses payantes  ».

En effet, il faut compter 15 euros pour l’entrée, à laquelle se rajoute 3,90 euros pour accéder à la zone + de 18 ans et encore 10 euros pour entrer dans le théâtre X (qui alterne avec l’espace réservé aux femmes dans lequel les anciennes ados des années 90 ont pu se rincer l’oeil sur le strip tease d’Allan Théo). C’est ici que les visiteurs peuvent assister au tournage d’une scène X entre deux acteurs porno, pendant laquelle les spectateurs ont le droit à des explications concernant les prises de vue, les regards caméra, les positions mais aussi sur le clitoris et le point G.

Une manière de sensibiliser les curieux autour de la sexualité avant de conclure : « Communiquez avant de niquer ! » Le ton n’est pas subtile, le contexte détonnant, mais le message est essentiel.

Marie-Claire Bouchery-Carlier est sexologue analyste depuis 22 ans à Rennes. Son cabinet, situé au 49 boulevard de la liberté, accueille chaque jour des femmes en difficulté dans leur vie sexuelle. Elle observe leur rapport à l’érotisme et leurs diverses préoccupations. Pour YEGG, Elle répond à nos questions.

Qu’est ce que l’érotisme selon vous ?

L’érotisme est un espace de créativité où l’imaginaire et le symbolique peuvent s’exprimer. Il n’est pas évident pour tout le monde. Il n’existe pas un érotisme mais des éro­tismes. On est dans une définition d’espace qui est ludique et propre à chacun. Il se situe avant le passage à l’acte mais c’est une notion compliquée qui est riche et vaste.

Tient-il une place importante dans la vie d’une femme ?

Bien sûr. Et dans le cadre d’un couple, il est vital. Sans érotisme, on constate une atténuation progressive du désir qui peut conduire à la misère sexuelle. Il y a du « Je » et du « jeu » avec l’autre et s’il n’y a pas d’élabora­tion du désir, les couples se retrouvent dans l’impasse. Ceux qui sont disposés à travailler sur l’érotisme s’en sortent mieux, mais cela demande un travail sur soi. Les femmes expriment le plus souvent la baisse du désir dans le couple car il est le baromètre de leur vie amoureuse.

Comment les femmes appréhendent-elles leur sexualité aujourd’hui ? Y a-t-il des évolutions ?

Les choses ont bougé mais il y a encore du travail pour qu’elles soient dans une autonomie psychique et appré­hendent leur « être femme ». Il s’agit d’une construction. Les femmes doivent s’appartenir dans leur corps, dans leur sexe et se détacher du poids de l’éducation et de la culture judéo-chrétienne. Contrairement aux petits garçons qui ont un sexe qui se tourne vers l’extérieur, le sexe des petites filles est à l’intérieur de leur corps. De ce fait, elles se créent des blocages lorsqu’elles ne sont pas autorisées à le découvrir.

On parle de libération des moeurs, qu’en est-il réel­lement ?

Certains nous font croire que les moeurs se sont libérées, mais ce n’est pas la réalité. Au contraire, je pense que les femmes, avec ce matraquage d’images retravaillées, pensent ne pas avoir ce qu’il faut. J’ai l’impression qu’avec Internet, se crée une confusion entre sexualité et pornogra­phie. Cela rend la sexualité très technique, déshumanisée, ce qui participe au développement de complexes. L’image est ici destructrice, car on se trouve dans la comparaison.

Les femmes sont-elles davantage maitresses de leur désir de nos jours ?

Je pense que les femmes étaient plus épanouies dans les années 1970, au moment de la libération sexuelle. À cette époque, il y avait un désir que le corps appartienne à la femme, de casser l’image de la femme objet. Malheureusement, aujourd’hui, on y revient. On observe beaucoup de frustrations, d’angoisses, une forme de pression et non de légèreté (que pourtant requiert l’érotisme pour pouvoir jouer et donner envie à l’autre de jouer).

Que pensez-vous des salons de l’érotisme, des sex shops et des réunions entre copines ?

Ce n’est que du business. On ne parle absolument pas d’érotisme mais de sexe et d’argent. On est en plein dans l’effet pervers de la libération des moeurs. Cependant, si le but est de jouer et qu’il est intégré dans une relation, pourquoi pas. Ce sont des ingrédients, (comme un artiste qui utilise telle ou telle couleur) qui ne remplacent pas le sujet, mais qui peuvent le mettre dans une situation érotisante et ludique. Malgré tout, cela reste du commerce pour les vendeurs.

Conseillerez-vous à vos patients de se rendre dans ce type d’endroit ?

Pour le salon de l’érotisme, pas vraiment. Il n’est pas très qualitatif, mais il n’y a pas de fiche technique sur la sexualité. Je suis sexologue psychanalyste / psychothérapeute. Je travaille donc sur l’être humain La sexualité est avant tout un travail sur l’intime avec quelqu’un que l’on choisit.

Pensez-vous que les femmes font bien la différence entre l’érotisme commercial et l’érotisme lié à la sensualité ?

Oui mais beaucoup sont encore victimes de cette notion de femme objet. Elles ont l’impression que les hommes attendent ça d’elles. Elles doivent évoluer pour aller dans le « Je » et le « jeu » qui leur correspondent.

La sexualité est-elle encore tabou chez les femmes ?

On parle peu de sexualité. Dans mon cabinet, les femmes se libèrent. Elles évoquent en premier lieu leurs inhibitions et leur baisse de désir. Pour y remédier, elles doivent s’interroger avant tout sur ce qui se passe chez elles (ce qui est souvent lié à leur histoire).

Pensez-vous que la sexualité évolue avec l’âge ?

Dans l’idéal, la sexualité évolue avec l’âge et l’historicité de son couple. Avec le temps, ils vont par exemple s’élaborer, être dans une finesse de code.

Existe-t-il un effet pervers à une société dite libérée et performante ?

Oui. Souvent les femmes ne se trouvent pas à la hauteur. Avec la pression sociale, l’image de la femme hyper sexuelle véhiculée par les médias ou le cinéma, les femmes se créent des complexes et se posent des questions inutiles. Si une femme est ouverte et heureuse sexuellement, elle sera d’autant plus libérée et sexy. La sexualité se situe dans le ressenti et dans la sensation du corps. En se regardant, les femmes se coupent d’elles mêmes et ne sont plus connectées à un soi d’une manière sexuelle et sensorielle.

Les femmes viennent-elles vous voir seules ou en couple ?

Les deux. Mais lorsque vous venez dans un espace thérapeutique, le choix de venir seule ou en couple a un sens. Celles qui viennent seules pressentent que la racine de leur problème se trouve dans leur histoire personnelle.

Tab title: 
Quand le marché du plaisir suggère l’éveil féminin
L’érotisme, dans les rayons des sex-shops
Dans l'intimité des sex-shops
La grande distribution popularise l'érotisme
L'érotisme, analysé par une sexologue

Modèles, tempête sous les crânes

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Ce mardi soir, la tempête Petra a fait tournoyer la pluie dans des rafales de vent glacé… Ce mardi soir, la tempête a aussi soufflé sous les crânes des spectateurs, venus assister à la représentation du spectacle Modèles.
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Ce mardi soir, la tempête Petra a fait tournoyer la pluie dans des rafales de vent glacé… Ce mardi soir, la tempête a aussi soufflé sous les crânes des spectateurs, venus assister à la représentation du spectacle Modèles, de la compagnie La part des anges – mise en scène de Pauline Bureau – au Carré Sévigné.

Au moment même où l’actualité réveille et secoue les consciences sur le droit à l’avortement et la théorie des genres, Modèles tombe à point. Sur scène, Rachel Arditi, Sabrina Baldassarra, Sonia Floire, Gaëlle Hausermann et Céline Milliat-Baumgartner, se mettent à nue, aux sens propre et figuré – quand la mise en scène le réclame – pour raconter l’Histoire des femmes et des histoires de femmes, véritables échos aux vies de chacune, aux expériences, joyeuses ou douloureuses, que chaque femme a pu traverser ou traversera.

Elles rappellent qu’il y a encore 48 ans un mari pouvait interdire à son épouse de travailler et d’ouvrir un compte en banque ; qu’en 2004 celle qui fait le choix d’avorter peut encore être mal traitée ; qu’il est, en 2014, normal pour la société qu’une mère assume boulot-enfants-maison et qu’un père qui fait les courses ou le ménage une fois par mois est un demi-dieu. Alors, le spectateur frisonne, pleure, rit et sourit, se crispe, enrage, compatit, rougit avec elles.

Il n’est pas ici question de féminisme, du moins pas de celui qui voudrait voir les hommes réduits au silence et à la castration, non, Modèles ne stigmatise pas la gent masculine, mais la société tout entière, celle qui a fait et qui continue de faire qu’aujourd’hui

« les filles, on ne leur dit pas qu’il faut faire de la psychologie plutôt que de la sociologie. Or, statistiquement, il y a beaucoup plus de filles en psychologie (l’âme, l’intime, la maison) qu’en sociologie (la politique, l’agora). Ca veut dire qu’inconsciemment les filles s’orientent vers ce pour quoi elles se pensent faites (…). Elles collaborent inconsciemment », comme le décrit si bien ce texte de Pierre Bourdieu sur lequel s’ouvre le spectacle.

Une mise en scène audacieuse

Les textes de Bourdieu, Despentes, Duras…etc., mis en scène de façon originale et intelligente – les comédiennes se glissent dans la peau des auteurs pour les réciter sous forme d’interviews filmées – ponctuent une pièce où se mêlent scènes théâtrales classiques, projections vidéos, chants (dont une très bonne reprise de Fuck You de Lily Allen), danses, mimes et où les allégories sont poético-trash, parfois borderlines mais jamais vulgaires.

Et puis, les comédiennes sont accompagnées d’un musicien, Raphaël Aucler, dont les riffs de guitare et les solos de batterie apportent une intensité notable au spectacle. Outre son intelligence, son originalité, sa volonté d’interpeler sans agresser, Modèles fait du bien, en ces temps où ressurgit une morale à la tolérance douteuse qui voudrait maintenir l’humanité dans une immobilité réac’ où la femme ne travaille pas, ne bronche pas, ne sort pas de sa cuisine, n’avorte pas, ne désobéit pas à son mari, n’est pas l’égale de l’homme…

C'est quoi être une femme aujourd'hui ?

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Carré Sévigné
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Elles sont jeunes, jouent, chantent, dansent, et pensent. Ce sont les filles de la compagnie La Part des Anges. Elles ont écrit à 14 mains le spectacle Modèles.
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Elles sont jeunes, jouent, chantent, dansent, et pensent. Ce sont les filles de la compagnie La Part des Anges. Elles ont écrit à 14 mains le spectacle Modèles – qui sera joué ce mardi 4 février au Carré Sévigné – sur les femmes. Il y est entre autres question de transmission, de violences, de discriminations, d’égalité.

Être une femme aujourd’hui n’est pas si facile. Malgré les victoires de nos aînées, l’équilibre entre vies professionnelle et privée, est toujours précaire, et l’égalité des sexes loin d’être parfaite. Sujet universel sur lequel la compagnie La Part des Anges s’est penchée avec originalité et profondeur. « Modèles est une très belle pièce, inhabituelle car écrite collectivement par des jeunes femmes qui sont aussi d’excellentes comédiennes, musiciennes et chanteuses. Elles sont douées ! », raconte Carole Lardoux, directrice artistique du Carré Sévigné.

Pour répondre à une commande du Théâtre de Montreuil il y a quelques années, Pauline Bureau, auteure, metteure en scène et comédienne, a réuni sa troupe et son équipe technique. « On s’est mis à table et on a parlé, échangé, partagé. De fil en aiguille, le spectacle s’est concrétisé », révèle Sonia Floire, co-auteure et comédienne. « Entre nous, il y a bien sûr des différences et des points communs, liés à nos éducations, nos expériences », ajoute Gaëlle Hausermann, co-auteure et comédienne également.

Si les parcours ne sont pas les mêmes, ils sont tous influencés par des modèles. Certaines avaient des mères qui travaillaient, d’autres pas. Que fait-on de ces exemples ? Le spectacle évoque ainsi la transmission entre femmes, l’avortement, les premières règles, les combats contre les injustices, l’illettrisme, les violences… etc. Mais non au sens où on l’envisage quand les femmes parlent des et aux femmes, les hommes n’y sont pas non plus stigmatisés. « Les filles de Modèles s’interrogent, chacune avec sa propre construction, son individualité, il y a plusieurs regards sur le monde et un grand respect », décrit Carole Lardoux.

La pièce n’a donc pas été créée autour d’un message, « nous parlons de nous, de nos vécus et chacun s’y retrouve », précise Gaëlle Hausermann. Cette résonnance dans le cœur et l’esprit du public n’était pas recherchée, mais elle est là et elle touche les comédiennes.

Entre théâtre et cabaret

Modèles est un spectacle qui mêle lectures de textes littéraires et intellectuels – Marie Darrieusecq, Pierre Bourdieu, Virginie Despentes, Marguerite Duras, Catherine Millet, Virginia Woolf – morceaux d’histoires personnelles, chants et musique live – un musicien accompagne les comédiennes sur scène – danses… « C’est un cabaret ! sourit Sonia Floire, c’est du théâtre très moderne, c’est peut-être aussi pour cela que ça plait beaucoup aux gens et particulièrement aux jeunes ». Du théâtre contemporain et original, authentique et populaire qui séduit le public à l’image de Carole Lardoux :

« La mise en scène de Pauline Bureau est imaginative, originale, drôle, juste, vive, très touchante. En outre, j’aime quand le théâtre est une fenêtre de réflexion et permet de poser la question « dans quelle société vit-on ? » ou encore « qu’ai-je à dire en tant que femme, qu’est-ce être une femme ? »… J’aime que le théâtre soit problématique, qu’il soit le prolongement de la parole de beaucoup de gens », confesse-t-elle.

La parole continue de se libérer à la fin de chaque représentation au travers de discussions ouvertes avec les spectateurs. Et souvent le public est dérouté, bouleversé, content, touché, rit. Tous semblent se retrouver autour de cette problématique et cette envie de faire avancer la société.

C’est quoi être une femme aujourd’hui ?

Pour répondre à cette interrogation de base, Sonia Floire et Gaëlle Hausermann ont trouvé une source inspiratrice dans un texte de Virginie Despentes, extrait de King Kong Théorie :

« Parce que l’idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir, pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l’esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d’école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle, cultivée mais moins qu’un homme, cette femme blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler, à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grand-chose, de toute façon je ne l’ai jamais croisée, nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas ».

Pour Gaëlle, il est important pour bien répondre de ne pas tomber dans le cliché du féminisme extrémiste. Selon elle, si pour l’égalité toutes les conquêtes sont possibles, ici « le but était de libérer la parole, de partager et c’est déjà pas mal ! Nous ne voulons surtout pas donner de leçons ! », assure-t-elle. À la même question, Carole Lardoux évoque aussi l’égalité entre êtres humains, « c’est avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs qu’un homme ». Une affaire avant tout humaniste, que les femmes doivent mener avec les hommes, pour une société meilleure.

Célian Ramis

Pas féministe mais...

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Alerte féminisme : À toutes celles et ceux qui auraient peur de l’esprit radical du féminisme, nous proposons ici de simplement poser les bases du mouvement. De revenir aux origines de sa définition première.
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Féminisme : n, m. 1 – Doctrine, mouvement qui préconise l’extension des droits, du rôle de la femme dans la société. 2 – Aspect d’un individu mâle qui présente certains caractères secondaires du sexe féminin.

À toutes celles et ceux qui auraient peur de l’esprit radical du féminisme, nous proposons ici de simplement poser les bases du mouvement. De revenir aux origines de sa définition première. Si toutes les interviewées (pardon pour l’homme qui a également répondu à nos questions) de ce dossier s’accordent à dire qu’il n’y a pas de féminisme rennais, il est indéniable que la capitale bretonne a vécu ses heures féministes et a connu de grandes figures emblématiques.

L’espace nous manque pour toutes les citer mais rendons quand même hommage à Louise Bodin, qui prend position, au début du XXe siècle, pour les suffragettes et contre la prostitution dans le journal Nouvelles rennaises, Clotilde Vautier, décédée en mars 1968 à Rennes à la suite d’un avortement clandestin (à cette époque, les raisons de son décès seront cachées, sa fille, Mariana Otero, réalisera à ce propos un documentaire en 2003 intitulé Histoire d’un secret) et Anne Cogné, présidente du Centre rennais d’information des femmes en 1981, conseillère municipale de 1983 à 1995. Cette dernière, décédée en 2013, est à l’origine de la création d’une délégation aux droits des femmes à la ville de Rennes, un poste actuellement occupé par Jocelyne Bougeard.

Et on sait que cette élue aime se désigner comme féministe, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Mais alors qui a peur du grand méchant féminisme ?

Féminisme ? Vous avez dit féminisme ? Que ce terme est terrifiant ! Surtout quand il sort de la bouche d’une femme… Si les plus de 20 ans – voire bien plus, soyons claires – revendiquaient fortement et fièrement leur appartenance à ce mouvement dans les années 70, ce dernier est quasiment devenue la bête noire de la jeune génération qui préfère parler d’égalité des sexes.

© Sophie Barel

Que vous avez de beaux yeux, mon enfant… Que vous avez de beaux seins, mon enfant… Que vous avez de belles fesses, mon enfant… Que vous avez de beaux poils, mon enfant… Le joli conte de la jeune fille naïve et sans défense a pris une nouvelle tournure – cauchemardesque - au cours des dernières décennies. Le loup se ferait rapidement, au mieux, casser la gueule de nos jours. Au XXe siècle, dans les grandes lignes, elles se sont battues pour entrer dans les institutions, pour obtenir le droit de vote, tout d’abord, puis pour disposer de leurs propres corps en réclamant le droit à la contraception et à l’avortement.

Ensuite, culottées, elles ont demandé d’ouvrir un compte en banque sans l’accord de leurs maris, de travailler et enfin, le flocon est devenu boule de neige, elles ont souhaité la lune – à défaut d’y poser le pied : l’égalité des sexes impliquant entre autre l’égalité des salaires, l’accès aux postes à responsabilités, la répartition de manière équitable des tâches ménagères, la parité en politique, etc. Rennes ne fait pas exception et participe au mouvement, fondant – à plusieurs années d’intervalle – le Planning familial, le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles, le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception, l’association Choisir (signalons que les deux dernières associations n’existent plus aujourd’hui) ou encore la délégation aux Droits des Femmes.

Pour aller plus loin dans les connaissances du féminisme à Rennes, Lydie Porée et Patricia Godard ont créé l’association Histoire du féminisme à Rennes. Le duo organise des visites guidées du Rennes féministe dans les années 70. Fin 2013, elles ont également lancé le journal Rennes au féminisme, à disposition des habitants au Papier Timbré, à la librairie Planète Io ainsi qu’à la librairie Alphagraph.

Une manière de déambuler dans les rues du centre ville et d’en redécouvrir les aspects historiques puisque les murs de la capitale bretonne sont encore empreints des luttes pour les droits des femmes. Dans l’actualité de l’association également, la sortie du livre Les femmes s’en vont en lutte (Histoire du féminisme à Rennes 1965-1985), aux éditions Goater, prévue pour mi-février, et actuellement en souscription sur leur site Internet.

MAIS OÙ ET QUI SONT LES FÉMINISTES ?

« Ce n’est pas dans l’air du temps de faire des actions collectives pour dénoncer des inégalités  », explique Isabelle Pineau, coordinatrice de l’association Questions d’égalité, créée à Rennes en 2010. Le décor est planté. Le manque d’engagement et de mouvement unitaire est sociétal. Même son de cloches du côté des militants de Mix-Cité Rennes, association lancée en 2002.

« On a du mal aujourd’hui à se définir communiste, anarchiste, féministe… Ce dernier est chargé d’histoire et surtout de clichés ».
Aude Le Bras, féministe, militante de Mix-Cité Rennes.

Toutes les deux s’accordent à dire que le terme donne le vertige. Il devient presque péjoratif, quasiment une insulte. Quand on pense Féminisme, on pense chiennes de garde, femmes à barbe (et à poils), anti-hommes, rabat-joie, etc. Les clichés s’accumulent autour des militantes et deviennent aussi nombreux que les images dégradantes associées à la gente féminine.

Des stéréotypes en partie dus à la sur-médiatisation d’actions nationales et internationales radicales, telles que la polémique engendrée par la publication du manifeste des 343 salauds (Touche pas à ma pute) dans le magazine Causeur, pour protester contre la pénalisation des clients de la prostitution, votée à l’Assemblée nationale le 4 décembre dernier (et sera examinée par le Sénat avant juin 2014) ou les Femen (Ukraine), qui parlent de sextrémisme, apparaissant souvent seins nus afin de défendre les droits des femmes, à travers une banalisation des attributs féminins.

« Il y a une frilosité de l’élan féministe. Le mouvement est mal connu, et souvent associé à un combat inutile ou extrémiste  », commente Aude Le Bras, pour ne pas dire qu’aujourd’hui, on banalise l’égalité des sexes… Pour elle, les différents courants du féminisme se mélangent dans les esprits, interférant sur le discours. Autre obstacle pour Isabelle Pineau :

« l’illusion que l’égalité est déjà là  ».

Ne pas penser que la lutte n’a plus lieu d’être, diffuser le savoir, les connaissances sur la thématique des inégalités au grand public, tels sont les principaux objectifs de Questions d’égalité, qui se définit dans une phase de prise de conscience et d’analyse. Une phase utile avant l’action du quotidien. Conférences et débats sont organisés par l’association et animés par des militantes, des universitaires, des professionnelles du droit ou du social par exemple.

Sur des thèmes variés puisqu’ils nous amènent à réfléchir sur la représentation des sexes dans la chanson française (et dans la culture plus largement) ou encore sur l’importance et la signification des chiffres des violences faites aux femmes. Autre forme plus ludique, afin de toucher un plus large public, la conférence gesticulée : « Un mélange de récits, de témoignages, d’expériences et de savoirs  ».

Intitulée Le clito, un petit nom qui en dit long. Plaisir et politique au pays de la sexualité féminine, la conférence gesticulée – qui avouons-le attise la curiosité, nous fait friser l’oeil et sourire malicieusement - est proposée par 7 femmes qui, sur scène, évoquent leurs expériences et leurs analyses quant à leur sexualité, hétéro ou homo. Il est nécessaire de briser les tabous, de s’émanciper et de s’épanouir dans son désir.

« Le but est d’expliquer en quoi la sexualité est traversée par la question des inégalités et en quoi cela impacte les femmes. Et aussi il faut parler d’orgasme, c’est important de libérer la parole   ».
Isabelle Pineau, coordinatrice de l'association Questions d'égalité.

Nécessaire également de comprendre que revendiquer des relations égalitaires, réciproques et respectueuses ne signifie pas partir en guerre contre les hommes, loin de là, ni même avoir une dent contre eux. Chez Mix-Cité, les hommes sont représentés par les militants bénévoles. Lucas Muller-Tanguy se revendique féministe, même s’il ne s’engage pas sur tous les volets du mouvement (la suppression de la mention Mademoiselle ne le touche pas particulièrement, comme bon nombre de citoyens/citoyennes). « Quand je dis que je suis féministe, on me demande si je suis gay  », s’amuse-t-il.

Pour lui, chaque militant a son engagement, sa sensibilité et apporte une ouverture d’esprit au groupe. Un point sur lequel le rejoint Aude Le Bras : « Le féminisme, ce n’est pas un bloc, il y a plusieurs pensées différentes mais pas de lignes préconçues, ce sont les militants qui font le mouvement  ».

RÉAGIR MAIS PAS AGIR ?

Sans devenir paranoïaques, il est important pour les associations de sensibiliser aux différentes formes d’inégalités et de discriminations dont chaque femme est susceptible d’être victime. La marchandisation du corps de la femme, le manque de remboursement des moyens de contraception, la fermeture de centres d’avortement, le harcèlement de rue, l’image des femmes dans les médias et la publicité, les inégalités professionnelles et les réflexions sexistes sont autant d’arguments pour eux qu’il y a d’actions à effectuer.

« Nous avons un calendrier annuel, comme pour la journée des femmes ou la journée contre les violences faites aux femmes. Puis nous réagissons au fur et à mesure de l’actualité mais nous privilégions les actions de rue. Nous agissons beaucoup avec le tissu associatif rennais et la municipalité  »
détaille Aude.

En décembre par exemple, les militants ont tenu un stand à République pour sensibiliser les passants à la question du sexisme des jouets. À noter qu’une conférence est organisée, par les deux associations en partenariat, le 17 janvier sur la question des représentations dans la littérature jeunesse. Le débat sera animé par Sylvie Crömer, sociologue, spécialiste des représentations du genre.

Difficile aujourd’hui d’attirer de nouveaux bénévoles, que ce soit pour Questions d’égalité ou pour Mix-Cité : « La France repose sur ces acquis alors qu’ils sont encore à défendre, voire même à regagner (à savoir qu’en Espagne - pays progressiste en matière de droits des femmes - un projet de loi a été présenté fin 2013 par le ministre de la Justice, Alberto Ruiz Gallardon. Ce dernier prévoit de restreindre le droit à l’avortement seulement dans les cas suivants : viol et santé mentale ou psychique de la mère menacée, ndlr) ».

Pour Isabelle Pineau, il est également temps de sonner la tirette d’alarme. La forme des combats a évolué, certes, et la génération Internet s’active maintenant sur les réseaux sociaux, les blogs et Tumblr (Madmoizelle.com, Aufemininpointconne.fr, Je connais un violeur, etc.) mais ne s’engage pas en prônant l’égalité hommes/femmes.

« Se définir féministe, c’est faire un lien entre les militantes du passé et celles d’aujourd’hui. Elle poursuit : Dans les années 70, les femmes étaient dans lignée de mai 68. On questionnait la société, le mouvement était très fort, les femmes terrorisées à l’idée de tomber enceinte, il y avait les avortements clandestins… Aujourd’hui règne un certain fatalisme. Il y a beaucoup moins d’enthousiasme  ».
Isabelle Pineau, Questions d'égalité.

Un enthousiasme modéré qui semblerait donc être dû à une morosité ambiante et sociétale mais aussi à une difficulté certaine de rallier des femmes à un combat dont les revendications sont moins visibles aujourd’hui qu’il y a quelques années. Pourtant, il semblerait également que ce soit le terme et sa connotation extrémiste qui dérangent principalement les jeunes femmes, qui jonglent avec l’image de super-héroïne que nous impose la volonté d’une égalité hommes-femmes. En effet, la femme moderne n’est pas seulement l’égale de l’homme, elle lui devient supérieure. Un jeu dangereux…

Alors la peur du loup démontrerait-elle véritablement un manque de convictions ou d’engagements ? Le terme n’a pas fini de diviser et rebuter. Dommage.

L’origine du féminisme est incertaine et le terme est récent. Néanmoins, la lutte prend son élan avec le siècle des Lumières. Pourtant, l’effervescence du mouvement puise ses origines à la fin du XIXe siècle et se compose de différentes vagues.

  • La première vague du féminisme apparaît à la fin du XIXe siècle avec les suffragistes – dites aussi les suffragettes – qui revendiquent le droit de vote mais aussi le droit à l’éducation, au travail, au salaire et dénoncent la puissance maritale et paternelle. C’est à cette période que les femmes parlent également de congé maternité, d’allocations familiales et de soins.
  • La seconde vague du féminisme fait des remous dans les années 1950 et déferle dans les années 60, avec la création de Maternité heureuse, qui deviendra ensuite le Mouvement Français pour le Planning Familial. Les femmes revendiquent la maitrise de leurs corps et la libre sexualité. Par conséquent, le droit à la contraception et à l’avortement, entre autre. C’est aussi le temps de la remise en cause du patriarcat et l’apparition du concept de sexisme.
  • La troisième vague du féminisme trouve son origine dans les années 1980 aux Etats-Unis à l’initiative de nombreux groupes représentant les minorités et les groupes minoritaires. Les femmes revendiquent leur appartenance sexuelle, ethnique, sociale, et affirment leur morphologie, leurs formes, leurs différences.
  • En route vers une quatrième vague du féminisme ? On parle du mouvement des Femen comme une potentielle introduction à cette nouvelle vague, qui est encore à construire et qui se traduirait par des actions radicales, médiatisées et controversées. Elle pourrait aussi malheureusement être perçue comme un retour en arrière, à l’heure où le droit à l’avortement est menacé dans certains pays européens.

Au cours des dernières décennies (à partir des années 90), plusieurs associations, radicales et/ou controversées, sont apparues en France, parmi lesquelles figurent les Chiennes de garde, La Barbe, Osez le féminisme ou encore Ni putes, ni soumises.

Spécialisée dans le féminisme de la deuxième vague (1960-1980), elle est une militante féministe, archiviste et membre de l’association « Histoire du féminisme à Rennes ». Elle répond à nos questions.

A quelle époque est apparu le féminisme à Rennes ?

Je pense qu’il est né au début du XXème siècle autour des mobilisations suffragistes, conduites par des féministes telles que Louise Bodin, qui en est l’une des figures emblématiques. 

Pourquoi autant d’actions féministes sont organisées à Rennes ?

Sur le plan institutionnel, l’arrivée en 1977 d’une majorité socialiste avec la présence, dès 1983, d’une militante de l’UFCS (Union des femmes françaises), Anne Cogné, au poste de conseillère municipale, est une des explications. Cette femme, décédée en 2013, a fait partie d’une commission sur le sexisme dans les manuels scolaires et a mis en évidence les rôles stéréotypés réservés aux femmes.

Elle a également insisté pour la création d’une délégation aux droits des femmes à Rennes. Depuis 1995, une conseillère ou une adjointe aux droits des femmes est systématiquement présente au sein du conseil municipal. Rennes est également une ville étudiante et politisée avec une faculté de médecine, qui a été très active dans la libéralisation de l’avortement.

Le féminisme à Rennes se différencie-t-il des autres mouvements féministes ?

Non, je ne pense pas. Cependant, la capitale bretonne est marquée par la question de l’émancipation par rapport à l’Église catholique, depuis les années 70, notamment sur le rôle de la mère, le droit à la contraception et à l’avortement.

Quel  est le visage actuel des féministes rennaises ?

Quelques militant(e)s des années 70 continuent de s’engager au Centre d'information sur les droits des femmes et des familles d'Ille-et-Vilaine (CIDFF) ainsi qu’au Planning familial. Mais des jeunes de 20 ans arrivent de plus en plus dans les associations.

Ils/Elles sont étudiant(e)s en sociologie ou à Sciences Po et cherchent à obtenir une égalité hommes/femmes. On constate un phénomène de politisation féministe via les études de genre.

Ressentez vous une évolution du combat, sur le fond comme sur la forme ?

Oui, les enjeux ont évolué. L’objectif est d’obtenir l’égalité réelle au delà de l’égalité de droit. La répartition égalitaire des tâches domestiques dans la sphère privée est essentielle. Tout en découle, mais cela est compliqué à légiférer.

Sur la forme, les modes d’actions ont changé. Depuis au moins 2005, il n’y a plus de manifestations organisées le 8 mars dans la rue. À présent, nous organisons davantage des réunions de discussions, de distributions de tracts et de publications de textes. L’utilisation de l’humour est également très présente. Je n’ai pas connaissance d’actions clandestines ou illégales aujourd’hui à Rennes.

Les groupes féministes rennais sont ils toujours au diapason ?

On se retrouve sur l’accès à l’éducation et le refus des violences faites aux femmes. Il est important que l’on se batte sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous divise (comme les sujets sur la prostitution ou le port du voile).

Infographie : © Sophie Barel

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Des femmes, des féminismes
Faites votre féminisme
Les vagues du féminisme
Entretien avec Lydie Porée
Pas féministes mais...

Célian Ramis

Marrainage : Des femmes de Rennes et d'ailleurs

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Maison Internationale de Rennes
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La MIR regroupe plusieurs dizaines d’associations rennaises qui interviennent dans divers domaines de l’international, tels que la solidarité, les échanges culturels et les droits humains.
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La maison internationale de Rennes (MIR) association de loi 1901 regroupe plusieurs dizaines d’associations rennaises qui interviennent dans divers domaines de l’international, tels que la solidarité, les échanges culturels et les droits humains. Dans ce dernier secteur, elle mène un projet « migrations » dont l’une des facettes est le projet marrainage. Présentation.

Financé  actuellement par la délégation régionale aux Droits des femmes et à l’égalité et par le fond social européen, le marrainage met en lien des femmes avec des migrantes en recherche d’un accompagnement dans leur projet professionnel, politique ou associatif. « Il s’agit d’un projet régional qui leur permet d’exercer leur citoyenneté et de s’investir dans l’espace public », explique Ghania Boucekkine, la vice présidente de l’association, déléguée aux droits humains.

Débuté en 2006, le projet est à l’origine créé à la demande de jeunes étudiantes étrangères bloquées dans leurs projets qu’elles souhaitaient mener en France ou dans d’autres pays. À l’époque, la MIR travaillait sur la relation « femmes et pouvoir » explique la vice présidente. Pour répondre à leurs attentes, la MIR a décidé de former des duos avec d’un côté, des marraines qui orientent, conseillent, ouvrent leur réseau et partagent leur expérience et de l’autre des femmes d’origine étrangère qui ont besoin d’être appuyées, de reprendre confiance en elles, de sortir de leur isolement et de construire leur avenir.

Actuellement, 33 binômes existent en Bretagne, dont 24 en Ille-et-Vilaine. Mariko et Gaudence en font partie. Depuis fin septembre, Mariko, professeur de physique à l’université de Rennes 1, aide Gaudence, 26 ans, originaire du Rwanda, dans sa recherche d’emploi en tant qu’ingénieur chimiste.

Elle lui apporte son regard de scientifique, lui ouvre ses réseaux, l’épaule dans l’écriture de son curriculum vitae, dans ses lettres de motivation et lui fait découvrir les sites d’offres d’emploi spécialisés. Un vrai soutien pour la jeune femme. « Elle était très timide et son CV était très scolaire », confie la professeur. Ce qui n’est aujourd’hui plus le cas… « On acquiert une confiance en soi grâce à un CV qualitatif », précise Mariko.

Fort de son succès, le projet marrainage s’exporte : en Ile de France, à Poitiers (où des fonds viennent d’être mis en place) et dans le Morbihan. Dans ce dernier département, ce sont des femmes qui veulent s’installer en tant qu’agricultrices, qui sont aidées. Une version du marrainage de la MIR qui en dit long sur les possibilités d’avenir de ce projet.

Célian Ramis

Les sages-femmes tentent le camping des cigognes à Rennes

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Rennes
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Les sages-femmes de Rennes et des alentours ont décidé de se mobiliser pour leur profession, en grève depuis le 16 octobre dernier, et d’installer le « Camping des cigognes » sur le parvis de l’Hôpital Sud de Rennes.
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Jeudi 12 décembre, les sages-femmes de Rennes et des alentours ont décidé de se mobiliser pour leur profession, en grève depuis le 16 octobre dernier, et d’installer le « Camping des cigognes » sur le parvis de l’Hôpital Sud de Rennes. Un moyen de sensibiliser les passants à leurs revendications.

Depuis deux mois, les sages-femmes ont entamé un mouvement national de grève à l’initiative d’un collectif – composé de 6 membres*. Un mouvement suivi à Rennes, et plus largement en Bretagne. Jeudi 12 décembre, les sages-femmes ont planté les tentes sur un carré de pelouse, sur le parvis de l’Hôpital Sud de Rennes.

Dès 16h, le « Camping des cigognes » est installé et la vente de gâteaux, thé, café et bracelets « je soutiens les sages-femmes » démarre, dans le but de récolter de l’argent qui servira à payer le transport jusqu’à Paris, lundi 16 novembre. « Deux cars partiront de Bretagne, un de Lorient et de Rennes, pour que nous puissions participer à la seconde manifestation nationale », explique Charlotte Godet, sage-femme à Rennes.

À 21h, une dizaine de professionnels, toujours vêtus de leur blouse blanche, est réunie dans la froideur hivernale à quelques mètres du camping et se retrouve autour d’une table, avant de manger, dans une ambiance plutôt festive.

Sortir de l’invisibilité

Une action qui a également pour objectif de faire sortir la profession de son « invisibilité » : « Nous souffrons d’une méconnaissance du grand public. Même les femmes enceintes n’ont pas forcément connaissance de toutes nos compétences, elles le découvrent au fur et à mesure », explique Alice Froger.

Parmi ces compétences figurent le suivi gynécologique obstétrical, le suivi post-partum, la préparation à l’accouchement ou encore l’échographie. Une liste non exhaustive qui leur permet de manifester leur volonté d’être reconnues en tant que praticiens de premier recours. « À la différence des gynécologues – mais nous ne pouvons pas faire de généralités non plus – nous avons plus de temps à consacrer à la femme enceinte, qui peut parfois se sentir seule (dans le labyrinthe médical). Les gynécologues sont souvent overbookés et sont les spécialistes de la grossesse pathologique. Nous, nous sommes des spécialistes de la grossesse dite normale », poursuit la sage-femme rennaise.

Elles revendiquent également l’importance du suivi physiologique qui a été reconnu dans un rapport de la Cour des Comptes en 2011 comme un facteur « permettant de limiter les risques d’accouchements prématurés » mais aussi de diminuer les risques de mortalité des mères et des bébés.

Autre revendication essentielle pour les professionnelles de la grossesse : le statut des sages-femmes. « Depuis toujours, nous sommes considérées comme personnel non-médical, la seule profession qui n’est pas inscrite dans son Code de déontologie », déclare Charlotte Godet. Un statut qui limite leur autonomie dans le milieu professionnel et dans le quotidien de leur exercice. Phénomène paradoxal, elles sont intégrées au personnel médical devant le Tribunal et pour l’Assurance Maladie.

« Par contre, concernant le nombre de médicaments autorisés lors des prescriptions, nous sommes à nouveau en « non-médical ». Et nous n’avons pas non plus le droit aux primes de risque », ajoute-t-elle. Si le corps médical semble comprendre et approuver le mouvement des sages-femmes, en revanche elles ne sentent pas reconnues à leur juste valeur et soutenues dans leur grève. Une grève en grande partie invisible puisqu’elles continuent de travailler et d’assurer leurs fonctions « mais nous ne déclarons pas les cotations, que nous remplissons par informatique, et qui donnent ensuite à l’hôpital accès aux remboursements de la Sécurité Sociale ».

Le « camping des Cigognes » sera présent sur le parvis de l’Hôpital Sud de Rennes jusqu’à vendredi 13 décembre, 16h. Avant de lever le camp, les sages-femmes mobilisées poursuivront leur vente de gâteaux et de bracelets pour rembourser leurs frais de transport en direction de la Capitale afin de défiler aux côtés de leurs consœurs et confrères, lundi 16 décembre.

*Association nationale des étudiants sages-femmes, Conférence nationale des enseignants en maïeutique, Collège national des sages-femmes, Organisation nationale syndicale des sages-femmes, Association nationale des sages-femmes cadres, CFTC.

Célian Ramis

Brouhaha féministe, dites-vous

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Les discours, manifestations et autres caquètements de coq – comme ceux du député UMP, et breton, Philippe Le Ray à l’encontre Véronique Massonneau, députée EELV le 8 octobre dernier – sexistes grouillent toujours autant.
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Les discours, manifestations et autres caquètements de coq – comme ceux du député UMP, et breton, Philippe Le Ray à l’encontre Véronique Massonneau, députée EELV le 8 octobre dernier – sexistes grouillent toujours autant. Quand ce n’est pas dans l’hémicycle, les textes de rap ou l’industrie du jouet, c’est dans la rue, à l’école, à la maison… ou pire encore ce sont les 343 salauds qui revendiquent le droit d’aller voir « leurs putes ». Une polémique très actuelle puisque la proposition de loi contre le système prostitutionnel est en débat à l’Assemblée nationale, depuis le 27 novembre.

Les féministes ont encore du boulot et leur lutte semble souvent d’utilité publique. Souvent, mais pas toujours. Leurs réactions parfois disproportionnées face à certains sujets (réédition du magazine LUI, une étiquette de la marque IKKS, à lire ci-dessous) ou l’acharnement avec lequel elles entrent parfois en guerre contre ce qui peut apparaître comme des broutilles – la fameuse et très controversée suppression du « Mademoiselle » – ne servent pas forcément leur cause.

Et si elles confondaient vrais combats et fausses polémiques à haut pouvoir « buzzant » ? N’en font-elles pas un peu trop au risque de perdre de vue leur objectif premier et de finir incomprises ? La rédaction s’est penchée sur la question en interrogeant deux associations féministes rennaises, Mix-Cité et Questions d’Egalité. Ont été évoquées trois actualités : la reparution de LUI, l’étiquette IKKS et le tumblr « Je connais un violeur », entre autres…

La femme, objet de désir

Frédéric Beigbeder a ressorti LUI, magazine fondé par Daniel Filipacchi et qui pendant trois décennies (1963-1994) a affiché les plus belles actrices du moment en tenue légère. Septembre 2013, Léa Seydoux renoue avec la tradition pour le premier LUI nouvelle génération. Tollé chez les féministes. On entend même l’actrice se faire traiter de « pute à poil ». Sévère.

« LUI s’inscrit parmi des milliers d’autres magazines qui maltraitent les femmes. Sous couvert d’esthétisme, c’est choquant, salace et révoltant. Beigbeder n’a-t-il rien d’autre à faire ? », se demande Cyrille Morin, membre de Mix-Cité. Pourtant personne ne force ces jeunes femmes, connues ou non, à poser dans ce genre de publication, elles le veulent bien.

Pour Cyrille, de tels propos flirtent avec le machisme « l’image en couverture se placarde partout et impacte les autres femmes, par rapport à la nudité et au regard des hommes, pour lesquels cela devient banal ! ». Et précise qu’il en est de même dans la pub Hénaff avec la femme qui porte une saucisse à sa bouche – qui a également choqué le monde féministe. Certes, les images de jeunes femmes dévêtues en position lascives s’affichent partout.

Tant et tant qu’on n’y prête quasiment plus attention… « LUI banalise les choses, c’est le début d’une violence symbolique. On montre la femme objet de beauté, les hommes se disent logiquement : pourquoi on ne les violerait pas ? », rétorque le jeune féministe. N’est-ce pas là prendre les hommes pour des écervelés ? Non, nous dit-on puisque tout le monde n’a pas les mêmes codes pour faire la différence entre une image qui se veut esthétisante et la réalité.

Chez Questions d’Egalité, c’est l’actrice en couverture qui dérange Guénaëlle Bauta et Marine Bachelot, membres du conseil d’administration de l’association : « Cette couverture coïncide avec la sortie du film La Vie d’Adèle, c’est une récupération hétéro-sexiste ! » Sans parler du « fantasme sous-jacent des hommes sur les lesbiennes. Léa Seydoux semble vouloir se rassurer et rassurer son public sur sa sexualité. Ceci n’est pas anodin pour les jeunes lesbiennes ».

La femme, objet de service

« Donne-le à ta mère, elle sait comment faire », c’est ce qu’on peut lire sur les étiquettes d’indications de lavage de la marque de vêtements IKKS. De l’humour, noir, scandaleux, décalé, ou très con, comme on veut, mais du second degré quand même. Cela ne fait pas rire les féministes.

« La marque ne connaît pas l’éducation reçue par celui qui lit ça. Là aussi tout le monde n’a pas les codes pour décrypter cet humour. Y’a danger, ça alimente les préjugés. Car dans la réalité 80% des tâches ménagères sont faites par les femmes », s’indigne Cyrille chez Mix-Cité.

IKKS n’a pas fait rire non plus les filles de Questions d’Egalité, « C’est comme les plaisanteries racistes, ça fait des dommages, il y a des drames humains derrière cela », remarque Marine. Un argument que sa collègue de militantisme approuve. Pour elles, ce partage inégalitaire a une incidence sur la sphère professionnelle, la femme a moins de temps pour son travail, « On ne peut pas rester tard, assurer la réunion de 18 heures. Tout ceci est dévalorisant ». Image de femmes nues sur papier glacé, ménage et lessive, viol, tout serait lié.

La femme, objet sexuel

Nos féministes assument pleinement : « Cela fait partie du même assujettissement. Il y a l’idée de la femme objet de beauté, objet de service, qui conduisent à la femme objet sexuel », insiste Cyrille. Le discours est semblable chez Questions d’Egalité où Guénaëlle nous explique que ces images donnent à l’homme une impression de disponibilité du corps de la femme. D’où l’importance pour Mix-Cité et Questions d’Egalité – et pour YEGG également – du tumblr lancé en septembre « Je connais un violeur » (http://jeconnaisunvioleur.tumblr.com/ ).

Les victimes de viol y racontent leur histoire anonymement. Il brise la loi du silence, permet de faire déculpabiliser les victimes et fait un constat effrayant : 80% des violeurs sont des proches. « C’est important d’avoir un tel espace pour libérer la parole, quand les budgets alloués aux planning familiaux sont drastiquement diminués, que les policiers ne sont toujours pas formés pour recevoir correctement les femmes qui viennent porter plainte », assure Cyrille. Un sentiment partagé par Questions d’Egalité :

« Il y a une grosse omerta sur le viol en France. Il y en a 75 000 par an et le chiffre double si on y ajoute les viols sur mineurs. Moins d’1% des violeurs est condamné. »

Il est primordial pour nos deux interlocutrices de diffuser ces chiffres, notamment auprès des jeunes, pour tenter mieux de gérer le choc traumatique, « équivalent à un traumatisme de guerre ». Elles conseillent à ce sujet la lecture de Muriel Salmona*

Les féministes, objet de discorde

« On ne hiérarchise rien, les sujets futiles permettent une avancée globale, ils sont donc aussi importants. Dans notre activité quotidienne on lutte contre tout, en restant conscient du degré de gravité », nous explique Cyrille – argument sur lequel il est rejoint par Lorina Chattinsky, créatrice du site caricatural Au Féminin Point Conne – bien conscient que leurs actions ne peuvent pas faire l’unanimité, « Peut-être devons-nous nous demander si nous sommes clairs ? ». En revanche, pas question de se justifier, « Que celles qui croient qu’on se trompe fassent le boulot ! ».

Pour ce qui est de l’égalité des salaires et de l’accès à l’emploi, Cyrille argue qu’on touche là l’économie et que ça coûte en conséquence de l’argent, que c’est plus complexe. Quant à tenter de convaincre le législateur sur cette question, il n’y croit pas prenant l’exemple de la loi sur la parité pas encore totalement respectée… Les représentants de nos associations ont l’honnêteté de l’avouer : il y a des batailles plus simples à remporter et d’autres pour lesquelles la lutte est plus âpre. En revanche, ils n’admettent pas le fait qu’il y a des engagements futiles et de vraies victoires, celles qui concernent les salaires, l’accès à l’emploi et aux responsabilités, les congés parentaux, le harcèlement sexuel et de rue, le viol…

A vouloir tout mettre sur le même niveau, sans distinction ni discernement, il est malheureusement à craindre qu’on ne puisse plus rien dire à une femme, et qu’elle perde alors tout espoir d’être un jour l’égal de l’homme : on pourrait dire d’un homme qu’il est con et moche et pas d’une femme ? A méditer.

*Muriel Salmona : Psychiatre spécialisée dans la prise en charge des victimes, formatrice et chercheuse en psychotraumatologie, présidente de l’association d’information, de formation et de recherche « Mémoire Traumatique et Victimologie ».
Créatrice du site http://memoiretraumatique.org, auteure de « Le livre noir des violences sexuelles » chez Dunod paru en 2013 (http://lelivrenoirdesviolencessexuelles.wordpress.com). Blog : http://stopauxviolences.blogspot.fr/

Égalité des sexes : Le graal des chevalières de la table ronde

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Arvor, Rennes
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La réalisatrice finistérienne Marie Hélia présente son nouveau film à l’Arvor, du 27 novembre au 3 décembre : Les chevalières de la table ronde (« Liberté, Sexualités, Féminisme. 50 ans de luttes pour les droits des femmes »).
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La réalisatrice finistérienne Marie Hélia présente son nouveau film – produit par Paris Brest productions – à l’Arvor, du 27 novembre au 3 décembre : Les chevalières de la table ronde (« Liberté, Sexualités, Féminisme. 50 ans de luttes pour les droits des femmes »). Un documentaire  – centré sur 12 femmes qui ont milité au Planning familial et qui continuent de faire entendre leurs voies à travers leur quotidien et leur militantisme – qui flirte avec la fiction puisqu’en parallèle, le spectateur suit une Gorilla Girl dans sa traversée du Finistère à la recherche d’une pie noir, en l’honneur de Rosa Bonheur, une des premières femmes peintres du XIXe siècle à être reconnue internationalement. Interview de Marie Hélia.

YEGG : Pourquoi avoir choisi de centrer le film sur les militantes et créatrices du Planning familial ?

Marie Hélia : À l’origine, c’était une demande du Planning familial de Brest, qui réunissait les créatrices du PF Finistère. Elles ont des choses à dire et leurs mémoires sont précieuses. J’ai pu établir la liste et les rencontrer. Elles sont 8 à avoir participé à sa création, elles ont entre 86 et 90 ans.

Comment de temps cela vous a pris ?

Un an d’écriture et de rencontres environ. Mais au total, entre l’idée du film et la première projection, trois années se sont écoulées.

Pourquoi ce parallèle entre les créatrices du Planning familial et les chevaliers de la table ronde ?

C’est une lutte très épique. En plus, elles ont une classe incroyable. Elles étaient en lutte, en quête ! En quête de liberté. Le lien avec la table vient simplement de la référence à la table à repasser, avec évidemment une vague inspiration des légendes arthuriennes (la table ronde a été conçue pour que chacun siège à égalité, ndlr).

C’est d’ailleurs une artiste, Annelise Nguyên, qui a réalisé la table ronde. Pourquoi en faire construire une pour le film ?

Tout simplement parce que je ne voulais pas l’acheter chez Ikea. Et que je voulais vraiment inclure d’autres femmes artistes dans ce projet. Il n’y a pas qu’elle, il y a aussi Laetitia Sheriff.

Comment s’est passée la rencontre avec cette dernière ?

Je la connaissais déjà, de loin. J’étais persuadée que c’était elle qu’il fallait pour réaliser la bande originale du film. De la guitare et de la voix. Et c’est ce qu’elle fait. C’est une musique originale qu’elle propose ici. Quand elle a vu le film, elle a joué en direct avec la projection.

Est-ce que ce sera l’occasion d’organiser un ciné-concert avec cette auteure-compositeure-chanteuse ?

Ce serait bien. Pour l’instant, nous n’avons pas encore la version sans les paroles. Mais c’est une très belle collaboration.

Autre figure féminine importante dans le film : la Gorilla Girl, féministe américaine. Pourquoi l’inclure dans le scénario ?

Car elle représente la place des femmes dans la culture. Elle défend les femmes dans les arts. Elle symbolise le féminisme car c’est un personnage volontaire et libre. Et puis, c’est un personnage de fiction, ce qui vient perturbée le scénario du documentaire. C’est ça aussi que je trouvais intéressant. J’aime bien penser une forme pour chacun de mes films. C’est ce qui en fait leur force.

Et pourquoi Rosa Bonheur en particulier ?

Déjà, le nom Rosa Bonheur est magnifique. Je cherchais une peintre animalière, sans forcément que j’aime ses œuvres. Je trouve d’ailleurs sa peinture trop académique. Mais c’est aussi une femme qui ne se revendiquait pas féministe mais qui l’était par la force des choses.

Un peu comme vous…

C’est un féminisme instinctif. Moi, je me revendique féministe. Je pense d’ailleurs que quand on est une femme, c’est un pléonasme !

Vous avez rencontré les « anciennes » du Planning familial mais aussi les « nouvelles », la jeune génération de militantes. Avez-vous ressenti une différence dans la manière de militer ?

Non, vraiment pas. Elles militent toutes au PF et font preuve d’altruisme envers les autres femmes. Elles ne se battent pas simplement pour elles mais également pour les autres. Je les trouve pragmatiques. J’ai déjà réalisé un film sur les militants, qui s’appelle Dans la ville rouge, il s’agit là de militants perdus, paumés. Les féministes, elles se prennent en main au quotidien. Elles ne se laissent pas tomber dans les pièges de la télévision qui nous montre des femmes objets. On va bientôt nous dire de rentrer à la maison si ça continue !

Vous travaillez sur le territoire breton et avait réalisé le film dans le Finistère. Dans la région, le militantisme féministe est-il plus important qu’ailleurs selon vous ?

Je ne crois pas. Je ne crois pas à cette fumisterie du matriarcat breton, qui nous dit qu’en Bretagne, les femmes sont fortes et puissantes. Elles n’ont pas le pouvoir politique, pas le pouvoir économique et pas le pouvoir législatif. Tout ça, ça me gave grave ! Tout comme les bonnets rouges, je suis anti bonnets rouges de toute manière. Pour revenir à la question, je crois que le féminisme breton est le même qu’ailleurs. Il y a une légère baisse du militantisme, comme partout. Par exemple, au Planning, les bénévoles sont dures à trouver.

Le Planning familial parle aussi de réduction des moyens financiers. Est-ce que le film en profite pour aborder cette problématique ?

Je n’ai pas abordé l’aspect financier dans le film car je n’ai pas ressenti cette préoccupation dans le Finistère. Par contre, ce qui est dit et évoqué, c’est le manque de moyens et de temps mis à disposition. Comme par exemple l’accès à la sexualité dans les écoles. Ce n’est pas avec trois heures sur le sujet qu’on va les sensibiliser à la question. Il y a une vraie urgence de ce côté-là.

Qui sont les spectateurs qui viennent assister aux séances de projection ?

Le public est essentiellement féminin : 80% de femmes environ qui ont entre 40 et 65 ans. Mais on va aussi organiser des séances pour les scolaires, pour l’instant dans le Finistère dans les villes qui ont un Planning familial – Quimper, Brest, Douarnenez – puisque c’est la structure qui fera la sensibilisation.

Est-ce que la jeune génération est présente également ? Le féminisme peut parfois faire peur aux jeunes femmes…

C’est dommage, il n’est pas interdit de penser… La jeune génération a du mal à rentrer dans les salles pour voir un documentaire… Mais il y a quelques-unes quand même !

Par conséquent, le message de transmission est plus difficile à faire passer…

Le message se transmet mais c’est long, c’est normal. Nous n’avons pas les mêmes moyens de distribution que les blockbusters américains…. Le film est passé sur les chaines locales comme TBO, c’est positif, c’est comme ça que le message va passer. En tout cas, dans les salles, les spectateurs semblent ravis. Les chevalières de la table ronde ont une telle énergie ! Elles transmettent leur bonheur et leur joie de vivre. C’est super !

Merci Marie Hélia

Merci à vous.

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