Célian Ramis

Festival Zanzan : comme une envie de changer l'image de l'autisme

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« J’ai fait ce film pour présenter une enfant qui a une liberté rare qu’on ne retrouve pas chez nous, les « normaux ». On a beaucoup à se reprocher sur notre liberté, les limites de notre normalité » explique la réalisatrice Eugénie Bourdeau
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« J’ai fait ce film pour présenter une enfant qui a une liberté rare qu’on ne retrouve pas chez nous, les « normaux ». On a beaucoup à se reprocher sur notre liberté, les limites de notre normalité » explique la réalisatrice Eugénie Bourdeau dont le documentaire, Sa normalité a été projeté vendredi 4 avril aux Champs Libres dans le cadre de la troisième édition du festival Zanzan, « Cinéma des arts et des différences » dirigé par Philippe Thomas, qui se déroulait du 3 au 6 avril à Rennes.

Ce documentaire de vingt-six minutes compile dix années de moments d’intimité de la vie d’Eugénie Bourdeau et de sa fille Lucile, 12 ans, diagnostiquée autiste à 4 ans. À la maison, en région parisienne puis à Avignon, en voiture sur un air de Francis Cabrel, lors d’une fête de la musique où l’enfant danse dans la foule ou bien à l’école, tant de moments de la vie quotidienne capturés par la caméra et le smartphone de cette mère, ancienne scripte pour le cinéma, qui décide, lorsqu’elle se retrouve seule avec Lucile à l’âge de un an de passer à la réalisation afin de filmer celle qu’elle considère comme « passionnante ».

Monté en une semaine, ce film l’a été à l’occasion d’un décrochage d’une des expositions des travaux de Lucile, « La Tribu de Lulu »*.

Parce que oui, Lucile dessine. Elle dessine frénétiquement au stylo noir, presque compulsivement, sur des centaines de feuilles par jour, des corps enlacés, en mouvement, dans un style qui, s’il est très naïf, n’en est pas moins vif et précis. Sur la vingtaine de minutes du documentaire, beaucoup de plans se concentrent sur cette activité qui accapare une grande partie du temps de l’adolescente.

Le dessin pour Lucile « c’est sa lecture des choses, une manière de traduire ce dont elle est témoin » selon sa mère. Cette voie prise par Lucile leur a ouvert de nombreuses portes explique la réalisatrice, qui déplore la succession de mauvaises expériences qu’elles ont connu dans ce système d’école ou avec des personnes qui n’ont pas su comprendre ou s’adapter à la singularité de l’enfant.

« Pour eux, nous sommes les handicapés »

En voyant ces images, on ne peut que sentir l’émotion, les moments de joie et d’amour de cette relation fusionnelle entre une mère et sa fille. C’est un documentaire joyeux, lumineux, sur un air du groupe Islandais Sigur Rós, que réalise Eugénie Bourdeau, qui a fait le choix de ne pas intégrer les colères de Lucile au montage par souci d’intimité.

C’est ainsi un film très positif qui nous est donné de voir, mais c’est en discutant avec la réalisatrice que l’on comprend en quoi le faire a été pour elle, un travail sur soi. Outil de mémoire, ce film lui a permis, en visionnant les images, de prendre du recul sur Lucile, leur relation et de s’approprier une seconde lecture des choses.

Pour la mère, le problème avec l’autisme, c’est les autres. « On fait subir à ces enfants notre propre incompétence à ne pas les comprendre. Être face à l’autisme demande un vrai travail sur soi et de revoir sa façon d’être. Les gens ne s’adaptent pas et pourtant, il faut respecter les autistes en tant que personnes », explique la réalisatrice qui garde un œil sur sa fille qui joue au soleil et s’adresse à des inconnus de manière spontanée.

Sa normalité accompagne ainsi les expositions de Lucile Notin-Bourdeau et devait tout d’abord s’adresser à un public restreint de proches. Or, si Eugénie Bourdeau n’envisageait pas sa diffusion au grand public de prime abord, l’idée de pouvoir engager des débats autour de l’autisme l’a conquise et ce fut le cas après sa projection aux Champs Libres, en sous-titré et en audio description pour ceux qui le souhaitaient.

Dans la salle certains connaissent et comprennent l’autisme, d’autres sont moins sensibilisés et posent des questions. Lucile monte sur l’estrade et commence à chanter Highway to Hell du groupe ACDC ou Down On My Knees de l’artiste Ayo sous le regard bienveillant des spectateurs qui s’amusent de son énergie et de sa liberté dont nous parle tant sa mère.

« J’ai voulu montrer une autre façon d’être, la beauté dans sa liberté », conclut Eugénie Bourdeau qui parle de « singularité » pour l’autisme plutôt que de handicap; cette singularité qui encore aujourd’hui reste compliquée à comprendre, à expliquer mais qui cette fois, rime avec légèreté et sourire.

* Pour voir les dessins de l’artiste Lucile Notin-Bourdeau : latribudelulu.com

Célian Ramis

Municipales 2014 : Nathalie Appéré, première femme maire de Rennes

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Après un suspens quasi nul, Rennes reste le bastion de la gauche. C’est ce qu’a confirmé le second tour, hier soir, malgré une abstention de 46,61%, des élections municipales.
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Après un suspens quasi nul, Rennes reste le bastion de la gauche. C’est ce qu’a confirmé le second tour, hier soir, malgré une abstention de 46,61%, des élections municipales. Nathalie Appéré, candidate socialiste, porte donc sa liste Rennes créative et solidaire à la victoire avec 55,83% des voix contre 44,16% pour son adversaire, Bruno Chavanat, leader du centre-droite. Une femme à la tête de Rennes, une grande première pour la capitale bretonne.

« Je suis un produit de la parité », nous disait Nathalie Appéré en décembre 2013, dans le cadre de notre article sur la parité dans les scrutins, à lire dans le numéro 21 – janvier 2014 et sur notre site. Ce dimanche soir, la candidate socialiste élue au poste de maire de Rennes rejoint le faible pourcentage de femmes maires, tout comme ses consœurs Johanna Rolland à Nantes ou encore Anne Hidalgo à Paris.

En 2008, elles étaient 13,9% en France. Un chiffre que Jocelyne Bougeard, jusqu’alors adjointe au maire, déléguée aux droits des femmes, redoute de voir encore diminuer. Le 30 mars, celle qui figurait en 29ème position durant l’entre-deux tours signe pour un nouveau mandat, aux côtés de la députée-maire Nathalie Appéré. Pour cette dernière, qui fait son entrée, aux alentours de 21h20, dans le grand salon de l’Hôtel de ville sous les nombreux applaudissements des militants, « les Rennais ont souhaité écrire une nouvelle page de notre histoire ».

Un discours succinct prononcé par celle qui succède à Daniel Deleveau – maire de Rennes et président de Rennes Métropole depuis 2008 – au milieu de son équipe, qui devrait se mettre au travail dès vendredi prochain lors du conseil municipal. Et un discours qu’elle termine, sourire aux lèvres, en saisissant la main de Matthieu Theurier – co-tête de liste Europe Écologie Les Verts – Front de gauche durant la campagne et en 2ème position après la fusion avec la liste Rennes créative et solidaire – qui lui en revanche n’affiche pas le même large sourire que ses nouveaux camarades fraichement élus (ou réélus pour la majorité).

De son côté, Jocelyne Bougeard regrette la douloureuse séparation de certains colistiers – due à l’alliance de la liste de Nathalie Appéré et de celle de Matthieu Theurier – Valérie Faucheux – mais se déclare extrêmement contente « et consciente des engagements pris vis-à-vis de la population rennaise ». Et évidemment, ravie « qu’une femme soit élue ».

Si pour l’heure, elle ne peut (veut) pas s’avancer sur la délégation dont elle sera chargée, elle exprime et confirme sa volonté de conserver sa responsabilité au sein de la délégation aux droits des femmes, « même si quelqu’un d’autre pourrait très bien le faire ». Une délégation qui lui tient à coeur. Pour elle, l’égalité des sexes et les droits des femmes restent une priorité forte, « notamment la situation des femmes pauvres ». Et si Nathalie Appéré mentionne, dans son discours les axes prioritaires de son nouveau conseil municipal, l’emploi, la qualité de vie environnementale, la démocratie locale entre autres, elle taira la question de la parité et de l’égalité femmes-hommes.

Un sujet qu’elle n’a pas porté au cœur de sa campagne également mais auquel elle se dit particulièrement sensible, « notamment dans le fait de maintenir la ville de Rennes en tant qu’employeur exemplaire et novateur, aussi bien au niveau de la parité qu’au niveau de la qualité des emplois ». Le prochain conseil municipal de la capitale bretonne sera constitué vendredi 4 avril. Selon les informations communiquées par la Préfecture d’Ille-et-Vilaine, le conseil devrait être constitué de 48 sièges pour la majorité et 13 sièges pour l’opposition.

Célian Ramis

Droit à l'avortement : Désirée ou l'art du court-métrage rennais

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Et si en France l’avortement n’était pas complètement légalisé ? Et si en France, il fallait avoir été violée pour avoir accès à l’IVG ?
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Et si en France l’avortement n’était pas complètement légalisé ? Et si en France, il fallait avoir été violée pour avoir accès à l’IVG ? Deux jeunes rennais, Mathilde Joubaud et Paul Marques Duarte, ont décidé de transposer l’actualité espagnole à la France, dans leur court-métrage Désirée.

Une production rennaise – le collectif informel HCBS Productions – des acteurs rennais, des réalisateurs rennais, en quelques mots un court métrage 100% rennais. Mais le message transgresse les frontières et va au-delà de la capitale bretonne.

En janvier 2014, Mathilde Joubaud, lycéenne à Saint-Martin en option Cinéma, et Paul Marques Duarte, étudiant en Arts du spectacle à Rennes 2 – qui se sont rencontrés au lycée Saint-Martin et sur le tournage d’un court-métrage, réalisé par Paul, sur les effets de l’alcool au volant – décident de travailler ensemble sur le projet Désirée, en réaction à la loi espagnole restreignant l’accès à l’IVG à deux cas seulement : en cas de viol (avec dépôt de plainte obligatoire) ou en cas de danger pour la santé de la mère.

« J’avais entendu parler de cette loi et je voulais réagir. J’ai fait beaucoup de recherches pour comprendre les modifications de cette loi et le timing qu’on avait pour faire le film », explique Mathilde. Âgée de 17 ans, elle est touchée par la violence de cette actualité : « En tant que femme, je me sens concernée. Mais j’ai aussi une amie espagnole, que j’ai vu perturbée par les événements. C’est inadmissible ce qu’il se passe ! »

Dans ce très court-métrage, de 2 minutes, Paul et Mathilde ont choisi parmi plusieurs scénarios de présenter le cas d’une jeune femme de 18 ans – interprétée par Sydney Massicot, élève au lycée Saint-Martin – qui, enceinte, décide d’aller consulter son médecin – interprété par Eddy Del Pino, fondateur du collectif Un film, un jour – pour avorter. Ce dernier, ravi que la patiente attende un enfant – « c’est formidable » lui dira-t-il d’emblée – s’assombrit en découvrant qu’elle ne souhaite pas le garder. « Pas violée, pas d’IVG », la phrase est cinglante, le message brutal, l’impact percutant.

Une réalité peu probable dans l’Hexagone, qui a renforcé le 20 janvier 2014 sa position sur le droit à l’avortement en supprimant le caractère d’urgence inscrit dans la loi Veil, mais qui deviendra celle de l’Espagne puisque le 20 décembre dernier le gouvernement de Mariano Rajoy a approuvé le projet de loi – qui devrait être voté par le Parlement après les élections européennes, fin mai. C’est alors un choix des réalisateurs de transposer la situation espagnole à un cas français en flirtant avec le registre de la comédie :

« Elle n’est pas faite uniquement pour divertir mais également pour faire passer le message. Désirée n’est pas tellement une comédie au fond, on tire sur l’humour noir à fond ».

La comédie, un genre sérieux. Un argument défendu par de nombreux réalisateurs, tels qu’Alexandre Astier ou tel que l’avait expliqué Bertrand Tavernier, lors de son passage à Rennes le 8 octobre 2013 pour l’avant-première de son dernier film Quai d’Orsay.

Un impact important

La tendance actuelle est à la transposition. À l’occasion de la journée internationale des femmes, la réalisatrice française Lisa Azuelos (qui avait écrit un scénario pour la cause gay féminine dans les années 90, sous son nom d’épouse à l’époque, Lisa Alessandrin) utilisait ce principe dans un court-métrage de 4 minutes, 14 millions de cris, avec Julie Gayet, Alexandre Astier, Adèle Gasparov et Philippe Nahon. Un mini film dont l’objectif était de dénoncer les 14 millions de filles mineures mariées de force dans le monde.

Ici, Paul Marques Duarte et Mathilde Joubaud n’ont pas la prétention de « faire bouger les choses mais de faire réfléchir, en touchant un public large, et jeune. C’est important que les jeunes comprennent la situation ». En le projetant au lycée Saint-Martin, l’idée fait son chemin. Désirée provoque les rires dus à la situation, à la réaction naïve et spontanée – à première interprétation – du médecin, qui se transforment peu à peu en rires nerveux pour ensuite se figer sur place. Peut-on rire de tout ? La question est posée à demi-mots de manière à ne pas empiéter sur le sujet principal et les réactions des un(e)s et des autres. Vient ensuite le temps de la réflexion et des premiers ressentis.

« Étonnamment, nous avons eu pas mal de réactions masculines qui, une fois le rire passé, trouvaient ça intéressant et juste dans le traitement, pas dans la loi. Et pour les filles, certaines ont trouvé ça abusé »
confie Mathilde, interpellée.

Dérangées par le message ? Pourtant, en France, les Marches pour la vie ont envahi les rues de Paris, en janvier 2014, afin de défendre « le respect envers toute vie humaine ». Sans oublier que début décembre 2013, le Parlement européen (dont des députés UMP français) a rejeté le rapport Estrela sur la santé et les droits sexuels et génésiques, refusant ainsi de faire de l’avortement un droit européen. Une grande « bêtise de la part des héritiers de Simone Veil », nous confie l’ancienne adjointe au maire de Rennes, Nicole Kiil-Nielsen, actuellement eurodéputée écologiste.

Une suite engagée et envisagée

Pour Mathilde Joubaud, il est inacceptable de voir bafoués des droits obtenus après plusieurs décennies (lire notre article Rennes : un lieu de rassemblement pour le droit à l’avortement – 24 mars 2014). « Pourquoi régresse-t-on de cette façon ? On sait que par temps de crise, les droits sont menacés. Il suffit de peu de chose : les droits ne sont jamais acquis », s’insurge-t-elle.

Un point sur lequel la rejoint Paul Marques Duarte, qui aime s’attaquer à des sujets de société et marquer les esprits, comme il l’avait déjà fait auparavant avec son court-métrage Reflet, sur le harcèlement scolaire. Un très court-métrage réutilisé par l’État pour lutter contre ce type de harcèlement. Ou encore avec Fruit qu’on fit, dans lequel il aborde le divorce du point de vue de l’enfant, sélectionné en hors-compétition (short film corner) au festival de Cannes, l’an dernier. Tous deux ont conscience de l’impact des arts et notamment celui du cinéma sur le public et l’opinion publique.

« Plus c’est percutant, mieux c’est. Et plus c’est court, plus les jeunes regardent. En deux minutes le message passe, c’est efficace », explique Paul.

Du haut de ses 18 ans, il signe le scénario de Désirée et co-réalise le mini film en une après-midi à Laillé, près de Rennes. Il opte également pour des plans fixes « afin de montrer que les choses ne bougent pas, et surtout que personne ne bouge ». Un choix qui sera certainement réemployé dans leur deuxième court-métrage, sur le même thème mais avec un scénario différent, cette fois signé Mathilde Joubaud.

« On se placera sans doute du point de vue de la femme dans le prochain. Là, on expliquait la situation. Maintenant, on montrera le ressenti de la femme. Dans cette loi, on prend plus en compte la valeur du bébé que celui de la mère. Cette dernière doit s’effacer au profit de son enfant, ce n’est pas normal », précise la jeune réalisatrice. Toujours dans l’objectif de transmettre que l’avortement est un droit : « On peut garder l’enfant. On peut ne pas garder l’enfant. C’est un choix. Un droit. »

Pour l’heure, le duo pense d’abord à réenregistrer le son de Désirée en le post-synchronisant dans les studios rennais, Nomades productions – et peut-être modifier le titre de ce court-métrage à la suite de réactions sensibles au fait que c’était un nom mixte employé ici au féminin – puisque le film pâtit actuellement d’une mauvaise qualité nuisible à son efficacité. Des projets de diffusion sont en cours – notamment pour une projection au festival Court en Betton si le film est retenu parmi la sélection – et le tournage du deuxième volet devrait suivre dans les semaines à venir. Pour visionner la première partie de leur travail, cliquez ici.

Célian Ramis

Rennes, un lieu de rassemblement pour le droit à l'avortement

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Dans le cadre de la journée internationale des femmes, une conférence sur « L’histoire des mobilisations pour la libéralisation de l’avortement à Rennes » était organisée par les Archives de la ville.
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Dans le cadre de la journée internationale des femmes, une conférence sur « L’histoire des mobilisations pour la libéralisation de l’avortement à Rennes » était organisée par les Archives de la ville. Patricia Godard et Lydie Porée retraçaient les luttes comprises entre 1972 et 1974.

Jeudi dernier, les deux membres de l’association Histoire du féminisme à Rennes présentaient les archives de la section locale du groupe Choisir Rennes, une association en faveur de l’avortement. Les documents permettaient de retracer les manifestations et rassemblements pour la libéralisation de ce droit dans la capitale bretonne, à partir desquels Patricia Godard et Lydie Porée ont rédigé l’ouvrage Les femmes s’en vont en lutte, publié en février dernier aux éditions Goater. L’occasion de découvrir une partie de l’histoire des luttes féministes ayant eu lieu au début des années 70.

Époque dite de la « deuxième vague ». Ce soir-là, une trentaine de personnes sont présentes dans la salle. La conférence débute par une série de dates projetées sur le mur :

- 1967 : la loi Neuwirth qui autorise la contraception
- 1972 : la création de l’association Choisir Rennes
- 1973 : la grève de la faculté de médecine
- 1975 : la loi Veil.

Quelques repères pour attester du rôle déterminant de Rennes dans les mobilisations pour le droit à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG). Les archives proviennent du fonds de Patrick Wiener – surnommé Angela : un ancien étudiant en médecine à Rennes. « Il nous a donné des documents importants sur l’association « Choisir Rennes » », explique Lydie Porée. Croquis, tracts, fiches de renseignements, lettres, brouillons… L’homme a tout conservé. « Un trésor » selon la jeune femme, très peu de militants du groupe l’ayant fait.

C’est en raison des décès fréquents, des répressions menées à l’encontre des femmes y ayant recours et des difficultés à contrôler la fécondité, que les mobilisations ont commencé. À cette époque, c’est la méthode d’aspiration du contenu utérin, appelée « de Karman », qui était employée – un croquis d’un appareil génital, provenant des archives de Patrick Wiener, a été retrouvé. Une technique simple, selon les conférencières, peu agressive qui « permettait aux femmes de se réapproprier leur corps », commente Patricia Godard. Et c’est dès l’été 1972 qu’une équipe rennaise pratiquait cette méthode sur les femmes souhaitant avorter illégalement.

1972 : La naissance de Choisir Rennes

Cette même année, l’association prend forme. Composées de féministes et de militantes maoïstes, elle constituait une antenne du mouvement national – avant que le groupe ne s’en détache pour Défendre la femme. D’après les archives, Choisir Rennes revendiquait des idées politiques et anticapitalistes. « Les femmes de la classe bourgeoises restaient des privilégiées qui avaient plus de moyens d’aller avorter à l’étranger que les autres », précise Lydie Porée. La grève de la faculté de médecine est à l’époque, un « catalyseur ».

L’association y recrute des étudiants pour pratiquer les IVG et les demandes affluent. Le profil des bénéficiaires ? « Des rennaises, âgées de 20 à 30 ans, travailleuses, étudiantes ou en recherche d’emploi », détaille les spécialistes. Entre 1973 et 1974, des fiches de renseignements sont d’ailleurs minutieusement rédigées par les militantes et conservées par Patrick Wiener.

1974 : Choisir Rennes s’éteint au profit du MLAC

Dès 1974, Choisir Rennes s’associe au Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), avant de disparaitre. Composé principalement de trotskystes, ce dernier distribuait des tracts et diffusait  Histoire d’A, un documentaire réalisé par Charles Belmont et Marielle Issartel sur l’interruption volontaire de grossesse, effectuée de manière clandestine, et sur la contraception. De quoi faire réagir les plus sceptiques et remuer la population.

 « Les mobilisations à Rennes ont été nombreuses et n’ont pas eu lieu qu’à Paris », conclut Lydie Porée. Le droit à l’avortement est, comme en témoignent les archives, issu de hautes luttes, et les rennais y ont donc activement participé. Une page de l’histoire de la ville qu’il convient de ne pas l’oublier…

 

À savoir : En 1974, plusieurs propositions de lois, portées par le Parti Socialiste seront présentées puis abandonnées. Jusqu’au 20 décembre 1974, date à laquelle la loi Veil sera adoptée.

Célian Ramis

Marche féministe à Rennes : "Machos ! Machos ! Vous nous cassez le clito !"

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« La société enseigne « Ne vous faites pas violer » plutôt que « Ne violez pas » », « Un enfant est un choix. L’IVG est un droit », « Une femme voilée agressée, c’est toutes les femmes qui sont visées ».
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« La société enseigne « Ne vous faites pas violer » plutôt que « Ne violez pas » », « Un enfant est un choix. L’IVG est un droit », « Une femme voilée agressée, c’est toutes les femmes qui sont visées ». Hier soir, mardi 18 mars, était organisée une marche féministe non-mixte, à l’initiative de trois syndicats étudiants de Rennes 2 – SLB Skol Veur Roazhon, CNT-FAU et Solidaires étudiant-e-s Rennes. Un objectif en tête : se réapproprier l’espace public, de nuit.

C’est à l’heure où tombe la nuit qu’elles ont décidé de se rassembler sur la place de la Mairie ce mardi. Plusieurs dizaines de femmes ont répondu à l’appel des syndicats étudiants et formé un cercle autour des pancartes qui seront ensuite brandies fièrement lors de la marche.

Sur le papier, elles sont lesbiennes, trans, bisexuelles, hétéras, queers, intersexuées, grandes, noires, communistes, libertaires, maquillées, mères, sœurs, bretonnes, filles d’immigrées, libertines et bien d’autres choses encore. Et tout en même temps.

C’est l’idée qui est portée au travers de ce mouvement, organisé à l’occasion du mois du féminisme, par l’université Rennes 2. « Le but est de se réapproprier la rue en tant que femmes, dans n’importe quelle tenue, dans n’importe quel lieu », s’écrie Leila, du syndicat Solidaires étudiant-e-s Rennes, dans le mégaphone avant d’ouvrir la marche. Il est 19h30 et le cortège, composé d’une soixantaine de personnes selon les forces de l’ordre, s’élance dans la rue d’Orléans, pour rejoindre les quais avant de remonter la rue de la Monnaie, la place des Lices, la place Sainte Anne pour terminer rue Legraverend, au bar 1675.

La non-mixité comme outils de lutte féministe

Pendant une heure, la manifestation féministe revendique les droits des femmes parmi lesquels figurent ceux de ne plus avoir peur seules la nuit, « peur de se faire juger, évaluer, interpeller, suivre, agresser, violer, arrêter… » explique le tract qu’elles distribuent aux passants, tantôt sceptiques, tantôt intéressés.

« Sur le trajet, un homme nous a traité de sales putes et nous a fait un doigt d’honneur. Ce n’est pas évident de mobiliser autour du féminisme et d’expliquer pourquoi la marche est non-mixte. Certains hommes, et certaines femmes, ont du mal à le comprendre », précise Leila. Le choix de n’autoriser que la gente féminine à défiler marque une volonté de libérer la parole et l’espace pour les femmes : « Aujourd’hui, on considère l’égalité femmes-hommes acquise mais c’est justement dans ce genre d’événement que l’on se rend compte que c’est faux. La non-mixité est un outils de lutte féministe qui permet de comprendre à quel point on intègre au quotidien l’oppression masculine ».

Selon les participantes, marcher entre femmes permet d’oser prendre la parole, d’oser crier des slogans et d’oser s’assumer. Hier soir, elles refusaient donc de se laisser enfermer dans les stéréotypes et carcans infligés, selon les discours, par la société. Le message est clair et direct : elles veulent être libres dans leur corps, dans leur sexualité, dans leur mode de vie, dans leur manière d’être et dans leur manière de s’habiller.

Un point qui a fait l’actualité ces derniers jours avec l’histoire de Jack parker, blogueuse et ex-rédactrice en chef du site Madmezoille.com, qui raconte le 13 mars avoir été agressée sexuellement dans le métro parisien. Un « quadra lambda » faufile sa main sous la jupe de cette femme et enfonce ses doigts dans son entrejambe, à travers le collant. Certains commentaires sexistes ont été publiés par l’hebdo Les Inrocks – article du 17 mars 2014 « Agressée sexuellement dans le métro, une blogueuse est accusée d’avoir porté une jupe », www.lesinrocks.com.

Des slogans radicaux ?

Ce soir-là, les militantes peuvent marcher sur la route, de nuit, sans craindre le discours réprobateur des juges de la bienséance et des contrôleurs de l’image des femmes. Et défiler avec fierté, dans une ambiance décontractée et joyeuse. Elles scandent en chœur des slogans qui ont le mérite d’être francs et directs et qui pourraient être qualifiés de radicaux pour certains. « Machos ! Machos ! Vous nous cassez le clito », « À bas, l’hétéro-patriarcat ! » ou encore « Non c’est non ! La prochaine fois, ce sera un coup de cutter dans ta bite connard ».

Une violence à la hauteur de leur colère face aux disparités qui subsistent, voire qui se creusent davantage dans la société actuelle, entre les femmes et les hommes. Une violence qui démontre aussi leur volonté de se démarquer et, par ce message, de se libérer de cette emprise dominatrice. « L’idée est que chacun et chacune puissent circuler dans l’espace sans avoir peur et puissent se charger de comment se défendre », explique Pauline, qui marche à quelques pas d’une militante tenant la pancarte « Ne me libérez pas, je m’en charge ».

La jeune femme fréquente les milieux militants et les collectifs féministes informels. Elle a eu vent de la marche par le bouche à oreille et a souhaité participer. Pour elle, la lutte « passe aujourd’hui par le militantisme mais ça devrait être évident ! » Au cours du mois du féminisme, plusieurs actions sont organisées telles qu’une chorale féministe, des interventions des sages-femmes toujours mobilisées ou encore un débat sur le sexisme à l’université.

Célian Ramis

Accoucher chez soi, une liberté remise en cause

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L’accouchement assisté à domicile est menacé et il devient difficile de trouver des sages femmes qui le pratiquent.
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Depuis plus de cinq mois les sages femmes sont en grève et poursuivent les manifestations, à Rennes. Elles revendiquent le statut de praticien hospitalier. En parallèle, l’accouchement assisté à domicile est menacé et il devient difficile de trouver des sages femmes qui le pratiquent.

80 à 90% des naissances ont lieu à domicile, dans le monde. C’est seulement après la Seconde Guerre mondiale que l’accouchement à l’hôpital s’est peu à peu généralisé dans les pays occidentaux. Les progrès techniques et médicaux ont été tels, notamment depuis les années 70, que la grossesse et la naissance sont devenus aujourd’hui surmédicalisées, surtout en France. Simultanément, l’accouchement assisté à domicile (AAD), encore assez répandu en Europe du Nord – aux Pays Bas, en Grande-Bretagne, en Belgique ou encore en Allemagne – est mal perçu dans notre pays, considéré comme archaïque, dangereux, inconscient.

Aucune étude n’a pourtant prouvé qu’il augmente les risques. « Dans le cas d’une grossesse normale, dite physiologique, sans mauvaise position du bébé ou du placenta, sans diabète gestationnel, avec une bonne préparation, l’AAD offre plus de confort, de confiance et de liberté à la femme et les suites de couches sont vraiment mieux vécues », confie Katell Chantreau, 37 ans. Elle a mis au monde ses trois enfants chez elle, à Rennes, et a réalisé le documentaire Fait Maison qui suit la grossesse et l’accouchement à domicile de son amie Kate Fletcher (http://film.fait.maison.free.fr/).

Au début des années 2000, l’AAD a connu un regain d’intérêt dans notre pays, « C’est une réaction logique face aux excès. Les femmes ne veulent plus de cette surmédicalisation. Elles ont pris conscience qu’elles pouvaient « consommer mieux » leurs grossesses et leurs accouchements, elles ont plus de discernement de ce côté là, plus de réflexion, elles ne subissent plus. Souvent, elles ont eu un premier mauvais vécu, elles ont été déçues, frustrées voire traumatisées », confie Emmanuelle Oudin, une des deux sages-femmes qui pratiquent l’AAD en Ille-et-Vilaine.

Liberté de choix

« À la maison, si on est bien préparé, si la sage-femme connaît bien le couple, cela supprime un tas d’éventuelles complications. On peut prendre un bain, se détendre, ça change beaucoup de choses. On choisit sa position ! Et cette liberté posturale n’est pas négligeable. Si je devais militer pour quelque chose, ça serait pour ça ! En outre, les pères sont plus impliqués. Et puis il y a moins de baby blues ! », insiste Katell pour défendre l’AAD tant décrié.

La jeune femme pense que son documentaire a le mérite d’alimenter la réflexion et le débat sur les différents modes d’accouchement et surtout de poser cette question : « Est-ce un droit d’avoir le choix ? ». Or, aujourd’hui, selon elle, on n’a, en France, de l’accouchement et de la grossesse qu’une vision pathologique. Un sentiment fortement partagé par la professionnelle brétillienne :

« Nous sommes formatées à l’école, on ne nous apprend que le culte de la peur, le principe de risque, alors que partout ailleurs en Europe l’AAD fait partie de la formation ». Pas étudié, mal vu, l’AAD est aujourd’hui remis en cause par une loi datant de 2002.

L’AAD remis en cause

La loi Kouchner de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé prévoit que les sages-femmes pratiquant l’AAD soient assurées. Jusqu’ici rien d’anormal. En 2011, un rapport de la Cour des Comptes, d’autre part élogieux pour les sages-femmes, a mis le doigt sur le fait que sur les 72 sages-femmes pratiquant l’AAD en France à l’époque, seulement 4 étaient assurées.

« Oui, car les assureurs nous demandent des sommes exorbitantes ! 20 000 euros en moyenne par an. Impossible », explique la sage-femme.

Ces primes sont en effet calquées sur les accouchements à risque, or l’accouchement à domicile est physiologique pas pathologique. « Nous ne prenons aucune risque, l’AAD n’est possible que si la grossesse est normale », ajoute-t-elle. Une situation incompréhensible et inextricable pour les adeptes de l’AAD. Résultat ? « Déjà critiquées, beaucoup de sages-femmes vont arrêter. Sauf que les mères qui ont eu un enfant chez elles ne vont pas aller en maternité pour leur(s) futur(s) bébé(s), elles accoucheront seules, et là il y a danger », avance Katell Chantreau.

Peu nombreuses à l’heure actuelle – entre 70 et 80 au total en France – les professionnelles risquent donc de voir encore leur nombre diminuer et ne pourront pas répondre à la demande qui elle, augmente. La France pourrait alors se faire taper sur les doigts par l’Europe, car l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme prévoit que la femme a le droit de choisir où elle accouche.

Célian Ramis

Mille et une voluptés rennaises

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L’érotisme nourrit le quotidien des hommes et des femmes, stimule l’imaginaire à travers la suggestion, l’éveil des sens, le jeu de la séduction, les plaisirs charnels, le désir et la découverte physique de son corps et de l’Autre…
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Dans les médias, la question de l’érotisme est très souvent traitée comme une notion permettant de pimenter la vie sexuelle des couples. On réduit donc cet art, défini dans Le Petit Robert par tout ce « qui a rapport à l’amour physique, au plaisir et au désir sexuel distincts de la procréation », à une simple alternative susceptible de pallier les problèmes existants dans les rapports sexuels. Pourtant, l’érotisme nourrit le quotidien des hommes et des femmes, stimule l’imaginaire à travers la suggestion, l’éveil des sens, le jeu de la séduction, les plaisirs charnels, le désir et la découverte physique de son corps et de l’Autre… Aujourd’hui commercialisé dans différents registres (chic, glamour, populaire, etc.), l’accès à l’érotisme semble simple et direct et il est avéré que le marché attire des femmes de plus en plus nombreuses. Elles poussent les portes des sex shops, fréquentent le salon de l’érotisme, organisent des soirées entre copines ou couples ou encore consultent une sexologue. YEGG explore le monde voluptueux de l’érotisme.

Le marché du sexe s’est-il démocratisé ? Les femmes semblent ne plus avoir peur d’entrer dans les boutiques spécialisées et de s’adonner à de nouvelles pratiques. Qu’en est t-il réellement ? Où se placent les rennaises ? YEGG a rencontré deux vendeuses de produits érotiques. Elles nous expliquent.

Depuis plusieurs années, le marché du plaisir s’est ouvert à un large public d’adulte. La multiplication des points de vente, la diversité des produits et l’amélioration de la qualité y sont, en partie, responsables. Des changements s’opèrent, la clientèle évolue et de nombreux acteurs du milieu le constatent. C’est le cas de deux femmes. Elles travaillent dans des boutiques spécialisées au sein de la métropole rennaise. L’une est vendeuse à Dorcel Store, à Saint-Grégoire depuis plus de 2 ans et l’autre est la seule femme salariée d’un sex-shop* à Rennes depuis 25 ans.

Au quotidien, elles observent une féminisation de la clientèle. Pour la plus ancienne des vendeuses, entrée dans le milieu par hasard en 1986 en cherchant un poste de libraire, « les femmes sont plus nombreuses depuis une douzaine d’années ». En raison du développement du marché sur Internet et de l’ouverture d’esprit des nouvelles générations : « Des femmes viennent entre copines pour trouver des idées ou organiser un enterrement de vie de jeune fille, par exemple  ». Dans son magasin, tous les âges, toutes les classes sociales et les statuts (célibataire, en couple ou marié) sont présents. Cependant, leurs goûts diffèrent.

« Une femme seule achète davantage un accessoire, type « sex toy  », pour un plaisir solitaire alors qu’une personne en couple se tourne vers les huiles, la lingerie ou les jeux de société  ». Cependant, dans l’ensemble, l’attirance des femmes pour tel ou tel article reste similaire. « Les femmes aiment les sex toys et autres accessoires qui tolèrent le contact avec l’eau et achètent également des DVD ».
Salariée de Dorcel Store.

Elle relève une consommation de films X qui varie dans les choix selon les hommes et les femmes.

ÉROTIQUE CHIC

Et les rennaises ? « Elles aiment les choses sophistiquées, assez couteuses et qualitatives  », ajoute l’employée. « Les entrées de gamme les intéressent moins qu’auparavant et côté esthétique, elles apprécient surtout les couleurs et les articles travaillés  ». Quant à l’écart de goût entre les femmes et les hommes, il se réduit. « Il y a encore une quinzaine d’année, l’homme était plus physique et les femmes plus cérébrales dans leurs achats. Aujourd’hui, c’est moins frappant  », confie la salariée du centre ville.

Pour sa concurrente, les femmes ont également une influence sur les achats de leur compagnon : « Ils prennent des articles qui plaisent à leurs femmes et n’hésitent pas à les partager  ». Certaines lectures féminines, à succès, telles que Cinquante nuances de Grey de E.L. James, ont même un impact sur leur manière de consommer des accessoires érotiques. Toutes les deux constatent que le marché s’ouvre. « Les femmes entrent facilement dans la boutique », raconte la jeune vendeuse. Elles se décident à venir grâce au bouche à oreille et à l’aspect moderne du magasin : la lumière claire, les couleurs chatoyantes et les univers bien distincts y contribuent.

« Cela rassure » commente-t-elle. Bien sûr, les vendeuses font tout pour mettre à l’aise leurs clients. « On les accompagne, les conseille et dédramatise leurs achats. Certains vont même jusqu’à nous confier leurs secrets  », nous dit-on à Saint-Grégoire. Pour ce qui est de la pérennité du marché ? L’avenir semble prometteur… «   Il n’y aura pas de période dans la vie où les gens n’auront plus de plaisir  », explique l’employée de Dorcel Store. « Il fait parti d’un équilibre pour tout être humain. C’est un point essentiel », conclut enfin la plus ancienne des deux. Portée par un marché prospère et en pleine ébullition, la notion de plaisir se maintient sur le podium des priorités féminines.

  • Sur demande de la vendeuse, le nom n’est pas cité.

Véritable effet de mode depuis plusieurs années, les réunions entre copines sont idéales pour consommer des produits érotiques en toute intimité.

© Sophie Barel

C’est en dehors de Rennes que nous assistons, un vendredi soir, à une soft party. Maelys est « ambassadrice du bonheur  » pour Soft Paris en Ille-et-Vilaine depuis 3 ans. Onze femmes sont réunies chez Tina pour l’occasion. « Je n’ai jamais fait ce genre de réunions, comme la majorité des personnes qui sont là, j’en ai entendu parler par des copines et dans les médias et j’ai décidé d’en organiser une par curiosité. Il n’y a pas de tabous  », explique-t-elle.

La professionnelle de la vente directe est venue pour vendre du rêve, « du chic et du glamour. Pour cela, il faut également penser au langage employé pour ne pas choquer et pour mettre en confiance.  » Un point sur lequel la rejoint Véronique, ambassadrice depuis 4 ans et qui a entre temps lancé son business, Plaisirs charnels. « Il faut s’adapter à la clientèle. Si la structure de la réunion est plus ou moins la même, on peut personnaliser l’événement  », explique-t-elle.

La structure type, c’est la présentation du catalogue : lingerie, huiles, jeux/accessoires coquins et sex toys. Chez Tina, l’ambiance est frileuse au départ, le temps de se mettre en jambe puis l’atmosphère se réchauffe. Portes-jarretelles, culottes surprises (fendues au niveau des lèvres), nuisettes, poudres comestibles, baumes à lèvre, crèmes hydratantes, crèmes de stimulation clitoridienne, jeux de rôle ou encore boules de geisha et vibromasseurs… la multiplicité des produits démontre la diversité des possibilités liées à la sexualité des femmes, des couples et des hommes.

« Il faut oser se faire plaisir. Il est important de connaître son anatomie, se connaître, pour connaître son corps, et guider son partenaire pour prendre du plaisir »
explique Maelys aux participantes.

Ce soir-là, Virginie questionne l’ambassadrice sur sa silhouette et sur ses difficultés à trouver de la lingerie adaptée à sa poitrine (bonnet G). C’est sa première réunion entre copines. « J’essaye de trouver comment mettre mon corps en valeur. Avec ma copine, on discute beaucoup autour de notre sexualité et on utilise parfois des jouets  », confie-t-elle, en dehors du groupe.

Ce qu’elle apprécie dans la soirée – et qui la fera acheter plusieurs produits - c’est la délicatesse de la présentation, le glamour des produits : « érotique mais pas choquant, coquin sans être vulgaire. Dans un sex shop, je ne me sens pas à l’aise. Trop frontal pour moi ». Pour Véronique, il est important de démocratiser le marché de l’érotisme qui est souvent confondu avec la pornographie. « L’utilisation d’un objet n’est pas encore ancré dans les moeurs et je note en organisant des réunions de couples que ce sont souvent les hommes qui y sont réticents », souligne-t-elle.

Pour attirer les femmes, les fournisseurs multiplient les couleurs, les formes, les textures. Une fois la présentation terminée, les deux ambassadrices procèdent de la même manière : elles définissent une pièce intime qui leur permet de discuter en toute intimité, tour à tour, avec chacune des participantes. Un moment qui permet de poser des questions, d’apporter des précisions, « les ambassadrices de Soft Paris étant toutes formées par un sexologue pour être au fait des questionnements actuels  ».

Un moment propice à la commande de produits, puisque tel est le but premier : la prestation n’est pas facturée « mais lorsque je rencontre l’organisatrice en amont, je suis claire à ce sujet, je ne me déplace pas pour rien non plus », précise Maelys. Du côté de sa concurrente, même fonctionnement. Pour cette dernière, le côté commercial, l’entretien du réseau, la fidélisation des clients et le renouvèlement des formules proposées sont essentiels pour éviter la mort de ces réunions qui, avoue-t-elle, relèvent plus de l’effet de mode que du réel besoin, « même s’il est important d’ouvrir le marché aux femmes ».

Elle conclut sur une pensée effrayante : « J’arrête ce métier le jour où une femme me dit qu’elle n’a plus besoin d’un homme. Ce n’est pas le but des accessoires et de l’érotisme, loin de là  ».

Le temps d’un week-end, le parc expo de Rennes ouvre les portes de toutes les voluptés charnelles réunies dans un salon, organisé par Eropolis. Les 18 et 19 janvier, plus de 10 000 personnes « de 16 à 77 ans », nous dit-on du côté de l’organisation, ont foulé les allées de ce supermarché populaire de l’érotisme.

Au centre, 40 exposants de produits allant des tenues sexy aux jouets coquins en passant par les indispensables accessoires de massages. On se croirait plutôt boulevard Michelet à Saint-Ouen lors du marché aux puces qu’au milieu de Pigalle, quartier qui révèle une multitude de facettes, libère les fantasmes et envoute les esprits libidineux.

« L’objectif est de démocratiser l’érotisme et lever les tabous en mettant l’accent sur tout ce qui est artistique et la valorisation du corps féminin. »
Maya Cortes, chargée de la logistique et de l’animation.

Des shows artistiques donc sont présentés sur une scène « grand public » sur laquelle défilent stripteaseurs et stripteaseuses avant de se diriger vers une zone plus « hard » pour des shows individuels, dans des cabines isolées des regards indiscrets. « La majeure partie du salon est en lien avec l’érotisme mais on sait que les visiteurs restent à l’affut de plus. Ils trouvent ce qu’ils viennent chercher dans la partie + de 18 ans  », précise Maya. Catch sexuel, spectacle animé par des stars du X, stand sado-maso… Dans cet espace, la pornographie prend la main sur le monde des fantasmes et de la sensualité.

Ici, tout est montré, plus rien n’est suggéré, en dehors des strip, qui en moyenne oscillent entre 25 et 60 euros (du show soft au show « X sex toy »). Angel fait partie de la tournée Eropolis et pratique cet art depuis 4 ans. Pour elle, pas de vulgarité, uniquement de l’érotisme : « Ce n’est pas la classe du Crazy Horse mais on cherche à avoir une approche sensuelle. Que ce soit dans le regard, la douceur, la suggestion. On suscite l’envie avec cela. On vend du rêve ». Barbara, 27 ans, et Anaïs, 30 ans, venues de Saint-Malo et de Saint-Brieuc, reviennent cette année au salon de Rennes pour la 2e année consécutive.

« On recherche la nouveauté, les pratiques tendances. Cela évite la monotonie et permet d’acheter des produits comme des oeufs vibrants ou de la lingerie », confient-elles. Sans complexes, elles laissent tout de même paraître une gêne quant au côté porno :

« Nous sommes là depuis deux heures et nous n’avons pas encore vu un show soft. Sans être choquées, on note quand même une confusion. Sans mentionner que depuis l’an dernier, il y a de plus en plus de choses payantes  ».

En effet, il faut compter 15 euros pour l’entrée, à laquelle se rajoute 3,90 euros pour accéder à la zone + de 18 ans et encore 10 euros pour entrer dans le théâtre X (qui alterne avec l’espace réservé aux femmes dans lequel les anciennes ados des années 90 ont pu se rincer l’oeil sur le strip tease d’Allan Théo). C’est ici que les visiteurs peuvent assister au tournage d’une scène X entre deux acteurs porno, pendant laquelle les spectateurs ont le droit à des explications concernant les prises de vue, les regards caméra, les positions mais aussi sur le clitoris et le point G.

Une manière de sensibiliser les curieux autour de la sexualité avant de conclure : « Communiquez avant de niquer ! » Le ton n’est pas subtile, le contexte détonnant, mais le message est essentiel.

Marie-Claire Bouchery-Carlier est sexologue analyste depuis 22 ans à Rennes. Son cabinet, situé au 49 boulevard de la liberté, accueille chaque jour des femmes en difficulté dans leur vie sexuelle. Elle observe leur rapport à l’érotisme et leurs diverses préoccupations. Pour YEGG, Elle répond à nos questions.

Qu’est ce que l’érotisme selon vous ?

L’érotisme est un espace de créativité où l’imaginaire et le symbolique peuvent s’exprimer. Il n’est pas évident pour tout le monde. Il n’existe pas un érotisme mais des éro­tismes. On est dans une définition d’espace qui est ludique et propre à chacun. Il se situe avant le passage à l’acte mais c’est une notion compliquée qui est riche et vaste.

Tient-il une place importante dans la vie d’une femme ?

Bien sûr. Et dans le cadre d’un couple, il est vital. Sans érotisme, on constate une atténuation progressive du désir qui peut conduire à la misère sexuelle. Il y a du « Je » et du « jeu » avec l’autre et s’il n’y a pas d’élabora­tion du désir, les couples se retrouvent dans l’impasse. Ceux qui sont disposés à travailler sur l’érotisme s’en sortent mieux, mais cela demande un travail sur soi. Les femmes expriment le plus souvent la baisse du désir dans le couple car il est le baromètre de leur vie amoureuse.

Comment les femmes appréhendent-elles leur sexualité aujourd’hui ? Y a-t-il des évolutions ?

Les choses ont bougé mais il y a encore du travail pour qu’elles soient dans une autonomie psychique et appré­hendent leur « être femme ». Il s’agit d’une construction. Les femmes doivent s’appartenir dans leur corps, dans leur sexe et se détacher du poids de l’éducation et de la culture judéo-chrétienne. Contrairement aux petits garçons qui ont un sexe qui se tourne vers l’extérieur, le sexe des petites filles est à l’intérieur de leur corps. De ce fait, elles se créent des blocages lorsqu’elles ne sont pas autorisées à le découvrir.

On parle de libération des moeurs, qu’en est-il réel­lement ?

Certains nous font croire que les moeurs se sont libérées, mais ce n’est pas la réalité. Au contraire, je pense que les femmes, avec ce matraquage d’images retravaillées, pensent ne pas avoir ce qu’il faut. J’ai l’impression qu’avec Internet, se crée une confusion entre sexualité et pornogra­phie. Cela rend la sexualité très technique, déshumanisée, ce qui participe au développement de complexes. L’image est ici destructrice, car on se trouve dans la comparaison.

Les femmes sont-elles davantage maitresses de leur désir de nos jours ?

Je pense que les femmes étaient plus épanouies dans les années 1970, au moment de la libération sexuelle. À cette époque, il y avait un désir que le corps appartienne à la femme, de casser l’image de la femme objet. Malheureusement, aujourd’hui, on y revient. On observe beaucoup de frustrations, d’angoisses, une forme de pression et non de légèreté (que pourtant requiert l’érotisme pour pouvoir jouer et donner envie à l’autre de jouer).

Que pensez-vous des salons de l’érotisme, des sex shops et des réunions entre copines ?

Ce n’est que du business. On ne parle absolument pas d’érotisme mais de sexe et d’argent. On est en plein dans l’effet pervers de la libération des moeurs. Cependant, si le but est de jouer et qu’il est intégré dans une relation, pourquoi pas. Ce sont des ingrédients, (comme un artiste qui utilise telle ou telle couleur) qui ne remplacent pas le sujet, mais qui peuvent le mettre dans une situation érotisante et ludique. Malgré tout, cela reste du commerce pour les vendeurs.

Conseillerez-vous à vos patients de se rendre dans ce type d’endroit ?

Pour le salon de l’érotisme, pas vraiment. Il n’est pas très qualitatif, mais il n’y a pas de fiche technique sur la sexualité. Je suis sexologue psychanalyste / psychothérapeute. Je travaille donc sur l’être humain La sexualité est avant tout un travail sur l’intime avec quelqu’un que l’on choisit.

Pensez-vous que les femmes font bien la différence entre l’érotisme commercial et l’érotisme lié à la sensualité ?

Oui mais beaucoup sont encore victimes de cette notion de femme objet. Elles ont l’impression que les hommes attendent ça d’elles. Elles doivent évoluer pour aller dans le « Je » et le « jeu » qui leur correspondent.

La sexualité est-elle encore tabou chez les femmes ?

On parle peu de sexualité. Dans mon cabinet, les femmes se libèrent. Elles évoquent en premier lieu leurs inhibitions et leur baisse de désir. Pour y remédier, elles doivent s’interroger avant tout sur ce qui se passe chez elles (ce qui est souvent lié à leur histoire).

Pensez-vous que la sexualité évolue avec l’âge ?

Dans l’idéal, la sexualité évolue avec l’âge et l’historicité de son couple. Avec le temps, ils vont par exemple s’élaborer, être dans une finesse de code.

Existe-t-il un effet pervers à une société dite libérée et performante ?

Oui. Souvent les femmes ne se trouvent pas à la hauteur. Avec la pression sociale, l’image de la femme hyper sexuelle véhiculée par les médias ou le cinéma, les femmes se créent des complexes et se posent des questions inutiles. Si une femme est ouverte et heureuse sexuellement, elle sera d’autant plus libérée et sexy. La sexualité se situe dans le ressenti et dans la sensation du corps. En se regardant, les femmes se coupent d’elles mêmes et ne sont plus connectées à un soi d’une manière sexuelle et sensorielle.

Les femmes viennent-elles vous voir seules ou en couple ?

Les deux. Mais lorsque vous venez dans un espace thérapeutique, le choix de venir seule ou en couple a un sens. Celles qui viennent seules pressentent que la racine de leur problème se trouve dans leur histoire personnelle.

Tab title: 
Quand le marché du plaisir suggère l’éveil féminin
L’érotisme, dans les rayons des sex-shops
Dans l'intimité des sex-shops
La grande distribution popularise l'érotisme
L'érotisme, analysé par une sexologue

Modèles, tempête sous les crânes

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Ce mardi soir, la tempête Petra a fait tournoyer la pluie dans des rafales de vent glacé… Ce mardi soir, la tempête a aussi soufflé sous les crânes des spectateurs, venus assister à la représentation du spectacle Modèles.
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Ce mardi soir, la tempête Petra a fait tournoyer la pluie dans des rafales de vent glacé… Ce mardi soir, la tempête a aussi soufflé sous les crânes des spectateurs, venus assister à la représentation du spectacle Modèles, de la compagnie La part des anges – mise en scène de Pauline Bureau – au Carré Sévigné.

Au moment même où l’actualité réveille et secoue les consciences sur le droit à l’avortement et la théorie des genres, Modèles tombe à point. Sur scène, Rachel Arditi, Sabrina Baldassarra, Sonia Floire, Gaëlle Hausermann et Céline Milliat-Baumgartner, se mettent à nue, aux sens propre et figuré – quand la mise en scène le réclame – pour raconter l’Histoire des femmes et des histoires de femmes, véritables échos aux vies de chacune, aux expériences, joyeuses ou douloureuses, que chaque femme a pu traverser ou traversera.

Elles rappellent qu’il y a encore 48 ans un mari pouvait interdire à son épouse de travailler et d’ouvrir un compte en banque ; qu’en 2004 celle qui fait le choix d’avorter peut encore être mal traitée ; qu’il est, en 2014, normal pour la société qu’une mère assume boulot-enfants-maison et qu’un père qui fait les courses ou le ménage une fois par mois est un demi-dieu. Alors, le spectateur frisonne, pleure, rit et sourit, se crispe, enrage, compatit, rougit avec elles.

Il n’est pas ici question de féminisme, du moins pas de celui qui voudrait voir les hommes réduits au silence et à la castration, non, Modèles ne stigmatise pas la gent masculine, mais la société tout entière, celle qui a fait et qui continue de faire qu’aujourd’hui

« les filles, on ne leur dit pas qu’il faut faire de la psychologie plutôt que de la sociologie. Or, statistiquement, il y a beaucoup plus de filles en psychologie (l’âme, l’intime, la maison) qu’en sociologie (la politique, l’agora). Ca veut dire qu’inconsciemment les filles s’orientent vers ce pour quoi elles se pensent faites (…). Elles collaborent inconsciemment », comme le décrit si bien ce texte de Pierre Bourdieu sur lequel s’ouvre le spectacle.

Une mise en scène audacieuse

Les textes de Bourdieu, Despentes, Duras…etc., mis en scène de façon originale et intelligente – les comédiennes se glissent dans la peau des auteurs pour les réciter sous forme d’interviews filmées – ponctuent une pièce où se mêlent scènes théâtrales classiques, projections vidéos, chants (dont une très bonne reprise de Fuck You de Lily Allen), danses, mimes et où les allégories sont poético-trash, parfois borderlines mais jamais vulgaires.

Et puis, les comédiennes sont accompagnées d’un musicien, Raphaël Aucler, dont les riffs de guitare et les solos de batterie apportent une intensité notable au spectacle. Outre son intelligence, son originalité, sa volonté d’interpeler sans agresser, Modèles fait du bien, en ces temps où ressurgit une morale à la tolérance douteuse qui voudrait maintenir l’humanité dans une immobilité réac’ où la femme ne travaille pas, ne bronche pas, ne sort pas de sa cuisine, n’avorte pas, ne désobéit pas à son mari, n’est pas l’égale de l’homme…

C'est quoi être une femme aujourd'hui ?

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Elles sont jeunes, jouent, chantent, dansent, et pensent. Ce sont les filles de la compagnie La Part des Anges. Elles ont écrit à 14 mains le spectacle Modèles.
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Elles sont jeunes, jouent, chantent, dansent, et pensent. Ce sont les filles de la compagnie La Part des Anges. Elles ont écrit à 14 mains le spectacle Modèles – qui sera joué ce mardi 4 février au Carré Sévigné – sur les femmes. Il y est entre autres question de transmission, de violences, de discriminations, d’égalité.

Être une femme aujourd’hui n’est pas si facile. Malgré les victoires de nos aînées, l’équilibre entre vies professionnelle et privée, est toujours précaire, et l’égalité des sexes loin d’être parfaite. Sujet universel sur lequel la compagnie La Part des Anges s’est penchée avec originalité et profondeur. « Modèles est une très belle pièce, inhabituelle car écrite collectivement par des jeunes femmes qui sont aussi d’excellentes comédiennes, musiciennes et chanteuses. Elles sont douées ! », raconte Carole Lardoux, directrice artistique du Carré Sévigné.

Pour répondre à une commande du Théâtre de Montreuil il y a quelques années, Pauline Bureau, auteure, metteure en scène et comédienne, a réuni sa troupe et son équipe technique. « On s’est mis à table et on a parlé, échangé, partagé. De fil en aiguille, le spectacle s’est concrétisé », révèle Sonia Floire, co-auteure et comédienne. « Entre nous, il y a bien sûr des différences et des points communs, liés à nos éducations, nos expériences », ajoute Gaëlle Hausermann, co-auteure et comédienne également.

Si les parcours ne sont pas les mêmes, ils sont tous influencés par des modèles. Certaines avaient des mères qui travaillaient, d’autres pas. Que fait-on de ces exemples ? Le spectacle évoque ainsi la transmission entre femmes, l’avortement, les premières règles, les combats contre les injustices, l’illettrisme, les violences… etc. Mais non au sens où on l’envisage quand les femmes parlent des et aux femmes, les hommes n’y sont pas non plus stigmatisés. « Les filles de Modèles s’interrogent, chacune avec sa propre construction, son individualité, il y a plusieurs regards sur le monde et un grand respect », décrit Carole Lardoux.

La pièce n’a donc pas été créée autour d’un message, « nous parlons de nous, de nos vécus et chacun s’y retrouve », précise Gaëlle Hausermann. Cette résonnance dans le cœur et l’esprit du public n’était pas recherchée, mais elle est là et elle touche les comédiennes.

Entre théâtre et cabaret

Modèles est un spectacle qui mêle lectures de textes littéraires et intellectuels – Marie Darrieusecq, Pierre Bourdieu, Virginie Despentes, Marguerite Duras, Catherine Millet, Virginia Woolf – morceaux d’histoires personnelles, chants et musique live – un musicien accompagne les comédiennes sur scène – danses… « C’est un cabaret ! sourit Sonia Floire, c’est du théâtre très moderne, c’est peut-être aussi pour cela que ça plait beaucoup aux gens et particulièrement aux jeunes ». Du théâtre contemporain et original, authentique et populaire qui séduit le public à l’image de Carole Lardoux :

« La mise en scène de Pauline Bureau est imaginative, originale, drôle, juste, vive, très touchante. En outre, j’aime quand le théâtre est une fenêtre de réflexion et permet de poser la question « dans quelle société vit-on ? » ou encore « qu’ai-je à dire en tant que femme, qu’est-ce être une femme ? »… J’aime que le théâtre soit problématique, qu’il soit le prolongement de la parole de beaucoup de gens », confesse-t-elle.

La parole continue de se libérer à la fin de chaque représentation au travers de discussions ouvertes avec les spectateurs. Et souvent le public est dérouté, bouleversé, content, touché, rit. Tous semblent se retrouver autour de cette problématique et cette envie de faire avancer la société.

C’est quoi être une femme aujourd’hui ?

Pour répondre à cette interrogation de base, Sonia Floire et Gaëlle Hausermann ont trouvé une source inspiratrice dans un texte de Virginie Despentes, extrait de King Kong Théorie :

« Parce que l’idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir, pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l’esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d’école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle, cultivée mais moins qu’un homme, cette femme blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler, à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grand-chose, de toute façon je ne l’ai jamais croisée, nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas ».

Pour Gaëlle, il est important pour bien répondre de ne pas tomber dans le cliché du féminisme extrémiste. Selon elle, si pour l’égalité toutes les conquêtes sont possibles, ici « le but était de libérer la parole, de partager et c’est déjà pas mal ! Nous ne voulons surtout pas donner de leçons ! », assure-t-elle. À la même question, Carole Lardoux évoque aussi l’égalité entre êtres humains, « c’est avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs qu’un homme ». Une affaire avant tout humaniste, que les femmes doivent mener avec les hommes, pour une société meilleure.

Célian Ramis

Pas féministe mais...

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Alerte féminisme : À toutes celles et ceux qui auraient peur de l’esprit radical du féminisme, nous proposons ici de simplement poser les bases du mouvement. De revenir aux origines de sa définition première.
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Féminisme : n, m. 1 – Doctrine, mouvement qui préconise l’extension des droits, du rôle de la femme dans la société. 2 – Aspect d’un individu mâle qui présente certains caractères secondaires du sexe féminin.

À toutes celles et ceux qui auraient peur de l’esprit radical du féminisme, nous proposons ici de simplement poser les bases du mouvement. De revenir aux origines de sa définition première. Si toutes les interviewées (pardon pour l’homme qui a également répondu à nos questions) de ce dossier s’accordent à dire qu’il n’y a pas de féminisme rennais, il est indéniable que la capitale bretonne a vécu ses heures féministes et a connu de grandes figures emblématiques.

L’espace nous manque pour toutes les citer mais rendons quand même hommage à Louise Bodin, qui prend position, au début du XXe siècle, pour les suffragettes et contre la prostitution dans le journal Nouvelles rennaises, Clotilde Vautier, décédée en mars 1968 à Rennes à la suite d’un avortement clandestin (à cette époque, les raisons de son décès seront cachées, sa fille, Mariana Otero, réalisera à ce propos un documentaire en 2003 intitulé Histoire d’un secret) et Anne Cogné, présidente du Centre rennais d’information des femmes en 1981, conseillère municipale de 1983 à 1995. Cette dernière, décédée en 2013, est à l’origine de la création d’une délégation aux droits des femmes à la ville de Rennes, un poste actuellement occupé par Jocelyne Bougeard.

Et on sait que cette élue aime se désigner comme féministe, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Mais alors qui a peur du grand méchant féminisme ?

Féminisme ? Vous avez dit féminisme ? Que ce terme est terrifiant ! Surtout quand il sort de la bouche d’une femme… Si les plus de 20 ans – voire bien plus, soyons claires – revendiquaient fortement et fièrement leur appartenance à ce mouvement dans les années 70, ce dernier est quasiment devenue la bête noire de la jeune génération qui préfère parler d’égalité des sexes.

© Sophie Barel

Que vous avez de beaux yeux, mon enfant… Que vous avez de beaux seins, mon enfant… Que vous avez de belles fesses, mon enfant… Que vous avez de beaux poils, mon enfant… Le joli conte de la jeune fille naïve et sans défense a pris une nouvelle tournure – cauchemardesque - au cours des dernières décennies. Le loup se ferait rapidement, au mieux, casser la gueule de nos jours. Au XXe siècle, dans les grandes lignes, elles se sont battues pour entrer dans les institutions, pour obtenir le droit de vote, tout d’abord, puis pour disposer de leurs propres corps en réclamant le droit à la contraception et à l’avortement.

Ensuite, culottées, elles ont demandé d’ouvrir un compte en banque sans l’accord de leurs maris, de travailler et enfin, le flocon est devenu boule de neige, elles ont souhaité la lune – à défaut d’y poser le pied : l’égalité des sexes impliquant entre autre l’égalité des salaires, l’accès aux postes à responsabilités, la répartition de manière équitable des tâches ménagères, la parité en politique, etc. Rennes ne fait pas exception et participe au mouvement, fondant – à plusieurs années d’intervalle – le Planning familial, le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles, le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception, l’association Choisir (signalons que les deux dernières associations n’existent plus aujourd’hui) ou encore la délégation aux Droits des Femmes.

Pour aller plus loin dans les connaissances du féminisme à Rennes, Lydie Porée et Patricia Godard ont créé l’association Histoire du féminisme à Rennes. Le duo organise des visites guidées du Rennes féministe dans les années 70. Fin 2013, elles ont également lancé le journal Rennes au féminisme, à disposition des habitants au Papier Timbré, à la librairie Planète Io ainsi qu’à la librairie Alphagraph.

Une manière de déambuler dans les rues du centre ville et d’en redécouvrir les aspects historiques puisque les murs de la capitale bretonne sont encore empreints des luttes pour les droits des femmes. Dans l’actualité de l’association également, la sortie du livre Les femmes s’en vont en lutte (Histoire du féminisme à Rennes 1965-1985), aux éditions Goater, prévue pour mi-février, et actuellement en souscription sur leur site Internet.

MAIS OÙ ET QUI SONT LES FÉMINISTES ?

« Ce n’est pas dans l’air du temps de faire des actions collectives pour dénoncer des inégalités  », explique Isabelle Pineau, coordinatrice de l’association Questions d’égalité, créée à Rennes en 2010. Le décor est planté. Le manque d’engagement et de mouvement unitaire est sociétal. Même son de cloches du côté des militants de Mix-Cité Rennes, association lancée en 2002.

« On a du mal aujourd’hui à se définir communiste, anarchiste, féministe… Ce dernier est chargé d’histoire et surtout de clichés ».
Aude Le Bras, féministe, militante de Mix-Cité Rennes.

Toutes les deux s’accordent à dire que le terme donne le vertige. Il devient presque péjoratif, quasiment une insulte. Quand on pense Féminisme, on pense chiennes de garde, femmes à barbe (et à poils), anti-hommes, rabat-joie, etc. Les clichés s’accumulent autour des militantes et deviennent aussi nombreux que les images dégradantes associées à la gente féminine.

Des stéréotypes en partie dus à la sur-médiatisation d’actions nationales et internationales radicales, telles que la polémique engendrée par la publication du manifeste des 343 salauds (Touche pas à ma pute) dans le magazine Causeur, pour protester contre la pénalisation des clients de la prostitution, votée à l’Assemblée nationale le 4 décembre dernier (et sera examinée par le Sénat avant juin 2014) ou les Femen (Ukraine), qui parlent de sextrémisme, apparaissant souvent seins nus afin de défendre les droits des femmes, à travers une banalisation des attributs féminins.

« Il y a une frilosité de l’élan féministe. Le mouvement est mal connu, et souvent associé à un combat inutile ou extrémiste  », commente Aude Le Bras, pour ne pas dire qu’aujourd’hui, on banalise l’égalité des sexes… Pour elle, les différents courants du féminisme se mélangent dans les esprits, interférant sur le discours. Autre obstacle pour Isabelle Pineau :

« l’illusion que l’égalité est déjà là  ».

Ne pas penser que la lutte n’a plus lieu d’être, diffuser le savoir, les connaissances sur la thématique des inégalités au grand public, tels sont les principaux objectifs de Questions d’égalité, qui se définit dans une phase de prise de conscience et d’analyse. Une phase utile avant l’action du quotidien. Conférences et débats sont organisés par l’association et animés par des militantes, des universitaires, des professionnelles du droit ou du social par exemple.

Sur des thèmes variés puisqu’ils nous amènent à réfléchir sur la représentation des sexes dans la chanson française (et dans la culture plus largement) ou encore sur l’importance et la signification des chiffres des violences faites aux femmes. Autre forme plus ludique, afin de toucher un plus large public, la conférence gesticulée : « Un mélange de récits, de témoignages, d’expériences et de savoirs  ».

Intitulée Le clito, un petit nom qui en dit long. Plaisir et politique au pays de la sexualité féminine, la conférence gesticulée – qui avouons-le attise la curiosité, nous fait friser l’oeil et sourire malicieusement - est proposée par 7 femmes qui, sur scène, évoquent leurs expériences et leurs analyses quant à leur sexualité, hétéro ou homo. Il est nécessaire de briser les tabous, de s’émanciper et de s’épanouir dans son désir.

« Le but est d’expliquer en quoi la sexualité est traversée par la question des inégalités et en quoi cela impacte les femmes. Et aussi il faut parler d’orgasme, c’est important de libérer la parole   ».
Isabelle Pineau, coordinatrice de l'association Questions d'égalité.

Nécessaire également de comprendre que revendiquer des relations égalitaires, réciproques et respectueuses ne signifie pas partir en guerre contre les hommes, loin de là, ni même avoir une dent contre eux. Chez Mix-Cité, les hommes sont représentés par les militants bénévoles. Lucas Muller-Tanguy se revendique féministe, même s’il ne s’engage pas sur tous les volets du mouvement (la suppression de la mention Mademoiselle ne le touche pas particulièrement, comme bon nombre de citoyens/citoyennes). « Quand je dis que je suis féministe, on me demande si je suis gay  », s’amuse-t-il.

Pour lui, chaque militant a son engagement, sa sensibilité et apporte une ouverture d’esprit au groupe. Un point sur lequel le rejoint Aude Le Bras : « Le féminisme, ce n’est pas un bloc, il y a plusieurs pensées différentes mais pas de lignes préconçues, ce sont les militants qui font le mouvement  ».

RÉAGIR MAIS PAS AGIR ?

Sans devenir paranoïaques, il est important pour les associations de sensibiliser aux différentes formes d’inégalités et de discriminations dont chaque femme est susceptible d’être victime. La marchandisation du corps de la femme, le manque de remboursement des moyens de contraception, la fermeture de centres d’avortement, le harcèlement de rue, l’image des femmes dans les médias et la publicité, les inégalités professionnelles et les réflexions sexistes sont autant d’arguments pour eux qu’il y a d’actions à effectuer.

« Nous avons un calendrier annuel, comme pour la journée des femmes ou la journée contre les violences faites aux femmes. Puis nous réagissons au fur et à mesure de l’actualité mais nous privilégions les actions de rue. Nous agissons beaucoup avec le tissu associatif rennais et la municipalité  »
détaille Aude.

En décembre par exemple, les militants ont tenu un stand à République pour sensibiliser les passants à la question du sexisme des jouets. À noter qu’une conférence est organisée, par les deux associations en partenariat, le 17 janvier sur la question des représentations dans la littérature jeunesse. Le débat sera animé par Sylvie Crömer, sociologue, spécialiste des représentations du genre.

Difficile aujourd’hui d’attirer de nouveaux bénévoles, que ce soit pour Questions d’égalité ou pour Mix-Cité : « La France repose sur ces acquis alors qu’ils sont encore à défendre, voire même à regagner (à savoir qu’en Espagne - pays progressiste en matière de droits des femmes - un projet de loi a été présenté fin 2013 par le ministre de la Justice, Alberto Ruiz Gallardon. Ce dernier prévoit de restreindre le droit à l’avortement seulement dans les cas suivants : viol et santé mentale ou psychique de la mère menacée, ndlr) ».

Pour Isabelle Pineau, il est également temps de sonner la tirette d’alarme. La forme des combats a évolué, certes, et la génération Internet s’active maintenant sur les réseaux sociaux, les blogs et Tumblr (Madmoizelle.com, Aufemininpointconne.fr, Je connais un violeur, etc.) mais ne s’engage pas en prônant l’égalité hommes/femmes.

« Se définir féministe, c’est faire un lien entre les militantes du passé et celles d’aujourd’hui. Elle poursuit : Dans les années 70, les femmes étaient dans lignée de mai 68. On questionnait la société, le mouvement était très fort, les femmes terrorisées à l’idée de tomber enceinte, il y avait les avortements clandestins… Aujourd’hui règne un certain fatalisme. Il y a beaucoup moins d’enthousiasme  ».
Isabelle Pineau, Questions d'égalité.

Un enthousiasme modéré qui semblerait donc être dû à une morosité ambiante et sociétale mais aussi à une difficulté certaine de rallier des femmes à un combat dont les revendications sont moins visibles aujourd’hui qu’il y a quelques années. Pourtant, il semblerait également que ce soit le terme et sa connotation extrémiste qui dérangent principalement les jeunes femmes, qui jonglent avec l’image de super-héroïne que nous impose la volonté d’une égalité hommes-femmes. En effet, la femme moderne n’est pas seulement l’égale de l’homme, elle lui devient supérieure. Un jeu dangereux…

Alors la peur du loup démontrerait-elle véritablement un manque de convictions ou d’engagements ? Le terme n’a pas fini de diviser et rebuter. Dommage.

L’origine du féminisme est incertaine et le terme est récent. Néanmoins, la lutte prend son élan avec le siècle des Lumières. Pourtant, l’effervescence du mouvement puise ses origines à la fin du XIXe siècle et se compose de différentes vagues.

  • La première vague du féminisme apparaît à la fin du XIXe siècle avec les suffragistes – dites aussi les suffragettes – qui revendiquent le droit de vote mais aussi le droit à l’éducation, au travail, au salaire et dénoncent la puissance maritale et paternelle. C’est à cette période que les femmes parlent également de congé maternité, d’allocations familiales et de soins.
  • La seconde vague du féminisme fait des remous dans les années 1950 et déferle dans les années 60, avec la création de Maternité heureuse, qui deviendra ensuite le Mouvement Français pour le Planning Familial. Les femmes revendiquent la maitrise de leurs corps et la libre sexualité. Par conséquent, le droit à la contraception et à l’avortement, entre autre. C’est aussi le temps de la remise en cause du patriarcat et l’apparition du concept de sexisme.
  • La troisième vague du féminisme trouve son origine dans les années 1980 aux Etats-Unis à l’initiative de nombreux groupes représentant les minorités et les groupes minoritaires. Les femmes revendiquent leur appartenance sexuelle, ethnique, sociale, et affirment leur morphologie, leurs formes, leurs différences.
  • En route vers une quatrième vague du féminisme ? On parle du mouvement des Femen comme une potentielle introduction à cette nouvelle vague, qui est encore à construire et qui se traduirait par des actions radicales, médiatisées et controversées. Elle pourrait aussi malheureusement être perçue comme un retour en arrière, à l’heure où le droit à l’avortement est menacé dans certains pays européens.

Au cours des dernières décennies (à partir des années 90), plusieurs associations, radicales et/ou controversées, sont apparues en France, parmi lesquelles figurent les Chiennes de garde, La Barbe, Osez le féminisme ou encore Ni putes, ni soumises.

Spécialisée dans le féminisme de la deuxième vague (1960-1980), elle est une militante féministe, archiviste et membre de l’association « Histoire du féminisme à Rennes ». Elle répond à nos questions.

A quelle époque est apparu le féminisme à Rennes ?

Je pense qu’il est né au début du XXème siècle autour des mobilisations suffragistes, conduites par des féministes telles que Louise Bodin, qui en est l’une des figures emblématiques. 

Pourquoi autant d’actions féministes sont organisées à Rennes ?

Sur le plan institutionnel, l’arrivée en 1977 d’une majorité socialiste avec la présence, dès 1983, d’une militante de l’UFCS (Union des femmes françaises), Anne Cogné, au poste de conseillère municipale, est une des explications. Cette femme, décédée en 2013, a fait partie d’une commission sur le sexisme dans les manuels scolaires et a mis en évidence les rôles stéréotypés réservés aux femmes.

Elle a également insisté pour la création d’une délégation aux droits des femmes à Rennes. Depuis 1995, une conseillère ou une adjointe aux droits des femmes est systématiquement présente au sein du conseil municipal. Rennes est également une ville étudiante et politisée avec une faculté de médecine, qui a été très active dans la libéralisation de l’avortement.

Le féminisme à Rennes se différencie-t-il des autres mouvements féministes ?

Non, je ne pense pas. Cependant, la capitale bretonne est marquée par la question de l’émancipation par rapport à l’Église catholique, depuis les années 70, notamment sur le rôle de la mère, le droit à la contraception et à l’avortement.

Quel  est le visage actuel des féministes rennaises ?

Quelques militant(e)s des années 70 continuent de s’engager au Centre d'information sur les droits des femmes et des familles d'Ille-et-Vilaine (CIDFF) ainsi qu’au Planning familial. Mais des jeunes de 20 ans arrivent de plus en plus dans les associations.

Ils/Elles sont étudiant(e)s en sociologie ou à Sciences Po et cherchent à obtenir une égalité hommes/femmes. On constate un phénomène de politisation féministe via les études de genre.

Ressentez vous une évolution du combat, sur le fond comme sur la forme ?

Oui, les enjeux ont évolué. L’objectif est d’obtenir l’égalité réelle au delà de l’égalité de droit. La répartition égalitaire des tâches domestiques dans la sphère privée est essentielle. Tout en découle, mais cela est compliqué à légiférer.

Sur la forme, les modes d’actions ont changé. Depuis au moins 2005, il n’y a plus de manifestations organisées le 8 mars dans la rue. À présent, nous organisons davantage des réunions de discussions, de distributions de tracts et de publications de textes. L’utilisation de l’humour est également très présente. Je n’ai pas connaissance d’actions clandestines ou illégales aujourd’hui à Rennes.

Les groupes féministes rennais sont ils toujours au diapason ?

On se retrouve sur l’accès à l’éducation et le refus des violences faites aux femmes. Il est important que l’on se batte sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous divise (comme les sujets sur la prostitution ou le port du voile).

Infographie : © Sophie Barel

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