Célian Ramis

Lesbiennes, les invisibles ?

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Si les femmes représentent le sexe inférieur, le deuxième sexe comme l’a défini Simone de Beauvoir en 1949 dans son essai philosophique et féministe Le deuxième sexe, « les lesbiennes et les bisexuelles cumulent, elles, le fait d’être homos ET femmes ».
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Quand on pense à la Marche des fiertés, on imagine les rues de Rennes se tapisser des cou­leurs du drapeau arc-en-ciel, on voit une marée humaine prendre quartiers place de la mairie et sur l’esplanade Charles de Gaulle et on sent un vent de liberté s’élever dans les airs de la capitale bretonne. Et si la manifestation prend des allures colorées et festives, elle n’en est pas moins militante et porte à plusieurs voix les re­vendications des personnes LGBTI – lesbienne, gay, bi, trans et intersexe. Le 7 juin, le Centre GLBT de Rennes, les associations adhérentes, les militantes et militants ainsi que chaque per­sonne souhaitant prendre part à l’événement, marcheront fièrement dans le centre-ville ren­nais afin de lancer leur message affilié aux prin­cipes de liberté et d’égalité pour toutes et tous. Un peu plus d’un an après la promulgation de loi Taubira – publiée au Journal Officiel le 18 mai 2013 - sur le Mariage pour tous et quelques se­maines après le retrait officiel d’une promesse de campagne, de François Hollande, autour de la PMA – qui ne figurera pas dans la loi sur la famille et qui ne devrait finalement pas être portée devant le Parlement lors de ce mandat socialiste – dans quel état d’esprit se dérou­lera cette Marche des Fiertés 2014 ? YEGG a voulu connaître l’avis des femmes lesbiennes à Rennes, qui semblent souffrir de plusieurs types de discriminations.

Si les femmes représentent le sexe inférieur, le deuxième sexe comme l’a défini Simone de Beauvoir en 1949 dans son essai philosophique et féministe Le deuxième sexe, « les lesbiennes et les bisexuelles cumulent, elles, le fait d’être homos ET femmes  », expliquent Aurore Malinet et Audrey Moullec, membres du CA du Centre GLBT de Rennes, à l’initiative – avec Orianne Siret – des Ladies Meeting organisés les 1ers et 3èmes dimanches de chaque mois au local de l’association. Alors l’union de deux personnes de « catégorie deuxième sexe » constituerait-elle le quatrième sexe ?

« Dans un groupe hétéro, j’ai déjà entendu dire  : « Toi, tu n’es pas une vraie fille » », nous précise Aurore, qui milite pour la déconstruction des idées reçues. Elle a les cheveux longs, assume sa féminité et son homosexualité. De quoi semer la zizanie dans certains esprits étroits pour qui une lesbienne porte son orientation sexuelle sur le visage. Un visage aux traits masculins assorti d’une attitude à la garçonne. « Les gens ont du mal à comprendre que l’on puisse avoir envie de mettre des mini-jupes et des doigts à une fille », lance Océanerosemarie, auteure, chanteuse et comédienne qui a co-signé, avec Sandrine Revel, la bande-dessinée La lesbienne invisible, dont elle a également tiré un one-woman-show. Dans ce spectacle, elle brise les tabous et les stéréotypes, parle sans langue de bois de sexualité féminine et dénonce les comportements hétérocentrés (qui considèrent que l’hétérosexualité représente la norme).

Ce dimanche après-midi, une dizaine de femmes est réunie dans le local du CGLBT, à quelques mètres du métro Villejean. Autour d’un thé, d’un café, de gourmandises salées et sucrées, elles échangent autour de la préparation des sushis, des makis, de la féminisation des termes et des différentes catégories désignant l’orientation sexuelle. Elles s’interrogent également sur la différence entre les associations homos et les associations féministes. « Je suis venue ici car je suis homo, ça m’a suffit pour venir mais je pense que les féministes ont plus de mal à faire venir les gens  », explique l’une des femmes. « C’est comme partout, tu viens mais si l’ambiance ne te plait pas, tu vas t’en aller  », lui répond une autre. La discussion se poursuit pendant plusieurs minutes, se prolonge et prend parfois des chemins de traverse, passant d’un sujet à un autre aux grés des envies des participantes.

« Nous avons lancé les Ladies Meeting il y a environ un an car nous voulions que les femmes – qui aiment les femmes ou qui se posent des questions – puissent avoir un moment entre elles. Pour partager, échanger, en toute convivialité ! »
Audrey Moullec, membre du CA du CGLBT, à l'initiative des Ladies meeting.

« Et en toute sécurité  », ajoute Aurore. Pouvoir parler librement, de son orientation sexuelle, de ses doutes, ses appréhensions, son cheminement personnel. « On lance parfois des débats, en fonction de l’actualité ou non. Sinon, ce sont les personnes présentes qui amènent des sujets sur le tapis. On joue parfois à des jeux de société et on va souvent au cinéma après, mais pas qu’entre femmes », précise la jeune femme, qui a fait son coming-out il y a 3 ans environ. « J’ai mis quasiment un an à le dire. J’étais épuisée, j’avais peur des réactions et puis j’ai fini par l’annoncer. Ma mère a un peu plus de mal à l’accepter mais en règle générale ça s’est bien passé  », nous dit-elle.

RECRUDESCENCE D'ACTES HOMOPHOBES

Si on se figure que l’homosexualité féminine est plus facile à assumer et à accepter, il n’en est pas moins difficile de l’annoncer à sa famille, ses proches et son entourage qui peuvent adopter des réactions surprenantes, insoupçonnées et blessantes. Chaque année, SOS Homophobie publie un rapport détaillé sur l’homophobie en France, à télécharger gratuitement sur leur site Internet. Basé principalement sur les témoignages reçus par l’association au cours de l’année 2013, le rapport sur l’homophobie 2014 révèle une recrudescence d’actes homophobes, biphobes et transphobes. L’an dernier, 3 517 témoignages ont été recueillis par la structure qui note à la fois une « libération de la parole homophobe mais également une libération de la parole des victimes  », nous a-t-on expliqué par téléphone. Un mal pour un bien ? Pas tout à fait. Jamais l’association n’avait comptabilisé autant de récits oraux – malgré l’augmentation des faits dénoncés : de 365 en 1997 à 1 977 en 2012 – ce qui souligne un élément déclencheur fort et marquant dans l’année en question. « Forcément, il y a un lien avec la forte opposition au Mariage pour tout-e-s  », dévoile SOS Homophobie qui consacre d’ailleurs un chapitre du rapport à la loi promulguée le 17 mai 2013.

« La Manif pour tous a été quelque chose de très douloureux pour nous. Douloureux de découvrir que des gens de notre entourage étaient homophobes. Et aujourd’hui le retrait de la PMA est particulièrement blessant : on ne nous considère pas capables d’élever des enfants ».
Aurore Malinet, membre du CA du CGLBT, également à l'initiative des Ladies Meeting.

Pour Audrey, les forces opposantes ont décomplexé les haines en tout genre et ont signifié un recul sexiste ineffable laissant sous-entendre que les femmes devaient retrouver leur place… de femmes.

En Ille-et-Vilaine, peu de témoignages ont été recueillis par SOS Homophobie. Avec 38 cas recensés, le département n’est pas classé parmi les zones qui comptabilisent le plus de récits (il en est de même pour le reste de la région Bretagne) « mais il faut bien penser que pour certains, on ne peut pas identifier le lieu dans lequel ils se trouvent  ». Sans oublier de mentionner qu’il s’agit là de témoignages volontaires puisque tous les actes homophobes ne sont pas déclarés et dénoncés. Pourtant, il est indéniable qu’ils ont augmenté. « Cette année, nous avons vu de nombreuses personnes venir au Centre à la suite d’une agression, de menaces ou d’insultes  », déclarent celles qui sont à l’initiative des Ladies Meeting. Les cas les plus fréquents pour les actes de lesphobie prenant la forme d’insultes (57% au niveau national).

Pour Orianne Siret, le problème réside dans la peur suscitée par les mouvements contestataires de 2013 : « La parole décomplexée crée maintenant une pression supplémentaire au moment de faire notre coming-out. On a l’impression que l’on va relancer le débat alors qu’à ce moment-là, on veut simplement parler de nous, pas d’un problème de société  ». Le mot est lâché. Problème de société.

« Je ne veux plus parler de tolérance. On tolère, ça veut dire qu’on ne veut pas voir ! »
Orianne Siret, membre du CA du CGLBT, à l'initiative des Ladies Meeting.

L’adoption du Mariage pour tous constitue alors une victoire quelque peu amère « car le mariage a été accepté, après 6 mois de débats houleux, mais pas l’adoption. Enfin très peu. Sans parler de la PMA…  » Cette loi, il la fallait. On parle alors d’évolution logique après l’adoption (houleuse) du Pacs « mais il ne faut pas s’arrêter là, il faut continuer d’agir  ». Un point sur lequel la rejoint Geneviève Letourneux, conseillère municipale déléguée aux droits des femmes et à l’égalité, mais qui ne souhaite pas parler de discrimination lorsque l’on aborde l’argument de la PMA quand on la croise au Forum de l’égalité des droits et de lutte contre les discriminations, le 23 mai dernier.

UNE MARCHE POUR LA DIGNITÉ

Agir pour la reconnaissance des droits des homosexuels en tant qu’individus, en tant que couples, en tant que familles. C’est dans cet état d’esprit que le centre GLBT entend manifester lors de la Marche des Fiertés. Depuis le début de l’année, les militants s’investissent chaque lundi soir pour organiser ce que l’on appelait auparavant la Gay Pride. La Marche, qui englobe toute la communauté LGBTI, se veut festive mais pas seulement. Avant tout militante et citoyenne, elle réunit environ 2 500 personnes chaque année, dont certaines qui peuvent, ce jour-là uniquement, assumer leur différence. « Cela fait 20 ans que ça existe à Rennes. Et chaque année, nous portons les mêmes revendications. On a juste enlevé le point sur le mariage et actualisé le mot d’ordre qui est Nos vies, nos corps : nos droits  », expliquent Antonin Le Mée, président du CGLBT et Julien Fleurence, vice-président.

En ligne de mire : le gouvernement. Pour Julien, il est certain que la parole décomplexée et impunie des politiques a sa part de responsabilité également. « À droite, il y a un intérêt électoral à être contre le mariage et la PMA et à gauche, il s’agit de lâcheté  », précise-t-il. Dans les revendications, on note alors l’abandon de la PMA, le changement d’état civil des trans, la mutilation des enfants intersexes, entre autres. Pour le président du CGLBT, « tout comme il y a une montée de l’homophobie, il y a une montée du sexisme. C’était déjà là avant mais le verrou a sauté l’an dernier ».

LES FEMMES, TOUJOURS SOUS REPRÉSENTÉES

Ils regrettent l’absence de prévention en terme de sexualité pour les lesbiennes et les bisexuelles. Même s’ils soulignent des avancées puisqu’un partenariat se construit avec le Planning Familial 35. Dans le local de l’association, on remarque rapidement les prospectus, la documentation, à destination des gays principalement, malgré quelques brochures sur le préservatif féminin, sur les infections sexuellement transmissibles, sur la sexualité en toute sécurité ou quelques ouvrages littéraires dont les trop peu (re)connues oeuvres de Violette Leduc. « Peu de documents s’adressent aux femmes, aux lesbiennes et aux bis, souligne Orianne. Même à la télévision et au cinéma, on voit bien que les lesbiennes sont moins représentées que les gays. Dans une série comme Girls par exemple qui est très moderne, pas un seul couple de lesbiennes ! Et au ciné, on a un peu l’impression que maintenant qu’il y a eu La vie d’Adèle, il va falloir attendre 10 ans pour revoir un film sur l’homosexualité féminine.  »

Les homosexuelles souffriraient alors d’un manque de représentativité et de visibilité. Et même au CGLBT, on reconnaît qu’elles sont moins nombreuses à venir lors des permanences du mercredi – de 19h à 22h. « Les lesbiennes rencontrent les mêmes problèmes que ceux des femmes dans la société soit en parallèle de leur condition, soit de manière amplifiée  », rationalise Antonin. Les femmes, lesbiennes ou bisexuelles, souffrent donc tout autant de la difficulté de s’imposer dans un groupe mixte. Les hommes prenant plus facilement la parole pour s’exprimer en public. Dans la lesbophobie, plusieurs facteurs apparaissent de manière plus ou moins pernicieuse :

« Une femme qui aime une femme. L’être inférieur qui aime l’être inférieur. On comprend qu’elle adopte une attitude masculine pour se rapprocher du sexe supérieur. Mais en même temps, on lui dit de ne pas quitter sa place de femme soumise.  »

Impossible pour certains de ne pas catégoriser selon la norme imposée par le couple hétérosexuel : une femme qui aime une femme est par conséquent un homme. Défiant toute logique, certaines lesbiennes figurent dans la catégorie des invisibles comme le défini Océanerosemarie, une notion trop bien comprise par Orianne Siret. Les stéréotypes s’accumulent, se transmettent au fil du temps et se banalisent. Les gouines, goudous, colleuses de timbres, brouteuses de minous, et on en passe, seraient dans l’imagerie populaire des bombes sexuelles ayant des rapports intimes entre elles, tout en fantasmant sur la venue salvatrice du pénis. « Et dans ce fantasme, on pense toujours que ce sont deux hétérosexuelles finalement. Et pour les bis, c’est pire, on pense toujours que le plan à trois est assuré !  », confie Audrey, qui ne dévoile sa bisexualité qu’à son entourage proche à cause des conséquences que son orientation sexuelle entraine. « On est vu(e)s comme des traitres car on ne choisit pas…  », souligne-t-elle.

Lesbiennes et bis sont confrontées à des idées reçues communes : battues pendant l’enfance, mal baisées par les amants qu’elles ont connus, pas vraiment femmes dans le fond, frustrées ou encore pas définitivement « perdues  »… « Ça, c’est pour les hommes. Pour les femmes, elles pensent souvent qu’on va les draguer ou être automatiquement attirées par elles ». Aurore, de son côté, ne se laisse pas envahir par la crainte et n’hésite pas à s’afficher en couple dans la rue et en public, sauf la nuit « car les voitures ralentissent, on nous regarde avec insistance. Ça fait parti du fantasme…  »

Maïwenn, 19 ans, étudiante à Rennes, elle, le vit différemment. Si elle a été profondément choquée par le retrait de la PMA de la loi sur la famille « car au delà de l’homosexualité, tout le monde a le droit de fonder une famille  », elle ne ressent pas d’insécurité dans l’espace urbain. « Je n’ai jamais vécu de violences, à part le regard de certaines personnes. Ma mère m’a dit de faire attention en public par exemple mais je ne me sens pas en insécurité  », explique-t-elle. Mais le fait de devoir se méfier ne sonnerait-il pas comme un premier degré de violences ? Il note toutefois une inégalité profonde entre les hétéros et les homos.

FAIRE ÉVOLUER LES MENTALITÉS

Au CGLBT de Rennes, les membres du bureau réfléchissent à des moyens de faire évoluer les mentalités avec des moyens financiers réduits. « Depuis quelques années, nous avons un contrat d’objectif avec la Ville de Rennes. C’est-à-dire qu’elle nous délègue la fonction de diagnostic », explique Antonin. Et si dans les rangs de l’asso, on reconnaît les bienfaits d’une relation en bonne intelligence avec les élus locaux, on note tout de même que cela n’est pas encore suffisant pour avancer davantage. Surtout que certains militants sont fatigués, épuisés.

« L’an dernier, il y a eu des burn-out, des hospitalisations, de l’épuisement. Surtout qu’on luttait avec des moyens beaucoup plus faibles que ceux de la Manif pour tous  »
Antonin Le Mée, président du CGLBT.

Aujourd’hui, les adhérents pensent à une campagne basée sur la dérision, qui serait selon eux bien plus impactante : « Comme les gens en ont marre des manifestations, on pense que ça ferait du bien à tout le monde d’y mettre un peu d’humour ». Autre alternative, la reprise de l’association étudiante rennaise Commune Vision, située dans le bâtiment Erève de Rennes 2. En janvier 2014, une poignée de militantes ont pris en charge cette asso quelque peu endormie depuis plusieurs années (comme l’a été récemment le CGLBT ou encore l’association lesbienne rennaise Femmes entre elles).

« C’est une structure étudiante, LGBTQI – Queer et Intersexe – ouverte à tous dans laquelle on trouvera un accueil, de la prévention et du militantisme  »
explique Falone, présidente, qui fréquente également le CGLBT avec sa compagne, Faustine.

« Nous sommes une association adhérente du Centre mais indépendante. Nous serons à la Marche des Fiertés d’ailleurs  », précise-t-elle. Et féministe aussi dans les statuts, un point qui pour l’instant reste discret. Des permanences seront ouvertes dès septembre pour « des relations individualisées, de proximité, ça c’est important  », souligne Faustine. L’avantage selon les deux militantes : « Nos subventions ne viendront pas de la Ville de Rennes. Nous aurons plus de possibilités dans nos actions  ».

Pour l’heure, les associations agiront main dans la main le 7 juin sans distinction de statuts, de rôles ou d’orientations sexuelles. « C’est un moment pour être nous-mêmes, tous ensemble, dans une bonne ambiance. Si nous n’avons plus trop d’espoir concernant la PMA – à part en allant en Belgique – nous allons quand même faire la fête, ce jour-là est fait pour malgré tout !  », conclut Aurore. Car c’est quand le soleil brille pendant la pluie qu’on perçoit alors les arcs-en-ciel.

À ce jour, le projet de loi sur la famille ne prévoit pas l’élargissement de l’AMP (assistance médicale à la procréation, nommée aussi PMA) aux femmes célibataires et aux couples lesbiens. Mais qu’est ce que l’AMP ? Le docteur Célia Ravel, responsable du centre CECOS du CHU de Rennes, nous explique.

L’Assistance médicale à la procréation rassemble différentes techniques de procréation dont les plus courantes sont :

- l’insémination artificielle intra utérine : la technique la plus simple, nécessitant au préalable un traitement de stimulation. Elle consiste à injecter à l’intérieur de l’utérus les spermatozoïdes recueillis par masturbation au laboratoire, à l’aide d’un cathéter. 4 à 6 cycles sont possibles, avec un taux de réussite évalué entre 15 et 20% pour chaque cycle.

- La fécondation in vitro : une méthode plus complexe (divisée en plusieurs phases nécessitant une stimulation hormonale), qui consiste à prélever un ovule pour le féconder en culture et l’introduire dans l’utérus. Le taux de succès varie de 25 à 35%.

« C’est un engagement au parcours long et compliqué », souligne  Célia Ravel du Centre d'Etude et de Conservation des Œufs et du Sperme humains (CECOS) du CHU de Rennes. Actuellement, peuvent y prétendre les couples hétérosexuels rencontrant des difficultés à concevoir un enfant depuis deux ans (avec des rapports sexuels réguliers). Pour cela, ils devront au préalable passer les examens du bilan d’infertilité. De manière générale, les femmes devront ainsi évaluer leur réserve ovarienne avec une prise de sang, une échographie et une hystérosalpingographie, soit une radiographie de l’utérus et des trompes.

Les hommes feront eux un spermogramme pour analyser le nombre,  la mobilité et la forme de leurs spermatozoïdes. Toutes les démarches seront remboursées intégralement par la sécurité sociale jusqu’aux 43 ans de la patiente. Bien sûr, chaque AMP proposée par le médecin est adaptée en fonction de chaque situation. « Tout dépend si c’est un facteur masculin ou féminin car il existe différents cas d’infertilité », précise-t-elle. Infertilité inexpliquée, infertilité génétique, infertilité infectieuse, traumatismes, antécédents chirurgicaux ou due aux traitements anticancéreux. Dans ce dernier cas, il s’agira d’ailleurs d’une préservation de fertilité. Les femmes en couple ayant une insuffisance ovarienne ou une endométriose sont également concernées.

Selon la spécialiste, l’AMP reste évidemment un sujet sensible car « on touche au début de la vie ». Et si elle était un jour ouverte aux couples de femmes ? Les médecins pourraient-ils s’y opposer ? « Il y aura forcément une clause de conscience », répond Célia Ravel, avant de préciser que les cliniques belges qui accueillent ces femmes sont actuellement florissantes…

Infographie : © Sophie Barel

Engagée au CGLBT de Rennes, Orianne Siret, 26 ans, étudiante en psycho, répond à nos questions sur l’homosexualité féminine.

Avant d’officialiser votre homosexualité, avez-vous eu des expériences hétérosexuelles ?

Oui, j’ai eu un copain vers 20 ans, nous sommes restés ensemble 4 ans, nous sommes séparés depuis 2 ans. Avant lui, je me posais déjà des questions, j’éprouvais de l’attirance pour des filles après le lycée. Au collège déjà, j’avais ressenti quelque chose pour une fille que j’avais vu à la télé mais j’avais refoulé. Ensuite, j’avais dans mon entourage des gens qui disaient « Les homos, faut les soigner ». Politiquement et socialement, je n’étais jamais d’accord, je les défendais beaucoup. On en prend plein la gueule parce qu’on aime « différemment ».

C’est à cette période que vous avez commencé à vous poser des questions ?

En fait, j’avais des problèmes familiaux et mon orientation sexuelle n’était pas ma priorité. Je me disais que j’étais bi. On imagine toujours que c’est avant l’homosexualité. Là je suis attirée par les femmes mais peut-être que je serais plus tard attirée par les hommes. Qui sait pourquoi ? Et même si on savait la réponse, à quoi ça servirait ? En fait, j’ai eu besoin de me trouver, moi. Je suis allée au CGLBT de Rennes et Antonin m’a dit « On ne va pas te demander de preuves » et ça, c’était très important pour moi. C’est stressant, on a toujours l’impression qu’il faut se définir. Qu’il faut sans cesse se justifier, être cohérent, stable. Surtout que je n’ai pas encore eu d’expérience homosexuelle. Beaucoup se demandent comment on peut être lesbienne sans avoir « testé » mais on ne se demande pas si on est hétéro… J’ai parfois l’impression qu’on me demande mon CV sexuel (rires) !

Quelles ont été les réactions lors de votre coming-out ?

J’étais ingénieure en informatique, un milieu très masculin mais plusieurs de mes collègues étaient des potes. L’homosexualité féminine passe mieux avec les hommes en général. C’est déjà pas facile d’être une femme dans le domaine de l’informatique, on vous dit « Tu n’es pas vraiment une fille ». Même si c’est une blague, ça me touche. Au même titre que « tu es homo car tu as été battue dans ton enfance ». Et dans les milieux féminins, je sais que l’on a plutôt peur des réactions de type « Pas de soucis, tant que tu ne me dragues pas ». On s’interroge souvent sur le moment de l’annoncer. Mais quand je ne le dis pas, j’ai le sentiment de cacher quelque chose, de ne pas être moi-même. On est alors dans le rôle de pré-supposée hétéro.

Et pour votre famille ?

Aucun souci avec mes tantes, cousins et cousines. Je ne l’ai pas encore dit à mes parents car il faut avant tout que je rétablisse la communication auparavant. On ne sait jamais comment vont le prendre les parents, j’ai entendu déjà tant d’histoires ! Ça se passe rarement réellement bien.

Est-ce facile de faire des rencontres à Rennes ?

Pas tellement. Finalement, on souffre aussi du manque de représentativité (au cinéma par exemple, on voit plus souvent des films qui traitent de l’homosexualité masculine…). Dans les bars, il y a plus souvent des hommes et aucun établissement n’est spécifiquement lesbien, à part L’Extaz mais peu s’y retrouve. L’Insolite est plus accueillant mais c’est majoritairement masculin je trouve, comme pour le Batchi. Ce sont plus des lieux pour sortir que pour faire des rencontres. Et ensuite, on éprouve aussi des difficultés en tant qu’« invisibles », quand ce n’est pas écrit sur notre tête que nous sommes lesbiennes. Un avantage qui peut aussi être un inconvénient !

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Homosexualité féminine : la double discrimination
Lesbiennes, le quatrième sexe ?
La PMA, c'est quoi ?
Entretien avec Orianne Siret

Célian Ramis

Médiation familiale : Conciliation lors de la séparation

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Comment est entreprise la médiation familiale ? Quels moyens sont mis en œuvre ? Comment un couple peut vivre les séances ? Les médiateurs pourraient-ils se substituer aux avocats et aux juges des affaires familiales ?
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En mai 2004, l’Assemblée nationale adoptait le texte définitif du projet de loi relatif au divorce. Une loi promulguée le 26 mai 2004 et publiée au Journal Officiel le 27 mai de la même année, qui vise à simplifier et à moderniser les procédures de divorce, datant de 1975. Ainsi, on peut lire dans l’article 255 du Code civil que le « juge peut notamment : 1° Proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ; 2° Enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation (…) » La médiation familiale, encore peu et mal connue - loin d’être réservée aux couples mariés en instance de divorce – ambitionne de rétablir le dialogue entre les deux parties afin de pouvoir s’accorder sur différents points relatif à la séparation comme le partage des biens ou encore la garde des enfants. Comment est entreprise la médiation familiale ? Quels moyens sont mis en œuvre ? Comment un couple peut vivre les séances ? Les médiateurs pourraient-ils se substituer aux avocats et aux juges des affaires familiales ? La rédaction de YEGG s’est penchée sur ces questions.  

Depuis plusieurs décennies maintenant, le nombre de séparation des couples augmente. Aujourd'hui, en France, plus d'un couple sur deux qui passe par la case mariage, passera également par la case divorce. Et ces chiffres ne mentionnent pas les couples non-mariés. La séparation est devenue de ce fait un véritable enjeu de société. Entre déchirements des conjoints et souffrance des enfants, la médiation familiale est une solution proposée pour tenter d'apaiser ce passage douloureux.

La médiation familiale est apparue en France à la fin des années 1980, sur l'exemple du Québec. Elle a pour but d'amener les familles sur un terrain neutre pour les aider à résoudre les conflits qui peuvent surgir à différents moments : séparation des couples, difficulté de communication avec un jeune majeur, désaccord au sein d'une fratrie sur la prise en charge d'un parent vieillissant, rupture du lien entre petits-enfants et grands-parents. Néanmoins, la coordinatrice du service de médiation familiale de l'UDAF 35 (Union Départementale des Associations Familiales), Christine Duchemin, le rappelle: « Dans 95% des cas que nous rencontrons, il s'agit d'une séparation entre conjoints. »

Une épreuve douloureuse qui peut amener les ex-conjoints à s'entre-déchirer devant les tribunaux afin de faire payer à l'autre la souffrance dont il le juge responsable. Le pari qui est fait par la médiation familiale, c'est de permettre aux couples de retrouver un espace de communication pour se mettre d'accord sur les modalités de la séparation, plutôt qu'elles ne  soient imposées par la justice. À Rennes, il existe deux services qui proposent la médiation familiale: l'UDAF 35 et Espace médiation. Outre ces structures, une médiatrice officie de manière privée : Marie-Christine de Cacqueray.

LA PHILOSOPHIE DE LA MÉDIATION

Madame Hignard, juriste au Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) le rappelle:

« La médiation ce n'est pas une thérapie de couple, ce n'est pas fait pour sauver le couple. »

Bien souvent, au delà du conflit conjugal, les conjoints ont un rôle à jouer en tant que parents. Dans le préambule du texte de loi sur la famille présenté début avril à l'Assemblée Nationale, le législateur précise: « Chacun peut se séparer de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin mais jamais de ses enfants ».

Il faut donc réinventer une co-parentalité et une communication apaisée après la séparation. Le médiateur familial joue le rôle de tiers neutre, impartial, afin de favoriser la reprise du dialogue. Selon Christine Duchemin, ce métier transmet un idéal à la société:

« Notre objectif c'est de responsabiliser les gens. Il y a une dimension philosophique importante dans notre démarche. C'est un temps à part, le médiateur prend le temps d'analyser la situation, permet aux personnes de parler, de s'exprimer soi, d'écouter l'autre. Il les aide à être acteurs de ce qui s'est passé pour devenir acteurs de ce qu'il y a à régler. Il aide à retrouver la capacité à discuter, à se comprendre et à chercher ensemble des solutions. » 

C'est un espace où l'on responsabilise les gens pour les aider à garder leur liberté de choix. La nouvelle communication établie au moment des séances doit se prolonger en-dehors des murs des séances. La réussite se fait sur le long terme, les parents qui ont eux-mêmes choisis les modalités de la séparation, les respectent plus et surtout sont plus aptes à communiquer entre eux à propos de leurs enfants. Pour la coordinatrice du service, cela montre aussi l'exemple pour les enfants : « Réussir à s'entendre au-delà de la séparation, c'est un message très fort qui est envoyé aux enfants. Ils les font grandir ensemble tout étant séparés. C'est important pour un enfant d'avoir des adultes, des parents responsables. »

UN HOMME ET UNE FEMME QUI SE SONT AIMÉS

« Une séparation c'est avant tout l'histoire d'un homme et d'une femme qui se sont aimés, qui ont décidé d'avoir une famille, qui ont vécu de belles choses avant que la relation ne se dégrade. »
Christine Duchemin, coordinatrice du service médiation familiale à l'UDAF.

Pour illustrer son propos, Christine Duchemin revient sur une médiation qui l'a marquée. Les personnes étaient en procédure depuis sept ans, ils se déchiraient, d'enquêtes en expertises. Ils sont arrivés en médiation à l'initiative de la femme, qui tentait cet ultime recours avant son déménagement dans le sud. Ce changement de région remettait en cause la résidence alternée des enfants. Pendant les premières séances, ils n'ont pas pu se regarder, ni s'appeler par leur prénom. L'homme voulait garder les enfants car il considérait le déménagement comme un choix personnel de la femme.

Elle, elle affirmait que les enfants préféraient partir avec elle. Selon ses dires, avec la médiation, ils ont pu se donner accès à ce que représentait le projet de déménagement, à leur ressenti. Lui a fini par formuler qu'il se sentait discrédité et non-reconnu dans son rôle de père depuis le début de la séparation. C'était aussi pour cela qu'il se battait depuis toutes ses années pour obtenir la résidence alternée devant les tribunaux. Difficile, donc, pour lui d'y renoncer. Face à cette confidence la femme a alors déclaré, « d'une manière très émouvante » précise la professionnelle, qu'au contraire elle estimait que sa place en tant que père était très importante auprès des enfants, qu'elle comptait énormément sur lui.

Pour elle, venir en médiation c'était aussi réfléchir sur comment il allait rester le papa de ses enfants. « Une fois que les deux ont réussi à formuler ce qui les bloquait, c'est un tapis rouge qui se déroule. Les solutions ont été trouvées en quelques séances. Je pense que si la médiation n'était pas passée par là, ces gens-là se déchireraient encore », commente la coordinatrice de l'UDAF.

PARCOURS D'UNE MÉDIATION

Le parcours d'une médiation commence par un rendez-vous d'information pour en expliquer le principe. Ce rendez-vous préalable permet d'éviter de se tromper de démarche : dans certains cas,  ce n'est pas la solution. Les cas de violences conjugales, par exemple, ne rentrent pas dans ce processus : « Pour démarrer une médiation, il faut qu'il y ait une égalité dans le couple, que chaque ex-conjoint reconnaisse l'autre comme légitime. Si la notion de respect n'est pas présente dès le départ, ce n'est pas possible. Dans ces cas-là nous renvoyons les personnes auprès d'autres professionnels qui sont plus adaptés », confie Christine Duchemin.

« Nous n'avons pas de relations institutionnalisées avec la médiation familiale mais nous renvoyons régulièrement des personnes vers ce service. Cependant  elle n'est pas adaptée dans les cas de violence intra-familiale, il faut qu'il y ait une égalité dans le couple. »
Mme Hignard, juriste au CIDFF.

Lorsque les personnes acceptent la démarche, un autre rendez-vous est fixé, cette fois-ci pour entrer dans le vif du sujet. « Chaque parcours est différent, en fonction de ce qu'il y a à régler. On fixe des séances tous les quinze jours à trois semaines, qui peuvent durer entre 1h30 et 2h. Certains n'ont besoin que de deux ou trois séances, pour d'autres il en faudra plus d'une dizaine. » Les rencontres se déroulent à trois : les deux participants et un médiateur familial diplômé.

Lors de la séance, le professionnel invite chacun à parler des points de désaccord et à exposer leur point de vue pour déterminer d'où viennent les différents. Autorité parentale, montant d'une pension alimentaire, lieu de résidence des enfants, séparation des biens... les sujets sur lesquels travaillent les parents en médiation sont nombreux et très concrets. Le médiateur n'est pas un thérapeute, même si, parfois, les blocages rencontrés ne sont pas d'ordre rationnels mais psychologiques.

Lorsque le parcours aboutit, et que les deux participants parviennent à s'entendre sur les points principaux, ils n'ont plus qu'à écrire leur accord et à le faire valider par un juge. Cette dernière étape permet aux parties d'avoir l'assurance que les accords seront officialisés. À l'UDAF 35, environ la moitié des médiations débouchent sur un accord entre les ex-conjoints. Pour d'autres ce n'est pas le bon moment ou la séparation a été trop douloureuse.

LE MÉTIER ET LES ENJEUX DE MÉDIATION

On ne peut pas s'improviser médiateur familial. Depuis 2004 c'est un diplôme d'État – le DEMF - reconnu qui nécessite un diplôme de niveau trois (c'est-à-dire un bac +2) préalable, auquel s'ajoute une formation d'environ 700 heures. Christine Duchemin précise: « Nous n'avons pas de jeunes bacheliers qui se dirigent vers la médiation familiale. Il faut avoir une expérience de vie plus importante. C'est un métier où certaines situations peuvent entrer en résonance avec notre propre vécu. Il faut savoir prendre de la distance pour ne pas laisser notre ressenti empiéter sur notre professionnalisme. La plupart des médiateurs viennent du champ du travail social. Ils ont déjà eu une expérience avant de se lancer dans la médiation. » Dans le service consacré à la médiation à l'UDAF 35, 6 médiateurs familiaux se relaient, 4 femmes et 2 hommes. Leur temps de travail équivaut à 3 temps plein.

La médiation familiale est confrontée à de nouveaux enjeux. La loi sur la famille, reportée début 2014 par le gouvernement Ayrault à cause des sujets sensibles de la GPA (Gestation pour Autrui) et PMA (Procréation Médicalement Assistée), n'a pas complètement été abandonnée. Début avril un projet de loi édulcoré, et sans les sujets polémiques, a été déposé devant l'Assemblée Nationale. Il comprend un volet sur la médiation familiale.

Jusqu'à présent les démarches de médiation étaient entreprises volontairement, tous les couples reçus ayant choisi ce mode de séparation. Le juge aux affaires familiales pouvait contraindre un couple à se rendre au rendez-vous d'information sur la médiation mais il était ensuite laissé libre de la poursuivre ou non. Dans le nouveau projet de loi, le juge peut désormais enjoindre des conjoints à se rendre aux séances de médiation. L'article 17 prévoit « à l'effet de faciliter la recherche par les parents d'un exercice consensuel de l'autorité parentale, le juge peut : […] leur enjoindre de prendre part à des séances de médiation familiale. »

Si la loi n'a pas encore été votée, elle inquiète la coordinatrice du service de médiation de l’UDAF 35:

« Nous sommes très prudents avec cette nouvelle règle. Notre objectif ce n'est pas de désengorger les tribunaux, mais d'aider les personnes. Nous craignons un peu que cette loi fasse perdre le sens premier de la médiation. »

Les professionnels ont fait remonter leurs craintes au niveau national, mais avec un peu plus de 600 médiateurs familiaux en France face à la gigantesque machine judiciaire, leur voix n'a pas encore été entendue. Ce combat, pour préserver le sens de leur métier et en garder les principes déontologiques, tout en restant complémentaires de la justice, est difficile. Les débats parlementaires qui arrivent sont ainsi très attendus.

Au fur et à mesure que la notoriété de la médiation augmente, de plus en plus de personnes y ont recours. En 2013, ce service de l'UDAF 35 a connu une augmentation de plus de 37% de son activité par rapport à 2012. Les professionnels du droit la connaissent mieux et certains juges aux affaires familiales n'hésitent plus à enjoindre les couples à se rendre au rendez-vous d'information.

Pour autant la relation entre la justice et la médiation familiale n'est pas toujours simple. Selon les médiateurs, certains professionnels de la justice, notamment quelques avocats, la perçoivent comme une concurrence indirecte dans les affaires de divorces. Pourtant la médiation familiale se veut complémentaire et non rivale, puisqu'elle est l'un des outils qui permettent une séparation moins douloureuse.

QUÉBEC, PAYS ANGLO-SAXONS... DES EXEMPLES À SUIVRE ?

D'autres pays sont en avance par rapport à la France sur le développement de ce type de service. Au Québec, mais également dans les pays anglo-saxons, celle-ci est beaucoup plus développée. La coordinatrice semble croire qu'il s'agit d'une différence culturelle : « En France on est beaucoup plus dans la culture du conflit. Pas seulement pour les séparations, même pour un conflit de voisinage on va devant les tribunaux. »

Sous d'autres cieux, le conflit n'est pas judiciarisé et les salles de médiation, familiale, mais aussi dans d'autres domaines, fleurissent au coin des rues. Il n'est pas plus étrange d'aller voir un médiateur qu'un médecin. La France est encore loin de ces situations. Cependant avec l'augmentation de l'activité de ces professionnels et une meilleure connaissance du grand public des services proposés, il se pourrait que cette solution soit de plus en plus prisée dans les années à venir.

Deux ex-conjoints ont accepté de témoigner pour YEGG de manière anonyme sur leur expérience de la médiation familiale. À la fin de l'année 2013, en désaccord sur la somme à verser pour leur fils, ils contactent le service de médiation de l'UDAF 35. Ils ont participé à trois séances qui ont abouti à un accord.

Qu'est-ce qui vous poussé à venir en médiation familiale ?

Lui : Nous sommes séparés depuis trois ans, je ne voyais mon fils que le week-end, c'était court avec le foot et ses activités. Je voulais qu'il fasse une semaine chez moi et une semaine chez sa mère pour que je le vois plus. Avant, je versais 200 euros de pension alimentaire mais avec mon salaire c'était difficile, je finissais souvent à découvert. Je pensais qu'avec la résidence alternée je ne devrais plus rien. Mon ex, elle, considérait qu'avec les dépenses liées à l'école et ses activités, je lui devrais encore de l'argent. Tous les deux, ça se passe très bien mais pour caler les choses on a préféré aller voir quelqu'un.

Elle : Depuis septembre, lorsqu'on a envisagé la résidence alternée, les questions d'argent pour la pension alimentaire devenaient centrales et pendant 4 mois on n’arrivait plus à communiquer. C'était rompu on avait plein de points de discorde et surtout on n’arrivait pas à se mettre d'accord sur le montant de la pension. Je me suis dit que la meilleure solution serait peut-être de voir un tiers pour repenser les choses calmement.

Comment avez-vous connu la médiation ?

Lui : C'est mon ex qui l'a connu. Je ne connaissais pas, c'est elle qui a pris le rendez-vous.

Elle : J'ai connu l'UDAF au moment de mon divorce car quelqu'un m'en avait parlé. J'étais allée là-bas pour faire des séances dans le service Parents ensemble. Quand la communication s'est dégradée avec mon ex-mari, je me suis rappelée qu'à l'UDAF, ils faisaient aussi de la médiation familiale. 

Quelles étaient vos attentes vis-à-vis de cette démarche ?

Lui : Quand on s'est séparés, on a été à un premier rendez-vous mais c'était compliqué, c'était bizarre et pas facile, comme tous les divorces. La première fois je n'ai pas compris, je ne me rappelle même pas ce qu'on a dit (le premier rendez-vous concernait une séance Parents ensemble ndlr). La deuxième fois (3 ans après la séparation ndlr), on a remis les choses en place  et c'est là que j'ai compris. On m'a demandé : Combien Vous dépensez pour votre fils ? Et on a mis les choses au clair.

Elle : C'était avant tout pour rétablir une communication. Retrouver un terrain d'entente avec mon ex-mari à propos de notre fils. Après, je m'étais renseignée et je savais qu'il me devait une pension, je voulais aussi qu'il comprenne ça, mais le plus important c'était de réussir à se parler.

Comment avez-vous vécu ces séances ?

Lui : C'était bien, ça permet de remettre les choses au point.

Elle : Dans notre cas, ça a été assez facile, on s'était déjà reparlé pour qu'il accepte la médiation. J'ai trouvé que les questions étaient très justes, la médiatrice mettait très à l'aise, elle savait s'adapter aux personnes. On a fait trois séances. Pendant la première, elle a remis notre enfant au cœur d'un arbre généalogique. Ça nous a permis de parler chacun de notre vie, de la personne avec qui on vit actuellement, mais aussi des grands-parents et de tout le contexte autour de l'enfant. À la fin de la séance elle nous a demandé de faire un calendrier sur un an pour calculer combien de temps notre fils passait chez chacun, et combien on dépensait par mois pour lui. La deuxième séance a été plus technique, on a repris les chiffres qu'on lui avait apporté et elle a fait un calcul à partir de ça. On est arrivé à un chiffre de pension qui était plus élevé que ce que proposait le juge. Ensuite elle nous a demandé de réfléchir tous les deux si ça nous convenait et lors de la troisième séance on s'est mis d'accord sur la résidence et la pension. La dernière fois c'était moins technique, on était plus dans la discussion.

Qu'en avez-vous retiré ?

Lui : On s'est mis d'accord, on le garde une semaine chacun et je continue de donner 100 euros par mois. On a mis ça sur papier et ce papier-là on va le montrer au juge, on a rendez-vous au tribunal. C'est bien de lui montrer que je donne une pension alimentaire, qu'on est déjà passé en médiation familiale. Grâce à ce papier, ils vont voir qu'on a fait un effort et pour le magistrat ce sera plus simple.

Elle : La résidence alternée est mise en place depuis quelques semaines et on a repris une communication apaisée. Bref que du positif ! Actuellement elle nous rédige un papier à présenter devant le juge avec nos accords. C'est vraiment ce que j'en attendais.

Est-ce que c'est une démarche que vous conseillerez autour de vous ?

Lui : Oui, cela permet de discuter pour les couples qui ne s'entendent pas, pour qu'ils puissent régler leurs problèmes avec quelqu'un qui n'est ni de la famille, ni des amis. J'ai vu comment ils interrogent les gens et comment ils travaillent, donc, oui, je le conseillerai.

Elle : Oui, en fait je l'ai déjà fait plein de fois, même quand je n'y avais pas encore participé. Il y a des gens autour de moi qui on fait une médiation au moment de la séparation. Moi j'avais un peu peur que dans notre cas, cela ne soit pas possible, je ne savais pas qu'on pouvait le faire y compris deux ans et demi après la séparation. Ça m'est déjà arrivé plusieurs fois d'en parler à des gens et de la conseiller. Plus généralement je recommande régulièrement les services de l'UDAF. 

La médiation familiale était-elle présente dans les affaires que vous traitez ?

Nous avons des personnes qui ont entamé le processus de médiation, souvent pour parler des questions liées aux enfants, très peu pour les problèmes d’argent. Dans ce cas-là, si les parties trouvent un accord, notre rôle est de le faire homologuer par un juge.

Et nous avons aussi des cas dans lesquels la médiation familiale a échoué. Généralement, nous le savons très rapidement s’il y a possibilité de rapprocher les deux parties, selon les points de désaccords. Quand c’est très conflictuel, très profond, qu’il y a beaucoup de rancœur et que cela dépasse même la séparation… Nous savons alors qu’il y a peu de chances que la médiation fonctionne.

La médiation familiale est-elle en concurrence avec le rôle des avocats ?

Je n’ai pas le sentiment que ce soit en concurrence directe. Dans la médiation, il y a un tiers, qui est neutre. J’ai la sensation qu’on traite davantage l’aspect psychologique. L’avocat résonne en terme de droit, de principes juridiques. Je pense que les deux sont complémentaires. Après, il y a certainement une vision que n’a pas le grand public mais l’avocat est aussi là pour trouver un accord.

Si nous pouvons rapprocher les deux parties, nous le faisons en discutant entre confrères ou par voie de courrier confidentiel par exemple. C’est dans l’intérêt du client que ce ne soit pas la guerre, qui mène à l’épuisement. Nous n’avons pas la même approche, pas les mêmes compétences que les médiateurs familiaux. Et c’est bien que chacun ait son domaine et soit conscient de ses limites.

Le juge pourrait-il enjoindre les deux parties à suivre les séances de médiation ?

Il peut les enjoindre à se rendre à une séance d’information. Je pense que de les enjoindre à suivre toute la médiation est contraire au principe même de médiation familiale. Elle s’effectue sur le volontariat, l’envie. Si c’est le contraire, il n’y aura pas d’écoute, c’est voué à l’échec. Ce serait vraiment aller à l’encontre du postulat de départ.

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Médiation familiale : une alternative lors des séparations ?
Se quitter sans se déchirer : la reprise du dialogue
Une histoire de vécu
3 questions à Anaïs Jolly, avocate - Droit de la famille

Célian Ramis

Europe : Femmes, au-delà des frontières

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Alors que les élections européennes approchent – la France votera pour les eurodéputés le 25 mai prochain – la confusion règne, l’abstention gagne du terrain, le pouvoir de l’Europe est remis en cause, menaçant ainsi les acquis féminins et féministes.
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En mars, la capitale bretonne a profité de la journée internationale des femmes pour braquer les regards sur la question de l’égalité en Europe à l’heure où « certains gou­vernements fragilisent les droits acquis », précise le programme proposé par la ville de Rennes. Conférences, débats, projections de documentaires, expositions… les ma­nifestations apportaient une dimension européenne et internationale sur les écarts et discriminations qui subsistent et qui creuse un fossé entre les sexes. Si l’identité euro­péenne peine à s’imposer et ne se fait pas ressentir à Rennes, nombreuses sont celles qui ont souhaité interroger, comprendre et analyser les disparités ou les luttes communes de ces femmes qui œuvrent pour la cause. Alors que les élections européennes approchent – la France votera pour les eurodéputés le 25 mai prochain – la confusion règne, l’abstention gagne du terrain, le pouvoir de l’Europe est remis en cause, menaçant ainsi les acquis féminins et féministes.

Dès le 6 mars, l’exposition « Portraits de femmes européennes » est un des premiers événements à inaugurer la Journée internationale des Femmes à Rennes. Neuf portraits de femmes d’origine étrangère, résidant dans le quartier de Maurepas, sont présentés dans le hall de l’Espace social commun Gros Chêne. Nelly Raynal est médiatrice pour cette structure et est à l’origine de ce projet, mené en collaboration avec la photographe Elise Ruello.

L’objectif : créer du lien social entre les femmes du quartier et le centre social. Pour elle, qui a passé du temps à discuter avec chacune des participantes, très peu se sentent concernées par l’identité européenne. « Quand elles arrivent à être intégrées par le pays d’accueil, c’est là le principal pour elles », explique Nelly. Un point sur lequel la rejoint Marina, 38 ans, d’origine arménienne, ayant vécu 15 ans en Russie et arrivée à Rennes en 2005.

« C’est dur de créer du lien ! Surtout qu’en Russie, on fait beaucoup plus la fête entre femmes. L’avantage de ne pas avoir l’égalité des sexes, c’est que les hommes travaillent et que les femmes ont le temps de se réunir entre elles »
Nelly Raynal, médiatrice à l’Espace social commun Gros Chêne.

Toutefois, elle est ravie d’avoir participé à ce projet qui lui a permis de rencontrer les habitantes de son quartier, « et maintenant on se voit très régulièrement. On mélange les cultures, c’est magnifique ! »

UN CONTEXTE SOCIAL

« La promotion des droits des femmes est issue des directives et lois européennes depuis plus d’un demi siècle. On s’intéresse maintenant à la poursuite de ce travail. L’Europe de demain sera-t-elle encore plus populiste et réactionnaire ? ». Jocelyne Bougeard, alors adjointe au maire, déléguée aux Droits des femmes, à l’Égalité des droits et à la Laïcité – à l’heure où nous écrivons ces lignes, le nouveau conseil municipal n’a pas encore été constitué – s’interroge et souhaite mobiliser la population rennaise sur ce sujet.

Elle renouvelle ainsi son intérêt et sa volonté d’inscrire la capitale bretonne en tant que territoire engagé par la signature de la charte européenne de l’égalité entre les  femmes et les hommes depuis 2006 mais aussi en tant que territoire participant à l’unité et la cohérence de l’Europe. Un sujet qui semble manquer de visibilité auprès des Rennais peu informés et sensibilisés à la thématique.

« L’Union Européenne n’est plus une force motrice dans ce domaine depuis plusieurs années », explique Maxime Fourest, membre du Haut Conseil à l’Égalité, présent à Rennes le 11 mars pour une conférence intitulée « L’Europe de l’égalité est-elle en panne ? Le rôle des politiques d’égalité communautaires dans les états membres ». La pertinence de la question tombe à pic et soulève ainsi d’autres interrogations, à savoir le rôle exact et le pouvoir de cette Union politique, économique et sociale.

C’est en 1957, lors du traité de Rome (article 119 – devenu article 141), que figure pour la première fois le principe d’égalité entre les femmes et les hommes, concernant l’égalité de rémunération.

« Un principe qui restera inaperçu pendant au moins deux décennies avant que les luttes féministes ne s’emparent de cette arme juridique »
Maxime Fourest, membre du Haut Conseil à l’Égalité.

Quarante ans plus tard, le traité d’Amsterdam est signé dans un contexte de renforcement de l’unité européenne. Il prévoit alors la modification de l’article 2 en incluant la promotion de l’égalité entre les sexes dans l’énumération des missions que se fixe la Communauté ainsi que la modification de l’article 3, dans lequel un alinéa est ajouté : « Lorsqu’elle réalise toutes les actions visées au présent article, la Communauté cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes ».

Né alors le volet social de l’Union Européenne qui porte la question de l’égalité comme un levier de développement et de lutte contre les discriminations. La Communauté, en 1990, soutient et appuie la création du Lobby Européen des Femmes, qui réunit actuellement plus de 2500 organisations dans 31 pays. Leur rôle : « Faire du lobbying au niveau européen et fournir des informations aux responsables politiques afin que les droits des femmes et leurs besoins ainsi qu’une perspective de genre soient pris en compte lors de l’élaboration des politiques et législations.

Promouvoir la participation des organisations de femmes au niveau de l’UE et leur fournir les informations nécessaires à une telle participation. » Pour Maxime Fourest, si l’élargissement de l’Europe aux pays de l’Est a permis de faire naitre des politiques d’égalité dans des pays qui n’en avaient pas, il souligne toutefois le manque de leadership européen et d’investissement des États pour porter ces questions-là et les faire évoluer. « Le Parlement européen a renforcé dans les années 2000 son rôle de vigie, rend des rapports notamment sur l’IVG, pour un droit européen à l’avortement mais travaille aussi sur la prostitution, la traite des êtres humains », explique-t-il.

Pourtant, les deux derniers rapports en date ont été rejetés par les élus européens. Tout d’abord le rapport Estrela, sur le droit à l’avortement en Europe, rejeté le 10 décembre dernier. Ensuite, le rapport Zuber, concernant l’égalité de rémunération à travail égal, l’interdiction des départs forcés en cas de maternité ou encore la lutte contre les stéréotypes sexistes, rejeté le 11 mars dernier.

« Il y a une vraie volonté de remettre en cause les acquis des droits des femmes »
 Nicole Kiil-Nielsen, eurodéputée écologiste siégeant à la commission Droits des femmes et égalité des genres.

Pourtant, c’est entre autre l’abstention de certains élus de son parti qui a bloqué l’adoption de ce rapport initiative. Pour cause, « nous sommes divisés sur la question de la prostitution au sein de notre groupe ». Les écarts se creusent, les clivages se renforcent et les forces se radicalisent. 

FEMMES, PREMIÈRES VICTIMES DE LA CRISE

Elisabeth Crémieu, agrégée de géographie et ancienne enseignante à Sciences Po Paris, explique dans son ouvrage Géopolitique de la condition humaine qu’en théorie « les droits des femmes avancent quand les partis de gauche, normalement progressistes, sont au pouvoir, et ce pour des raisons idéologiques et politiques : le vote des femmes, conservateur dans les premiers temps, se déplace vers les partis de gauche dans de nombreux pays.

Il y a alors interaction : beaucoup de femmes votent à gauche, et la gauche au pouvoir fait avancer les droits des femmes. Mais la réalité est plus complexe que cela. » Une réalité complexe et compliquée en effet à laquelle vient s’ajouter la peur due à la montée au pouvoir des conservateurs, comme en témoigne l’actualité espagnole, avec le projet de loi sur l’accès à l’Interruption Volontaire de Grossesse dans seulement deux cas – à savoir en cas de viol, avec dépôt de plainte obligatoire, et en cas de danger pour la santé de la mère. Une loi qui rejoindrait l’esprit des politiques plus restrictives comme celles de la Pologne, de Chypre ou encore de l’Irlande.

La belge Christine Van Den Daelen n’en démord pas : « Les femmes sont un champ d’expérimentation en terme de régression sociale ». Membre du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde, elle était invitée par l’association rennaise Questions d’égalité, le 13 mars, pour développer son point de vue sur l’impact de la dette publique européenne sur la population féminine. En ligne de mire, les mesures d’austérité prises en réaction à la crise de 2008. Les conséquences : la diminution des revenus du travail rémunéré des femmes, la casse de la protection sociale, la destruction du service public, la remise en cause du droit du travail et l’augmentation de la TVA.

Et tout cela « sape l’autonomie financière et les libertés des femmes ». Elle exprime et démontre alors la féminisation de la pauvreté, qui n’apparaît pas comme un phénomène nouveau mais qui impacte les droits des femmes « En Espagne, on a supprimé le ministère de l’Égalité, en Italie, on a réduit de 70% les budgets des politiques familiales, en Allemagne, on débourse des sommes incroyables pour qu’un enfant soit pris en charge en crèche… » Et sa liste ne cesse de s’allonger et de tirer la sonnette d’alarme à chaque exemple et chiffre donnés.

Un argumentaire détaillé qui se veut le reflet d’une situation chaotique mais pas sans issue. Un souhait : « Annuler le côté illégitime de la dette. Les femmes sont les créancières de la dette publique, ce n’est pas normal. » En février 2011, le réseau Femmes en mouvement contre la dette et les plans d’austérité en Europe se constitue et développe un panel d’initiatives. En Grèce, les membres du collectif exigent des audits de comptes publics, d’hôpitaux, de centres sociaux, d’écoles, etc. Les actions de rue, les campagnes pour les droits à la santé des femmes mais aussi des droits sexuels et reproductifs également, se multiplient.

Pour Monica Karbowska, membre de « Initiative Féministe Européenne », il est important de sensibiliser les femmes à ces problématiques et de mettre en lien les mouvements sociaux européens.

« Il y a une multitude de mouvements et de manifestations depuis 2010/2011. Si on prend le cas de la Bulgarie, la Bosnie, la Grèce, la Slovénie, la Serbie, la Hongrie et plus récemment l’Ukraine. Mais en France, on n’entend pas beaucoup parler de tout ça. »
Monica Karbowska, membre de Initiative Féministe Européenne.

Ne pas rester dans son coin, sa solitude, « il faut se sortir de la logique individualiste ». Un message très politisé qu’elle lance à la petite assemblée réunie à la Maison internationale de Rennes. Elle poursuit : « On nous habitue à nous soumettre, on nous habitue à l’humiliation, à se dire que l’on est rien. Et quand on vit avec les minima sociaux, on a des revenus tellement bas que l’on s’isole et que l’on devient exclu de la citoyenneté ». Retrouver sa citoyenneté avant tout pour pouvoir être mobilisés, engagés, dans des causes communes, militantes.

PROBLÈME IDENTITAIRE

Et c’est justement vers les pays de l’Est et les pays des Balkans que se sont tournés les regards lors du week-end Documentaires au féminin, organisé par l’association Comptoir du Doc en partenariat avec Les Champs Libres, à Rennes. Les 15 et 16 mars, quatre films ont été diffusés et ont fait l’objet de débats et d’échanges avec le public à l’issue de chaque projection.

Parmi la sélection, Femmes des 12 frontières, de Claudine Bories, met particulièrement l’accent sur le militantisme, l’action politique et citoyenne d’une cinquantaine de femmes, qui viennent du Kosovo, de Bosnie, de Croatie, de Serbie, d’Albanie ou encore de Macédoine et qui vont se réunir et retourner sur les routes encore traumatisées par les différentes guerres et tensions pour transgresser les frontières. Un documentaire qui marque aussi l’envie de ses femmes de partager leurs expériences, leurs souvenirs et leurs engagements politiques, qu’elles souhaitent transmettre à la jeune génération.

Autre regard sur la précarité des femmes, celui du réalisateur autrichien Ed Moschitz. Ce dernier s’est intéressé à la situation des femmes en Moldavie qui émigrent illégalement vers l’Europe de l’Ouest pour gagner de l’argent et s’occuper de leur famille. À l’origine, Mama illegal est un reportage proposé à la télé autrichienne sur la vie d’Aurica et de son mari.

« C’était la nounou de mes enfants. Elle ne m’avait pas dit qu’elle était en situation illégale. Quand elle me l’a avoué, j’ai souhaité faire un reportage sur elle. J’ai alors été frappé par la découverte de la Moldavie et l’émission a passionné l’Autriche ».
Ed Moschitz, réalisateur autrichien.

Ce qui ne devait être qu’un sujet de quelques minutes devient un deuxième reportage puis un sujet de documentaire. Pendant 7 ans, le réalisateur va suivre l’évolution d’Aurica et va rencontrer d’autres jeunes femmes dans la même situation, qui vont accepter de témoigner. « La plupart des femmes qui partent sont souvent assez jeunes. Elles ont souvent un métier en Moldavie. Par exemple, Aurica était maitresse en maternelle », précise Ed Moschitz.

Mais le chômage et la pauvreté les font quitter leur pays pour aller travailler « vers la Russie et l’Ukraine pour les hommes et vers l’Autriche, l’Allemagne ou l’Italie pour les femmes qui vont être embauchées dans les services à la personne en général ». Si le réalisateur met en lumière l’incroyable combat de ces femmes et leur lutte pour la survie de leurs foyers, il met le doigt sur un point crucial de leur parcours : la découverte de l’ailleurs et le problème identitaire.

« Quand elles partent, elles n’ont aucune idée de ce qui les attend. Sur place, elles découvrent la place des femmes et les droits des femmes en Europe de l’Ouest. Cela devient un véritable problème quand elles rentrent chez elles », décrypte-t-il. À leur retour, leur vision a fondamentalement changé. Leur maison est trop petite, insalubre, leurs enfants ont grandi, sans elles. Le choc est brutal. Mama illegal montre alors des femmes bloquées entre leur pays d’origine qui ne leur correspond plus et leur pays d’accueil dans lequel elles sont clandestines. « Elles n’ont plus de pays d’attache. Nous contribuons à la destruction de ces femmes, de ces pays, de leurs familles », précise-t-il.

1, 2, 3, 4, 5… VITESSES

C’est donc une Europe à plusieurs vitesses qui est présentée dans le cadre de ce mois des femmes et qui cristallise les nombreuses inégalités qui subsistent entre les pays mais aussi les différences entre les femmes de chaque État. Des différences dues à la culture et l’histoire de leur pays. Le mouvement HF Bretagne, qui œuvre pour l’égalité femmes-hommes dans les arts et la culture organisait le 10 mars, aux Ateliers du Vent, une lecture-conférence en présence de plusieurs artistes rennaises.

Ces dernières ont choisi de sélectionner des textes d’auteures étrangères abordant des thèmes forts comme la prostitution ou les violences conjugales, en isolant des données chiffrées révélatrices du long chemin qu’il reste à parcourir. En effet, on y apprend qu’en Italie, sur 100 femmes violées, ¼ d’entre elles le sont pas leur mari. Et que 90% de ces femmes ne dénoncent pas leur violeur. Début mars, une enquête de l’Agence européenne des droits fondamentaux dévoilait qu’au sein de l’Union Européenne, 1 femme sur 3 a été victime de violences physiques ou sexuelles au moins une fois dans sa vie et qu’une femme sur 20 a été violée.

Des résultats qui font frémir et qui révèlent une proportion de femmes agressées plus élevée dans les pays de l’Europe du Nord, qui sont pourtant régulièrement pris à titre d’exemple sur la question de l’égalité des sexes. L’explication réside alors simplement dans le fait que la parole étant plus libérée, plus nombreuses sont celles qui osent dénoncer les violences subies, en opposition à la pudeur des pays du Sud.

Mari Flones, chorégraphe norvégienne installée aujourd’hui à Brest, invitée au débat du Mouvement HF Bretagne, avoue avoir été surprise, lors de sa première réunion en France, par la question d’un chorégraphe lui demandant s’il était important pour elle d’être autonome financièrement :

« J’ai eu l’impression qu’il fallait avoir un compagnon pour vivre. Je n’ai pas du tout été éduquée comme ça et je n’avais eu cette question avant… J’ai alors pensé que c’était la culture française… »

Malgré cette anecdote, elle tempère le discours tenu par les médias sur l’avancée des pays nordiques : « On aime penser qu’on est en avance en matière d’égalité femmes-hommes mais il reste encore des choses à faire, surtout maintenant que le gouvernement a changé… Certains points annoncés par l’ancien gouvernement socialiste sont actuellement remis en question ». Une nuance qui fait frémir dans l’assemblée. Et qui terrifie les Institutions qui redoutent une montée en puissance des conservateurs à l’occasion des prochaines élections européennes.

Euro-députée écologiste depuis 2008, l’an­cienne adjointe au maire de Rennes (2001-2008) siège aujourd’hui au Parlement européen au sein de la commission des Affaires étran­gères et de la commission Droits des femmes et égalité des genres. Elle est également pré­sente dans les délégations Asie Centrale et Conseil législatif palestinien. Elle revient sur le mandat en cours – jusqu’au 25 mai.

Après presque 5 ans de mandat, quel état des lieux – concernant l’égalité femmes-hommes en Europe - dres­sez-vous ?

Cette année a été assez chaude car il y a une peur de basculer à droite mais sinon… Le rapport sur le congé parental n’avance pas ! Il est bloqué depuis 2010. En 2009, le Parlement a voté afin de l’allonger à 20 semaines et de rendre le congé de paternité non transmissible/obligatoire. La proposition a été adoptée mais le Conseil bloque le processus. De nombreux États ne veulent pas d’une décision européenne, préférant une compétence nationale.

Comme cela a été le cas avec le rapport Estrela sur « la santé et les droits reproductifs et génésiques » en dé­cembre 2013 ?

Oui, alors qu’il n’est pas révolutionnaire ! Le pire, c’est qu’au sein de la Commission, il y avait une grande majorité favorable. Mais des milliers de courriels ont été envoyés aux élus de toute l’Europe. Ils étaient fondés sur la désinformation. On parlait alors de législation de la pédophilie. De la folie ! Alors que le rapport traite de l’accès à la contraception, d’éducation sexuelle, de légalisation de l’IVG. Puis les mobilisations de certains extrémistes ont entrainés les conserva­teurs… Le Parti populaire européen et des députés UMP français ont voté contre. Ils ont regretté et ont parlé d’un problème de traduction. C’est de la bêtise ! Après ils se disent les héritiers de Simone Veil…

La situation en Espagne a beaucoup agité l’Europe en ce début d’année. A-t-on raison d’avoir peur ?

C’est un des enjeux du 25 mai, j’en suis convaincue ! On sent un durcissement, une volonté de remettre en cause les acquis des droits des femmes. Quand on voit la position de la Lituanie, de Malte, de l’Espagne concernant l’IVG… Ou qu’en Italie, 85% des médecins font jouer l’objection des consciences et que c’est lé­gal ! Sans oublier les mesures d’austérité sur les financements des services publics, des hôpitaux, etc. Tout cela pèse sur les femmes.

Comment agir, au niveau européen, pour faire évoluer les mentalités ?

On évolue très lentement, ce n’est pas spontané. On lance des rapports d’initiative qui ne forcent pas les États à appliquer les di­rectives mais qui les conseillent avant de proposer une loi. Il faut de la pédagogie, des efforts. Quand on a défendu l’avortement, on était une minorité. Pareil pour la contraception pour les mi­neurs. Là, on ajoute à la campagne électorale la question de la traite des êtres humains, c’est une compétence de l’Union Euro­péenne. Et la question de la prostitution y est incluse. La loi fran­çaise – examinée par le Sénat en juin prochain - est très attendue. La France est souvent prise pour exemple par l’Union Européenne en matière de droits des femmes. Sinon, l’évolution passe par la sensibilisation des collé­giens et les lycéens. Ainsi que les échanges Erasmus !

Et par le Gender mainstreaming ?

Ah ! C’est un terme qui a été intégré au langage courant (rires). Oui, la Commission est vigilante à ce niveau-là et souhaite que chaque commission interne prenne en compte la question du genre. Réaliser des études genrées, c’est un point qui a été bien accepté par tout le monde.

À quelques semaines des élections européennes, des structures rennaises travaillent activement pour informer les électeurs. C’est le cas de la Maison de l’Europe à Rennes.

Située 10 place du Parlement à Rennes, la Maison de l’Europe « informe les citoyens sur l’Union Européenne, encourage les échanges européens, fait découvrir une Europe Unie dans la diversité et développe le sentiment d’appartenance à l’Union européenne* ». Ouverte au grand public, elle possède 12 antennes en Ille-et-Vilaine. « On a créé cette Maison avec quelques amis fin 2001, au moment où l’Europe passait à la monnaie unique. Les rennais se posaient des questions : on voulait y répondre et débattre », explique la présidente Jeanne-Françoise Hutin.

Depuis, l’association organise des animations pédagogiques, des cours de langues, des livrets d’informations ou encore des manifestations (conférences, débats, colloques). Pour les élections européennes - le 25 mai en France - un fascicule sur le rôle du parlement européen est distribué. « Le 24 avril prochain, on organise un forum. Les candidats répondront aux questions des électeurs sur leur motivation, leur mode de gouvernance et leur vision de l’Europe dans le monde », explique-t-elle. Fin juin, la structure réunira aussi les députés élus avec des jeunes - qui apporteront des propositions de lois.

« Les rennais ne s’intéressent pas trop à ces élections. Il y a 5 ans, on enregistrait 60% de taux d’abstention. D’ailleurs, durant les campagnes municipales, les élus ont peu parlé de la position de la ville par rapport à l’Europe, alors que c’est un sujet central ».
Jeanne-Françoise Hutin, présidente de la Maison de l'Europe.

Et du côté des femmes ? « Certaines se sentent très européennes et militent, mais c’est un petit nombre », dit-elle. Le droit des femmes repose bien sûr sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (notamment, avec l’article 23 sur l’égalité entre hommes et femmes) mais les enjeux restent multiples : « L’Europe doit préconiser le respect de la femme dans son intégrité morale et physique - comme pour toutes les catégories d’ailleurs - lutter contre les violences faites aux femmes, défendre la parité, notamment au niveau des instances européennes et faire attention aux acquis », confie Jeanne-Françoise Hutin.

Concernant les sujets de société, « les députés européens actuels pensent que c’est du ressort des États. Lorsque cela touche trop à l’anthropologie, il est difficile de faire une loi qui s’impose à tous, mais nous devons rester unis dans la diversité », souligne-t-elle.

* Extrait du livret « Des maison de l’Europe de Bretagne »

Infographie : © Sophie Barel

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Droits des femmes : quelle Europe pour les Rennaises ?
Elles questionnent l'égalité européenne
Entretien avec Nicole Kiil-Nielsen
Union Européenne : mobilisation compliquée à Rennes

Célian Ramis

En quête du bien-être

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L'heure est à la remise en question. Et ça tombe bien car les médecines non conventionnelles surfent sur l'air du temps, mais pourquoi un tel succès ?
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La tendance est à la remise en question. Une remise en question qui interroge notre société et nos pratiques, nos automatismes, notre quotidien. Et la médecine dite traditionnelle n’y échappe pas. L’importance, pour ne pas dire le monopole, de l’industrie pharmaceutique, les nombreux scandales autour de certains médicaments (Mediator, Alli, pilules 3ème génération, etc.), la déshumanisation et le manque d’écoute (dû au manque de temps) accordé aux patients, tendent à interpeller et à questionner les occidentaux. Les institutions européennes - le Parlement et le Conseil de l’Europe - se sont penchées sur la question des médecines non conventionnelles définies - par le Parlement en 1997 - comme « les procédés thérapeutiques qui ne relèvent pas, ou pas encore, de la médecine traditionnelle, qui entrainent très probablement la guérison qu’ils promettent et dont l’exercice n’est pas nécessairement lié à l’obtention d’un diplôme d’État dans le domaine de la science médicale » et en appellent à la reconnaissance de ces médecines et nouvelles professions de santé, à condition d’en encadrer strictement l’exercice et la formation.

À plus haute échelle, l’Organisation Mondiale de la Santé se prononce en faveur « de leur intégration dans les systèmes de santé pour compléter la gamme de soins offerts aux patients », précise la note d’analyse n°290 du Centre d’Analyse Stratégique (CAS), en octobre 2012 (Rapport : Quelle réponse des pouvoirs publics à l’engouement pour les médecines non conventionnelles ?). 

En Suisse, le ministère de la Santé a accordé six années « test » à 5 disciplines non conventionnelles (médecine anthroposophique, homéopathie, médecine traditionnelle chinoise, thérapie neurale et phytothérapie). En Allemagne, il existe plus de 20 000 Heilpraktiker : des « non médecins » utilisant des techniques non conventionnelles pour traiter les problèmes physiques ou psychiques. Le CAS explique qu’afin d’obtenir le titre, ils « doivent réussir un examen (connaissances cliniques et physiologiques de base et points de droit)  ».

Un examen dont le taux de réussite ne dépasse pas 20%. En France, pas de reconnaissance officielle mais une ouverture sur la complémentarité des médecines, avec l’exemple de l’AP-HP (Assistance publique-hôpitaux de Paris) adoptant dans son plan 2010-2014 un volet sur ces pratiques et créant, en 2011, un centre intégré de médecine chinoise. Aussi, le Centre de Médecines Douces du Mans fait intervenir des acuponcteurs, kinésiologues, naturopathes, ostéopathes ou encore des sophrologues. Et même dans la capitale bretonne, les professionnels de la santé y ont recours. Tel est le cas du centre d’évaluation et du traitement de la douleur – à Pontchaillou – qui utilise l’hypnose. Si peu de médecins acceptent de répondre à nos questions, ils confient néanmoins que ces médecines pourraient être intégrées, dans un cadre de prévention santé.

« Nous ne sommes pas des médecins, nous ne soignons pas, nous apportons du bien-être  », déclare Sylvie Hurel, coach de vie - aromatologue et co-gérante de la Maison du Bien-Être à Rennes. Quant à Laura Lefebvre, énergéticienne-géobiologue-naturopathe, installée à Betton, elle est convaincue « qu’on ne fera jamais l’économie des médecins ! Ce sont les seuls capables de poser un diagnostic et d’accompagner efficacement un malade  ». L’enjeu est ailleurs. Le clivage entre médecines proviendrait principalement de l’industrie pharmaceutique bien décidée à verrouiller les potentielles alternatives susceptibles de diminuer le besoin de médicaments.

Et concernant la baisse d’intérêt des français pour la médecine classique, il semblerait que plusieurs raisons entrent en jeu, et notamment celle du manque d’écoute et d’attention des médecins face à leurs patients. De là nait un véritable engouement pour les pratiques holistiques - la personne est prise en compte dans sa globalité, sans dissociation du corps et de l’esprit.

« La médecine traite les symptômes mais pas les causes. En général, lorsque l’on va chez le médecin, la maladie est au stade 4. Nous sommes là pour intervenir avant ».
Isabelle Hernandez, praticienne en âyurveda.

Le corps comme signal d’alerte. Pour nous faire comprendre « qu’on a fait fausse route  », selon Laura Lefebvre, avant de préciser : « Ce n’est pas pour nous punir. Il n’y a pas de culpabilité à avoir. Ce qui est important de comprendre, c’est que l’on est responsable de sa santé, que l’on en soit conscient ou non ».

UN ESPRIT SAIN DANS UN CORPS SAIN ?

Les praticiennes rencontrées ont en commun leurs parcours atypiques. Aucune ne se destinait à devenir praticienne du bien-être. Seule Emmanuelle Royer (photo ci-contre / photo de Une) a commencé le yoga à l’âge de 12 ans et n’a pas cessé de le pratiquer depuis. À 20 ans, elle approfondit ses connaissances par des stages et des retraites puis passe des examens en Asie, où elle vit à cette époque, et se spécialise dans le Hatha yoga, pratique la plus ancienne en Inde.

En 2007, elle ouvre son studio à Rennes, Pur Yoga. « C’est une philosophie de vie basée sur la respiration et l’alignement dans les postures. On oxygène son sang, ce qui permet de mieux nourrir nos muscles et nos organes. On mange mieux, on dort mieux, on est plus relâché et on se muscle partout », explique-t-elle. Une pratique qui s’apparente à du sport, sans en être un. Les postures sont physiques, les mouvements sont doux et apaisants, les bienfaits s’en font rapidement ressentir.

Laura Lefebvre avait ça dans ses tripes, elle voulait être médecin. Elle s’orientera dans les ressources humaines avant de devenir énergéticienne en 1995 : « C’est un cheminement de vie. Mais je pense qu’il faut avoir ça au fond de nous pour le pratiquer, c’est une vocation ». Dans l’énergétique, on se détache du principe du corps physique :

« on considère que le problème de santé est présent dans le corps énergétique avant d’arriver dans le corps physique  ».

Grâce aux centres d’énergie – les chakras sont reliés à un ou plusieurs organes vitaux – la praticienne rétablit la bonne circulation pour retrouver son équilibre. Plusieurs outils permettent de réaliser le bilan énergétique, à l’aide de la radiesthésie (utilisation de la baguette, du pendule, de l’antenne de Lecher) ou de la géobiologie qui travaille sur les phénomènes concernant la personne dans son lieu de vie et/ou de travail. Elle en vient ensuite à la naturopathie. Une pratique qui axe les consultations sur des aspects physiques et sur l’hygiène de vie. Le but : rééquilibrer le corps en utilisant des compléments alimentaires, des bourgeons, des huiles essentielles ou encore des élixirs floraux.

Solenn Tilly s’est elle aussi orientée vers l’énergétique et la naturopathie, après avoir travaillé dans l’agroalimentaire. C’est à la naissance de sa fille qu’elle réalise qu’elle n’aime pas lui donner des sirops en guise de traitements : « trop sucrés, trop de rechutes  ». En fouillant dans les biocoop, en diversifiant l’alimentation, elle finit par suivre des séminaires sur la naturopathie. « Ça a été une révélation. J’y suis retournée pendant 4 – 5 ans, 3 fois par an en moyenne avant d’obtenir, en 2009, le diplôme CERS-TA, de Heilpraktiker », se souvient-elle.

En 2008, elle s’est formée à la pratique de l’antenne de Lecher. Une méthode qui vise à définir, par les vibrations qu’émet ou non l’antenne, les zones du corps énergétique à rééquilibrer :

« On utilise les points d’entrée de la médecine chinoise et on interroge l’antenne sur les besoins en huiles essentielles, en fleurs de Bach, en oligoéléments, en homéopathie, etc.  ».

Pour Solenn Tilly, pas de pression à avoir, chacun doit s’écouter. « On conseille, on oriente vers des plantes, des sons, des thérapies naturelles afin de soigner les terrains dévitalisés. Cela passe souvent par des changements de comportements alimentaires  », précise-t-elle.

L’alimentation est souvent cause de déséquilibrage corporel. Isabelle Hernandez en est convaincue et le confirme : 90% des préconisations données concernent la diététique. « J’ai des patientes qui mangent sainement et qui pensent bien faire. Mais il faut connaître sa propre constitution pour être en bonne santé  », souligne-t-elle. Après une expérience dans une agence de publicité, elle devient, à 23 ans, formatrice dans un centre auprès de personnes handicapées en région parisienne.

Elle se plonge dans le yoga et se forme en parallèle de son boulot, ce qui la mènera petit à petit à la pratique de l’âyurveda en autodidacte. « Et il y a 4 ans, j’ai fait un burn-out. J’étais dans le trop », commente-t-elle. Elle prend le temps de s’écouter, de revenir en Bretagne et d’approfondir ses connaissances de la médecine traditionnelle indienne, vieille de 5 millénaires : « je me suis reconnectée à ma nature ».

Depuis deux ans et demi, la praticienne reçoit une majorité de femmes pour des bilans ou des massages ayurvédiques en suivant sa règle d’or :

« Pas plus de quatre personnes par jour et pas plus de deux massages. Il faut pouvoir être disponible et à l’écoute. Et puis avant chaque consultation, je dois méditer pour me recentrer et être dans les meilleures conditions  ».

La médecine indienne part du principe que tout l’univers est constitué des 5 éléments (éther, air, feu, eau et terre) dans des proportions différentes. Ils sont réunis en trois doshas (énergies vitales combinant un ou plusieurs des 5 éléments) : Vata, Pitta et Kapha. « Nous avons tous un ou deux doshas prédominants, c’est notre constitution de naissance, celle qui influence notre personnalité et notre corps. Il faut la maintenir durant sa vie pour être en bonne santé, dans le sens d’épanoui  », selon la spécialiste.

Elle définit la constitution de naissance et détermine à quel point la personne s’en est éloignée ou à l’inverse est dans l’excès. L’intervention se fait ensuite sur la diététique et/ou sur le style de vie. Des positions de yoga pourront être prescrites « car c’est un outil important de l’âyurveda  ».

Autre médecine non conventionnelle, la kinésiologie. Sophie Tchékaloff exerce cette profession depuis septembre 2012, quartier Saint-Hélier. Avant, elle a passé 17 ans dans l’agroalimentaire en tant que responsable qualité. En parallèle, elle pratique la danse « pour nourrir le besoin de laisser s’exprimer mon corps  ». Quand elle décide de se réorienter, il lui semble naturel en lisant la définition de la kinésiologie de suivre cette voie : « ça m’a parlé car on prend en compte du corps, en travaillant les mémoires corporelles  ».

Après une formation à Nantes, elle obtient son diplôme et s’établit à son compte. En kinésiologie, les points d’entrée utilisés sont les différents méridiens du corps. Le professionnel va alors les rééquilibrer :

« On donne du sens à une douleur, on réajuste. On étudie ce que le corps ramène à la conscience. C’est lui qui nous mène et nous guide ».

Pour cela, Sophie Tchékaloff se munie de plusieurs listes constituant un guide d’entretien. Le test musculaire va lui permettre d’établir un dialogue avec le corps via les bras de la patiente, qui répondent par oui ou par non, en utilisant la tonicité ou le relâchement des muscles sans contrôle conscient du cerveau. « C’est une communication énergétique qui s’établit. Le corps sait de quoi il a besoin  », confie-t-elle.

Tout son savoir-faire repose sur les mémoires du corps, depuis sa vie intra-utéro à l’instant T. Il pose son traumatisme, permettant ainsi à la spécialiste de rectifier via des remèdes naturels, comme les huiles essentielles, des sons, des mouvements, des symboles, etc. : « je suis l’intermédiaire entre le corps et la conscience de la personne. Ensuite, c’est un travail de développement personnel. »

MAJORITÉ FÉMININE

Les praticiennes sont, en majorité de sexe féminin. Idem pour la clientèle. Selon Isabelle Hernandez, « elles ont besoin de se reconnecter à ce qu’elles sont ». Un premier pas se fait souvent dans le cadre d’une guérison puis s’élargit à une philosophie de vie due à une prise de conscience. Une prise de conscience qui se généralise depuis 4 – 5 ans, selon les praticiennes.

« Il y a une vraie demande, ça devient presque incontournable. On devient soucieux de son bien-être. On commence à se lasser de la prise de médicaments, on essaye de trouver d’autres solutions  »
Laura Lefebvre, énergéticienne-géobiologue-naturopathe.

Pour Solenn Tilly, il est primordial de retrouver l’estime de soi et de s’écouter : « Il faut le faire en douceur pour ne pas choquer le cerveau  ».

Emilie* vit à Rennes. Issue d’une famille attentive au bien manger et aux alternatives des médicaments – homéopathie, acuponcture – elle participe aux constellations familiales, en individuel dans un premier temps en 2006, animées par Véronique Ghezel. Puis de manière collective en 2009 et travaille sur de lourds héritages émotionnels familiaux. Il y a un an, elle s’est formée avec Laura Lefebvre à la pratique du reiki – qui fait appel au magnétisme :

« Cela équilibre les parties du corps, c’est doux, chaud, très cocooning. C’est important de le pratiquer sur soi pour être disponible pour les autres  ».

Elle apprécie la considération holistique de l’être humain. Une manière aussi d’aller plus loin « dans la connaissance de notre propre personne. C’est le travail d’une vie !  »

LE BIEN-ÊTRE : UN MARCHÉ CONVOITÉ

Actuellement, nombreuses sont les praticiennes à s’installer en milieu urbain, ou en périphérie. Et les Rennais en sont friands. Pour Laura Lefebvre, « il y a une évolution positive du côté clientes, surtout sur le bassin rennais  ». Isabelle Hernandez, souligne une ouverture d’esprit et une réelle prise de conscience de la part des bretons, qui viendrait de leur naturel, de leur simplicité et de leur authenticité. Pourtant ces pratiques n’étant pas reconnues et intégrées officiellement dans la communauté médicale traditionnelle, les consultations ne sont pas remboursées.

En moyenne, elles oscillent entre 50 et 70 euros la séance (entre 1h et 2h). « Ce n’est pas une thérapie classique. Généralement, les femmes viennent de manière ponctuelle. Certaines reviennent mais elles le font quand elles en ont besoin. On leur donne des clés pour s’adapter au quotidien », explique Florence Delaune, coach sophrologue et co-gérante de la Maison du Bien-Être de Rennes. La structure qu’elle gère avec Sylvie Hurel permet à de nombreuses praticiennes de partager les locaux mais aussi leurs expériences et leurs pratiques.

Chaque mois, des ateliers, des conférences et des Happy Lab sont proposés en lien avec le bonheur, le bien-être, les différentes pratiques encadrées dans ce domaine. À Rennes, il suffit de naviguer sur Internet pour trouver bon nombre d’animations organisées par les associations, les praticiennes ou encore des structures telles que l’association Joséehoued, qui organisait le 21 février dernier une conférence animée par la chaman Elli Mizikas.

À cette même date s’ouvrait le salon Bio Respire la vie, au parc expo de Rennes. Durant trois jours, une multitude de stands de cristaux, massages, naturopathie, géobiologie, feng-shui, huiles essentielles entre autres, étaient à la disposition des curieux à l’affut de toutes les pratiques et nouveautés en terme de bien-être.

Les médecines non conventionnelles bénéficient donc d’un intérêt certain depuis plusieurs années et tendent à se démocratiser. Un bémol survient alors : « L’industrie a bien compris que ça marchait et met la main sur certains produits de type lait de soja. Elle popularise l’information mais ne sensibilise pas  », conclut Solenn Tilly.

  • Le prénom a été modifié

Isabelle gillet, magnétiseuse : Au quotidien, Isabelle Gillet propose ses conseils et ses études : en Feng Shui, en Géobiologie et en Home Staging. Dans la discrétion, elle partage ses talents de magnétiseuse. Un don qu’elle découvre dès l’âge de 20 ans. Il consiste à utiliser son énergie ou l’énergie captée pour soulager une douleur, enlever une verrue ou cicatriser une brûlure. « J’appose mes mains sur un individu ou sur une photo. Je ferme les yeux et je me concentre pour que l’énergie pénètre. J’éprouve un ressenti, comme des fourmis et lorsque mon corps est fatigué, je m’arrête  », décrit la magnétiseuse. En général, une pratique de 15 minutes tous les 2 ou 3 jours suffit pour éradiquer le problème.

Pour profiter de ce don, le prix s’élève entre 20 et 25 euros (2 à 3 séances). Elle éprouve également des ressentis physiques avec les lieux : des vertiges, des évanouissements lorsque les énergies y sont négatives : « Je suis allée dans une maison à Rennes où une dame était gênée par une pièce. Je me suis effondrée.  » Après des recherches, sa réaction est expliquée. Il s’agissait d’un lieu de torture pendant la seconde guerre mondiale. Pour guérir l’habitat, elle y pratique un nettoyage énergétique. « Une remise à niveau, où j’utilise de l’encens, du sel ou des bols tibétains pendant plus d’une heure  », détaille-t-elle.

Elli Mizikas, shamanka et éveilleuse d’âme : Spécialiste des mythes, des contes et des traditions populaires, psychothérapeute et écrivain, Elli Mizikas rencontre durant ses voyages de nombreux maîtres chamaniques. Elle décide, à son tour, de transmettre ses connaissances lors de conférences, de formations, d’ateliers, sans s’affilier à une tradition en particulier. Il sert à faire découvrir, naître et réconcilier les gens avec les énergies, pour guérir et soigner. Cela passe par la méditation profonde, la danse, les rituels, l’utilisation de plantes, de minéraux et d’outils (crânes, bâtons). « Le chamanisme m’a apporté beaucoup sur la compréhension psychiatrique des individus  », explique-t-elle.

Elle utilise « nos mots, pour parler de leur sagesse à eux, afin que nous puissions nous réapproprier leurs merveilles  ». Elli Mizikas s’est intéressée très tôt aux espaces ésotériques, dès l’âge de 6 ans, en posant beaucoup de questions aux adultes, comme une soif de comprendre tous les mystères de l’existence. Aujourd’hui, elle continue de se former. « Il faut travailler sur soi, sur l’ensemble de l’être et expérimenter  » avoue-t-elle avant de préciser que « chaque chamanisme est une parcelle de vérité et une mise en forme qui est propre à chaque culture  ». C’est pour cette raison qu’elle n’exclut aucune famille. « Les chamans ont une connaissance de la terre, de la vie et de la psyché humaine que certains scientifiques ne découvrent que maintenant  », conclut-elle.

Anna, panseuse de feu : Surprise de panser les brûlures, Anna reste discrète sur son don : « Je suis quelqu’un de terre à terre  ». Lorsqu’elle pose ses mains à côté d’une plaie, la douleur disparaît. « Mes mains deviennent chaudes  », explique-t-elle. Et la personne se sent soulagée. « Ma mère était enceinte de quelques semaines lorsqu’un feu s’est déclaré dans la maison. Le voisin lui a dit que son bébé serait panseur de feu  ». Sa prédiction se confirme : Anna soulage, très jeune, une femme brûlée par l’huile d’une friteuse. Elle vient en aide à ceux qui le lui demandent. « Jamais, je ne le ferai payer. Ce serait une aberration pour moi », précise-t-elle.

Le docteur Philippe Rault est médecin anesthésiste au Centre Hospitalier Universitaire de Rennes. Il est responsable du centre d’évaluation et du traitement de la douleur. Il y pratique une thérapie complémentaire : l’hypnose ericksonienne. Il nous explique…

En quoi consiste l’hypnose ericksonienne ?

Il s’agit d’une hypnose assez originale, mise au point par l’américain Milton Hyland Erickson. Un homme très astucieux qui a développé une technique très personnelle pour aider les patients à trouver des ressources en eux - afin de répondre à leurs questions de santé mentale et physique. Jeune, il avait contracté la polio. Pour ne pas être paralysé, il a travaillé sur son mental. Il a imaginé ses muscles en activité et ça a fonctionné : il n’a pas connu le destin tragique qu’on lui prédisait. Il a voulu aider les autres.

Dans quel cas utilisez-vous cette technique sur vos patients ?

Je la pratique en cas de douleurs chroniques, c’est-à-dire d’au moins trois mois. Chez des personnes souffrant de migraines, de problèmes lombalgiques, neurologiques, mais aussi lorsqu’elles ont une contre-indication ou refusent d’être anesthésiées. Je l’utilise comme moyen alternatif pour la réalisation d’une coloscopie, par exemple. Le patient est éveillé et entre dans une transe hypnotique où la douleur est différente. Sa partie émotionnelle est déconnectée de sa partie sensorielle, ce qui lui permet de trouver la solution en lui, pour mieux supporter la douleur. On est dans une concentration intérieure où la transe est comparable à celle que nous vivons lorsque nous sommes perdus dans nos pensées.

Comment cela fonctionne ?

Le médecin s’assure de la motivation du patient et entretient un lien thérapeutique avec lui. Lors de l’hypnose, il l’accompagne dans un souvenir agréable, l’invite - avec des mots positifs, une voix tranquille et monocorde - à entrer dans des pensées positives. Plus le patient est dans ses idées réconfortantes, moins il est dans la salle d’examen et donc dans la douleur.

Il s’agit ici d’une thérapie dite complémentaire. A-t-elle pour vocation de se substituer au traitement médical ?

En aucun cas l’hypnose ne remplace le traitement de départ. Elle vient toujours en complément. Pour la douleur, elle fait partie de l’arsenal pour soigner le patient, au même titre que les médicaments, la chirurgie, la kinésithérapie ou l’homéopathie. Elle n’est pas une fin mais un moyen de traiter la douleur.

Peut-on dire, dans le cas de traitement contre la douleur, que la médecine traditionnelle et les thérapies non conventionnelles se complètent ?

Oui, elles peuvent fonctionner ensemble en harmonie. La médecine classique repose sur les médicaments et la technique alors que les thérapies complémentaires apportent une synergie sans oublier l’aspect psychologique. Elles fonctionnent toujours (à moins que le thérapeute soit incompétent ou le patient résistant) et offrent un bon complément. Cependant, à la différence de la médecine, l’hypnose n’est pas remboursée par la caisse d’assurance maladie. Du coup, je la pratique en consultation classique pour que les patients soient dédommagés financièrement.

L’hypnose traite-t-elle le patient dans son ensemble ?

Elle offre une vision globale, écologique et systémique du patient. Ce dernier est perçu comme un système complexe dans lequel il doit trouver sa place.

Le 5 mars 2013, l’académie de médecine a publié un rapport sur ces thérapies - incluant l’hypnose, la médecine manuelle, le tai-chi et l’acupuncture - dans le but « de préciser leurs effets, de clarifier leurs indications et d’établir de bonnes règles pour leur utilisation ». Était-ce essentiel ?

Oui, lorsqu’on utilise des techniques, il faut un minimum de cadres. Il était nécessaire de poser des règles, sinon les gens sont perdus. C’est aussi une réponse aux mauvaises pratiques d’hypnose.

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Des pratiques féminines non conventionnelles
L'engouement du bien-être
Secrets de rebouteuses
L'hypnose, une thérapie complémentaire qui fait ses preuves

Célian Ramis

Mille et une voluptés rennaises

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L’érotisme nourrit le quotidien des hommes et des femmes, stimule l’imaginaire à travers la suggestion, l’éveil des sens, le jeu de la séduction, les plaisirs charnels, le désir et la découverte physique de son corps et de l’Autre…
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Dans les médias, la question de l’érotisme est très souvent traitée comme une notion permettant de pimenter la vie sexuelle des couples. On réduit donc cet art, défini dans Le Petit Robert par tout ce « qui a rapport à l’amour physique, au plaisir et au désir sexuel distincts de la procréation », à une simple alternative susceptible de pallier les problèmes existants dans les rapports sexuels. Pourtant, l’érotisme nourrit le quotidien des hommes et des femmes, stimule l’imaginaire à travers la suggestion, l’éveil des sens, le jeu de la séduction, les plaisirs charnels, le désir et la découverte physique de son corps et de l’Autre… Aujourd’hui commercialisé dans différents registres (chic, glamour, populaire, etc.), l’accès à l’érotisme semble simple et direct et il est avéré que le marché attire des femmes de plus en plus nombreuses. Elles poussent les portes des sex shops, fréquentent le salon de l’érotisme, organisent des soirées entre copines ou couples ou encore consultent une sexologue. YEGG explore le monde voluptueux de l’érotisme.

Le marché du sexe s’est-il démocratisé ? Les femmes semblent ne plus avoir peur d’entrer dans les boutiques spécialisées et de s’adonner à de nouvelles pratiques. Qu’en est t-il réellement ? Où se placent les rennaises ? YEGG a rencontré deux vendeuses de produits érotiques. Elles nous expliquent.

Depuis plusieurs années, le marché du plaisir s’est ouvert à un large public d’adulte. La multiplication des points de vente, la diversité des produits et l’amélioration de la qualité y sont, en partie, responsables. Des changements s’opèrent, la clientèle évolue et de nombreux acteurs du milieu le constatent. C’est le cas de deux femmes. Elles travaillent dans des boutiques spécialisées au sein de la métropole rennaise. L’une est vendeuse à Dorcel Store, à Saint-Grégoire depuis plus de 2 ans et l’autre est la seule femme salariée d’un sex-shop* à Rennes depuis 25 ans.

Au quotidien, elles observent une féminisation de la clientèle. Pour la plus ancienne des vendeuses, entrée dans le milieu par hasard en 1986 en cherchant un poste de libraire, « les femmes sont plus nombreuses depuis une douzaine d’années ». En raison du développement du marché sur Internet et de l’ouverture d’esprit des nouvelles générations : « Des femmes viennent entre copines pour trouver des idées ou organiser un enterrement de vie de jeune fille, par exemple  ». Dans son magasin, tous les âges, toutes les classes sociales et les statuts (célibataire, en couple ou marié) sont présents. Cependant, leurs goûts diffèrent.

« Une femme seule achète davantage un accessoire, type « sex toy  », pour un plaisir solitaire alors qu’une personne en couple se tourne vers les huiles, la lingerie ou les jeux de société  ». Cependant, dans l’ensemble, l’attirance des femmes pour tel ou tel article reste similaire. « Les femmes aiment les sex toys et autres accessoires qui tolèrent le contact avec l’eau et achètent également des DVD ».
Salariée de Dorcel Store.

Elle relève une consommation de films X qui varie dans les choix selon les hommes et les femmes.

ÉROTIQUE CHIC

Et les rennaises ? « Elles aiment les choses sophistiquées, assez couteuses et qualitatives  », ajoute l’employée. « Les entrées de gamme les intéressent moins qu’auparavant et côté esthétique, elles apprécient surtout les couleurs et les articles travaillés  ». Quant à l’écart de goût entre les femmes et les hommes, il se réduit. « Il y a encore une quinzaine d’année, l’homme était plus physique et les femmes plus cérébrales dans leurs achats. Aujourd’hui, c’est moins frappant  », confie la salariée du centre ville.

Pour sa concurrente, les femmes ont également une influence sur les achats de leur compagnon : « Ils prennent des articles qui plaisent à leurs femmes et n’hésitent pas à les partager  ». Certaines lectures féminines, à succès, telles que Cinquante nuances de Grey de E.L. James, ont même un impact sur leur manière de consommer des accessoires érotiques. Toutes les deux constatent que le marché s’ouvre. « Les femmes entrent facilement dans la boutique », raconte la jeune vendeuse. Elles se décident à venir grâce au bouche à oreille et à l’aspect moderne du magasin : la lumière claire, les couleurs chatoyantes et les univers bien distincts y contribuent.

« Cela rassure » commente-t-elle. Bien sûr, les vendeuses font tout pour mettre à l’aise leurs clients. « On les accompagne, les conseille et dédramatise leurs achats. Certains vont même jusqu’à nous confier leurs secrets  », nous dit-on à Saint-Grégoire. Pour ce qui est de la pérennité du marché ? L’avenir semble prometteur… «   Il n’y aura pas de période dans la vie où les gens n’auront plus de plaisir  », explique l’employée de Dorcel Store. « Il fait parti d’un équilibre pour tout être humain. C’est un point essentiel », conclut enfin la plus ancienne des deux. Portée par un marché prospère et en pleine ébullition, la notion de plaisir se maintient sur le podium des priorités féminines.

  • Sur demande de la vendeuse, le nom n’est pas cité.

Véritable effet de mode depuis plusieurs années, les réunions entre copines sont idéales pour consommer des produits érotiques en toute intimité.

© Sophie Barel

C’est en dehors de Rennes que nous assistons, un vendredi soir, à une soft party. Maelys est « ambassadrice du bonheur  » pour Soft Paris en Ille-et-Vilaine depuis 3 ans. Onze femmes sont réunies chez Tina pour l’occasion. « Je n’ai jamais fait ce genre de réunions, comme la majorité des personnes qui sont là, j’en ai entendu parler par des copines et dans les médias et j’ai décidé d’en organiser une par curiosité. Il n’y a pas de tabous  », explique-t-elle.

La professionnelle de la vente directe est venue pour vendre du rêve, « du chic et du glamour. Pour cela, il faut également penser au langage employé pour ne pas choquer et pour mettre en confiance.  » Un point sur lequel la rejoint Véronique, ambassadrice depuis 4 ans et qui a entre temps lancé son business, Plaisirs charnels. « Il faut s’adapter à la clientèle. Si la structure de la réunion est plus ou moins la même, on peut personnaliser l’événement  », explique-t-elle.

La structure type, c’est la présentation du catalogue : lingerie, huiles, jeux/accessoires coquins et sex toys. Chez Tina, l’ambiance est frileuse au départ, le temps de se mettre en jambe puis l’atmosphère se réchauffe. Portes-jarretelles, culottes surprises (fendues au niveau des lèvres), nuisettes, poudres comestibles, baumes à lèvre, crèmes hydratantes, crèmes de stimulation clitoridienne, jeux de rôle ou encore boules de geisha et vibromasseurs… la multiplicité des produits démontre la diversité des possibilités liées à la sexualité des femmes, des couples et des hommes.

« Il faut oser se faire plaisir. Il est important de connaître son anatomie, se connaître, pour connaître son corps, et guider son partenaire pour prendre du plaisir »
explique Maelys aux participantes.

Ce soir-là, Virginie questionne l’ambassadrice sur sa silhouette et sur ses difficultés à trouver de la lingerie adaptée à sa poitrine (bonnet G). C’est sa première réunion entre copines. « J’essaye de trouver comment mettre mon corps en valeur. Avec ma copine, on discute beaucoup autour de notre sexualité et on utilise parfois des jouets  », confie-t-elle, en dehors du groupe.

Ce qu’elle apprécie dans la soirée – et qui la fera acheter plusieurs produits - c’est la délicatesse de la présentation, le glamour des produits : « érotique mais pas choquant, coquin sans être vulgaire. Dans un sex shop, je ne me sens pas à l’aise. Trop frontal pour moi ». Pour Véronique, il est important de démocratiser le marché de l’érotisme qui est souvent confondu avec la pornographie. « L’utilisation d’un objet n’est pas encore ancré dans les moeurs et je note en organisant des réunions de couples que ce sont souvent les hommes qui y sont réticents », souligne-t-elle.

Pour attirer les femmes, les fournisseurs multiplient les couleurs, les formes, les textures. Une fois la présentation terminée, les deux ambassadrices procèdent de la même manière : elles définissent une pièce intime qui leur permet de discuter en toute intimité, tour à tour, avec chacune des participantes. Un moment qui permet de poser des questions, d’apporter des précisions, « les ambassadrices de Soft Paris étant toutes formées par un sexologue pour être au fait des questionnements actuels  ».

Un moment propice à la commande de produits, puisque tel est le but premier : la prestation n’est pas facturée « mais lorsque je rencontre l’organisatrice en amont, je suis claire à ce sujet, je ne me déplace pas pour rien non plus », précise Maelys. Du côté de sa concurrente, même fonctionnement. Pour cette dernière, le côté commercial, l’entretien du réseau, la fidélisation des clients et le renouvèlement des formules proposées sont essentiels pour éviter la mort de ces réunions qui, avoue-t-elle, relèvent plus de l’effet de mode que du réel besoin, « même s’il est important d’ouvrir le marché aux femmes ».

Elle conclut sur une pensée effrayante : « J’arrête ce métier le jour où une femme me dit qu’elle n’a plus besoin d’un homme. Ce n’est pas le but des accessoires et de l’érotisme, loin de là  ».

Le temps d’un week-end, le parc expo de Rennes ouvre les portes de toutes les voluptés charnelles réunies dans un salon, organisé par Eropolis. Les 18 et 19 janvier, plus de 10 000 personnes « de 16 à 77 ans », nous dit-on du côté de l’organisation, ont foulé les allées de ce supermarché populaire de l’érotisme.

Au centre, 40 exposants de produits allant des tenues sexy aux jouets coquins en passant par les indispensables accessoires de massages. On se croirait plutôt boulevard Michelet à Saint-Ouen lors du marché aux puces qu’au milieu de Pigalle, quartier qui révèle une multitude de facettes, libère les fantasmes et envoute les esprits libidineux.

« L’objectif est de démocratiser l’érotisme et lever les tabous en mettant l’accent sur tout ce qui est artistique et la valorisation du corps féminin. »
Maya Cortes, chargée de la logistique et de l’animation.

Des shows artistiques donc sont présentés sur une scène « grand public » sur laquelle défilent stripteaseurs et stripteaseuses avant de se diriger vers une zone plus « hard » pour des shows individuels, dans des cabines isolées des regards indiscrets. « La majeure partie du salon est en lien avec l’érotisme mais on sait que les visiteurs restent à l’affut de plus. Ils trouvent ce qu’ils viennent chercher dans la partie + de 18 ans  », précise Maya. Catch sexuel, spectacle animé par des stars du X, stand sado-maso… Dans cet espace, la pornographie prend la main sur le monde des fantasmes et de la sensualité.

Ici, tout est montré, plus rien n’est suggéré, en dehors des strip, qui en moyenne oscillent entre 25 et 60 euros (du show soft au show « X sex toy »). Angel fait partie de la tournée Eropolis et pratique cet art depuis 4 ans. Pour elle, pas de vulgarité, uniquement de l’érotisme : « Ce n’est pas la classe du Crazy Horse mais on cherche à avoir une approche sensuelle. Que ce soit dans le regard, la douceur, la suggestion. On suscite l’envie avec cela. On vend du rêve ». Barbara, 27 ans, et Anaïs, 30 ans, venues de Saint-Malo et de Saint-Brieuc, reviennent cette année au salon de Rennes pour la 2e année consécutive.

« On recherche la nouveauté, les pratiques tendances. Cela évite la monotonie et permet d’acheter des produits comme des oeufs vibrants ou de la lingerie », confient-elles. Sans complexes, elles laissent tout de même paraître une gêne quant au côté porno :

« Nous sommes là depuis deux heures et nous n’avons pas encore vu un show soft. Sans être choquées, on note quand même une confusion. Sans mentionner que depuis l’an dernier, il y a de plus en plus de choses payantes  ».

En effet, il faut compter 15 euros pour l’entrée, à laquelle se rajoute 3,90 euros pour accéder à la zone + de 18 ans et encore 10 euros pour entrer dans le théâtre X (qui alterne avec l’espace réservé aux femmes dans lequel les anciennes ados des années 90 ont pu se rincer l’oeil sur le strip tease d’Allan Théo). C’est ici que les visiteurs peuvent assister au tournage d’une scène X entre deux acteurs porno, pendant laquelle les spectateurs ont le droit à des explications concernant les prises de vue, les regards caméra, les positions mais aussi sur le clitoris et le point G.

Une manière de sensibiliser les curieux autour de la sexualité avant de conclure : « Communiquez avant de niquer ! » Le ton n’est pas subtile, le contexte détonnant, mais le message est essentiel.

Marie-Claire Bouchery-Carlier est sexologue analyste depuis 22 ans à Rennes. Son cabinet, situé au 49 boulevard de la liberté, accueille chaque jour des femmes en difficulté dans leur vie sexuelle. Elle observe leur rapport à l’érotisme et leurs diverses préoccupations. Pour YEGG, Elle répond à nos questions.

Qu’est ce que l’érotisme selon vous ?

L’érotisme est un espace de créativité où l’imaginaire et le symbolique peuvent s’exprimer. Il n’est pas évident pour tout le monde. Il n’existe pas un érotisme mais des éro­tismes. On est dans une définition d’espace qui est ludique et propre à chacun. Il se situe avant le passage à l’acte mais c’est une notion compliquée qui est riche et vaste.

Tient-il une place importante dans la vie d’une femme ?

Bien sûr. Et dans le cadre d’un couple, il est vital. Sans érotisme, on constate une atténuation progressive du désir qui peut conduire à la misère sexuelle. Il y a du « Je » et du « jeu » avec l’autre et s’il n’y a pas d’élabora­tion du désir, les couples se retrouvent dans l’impasse. Ceux qui sont disposés à travailler sur l’érotisme s’en sortent mieux, mais cela demande un travail sur soi. Les femmes expriment le plus souvent la baisse du désir dans le couple car il est le baromètre de leur vie amoureuse.

Comment les femmes appréhendent-elles leur sexualité aujourd’hui ? Y a-t-il des évolutions ?

Les choses ont bougé mais il y a encore du travail pour qu’elles soient dans une autonomie psychique et appré­hendent leur « être femme ». Il s’agit d’une construction. Les femmes doivent s’appartenir dans leur corps, dans leur sexe et se détacher du poids de l’éducation et de la culture judéo-chrétienne. Contrairement aux petits garçons qui ont un sexe qui se tourne vers l’extérieur, le sexe des petites filles est à l’intérieur de leur corps. De ce fait, elles se créent des blocages lorsqu’elles ne sont pas autorisées à le découvrir.

On parle de libération des moeurs, qu’en est-il réel­lement ?

Certains nous font croire que les moeurs se sont libérées, mais ce n’est pas la réalité. Au contraire, je pense que les femmes, avec ce matraquage d’images retravaillées, pensent ne pas avoir ce qu’il faut. J’ai l’impression qu’avec Internet, se crée une confusion entre sexualité et pornogra­phie. Cela rend la sexualité très technique, déshumanisée, ce qui participe au développement de complexes. L’image est ici destructrice, car on se trouve dans la comparaison.

Les femmes sont-elles davantage maitresses de leur désir de nos jours ?

Je pense que les femmes étaient plus épanouies dans les années 1970, au moment de la libération sexuelle. À cette époque, il y avait un désir que le corps appartienne à la femme, de casser l’image de la femme objet. Malheureusement, aujourd’hui, on y revient. On observe beaucoup de frustrations, d’angoisses, une forme de pression et non de légèreté (que pourtant requiert l’érotisme pour pouvoir jouer et donner envie à l’autre de jouer).

Que pensez-vous des salons de l’érotisme, des sex shops et des réunions entre copines ?

Ce n’est que du business. On ne parle absolument pas d’érotisme mais de sexe et d’argent. On est en plein dans l’effet pervers de la libération des moeurs. Cependant, si le but est de jouer et qu’il est intégré dans une relation, pourquoi pas. Ce sont des ingrédients, (comme un artiste qui utilise telle ou telle couleur) qui ne remplacent pas le sujet, mais qui peuvent le mettre dans une situation érotisante et ludique. Malgré tout, cela reste du commerce pour les vendeurs.

Conseillerez-vous à vos patients de se rendre dans ce type d’endroit ?

Pour le salon de l’érotisme, pas vraiment. Il n’est pas très qualitatif, mais il n’y a pas de fiche technique sur la sexualité. Je suis sexologue psychanalyste / psychothérapeute. Je travaille donc sur l’être humain La sexualité est avant tout un travail sur l’intime avec quelqu’un que l’on choisit.

Pensez-vous que les femmes font bien la différence entre l’érotisme commercial et l’érotisme lié à la sensualité ?

Oui mais beaucoup sont encore victimes de cette notion de femme objet. Elles ont l’impression que les hommes attendent ça d’elles. Elles doivent évoluer pour aller dans le « Je » et le « jeu » qui leur correspondent.

La sexualité est-elle encore tabou chez les femmes ?

On parle peu de sexualité. Dans mon cabinet, les femmes se libèrent. Elles évoquent en premier lieu leurs inhibitions et leur baisse de désir. Pour y remédier, elles doivent s’interroger avant tout sur ce qui se passe chez elles (ce qui est souvent lié à leur histoire).

Pensez-vous que la sexualité évolue avec l’âge ?

Dans l’idéal, la sexualité évolue avec l’âge et l’historicité de son couple. Avec le temps, ils vont par exemple s’élaborer, être dans une finesse de code.

Existe-t-il un effet pervers à une société dite libérée et performante ?

Oui. Souvent les femmes ne se trouvent pas à la hauteur. Avec la pression sociale, l’image de la femme hyper sexuelle véhiculée par les médias ou le cinéma, les femmes se créent des complexes et se posent des questions inutiles. Si une femme est ouverte et heureuse sexuellement, elle sera d’autant plus libérée et sexy. La sexualité se situe dans le ressenti et dans la sensation du corps. En se regardant, les femmes se coupent d’elles mêmes et ne sont plus connectées à un soi d’une manière sexuelle et sensorielle.

Les femmes viennent-elles vous voir seules ou en couple ?

Les deux. Mais lorsque vous venez dans un espace thérapeutique, le choix de venir seule ou en couple a un sens. Celles qui viennent seules pressentent que la racine de leur problème se trouve dans leur histoire personnelle.

Tab title: 
Quand le marché du plaisir suggère l’éveil féminin
L’érotisme, dans les rayons des sex-shops
Dans l'intimité des sex-shops
La grande distribution popularise l'érotisme
L'érotisme, analysé par une sexologue

Célian Ramis

Pas féministe mais...

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Alerte féminisme : À toutes celles et ceux qui auraient peur de l’esprit radical du féminisme, nous proposons ici de simplement poser les bases du mouvement. De revenir aux origines de sa définition première.
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Féminisme : n, m. 1 – Doctrine, mouvement qui préconise l’extension des droits, du rôle de la femme dans la société. 2 – Aspect d’un individu mâle qui présente certains caractères secondaires du sexe féminin.

À toutes celles et ceux qui auraient peur de l’esprit radical du féminisme, nous proposons ici de simplement poser les bases du mouvement. De revenir aux origines de sa définition première. Si toutes les interviewées (pardon pour l’homme qui a également répondu à nos questions) de ce dossier s’accordent à dire qu’il n’y a pas de féminisme rennais, il est indéniable que la capitale bretonne a vécu ses heures féministes et a connu de grandes figures emblématiques.

L’espace nous manque pour toutes les citer mais rendons quand même hommage à Louise Bodin, qui prend position, au début du XXe siècle, pour les suffragettes et contre la prostitution dans le journal Nouvelles rennaises, Clotilde Vautier, décédée en mars 1968 à Rennes à la suite d’un avortement clandestin (à cette époque, les raisons de son décès seront cachées, sa fille, Mariana Otero, réalisera à ce propos un documentaire en 2003 intitulé Histoire d’un secret) et Anne Cogné, présidente du Centre rennais d’information des femmes en 1981, conseillère municipale de 1983 à 1995. Cette dernière, décédée en 2013, est à l’origine de la création d’une délégation aux droits des femmes à la ville de Rennes, un poste actuellement occupé par Jocelyne Bougeard.

Et on sait que cette élue aime se désigner comme féministe, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Mais alors qui a peur du grand méchant féminisme ?

Féminisme ? Vous avez dit féminisme ? Que ce terme est terrifiant ! Surtout quand il sort de la bouche d’une femme… Si les plus de 20 ans – voire bien plus, soyons claires – revendiquaient fortement et fièrement leur appartenance à ce mouvement dans les années 70, ce dernier est quasiment devenue la bête noire de la jeune génération qui préfère parler d’égalité des sexes.

© Sophie Barel

Que vous avez de beaux yeux, mon enfant… Que vous avez de beaux seins, mon enfant… Que vous avez de belles fesses, mon enfant… Que vous avez de beaux poils, mon enfant… Le joli conte de la jeune fille naïve et sans défense a pris une nouvelle tournure – cauchemardesque - au cours des dernières décennies. Le loup se ferait rapidement, au mieux, casser la gueule de nos jours. Au XXe siècle, dans les grandes lignes, elles se sont battues pour entrer dans les institutions, pour obtenir le droit de vote, tout d’abord, puis pour disposer de leurs propres corps en réclamant le droit à la contraception et à l’avortement.

Ensuite, culottées, elles ont demandé d’ouvrir un compte en banque sans l’accord de leurs maris, de travailler et enfin, le flocon est devenu boule de neige, elles ont souhaité la lune – à défaut d’y poser le pied : l’égalité des sexes impliquant entre autre l’égalité des salaires, l’accès aux postes à responsabilités, la répartition de manière équitable des tâches ménagères, la parité en politique, etc. Rennes ne fait pas exception et participe au mouvement, fondant – à plusieurs années d’intervalle – le Planning familial, le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles, le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception, l’association Choisir (signalons que les deux dernières associations n’existent plus aujourd’hui) ou encore la délégation aux Droits des Femmes.

Pour aller plus loin dans les connaissances du féminisme à Rennes, Lydie Porée et Patricia Godard ont créé l’association Histoire du féminisme à Rennes. Le duo organise des visites guidées du Rennes féministe dans les années 70. Fin 2013, elles ont également lancé le journal Rennes au féminisme, à disposition des habitants au Papier Timbré, à la librairie Planète Io ainsi qu’à la librairie Alphagraph.

Une manière de déambuler dans les rues du centre ville et d’en redécouvrir les aspects historiques puisque les murs de la capitale bretonne sont encore empreints des luttes pour les droits des femmes. Dans l’actualité de l’association également, la sortie du livre Les femmes s’en vont en lutte (Histoire du féminisme à Rennes 1965-1985), aux éditions Goater, prévue pour mi-février, et actuellement en souscription sur leur site Internet.

MAIS OÙ ET QUI SONT LES FÉMINISTES ?

« Ce n’est pas dans l’air du temps de faire des actions collectives pour dénoncer des inégalités  », explique Isabelle Pineau, coordinatrice de l’association Questions d’égalité, créée à Rennes en 2010. Le décor est planté. Le manque d’engagement et de mouvement unitaire est sociétal. Même son de cloches du côté des militants de Mix-Cité Rennes, association lancée en 2002.

« On a du mal aujourd’hui à se définir communiste, anarchiste, féministe… Ce dernier est chargé d’histoire et surtout de clichés ».
Aude Le Bras, féministe, militante de Mix-Cité Rennes.

Toutes les deux s’accordent à dire que le terme donne le vertige. Il devient presque péjoratif, quasiment une insulte. Quand on pense Féminisme, on pense chiennes de garde, femmes à barbe (et à poils), anti-hommes, rabat-joie, etc. Les clichés s’accumulent autour des militantes et deviennent aussi nombreux que les images dégradantes associées à la gente féminine.

Des stéréotypes en partie dus à la sur-médiatisation d’actions nationales et internationales radicales, telles que la polémique engendrée par la publication du manifeste des 343 salauds (Touche pas à ma pute) dans le magazine Causeur, pour protester contre la pénalisation des clients de la prostitution, votée à l’Assemblée nationale le 4 décembre dernier (et sera examinée par le Sénat avant juin 2014) ou les Femen (Ukraine), qui parlent de sextrémisme, apparaissant souvent seins nus afin de défendre les droits des femmes, à travers une banalisation des attributs féminins.

« Il y a une frilosité de l’élan féministe. Le mouvement est mal connu, et souvent associé à un combat inutile ou extrémiste  », commente Aude Le Bras, pour ne pas dire qu’aujourd’hui, on banalise l’égalité des sexes… Pour elle, les différents courants du féminisme se mélangent dans les esprits, interférant sur le discours. Autre obstacle pour Isabelle Pineau :

« l’illusion que l’égalité est déjà là  ».

Ne pas penser que la lutte n’a plus lieu d’être, diffuser le savoir, les connaissances sur la thématique des inégalités au grand public, tels sont les principaux objectifs de Questions d’égalité, qui se définit dans une phase de prise de conscience et d’analyse. Une phase utile avant l’action du quotidien. Conférences et débats sont organisés par l’association et animés par des militantes, des universitaires, des professionnelles du droit ou du social par exemple.

Sur des thèmes variés puisqu’ils nous amènent à réfléchir sur la représentation des sexes dans la chanson française (et dans la culture plus largement) ou encore sur l’importance et la signification des chiffres des violences faites aux femmes. Autre forme plus ludique, afin de toucher un plus large public, la conférence gesticulée : « Un mélange de récits, de témoignages, d’expériences et de savoirs  ».

Intitulée Le clito, un petit nom qui en dit long. Plaisir et politique au pays de la sexualité féminine, la conférence gesticulée – qui avouons-le attise la curiosité, nous fait friser l’oeil et sourire malicieusement - est proposée par 7 femmes qui, sur scène, évoquent leurs expériences et leurs analyses quant à leur sexualité, hétéro ou homo. Il est nécessaire de briser les tabous, de s’émanciper et de s’épanouir dans son désir.

« Le but est d’expliquer en quoi la sexualité est traversée par la question des inégalités et en quoi cela impacte les femmes. Et aussi il faut parler d’orgasme, c’est important de libérer la parole   ».
Isabelle Pineau, coordinatrice de l'association Questions d'égalité.

Nécessaire également de comprendre que revendiquer des relations égalitaires, réciproques et respectueuses ne signifie pas partir en guerre contre les hommes, loin de là, ni même avoir une dent contre eux. Chez Mix-Cité, les hommes sont représentés par les militants bénévoles. Lucas Muller-Tanguy se revendique féministe, même s’il ne s’engage pas sur tous les volets du mouvement (la suppression de la mention Mademoiselle ne le touche pas particulièrement, comme bon nombre de citoyens/citoyennes). « Quand je dis que je suis féministe, on me demande si je suis gay  », s’amuse-t-il.

Pour lui, chaque militant a son engagement, sa sensibilité et apporte une ouverture d’esprit au groupe. Un point sur lequel le rejoint Aude Le Bras : « Le féminisme, ce n’est pas un bloc, il y a plusieurs pensées différentes mais pas de lignes préconçues, ce sont les militants qui font le mouvement  ».

RÉAGIR MAIS PAS AGIR ?

Sans devenir paranoïaques, il est important pour les associations de sensibiliser aux différentes formes d’inégalités et de discriminations dont chaque femme est susceptible d’être victime. La marchandisation du corps de la femme, le manque de remboursement des moyens de contraception, la fermeture de centres d’avortement, le harcèlement de rue, l’image des femmes dans les médias et la publicité, les inégalités professionnelles et les réflexions sexistes sont autant d’arguments pour eux qu’il y a d’actions à effectuer.

« Nous avons un calendrier annuel, comme pour la journée des femmes ou la journée contre les violences faites aux femmes. Puis nous réagissons au fur et à mesure de l’actualité mais nous privilégions les actions de rue. Nous agissons beaucoup avec le tissu associatif rennais et la municipalité  »
détaille Aude.

En décembre par exemple, les militants ont tenu un stand à République pour sensibiliser les passants à la question du sexisme des jouets. À noter qu’une conférence est organisée, par les deux associations en partenariat, le 17 janvier sur la question des représentations dans la littérature jeunesse. Le débat sera animé par Sylvie Crömer, sociologue, spécialiste des représentations du genre.

Difficile aujourd’hui d’attirer de nouveaux bénévoles, que ce soit pour Questions d’égalité ou pour Mix-Cité : « La France repose sur ces acquis alors qu’ils sont encore à défendre, voire même à regagner (à savoir qu’en Espagne - pays progressiste en matière de droits des femmes - un projet de loi a été présenté fin 2013 par le ministre de la Justice, Alberto Ruiz Gallardon. Ce dernier prévoit de restreindre le droit à l’avortement seulement dans les cas suivants : viol et santé mentale ou psychique de la mère menacée, ndlr) ».

Pour Isabelle Pineau, il est également temps de sonner la tirette d’alarme. La forme des combats a évolué, certes, et la génération Internet s’active maintenant sur les réseaux sociaux, les blogs et Tumblr (Madmoizelle.com, Aufemininpointconne.fr, Je connais un violeur, etc.) mais ne s’engage pas en prônant l’égalité hommes/femmes.

« Se définir féministe, c’est faire un lien entre les militantes du passé et celles d’aujourd’hui. Elle poursuit : Dans les années 70, les femmes étaient dans lignée de mai 68. On questionnait la société, le mouvement était très fort, les femmes terrorisées à l’idée de tomber enceinte, il y avait les avortements clandestins… Aujourd’hui règne un certain fatalisme. Il y a beaucoup moins d’enthousiasme  ».
Isabelle Pineau, Questions d'égalité.

Un enthousiasme modéré qui semblerait donc être dû à une morosité ambiante et sociétale mais aussi à une difficulté certaine de rallier des femmes à un combat dont les revendications sont moins visibles aujourd’hui qu’il y a quelques années. Pourtant, il semblerait également que ce soit le terme et sa connotation extrémiste qui dérangent principalement les jeunes femmes, qui jonglent avec l’image de super-héroïne que nous impose la volonté d’une égalité hommes-femmes. En effet, la femme moderne n’est pas seulement l’égale de l’homme, elle lui devient supérieure. Un jeu dangereux…

Alors la peur du loup démontrerait-elle véritablement un manque de convictions ou d’engagements ? Le terme n’a pas fini de diviser et rebuter. Dommage.

L’origine du féminisme est incertaine et le terme est récent. Néanmoins, la lutte prend son élan avec le siècle des Lumières. Pourtant, l’effervescence du mouvement puise ses origines à la fin du XIXe siècle et se compose de différentes vagues.

  • La première vague du féminisme apparaît à la fin du XIXe siècle avec les suffragistes – dites aussi les suffragettes – qui revendiquent le droit de vote mais aussi le droit à l’éducation, au travail, au salaire et dénoncent la puissance maritale et paternelle. C’est à cette période que les femmes parlent également de congé maternité, d’allocations familiales et de soins.
  • La seconde vague du féminisme fait des remous dans les années 1950 et déferle dans les années 60, avec la création de Maternité heureuse, qui deviendra ensuite le Mouvement Français pour le Planning Familial. Les femmes revendiquent la maitrise de leurs corps et la libre sexualité. Par conséquent, le droit à la contraception et à l’avortement, entre autre. C’est aussi le temps de la remise en cause du patriarcat et l’apparition du concept de sexisme.
  • La troisième vague du féminisme trouve son origine dans les années 1980 aux Etats-Unis à l’initiative de nombreux groupes représentant les minorités et les groupes minoritaires. Les femmes revendiquent leur appartenance sexuelle, ethnique, sociale, et affirment leur morphologie, leurs formes, leurs différences.
  • En route vers une quatrième vague du féminisme ? On parle du mouvement des Femen comme une potentielle introduction à cette nouvelle vague, qui est encore à construire et qui se traduirait par des actions radicales, médiatisées et controversées. Elle pourrait aussi malheureusement être perçue comme un retour en arrière, à l’heure où le droit à l’avortement est menacé dans certains pays européens.

Au cours des dernières décennies (à partir des années 90), plusieurs associations, radicales et/ou controversées, sont apparues en France, parmi lesquelles figurent les Chiennes de garde, La Barbe, Osez le féminisme ou encore Ni putes, ni soumises.

Spécialisée dans le féminisme de la deuxième vague (1960-1980), elle est une militante féministe, archiviste et membre de l’association « Histoire du féminisme à Rennes ». Elle répond à nos questions.

A quelle époque est apparu le féminisme à Rennes ?

Je pense qu’il est né au début du XXème siècle autour des mobilisations suffragistes, conduites par des féministes telles que Louise Bodin, qui en est l’une des figures emblématiques. 

Pourquoi autant d’actions féministes sont organisées à Rennes ?

Sur le plan institutionnel, l’arrivée en 1977 d’une majorité socialiste avec la présence, dès 1983, d’une militante de l’UFCS (Union des femmes françaises), Anne Cogné, au poste de conseillère municipale, est une des explications. Cette femme, décédée en 2013, a fait partie d’une commission sur le sexisme dans les manuels scolaires et a mis en évidence les rôles stéréotypés réservés aux femmes.

Elle a également insisté pour la création d’une délégation aux droits des femmes à Rennes. Depuis 1995, une conseillère ou une adjointe aux droits des femmes est systématiquement présente au sein du conseil municipal. Rennes est également une ville étudiante et politisée avec une faculté de médecine, qui a été très active dans la libéralisation de l’avortement.

Le féminisme à Rennes se différencie-t-il des autres mouvements féministes ?

Non, je ne pense pas. Cependant, la capitale bretonne est marquée par la question de l’émancipation par rapport à l’Église catholique, depuis les années 70, notamment sur le rôle de la mère, le droit à la contraception et à l’avortement.

Quel  est le visage actuel des féministes rennaises ?

Quelques militant(e)s des années 70 continuent de s’engager au Centre d'information sur les droits des femmes et des familles d'Ille-et-Vilaine (CIDFF) ainsi qu’au Planning familial. Mais des jeunes de 20 ans arrivent de plus en plus dans les associations.

Ils/Elles sont étudiant(e)s en sociologie ou à Sciences Po et cherchent à obtenir une égalité hommes/femmes. On constate un phénomène de politisation féministe via les études de genre.

Ressentez vous une évolution du combat, sur le fond comme sur la forme ?

Oui, les enjeux ont évolué. L’objectif est d’obtenir l’égalité réelle au delà de l’égalité de droit. La répartition égalitaire des tâches domestiques dans la sphère privée est essentielle. Tout en découle, mais cela est compliqué à légiférer.

Sur la forme, les modes d’actions ont changé. Depuis au moins 2005, il n’y a plus de manifestations organisées le 8 mars dans la rue. À présent, nous organisons davantage des réunions de discussions, de distributions de tracts et de publications de textes. L’utilisation de l’humour est également très présente. Je n’ai pas connaissance d’actions clandestines ou illégales aujourd’hui à Rennes.

Les groupes féministes rennais sont ils toujours au diapason ?

On se retrouve sur l’accès à l’éducation et le refus des violences faites aux femmes. Il est important que l’on se batte sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous divise (comme les sujets sur la prostitution ou le port du voile).

Infographie : © Sophie Barel

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Des femmes, des féminismes
Faites votre féminisme
Les vagues du féminisme
Entretien avec Lydie Porée
Pas féministes mais...

Célian Ramis

Parcours de migrantes à Rennes

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Reportage dans les squats rennais à la rencontre des migrantes qui nous racontent leurs parcours dans leur ville d'accueil.
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Chaque année, le nombre de demande d’asile augmente en France. En 2012, l’OFPRA enregistrait 61 468 demandes (réexamens et mineurs accompagnants compris), soit une progression de 7,2% par rapport à l’année précédente. Une forte hausse essentiellement concentrée sur le second semestre, imputable à l’augmentation de la demande d’asile en provenance des Balkans. Ce chiffre place donc la France au second rang des pays destinataires de demandeurs d’asile au niveau européen.

Récemment, les femmes étrangères sont devenues le nouveau visage de la migration internationale. Rappelons-nous cette déclaration de Babatunde Osotimehin, directeur exécutif du Fonds des Nations Unis pour la population : « La migration porte un visage humain, et c’est celui d’une femme ». Pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses à fuir leur pays d’origine et à prendre les routes de l’immigration depuis les années 1990. À cette époque, elles ne représentaient pas encore une majorité, n’étaient pas encore médiatisées. Aujourd’hui, le thème « Femmes et migration » est récurrent. Femmes isolées ou accompagnées de leur famille, elles constituent 49% des migrations mondiales et près d’un 1/3 des demandeurs d’asile en France. Qui sont ces femmes et comment vivent-elles ? YEGG est allé à leur rencontre. État de lieux de la situation rennaise.

  • Pour préserver l’anonymat des personnes interrogées, nous avons changé les prénoms.

À leur arrivée, les migrants déposent une demande d’asile auprès de la Préfecture d’Ille-et-Vilaine. En octobre, les militants d’associations et collectifs déploraient la dégradation des conditions d’accueil de cette institution, soulignant la réduction des horaires d’ouverture. Trois après-midis sont consacrées aux démarches administratives des migrants : lundi, mardi et jeudi de 13h30 à 16h30.

Sur les 800 dossiers déposés chaque année, seulement ¼ obtiennent une réponse favorable. Les autres disposeront d’un mois pour quitter le territoire français, après réception d’une OQTF (Obligation de quitter le territoire français).

UN LONG PARCOURS ADMINISTRATIF

Les démarches sont souvent longues et compliquées. « Il doivent prouver les pressions subies dans leur pays, rédiger leur récit de vie, aller à un entretien avec un officier de protection de l’OFPRA (établissement public chargé de l’application des textes français et des conventions européennes et internationales relatifs à la reconnaissance de la qualité de réfugié, d’apatride et à l’admission de la protection subsidiaire, ndlr) qui en principe connaît très bien la situation du pays concerné », explique Armelle, membre de l’association rennaise Un toit, c’est un droit.

En moyenne, les migrants doivent patienter 18 mois avant d’obtenir une réponse. Chaque année, l’OFPRA actualise la liste des pays d’origine sûrs « et les migrants de ces pays-là ont très peu de chance d’obtenir une réponse favorable ». Dans le rapport d’activités 2012, l’OFPRA déclare 20 pays sûrs au 1er janvier 2012. Après retrait de l’Albanie, du Kosovo, du Mali et du Bangladesh, la liste ne contient plus que 16 pays, en mars 2013.

Durant l’étude de leur dossier, les demandeurs d’asile perçoivent l’ATA (Allocation Temporaire d’Attente) à hauteur de 363 euros et peuvent, en théorie, accéder aux places d’hébergement en CADA (Centre d’accueil des demandeurs d’asile), au nombre de 399 en Ille-et-Vilaine. « Mais seulement 10% gagnent au premier dossier », souligne Armelle, notant ainsi la difficulté de cette population à trouver un hébergement. Le 115, débordé par le nombre d’appels largement supérieurs au nombre de places, doit les diriger vers la Plateforme d’accueil des demandeurs d’asile, en lien avec le Service d’Accueil et d’Orientation, qui eux se chargent de leur accompagnement.

« Les personnes sous OQTF, elles, sont assignés à résidence, mises à l’abri, avant d’être accompagnées vers une sortie du territoire », explique Claude Fleutiaux, secrétaire général de la Préfecture 35. Mais tous les déboutés du droit d’asile ne bénéficient pas de cette solution. Une partie est placée au Centre de rétention administrative, situé à Saint-Jacques-de-la-Lande. « Seulement les célibataires », souligne le secrétaire général. Pourtant, on se souvient de l’expulsion d’une famille tchéchène en juillet dernier : « C’était le seul cas cette année. On veille particulièrement à cela », assure-t-il.

Selon Charlotte Joyau, salariée de La Cimade, association intervenant au CRA chargée d’accompagner les retenus dans l’exercice effectif de leurs droits, trois familles y ont été placées en 2013 :

« À Rennes, il n’y en a pas beaucoup mais la structure est adaptée aux familles, avec du matériel de puériculture, un lit de bébé… ».

UN PARCOURS QUOTIDIEN

Dans le squat de l’église Saint-Marc, ouvert en mai près de la dalle Kennedy, les 130 occupants ont tous été déboutés et procèdent alors à un recours, ou sont actuellement sous OQTF. Ce lieu héberge majoritairement des familles. D’origine mongole, arménienne, géorgienne, congolaise, libyenne, tchadienne (nationalités très représentées à Rennes), albanaise, serbe ou encore tchéchène, ils vivent en communauté dans ce bâtiment. Certaines familles sont installées dans des petites pièces individuelles.

D’autres occupent des pièces de taille moyenne, voire de petite taille, et ont aménagé des cloisons avec des draps pour un espace de vie avec un minimum d’intimité. Des boxes, comme on nous dit. « Et dans chaque boxe, un drame passé », nous glisse Armelle. En novembre, la physionomie du squat a bien changé par rapport à la saison estivale. « On fait à manger dans la cuisine commune et après on rentre dans nos chambres pour le repas. Il fait très froid et dehors, il fait nuit », explique une jeune mongole, arrivée avec sa famille à Rennes depuis 2 ans – et scolarisée dans un collège rennais.

Les coupures d’électricité sont fréquentes, surtout entre 17h et 19h, à l’heure de la préparation des repas et des douches. Plusieurs femmes d’origine mongole sont réunies dans la cuisine, assises dans le canapé, jouant avec une enfant et un bébé.

Au fond du couloir, vit la famille de Mariame. Elle est kurde arménienne. Son mari, kurde géorgien. L’aîné de ses enfants est arménien et vit là-bas. Sa fille et son fils, tous deux d’origine géorgienne, sont à Rennes. Une situation complexe pour elle qui ne pouvait obtenir de papiers en Géorgie.

« En Arménie, pas de problèmes pour moi. Mais pour ma famille, ce n’était pas possible. Et en Géorgie, je ne peux pas avoir de titre. C’est vraiment très difficile »
explique Mariame.

En mars 2012, ils quittent leur pays pour des raisons économiques et souhaitent venir en France, en passant – en avion – par la Biélorussie. Puis de Minsk, ils traversent la Pologne, s’y arrêtent quelques heures, le temps du contrôle douanier. Les autorités polonaises prennent les empreintes « et leur font signer une demande d’asile sans qu’ils en aient conscience », dit Armelle. Elle poursuit : « Les migrants qui entrent par un pays de l’espace Schengen et qui sont contrôlés dans ce dernier avant de venir en France sont appelés les Dublin ».

En effet, le règlement de Dublin II vise à établir une base de données biométriques permettant ainsi aux autres États membres de vérifier qu’aucune demande d’asile n’a été effectuée par les ressortissants. En se présentant à la Préfecture, à Rennes, les empreintes de Mariame ont révélé la présence d’un dossier en cours en Pologne. « La France a 6 mois pour les renvoyer dans le premier pays. Ils sont convoqués à la Préfecture avec conjoint(e)s, enfants et bagages et sont déclarés en fuite s’ils ne se présentent pas », explique Armelle. Après 18 mois sur le territoire, une nouvelle demande d’asile peut être déposée en France.

Et depuis quelques jours, Mariame peut enfin remplir la sienne, ainsi que chaque membre de sa famille. Elle a maintenant trois semaines pour rédiger son récit de vie détaillé, un travail compliqué pour cette mère de famille. « Déjà, je ne parle pas bien le français. Là, je regarde mes cours. Et ça fait ressortir les mauvais souvenirs. Dur d’y repenser. Surtout pour mon fils, il est nerveux », confie-t-elle. D’autres mauvais souvenirs remontent aussi pour Mariame, qui n’ose pas sortir du squat. En juillet dernier, elle est contrôlée et arrêtée par la Police Aux Frontières (PAF), au niveau de la gare.

Après plusieurs heures en garde à vue, elle est emmenée au CRA, dans lequel elle restera 5 jours. « Elle a pu être libérée grâce à un point de la procédure, lors de la garde à vue, qui n’avait pas été respectée », commente Armelle. L’histoire est douloureuse. Elle reste traumatisée de « l’évacuation musclée » d’une famille tchéchène qu’elle a vécu lors de son enfermement.

Les différentes étapes de la procédure nécessitent à chaque fois une préparation mentale ardue et accroissent l’angoisse de l’après. De l’anxiété, les migrants en perçoivent au quotidien. Ce mercredi soir, une adolescente entre dans la chambre de Mariame, en pleurs. Sa petite sœur ne répond pas aux appels de sa mère. Il est environ 18h30 et la petite n’est pas encore rentrée. Des dizaines de minutes plus tard, la maman est avertie que sa cadette est revenue au squat.

Dans la pièce voisine, se trouve Réhane, elle aussi est arménienne. Sa famille est arrivée en France il y a un an et demi et vit dans le squat depuis six mois. Entre temps, elle a connu le 115 et les foyers d’accueil, du côté de Vitré. « Il faut appeler tous les matins le 115 à 9h. Il n’y a pas de places, on nous dit de rappeler le lendemain », se souvient-elle. Enceinte de plusieurs mois à son arrivée au squat, Réhane a accouché peu de temps après leur installation. David, le sourire jusqu’aux oreilles, est allongé sur le lit, entouré de ses peluches : « C’est un peu la mascotte d’ici ! ».

Elle revient du Secours populaire qui ce jour-là distribuait des cadeaux de Noël. Elle a pu ramener des jouets pour ses deux fils et a eu un chèque cadeau de 15 euros pour acheter un présent à sa fille de 7 ans, « qui veut absolument une robe de princesse ». Sa fille ainée est restée avec ses grands-parents, en Russie. Avec son mari, ils l’appellent fréquemment mais ne l’ont pas vu depuis leur départ. Réhane a fait une demande prioritaire, une procédure rapide qui ne permet de bénéficier de l’ATA que 3 mois seulement.

Déboutée depuis décembre dernier, elle est assignée à résidence pendant 45 jours dans un hôtel avec sa famille, une obligation qu’ils ont préféré fuir en espérant trouver une alternative avec leur avocate.

« Ils n’ont pas leurs papiers arméniens. Ils sont donc assignés pendant plus d’un mois, le temps pour les autorités compétentes françaises de contacter le consulat et d’obtenir l’accord du pays d’origine de les renvoyer là-bas ».
 Armelle, militante Un toit, c'est un droit.

Dans la cuisine, Alba, 21 ans, prépare des cookies. Cette jeune tchadienne est arrivée en France en 2009, après être passée par la Libye. À Angers dans un premier temps, au sein d’une communauté tchadienne, dans laquelle elle vit avec son conjoint, à la suite d’un mariage forcé à 15 ans.

« Là-bas, tout le monde trouve ça normal et moi, je ne sais pas pourquoi, je n’ai jamais supporté la violence de mon père envers ma mère. Jamais accepté non plus ce mode de vie. Les femmes ne peuvent rien faire », explique-t-elle. Elle décide de quitter son mari – parti du Tchad pour des raisons politiques, « son père étant impliqué dans la vie politique du pays » – et se retrouve confronter non seulement à la violence conjugale mais aussi aux pressions de l’entourage. « Ils ont réagi très violemment et m’ont menacé de mort. Je me battais contre une communauté », se remémore Alba.

Elle prend le bus jusqu’à Rennes, aidée par une amie rencontrée à Angers, et s’inscrit en CAP Cuisine, à Dinard. En internat la semaine, dans une famille d’accueil le week-end. Sa demande d’asile est compliquée : « j’avais déjà déposé un dossier avec mon mari. J’ai changé d’identité et j’en ai refait un à Rennes mais avec les empreintes, ils ont retrouvé ma première demande ». Plusieurs procédures plus tard, la jeune tchadienne pense obtenir des papiers. La Préfecture l’informe qu’elle recevra prochainement une OQTF :

« Je m’étais inscrite en septembre à Ker Lann pour poursuivre ma formation de Cuisine, et au final, je suis une clandestine, j’ai tout perdu ».

La journée, Alba reste au squat en attendant de trouver un potentiel recours avec son avocate. Une situation qu’elle trouve profondément injuste : « Je reste ici alors que je pourrais travailler. J’ai un diplôme ! Certains ont des papiers et ne font rien de leur journée… »

UN PARCOURS COMPLEXE

Le manque de travail, et la difficulté pour en trouver un en France, est un enjeu majeur pour les migrants. Fondamental pour certains. Comme pour les occupants du squat de Chantepie, ouvert depuis le mois d’août, dans une ancienne ferme. « Ici, ce sont des personnes d’origine roumaine. C’est une autre population, avec une autre problématique encore », explique Mihaela, militante pour l’association Un toit, c’est un droit, qui assure la traduction avec leurs divers interlocuteurs.

Une autre problématique, en effet, puisqu’ils sont européens et bénéficient du droit de résider sur le territoire français pendant 3 mois. « Pour avoir un titre de séjour, il faut avoir un contrat de travail. Pour le contrat de travail, il faut un titre de séjour », déclare Emilia, à Rennes depuis 4 mois. Maman de quatre enfants, dont deux encore en Roumanie, elle attend son cinquième enfant. « Je suis inquiète car je ne sais pas combien de temps on va pouvoir rester dans le squat. Et nous devons aussi faire des allers-retours en Roumanie », poursuit-elle.

Pour justifier leur résidence en France, ils doivent conserver les billets de cars en partance de la Roumanie datant de moins de 3 mois. Pour vivre, ils font la manche durant la journée. Insuffisant pour satisfaire un minimum de besoins vitaux. Les migrants trouvent alors des aides au Secours populaire, aux Restos du cœur et également avec le réseau Ville Hôpital 35 pour les problèmes de santé. « Les gens sont très accueillants et le corps médical très attentif, je suis très surprise, ça ne se passe pas du tout comme ça en Roumanie », souligne la jeune femme de 29 ans.

Ce lundi de novembre, c’est une journée particulière. Alina, sa fille, vient de faire sa rentrée en 6e, dans un collège de Rennes. L’émotion est grande pour la jeune demoiselle. Pour les parents, c’est également une étape importante. Ce soir-là, plusieurs occupants sont regroupés dans la pièce de vie d’Emilia. Une jeune maman allaite son bébé d’un mois seulement. « Il avait 15 jours quand elle est arrivée. Elle est toute seule avec lui », explique Mihaela.

Les hommes aussi sont présents et font part de leur condition de vie. Ils ont été restaurateurs, boulangers, cordonniers ou salariés dans des stations service et nous montrent leurs contrats de travail en Roumanie. « Mais les conditions de vie là-bas sont terribles. Les salaires sont trop faibles pour vivre et il n’y aucune sécurité d’emploi », disent-ils. Tous espèrent voir leur situation s’améliorer à partir de janvier 2014. Les ressortissants roumains et bulgares devraient, à cette date, pouvoir accéder à l’emploi dans les pays de l’Union européenne sans titre de séjour.

Une date qui inspire de l’espoir pour les uns, de l’inquiétude pour les autres. En effet, le squat de l’église Saint-Marc devrait être évacué dans cette période. L’accord passé avec le Secours catholique touche à sa fin mais pour l’instant, les solutions alternatives d’hébergement n’ont pas été trouvées. Pour Armelle, c’est une situation catastrophique : « Ils vont être isolés un peu partout dans le département. C’est ce que souhaite la Préfecture, ça rend le problème moins visible, moins médiatisé ».

En France, de quels droits peuvent bénéficier les personnes sans autorisation de séjour ?

Aucun. Et pour les femmes, c’est encore plus compliqué. Elles sont plus vulnérables et donc plus facilement exploitables. Elles ont uniquement le droit de se rendre aux urgences pour bénéficier de soins médicaux.

Parmi ces femmes, lesquelles sont les plus touchées ?

Les femmes célibataires sans enfants car elles ne sont pas considérées comme « public vulnérable ». Du coup, durant leur procédure en vue d’obtenir le droit d’asile, elles subissent très souvent des violences importantes. Le droit européen leur accorde, certes, le droit au logement, mais en pratique, par exemple, la préfecture d’Ille-et-Vilaine n’a pas élargi ses places d’hébergement. Faute de toit et avec un dispositif d’accueil d’urgence saturé, elles se retrouvent pour la plupart dans la rue. Elles fuient  leur pays d’origine parce que leurs droits sont bafoués mais vivent pourtant en France dans des conditions très dures.

Quelles solutions ont-elles ?

Il n’y a pas de solution. Certaines réussissent à obtenir un titre de séjour (si elles ont des problèmes de santé, par exemple), mais la plupart sont expulsées. Le droit d’asile est une peau de chagrin. Les décisions des juges sont injustes. Ils exigent de plus en plus de preuves et sont trop suspicieux. Malgré tout, les migrantes préfèrent rester dans la précarité en France que de retourner dans la violence de leur pays d’origine.

Infographie : © Sophie Barel

Laetitia est assistante familiale depuis plus de 7 ans. Elle loge et accompagne des migrants sans papiers. Portrait.

Laetitia est agrémentée depuis 1995. Elle accueille actuellement chez elle de jeunes étrangers, originaires d’Albanie, du Congo et de Guinée. « On constate une arrivée massive de mineurs isolés étrangers depuis 2 à 3 ans, explique cette femme de 53 ans. Certains se sont enfuis seuls de leur pays et d’autres ont payé des passeurs pour arriver en France ». Laetitia les accompagne au quotidien, les inscrit à l’école, leur apprend le français et les écoute. « Le choc des cultures est fort. Les règles de famille ne sont pas toujours respectées, mais cet échange me donne envie de continuer », confie-t-elle.

C’est en rencontrant une assistante familiale parisienne qu’elle a eu envie de faire ce métier. « Je lisais beaucoup sur la psychologie des enfants et la rencontre m’a bouleversé. Je me suis renseignée et j’ai été acceptée ». Un petit français de 11 ans est alors arrivé et est resté jusqu’à l’âge de 18 ans. Puis dès 2001, des nationalités différentes ont intégré le foyer. Une camerounaise pour commencer : « Elle avait 17 ans et était menacée par le milieu de la prostitution. Un jour, elle est partie de chez nous et n’est jamais revenue. J’ai déclaré sa disparition à la police mais je n’ai jamais eu de nouvelles ».

Depuis, d’autres ont pris sa place et le soutien de Laetitia n’a pas faibli. Et pour cause, cette mère de famille s’investit beaucoup. Malgré tout, elle a le sentiment que son rôle n’est pas assez reconnu. « En définitive, on travaille à domicile 24h/24, en lien avec le Conseil général et nous sommes pourtant considérés comme le dernier maillon de la chaîne. Il y a des évolutions, mais nous ne sommes pas assez écoutés». Son souhait ? : Obtenir le statut de fonctionnaire, « tout comme les éducateurs ».

Née au Maroc, Sarah a vécu en Espagne jusqu’à ce que son père décide de la forcer à se marier. Contrainte et terrifiée, elle s’enfuie avec une proche de la famille et s’installe dans la capitale bretonne.

Sarah, 22 ans, vit à Rennes depuis 2011. Elle habite chez la femme qui l’a aidé à s’échapper : « Ma mère ne voulait pas que j’épouse un inconnu. Elle m’a laissé partir avec cette femme ». En arrivant à destination, Sarah est inscrite dans un lycée privé, qu’elle quitte deux ans plus tard par manque de moyens financiers. Par la suite, elle fait des stages, du bénévolat, de la garde d’enfants et remplit les tâches quotidiennes de la maison. Malgré tout, elle souhaite « faire un bac professionnel Service à la personne pour travailler, être indépendante et passer le concours d’aide soignante ou d’éducateur spécialisé ».

Elle doit régulariser sa situation en France car son titre de séjour espagnol lui permet de circuler dans l’espace Schengen (et donc dans l’hexagone), mais pas d’y travailler. « En mars dernier, j’ai rempli une demande de nationalité espagnole pour obtenir le statut européen, mais la procédure est longue. Elle dure environ 3 ans », explique-t-elle. Aussi, elle compte déposer prochainement une demande de titre de séjour travail en France, avec le soutien de « La M.I.J.E.C » (Mission d’Insertion des Jeunes de l’Enseignement Catholique, à Rennes) et de Franck Pichot, conseillé général délégué à la jeunesse.

Sarah s’est habituée à Rennes. « J’ai longtemps fait des cauchemars et été traumatisée par le mariage forcé, mais mon moral s’est amélioré », avoue-t-elle. Aujourd’hui, elle est déterminée à prendre sa vie en main et se rappelle souvent  que « si elle s’était mariée avec cet homme, elle n’aurait jamais pu envisager tous ces projets ».

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Elles vivent à Rennes
Hébergement : une difficulté majeure
Trois questions à Mélanie Le Verger, avocate
Ils agissent pour les migrants
Une alternative : la famille d'accueil

Célian Ramis

25 novembre : Les voix du combat

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Les violences faites aux femmes représentent aujourd'hui un des plus grands combats féministes. Vers qui se tourner à Rennes si l'on est victimes de violences ?
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Si l’Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France a révélé qu’une femme sur dix était victime de violences, aucun nouveau chiffre n’est parvenu depuis 2000 au niveau national. En attendant des statistiques plus récentes – une nouvelle enquête est en cours – les structures rennaises et brétiliennes ont à cœur leur mission d’accompagnement, d’écoute et de soutien auprès des femmes victimes de violence.

STOP AUX VIOLENCES, LE PROGRAMME – Du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles à Rennes Métropole, nombreuses sont les structures et institutions préoccupées par la situation des femmes. À l’occasion du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes (aussi appelée journée internationale d’élimination des violences faites aux femmes), elles se réunissent pour organiser plusieurs événements du 22 novembre au 15 décembre, avec notamment la pièce de théâtre « Je te veux impeccable, le cri d’une femme », d’après le témoignage de Rachel Jouvet (à lire pages 17 et 18) à la Maison de quartier Villejean, le 30 novembre.

Au programme : la projection du film Le paradis des bêtes de Estelle Larrivaz au cinéma Arvor, le 25 novembre, une conférence autour de la question « L’égalité femme-homme a-t-elle encore un sens ? » avec Réjane Senac, chercheure au CNRS, à la Chambre des métiers et de l’artisanat d’Ille-et-Vilaine, le 27 novembre, ou encore l’exposition « Déconstruire les idées reçues sur les violences faites aux femmes », créée par l’ECVF (Elu/es contre les violences faites aux femmes) jusqu’au 30 novembre au CDAS Cleunay.

Des manifestations spécialisées sur la situation des femmes à l’étranger sont également prévues avec la 7e rencontre nationale des associations de promotion des droits des femmes migrantes en France, à l’Hôtel de Rennes Métropole, le 26 novembre, mais aussi à travers l’exposition « Femmes meurtries dans leur corps et dans leurs âmes » à l’Union des associations interculturelles de Rennes, du 25 novembre au 15 décembre et la rencontre-débat avec le Dr Jérôme Blanchot, spécialisé dans la chirurgie réparatrice de la fistule, et le Dr Harlicot, spécialisé dans la réparation de l’excision, le 11 décembre, à l’UAIR.

Des lois protègent les femmes victimes de violences et de nombreuses structures sont présentes à Rennes pour vous en informer. Emilie Floch, avocate généraliste et volontaire au Centre d’information des femmes et des familles (CIDFF) nous explique.

Le droit des femmes en France est un terme à définir. Les textes ne distinguent pas spécifiquement l’homme de la femme. Cependant, face aux violences auxquelles sont confrontées ces dernières, des lois s’appliquent pour les défendre, soit pénalement soit civilement. « Il faut juste les replacer dans un contexte », commente Maître Emilie Floch, avocate au barreau de Rennes. Chaque année, des femmes de tous les âges, issues de toutes les catégories sociales viennent la consulter pour des faits de violences. 

La plupart sont des mères, des épouses, des travailleuses : leurs profils sont variés mais leur état d’esprit souvent similaire.

« Lors d’un premier contact, lorsqu’elles n’ont pas eu de lien avec une structure d’aide, elles sont perdues. Elles ne savent pas si elles sont victimes ou responsables. Elles hésitent et culpabilisent. Je dois leur faire comprendre qu’elles ont le droit de dénoncer ce type de comportement ».
Emilie Floch, avocate généraliste et volontaire au Centre d’information des femmes et des familles (CIDFF)

L’idéal : qu’elles soient conseillées et écoutées, dans des structures adaptées, « elles sont plus déterminées »Notamment au CIDFF. Une équipe pluridisciplinaire les accueille, les informe et les accompagne dans leurs démarches sociales, professionnelles, médicales, policières et judiciaires…

Me Floch y participe volontairement dans le cadre de permanences gratuites organisées par l’Ordre des Avocats de Rennes :

« J’interviens car la problématique m’intéresse tout particulièrement. J’apporte le point de vue de l’avocat durant des entretiens d’une trentaine de minutes. Elles peuvent me voir directement à l’association ou me consulter après avoir vu un juriste. Le lien entre l’avocat et le CIDFF est important et complémentaire. Je ne peux pas convaincre quelqu’un de faire une procédure. Elles ont besoin d’être accompagnées psychologiquement et moralement ».

De toutes les manières, pour Emilie Floch, la première chose à faire pour ces femmes est de verbaliser les faits auprès de leurs proches ou d’associations, pour sortir du cycle. Puis, si besoin de déposer une plainte. Dans ce cas, il s’agit d’ « un entretien avec un officier de police ou un gendarme. La victime relate les faits, soit de manière spontanée, soit en répondant à différentes questions des enquêteurs et l’ensemble est ensuite retracé dans un procès-verbal », décrit l’avocate.

Pour elle, il est préférable de déposer une plainte plutôt qu’une main courante, « cette dernière n’étant qu’une simple déclaration qui ne fera l’objet d’aucun acte d’enquête » déclare-t-elle, en précisant que « dans le cas de violences physiques, il faut également faire constater ses blessures par un médecin légiste – un certificat médical ne pouvant pas être suffisant et faire l’objet de contestations, notamment du point de vue de la partialité, dans le cadre d’un procès. »

Depuis 2 ans, des lois sur les violences faites aux femmes ont été publiées au Journal Officiel. Portées par Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem, elles concernent le harcèlement sexuel, l’élargissement, le durcissement des peines en cas de mariages forcés, d’avortement forcé, de mutilations sexuelles et le renforcement de la lutte contre la traite des êtres humains. « Ces lois apparaissent intéressantes puisque qu’elles viennent renforcer la protection des victimes, aussi bien d’un point de vue pénal que civil (ordonnance de protection des victimes de violences, article 515-9 Code Civil) et également aggraver les sanctions contre les auteurs de violence » explique Me Floch, qui poursuit :

« Cependant, il est difficile de se prononcer sur la portée réelle de ces nouvelles dispositions qui sont relativement récentes et dont la portée devra être appréciée dans quelques années. »

Néanmoins, « les femmes osent davantage faire appel à la loi aujourd’hui. Elles dénoncent des choses qui restaient auparavant dans la sphère familiale ». Beaucoup d’options d’aides s’offrent à elles. Elles peuvent être accompagnées à Rennes, au CIDFF, mais aussi lors de permanences gratuites organisées par l’ordre des avocats ou par des associations.

Le planning familial est un « mouvement féministe d’éducation populaire ». Il accueille et soutient au quotidien des femmes victimes de violences. Brigitte Rocher, directrice du planning familial à Rennes nous éclaire sur son rôle et ses missions.

Le planning familial 35 écoute et prend en charge de nombreuses femmes tout au long de l’année. Tous les mercredis après-midi, une permanence d’accueil pour les jeunes femmes victimes de violences dans leur relation sexuelle est tenue par une psychologue/ criminologue. Chaque mois, un groupe de parole est également organisé pour faire sortir les femmes de leur victimisation. Le centre est tout public : on trouve des lycéennes, des étudiantes, des salariées… en quête de réponses et d’accompagnement ; et le service ne désemplit pas. Et pour cause, les femmes osent d’avantage se confier : « Elles décrochent plus facilement leur téléphone, (même si les choses évoluent doucement) ».

Lors des entretiens, les professionnels constatent cependant qu’il subsiste « toujours de la honte et des difficultés à porter plainte », précise Brigitte Rocher. Dans le cas de viols conjugaux, la situation reste difficile à dénoncer : le « conjoint reste le père de leurs enfants ». Le Planning familial travaille en réseau :

« On les oriente vers d’autres associations comme l’Asfad lorsqu’il est question de logement, vers l’hôpital pour une problématique de médecine légale ou vers le commissariat pour un dépôt de plainte. »
Brigitte Rocher, directrice du Planning Familial.

La structure mène également des actions de prévention pour faire évoluer les choses et différents programmes sont proposés, notamment à destination des jeunes (dans les collèges, par exemple). Ils portent sur la santé de façon globale, sur les stéréotypes, sur la relation d’égalité entre les hommes et les femmes. Mais la structure manque de moyens. « Les projets sont difficiles à monter. On manque de subventions, notamment sur le groupe de parole, qui demande un travail thérapeutique important avec des professionnels », conclut la directrice du planning familial.

En région, l’INSEE classe la Bretagne à la 19e place sur 22 en 2004 avec 1,38 décès par mort violente au sein du couple par millions d’habitants (le ratio moyenne en France étant de 3,61). À Rennes, l’Asfad enregistre 1200 appels par an sur la plateforme Violences disponible 24h/24.

« 600 femmes font appel à nous chaque année, certaines nous contactant à plusieurs reprises », explique Hubert Lemonnier, responsable du service de prévention des violences conjugales et extra-familiales.

Spécialisée dans les violences conjugales, l’association, qui existe depuis 30 ans, accueille toutes celles qui sont en proie à des pressions physiques, psychologiques (humiliation, privation, chantage, etc.), économiques (suppression d’accès au compte bancaire, gestion des allocation, etc.) ou encore en situation de vulnérabilité (grossesse, santé fragilisée, handicap, statut adminstratif, etc.)

Le premier contact avec un professionnel – éducateurs-trices spécialisé(e)s – permet d’établir un diagnostic, de pouvoir comprendre et mesurer le risque qu’elles encourent.« Certaines posent la question « Est-ce de la violence ? » L’échange met des mots sur la situation », précise Hubert Lemonnier.

Selon les cas, elles pourront être orientées vers les différents partenaires de l’Asfad, comme le Planning familial, le CIDFF, SOS Victimes, UAIR (Union des association interculturelles de Rennes) ou encore vers les forces de l’ordre, « nous avons maintenant un travailleur social au poste de police, ce qui facilite les démarches pour porter plainte ».

Elles peuvent également être mises à l’abri grâce aux 5 appartements dont dispose l’association, situés à la résidence Brocéliande, route de Lorient. Durant 15 jours, les victimes de violences peuvent se reposer, établir de nouveaux repères et analyser tous les leviers de la sortie de l’urgence :

« Ce temps est renouvelable car la sortie de l’urgence et l’accès au logement peuvent être très long, nécessitant souvent une procédure devant le Juge des affaires familiales et des décisions judiciaires ».
Hubert Lemonnier, responsable du service de prévention des violences conjugales et extra-familiales.

Depuis fin octobre, des logements temporaires sont destinés à accueillir ces femmes à la résidence Patton.

LIEU DE REPOS ET D'ÉCOUTE

Autre nouveauté cette année, la mise en place de l’Accueil de jour, un service à l’écoute des femmes qui peuvent venir avec leurs enfants.

« C’est informel comme rencontre. On – la psychologue spécialisée dans les violences, qui travaille également auprès des femmes venant à la plateforme Violences, et moi-même – les reçoit, les écoute et on peut leur proposer des rendez-vous. Mais ce n’est pas obligatoire, nous ne mettons aucune condition. Elles peuvent venir simplement pour se reposer, nous avons aussi un coin cuisine et buanderie si elles ont besoin ».
Virginie Toby, éducatrice spécialisée et référente de l’accueil de jour.

Depuis janvier 2013, 32 « ménages » – femmes seules ou avec enfants – ont déjà passé la porte de ce service, qui sera inauguré le 28 novembre à 17h30. « Les enfants sont souvent le déclencheur. C’est-à-dire que les femmes victimes de violences taisent la situation tant qu’elles pensent que l’enfant n’est pas au courant. Elles les protègent jusqu’au jour où ils comprennent. Là, elles ont le déclic », explique Hubert Lemonnier.

Pour l’Asfad, pas question de mettre la pression à leurs interlocutrices, « on ne les force pas à se séparer de leur conjoint », précise Virginie Toby. Les pères peuvent venir à l’accueil de l’association, centrée sur le côté humain, et seront informés de la situation actuelle, de leurs nouveaux droits. Si les femmes souhaitent s’entretenir avec eux, l’Asfad leur permet de le faire au rez-de-chaussée du bâtiment.

« À travers la parentalité, on apaise le conflit conjugal. Le père reste le père à part entière. Ce qui est dommage aujourd’hui, c’est qu’aucune structure n’existe pour l’accompagnement et le soutien des hommes qui en formulent la demande », conclut Hubert Lemmonier.

Plateforme violences, 24h/24 : 02 99 54 44 88

Victime de violences conjugales, la comédienne Rachel Jouvet a décidé de témoigner autour de son expérience à travers la pièce « Je te veux impeccable, le cri d’une femme », mis en scène par la compagnie rennaise Quidam Théâtre. Pour YEGG, elle revient sur les faits, qui se sont déroulés à Mélesse.

Quel âge aviez-vous au moment des faits ?

Je l’ai rencontré à 17 ans. Huit mois plus tard, j’étais enceinte. Les choses allaient assez bien entre nous. Il m’avait isolé de mon entourage, sauf d’une copine de quartier avec qui j’allais à l’école. On se suffisait l’un à l’autre, comme beaucoup de jeunes couples.

L’isolement est un des signes. Y en a-t-il eu d’autres ?

Il me faisait des reproches sur ma personnalité, me disait que je le rendais malheureux et je le croyais. Puis, le jour où j’ai dépassé la date pour l’avortement et que je lui ai annoncé que je voulais le garder – ce qu’il voulait aussi – il m’a mis la première claque. Comme si désormais je lui appartenais. J’étais prise au piège.

Comment les violences ont-elles augmenté ?

Je subissais de plus en plus et plus en plus fort. Un soir, je suis rentrée, il était caché sur la terrasse de mes parents. Il m’a foutu les boules. Je lui ai reproché d’être ivre. Lui était euphorique. Le téléphone a sonné. Mes parents avaient une société et transféraient les appels. C’était un client, ça a duré deux minutes mais il hurlait et faisait l’andouille. Je lui ai tapé sur la cuisse pour lui dire de faire moins de bruit. Il m’a frappé comme jamais.

Comment avez-vous réagi ?

J’ai couru comme une dingo, enceinte de 7 mois, et j’ai pu aller jusqu’à la salle de danse. Là, il m’a cassé la mâchoire devant tout le monde. Double fracture. J’ai compris que c’était irrécupérable. Il avait dépassé les limites de l’entendement. J’ai passé la nuit à l’hôpital et le lendemain matin, mes parents m’ont emmené au poste de police.

Avez-vous porté plainte ?

Non. Les policiers ne m’ont donné aucune explication et aucune information sur la protection. Ils m’ont demandé « Est-ce que vous voulez porter plainte ? », j’ai dit non. Le médecin a déposé une plainte. Il pouvait le faire, les violences ayant eu lieu sur la voie publique. Ça m’a bien arrangée face à lui au tribunal. Il m’aurait forcé à me rétracter.

Votre entourage était-il au courant ?

Je cachais tout, j’étais la reine des excuses. Mais à l’école, ils me voyaient arriver avec des marques le matin. Il est même venu au lycée, un prof m’a prévenu et les élèves m’ont caché. J’essayais de me séparer de lui mais sans me mettre en danger, et sans mettre mes parents en danger.

À plusieurs reprises, vous êtes allée au tribunal. Comment ça s’est passé ?

Pas toujours très bien. Un expert psy a dit que je n’étais pas mûre parce que je n’essayais pas sur le long terme. Il ne voyait pas la dangerosité de l’homme et j’avais beaucoup de mal à le prouver. Lui, il disait n’importe quoi, c’était ridicule. Je me battais contre quelqu’un qui racontait sa propre vérité dans sa tête.

A-t-il été violent envers votre enfant ?

Quand elle avait 3 mois, il l’a enlevée. J’ai mis un mois à la récupérer. On savait qu’elle était chez lui. Sur conseils des services sociaux, je ne suis pas intervenue. Les policiers ont débarqué chez lui un matin et ont mis 1h30 pour la retrouver car il l’avait cachée sous une couette.

Aviez-vous la garde de l’enfant ?

Au début, non. Après ça, j’ai demandé la garde au tribunal. À partir de là, il m’a attaquée en justice pour tout et n’importe quoi. Il portait plainte pour abandon de famille, jouait la victime.

Est-ce que cela fonctionnait ?

Non, les juges et les greffiers avaient bien compris et ont essayé de lui expliquer plusieurs fois. Rien à faire. Il a étranglé mon père devant ses clients, crevé nos pneus de voiture, tout cassé dans la maison de mes parents… On a porté plainte à 13 reprises mais les procédures sont longues entre les conciliations, les convocations au tribunal, etc.

Jusqu’au jour où il n’a plus donné de nouvelles…

Il a écrit une lettre disant qu’il abandonnait sa fille, qu’il ne voulait plus entendre parler ni de moi, ni de ma famille. Deux mois plus tard, il a débarqué chez mes parents avec un fusil, à 2h du matin. Il a essayé de dégommer tout le monde. Ma mère a été touchée, moi aussi, je suis restée dans le coma. Mon père en est décédé.

Que s’est-il passé ensuite ?

Durant la période de coma, j’ai compris que j’allais être utile à la société à travers mon histoire. Je n’ai pas pu m’activer immédiatement car notre quotidien était transformé et on réalisait la mort de mon père. J’ai mis 5 ans avant de me souvenir de ce que j’avais vécu dans ce coma.

On essaye d’aller de l’avant, d’aller bien. Mais on ressent tellement de tristesse à l’intérieur. Je me demandais si j’allais pouvoir sourire et me sentir bien à nouveau. Puis, j’ai réfléchi à ce que je voulais faire de ma vie. Je voulais être comédienne et j’en faisais mon défi. Un an plus tard, je recevais mon premier cachet. À partir de là, tout était possible, tout était transformable, tout pouvait évoluer. Je savais que je pouvais décider s’il avait encore du pouvoir sur moi.

Votre ancien compagnon a été arrêté et incarcéré.

Oui, nous avons subi un procès d’assises très dur, il faut se souvenir de tout, témoigner. On sait que l’on va être jugé malgré tout. Je me sentais coupable, j’avais l’impression qu’on ne me reconnaissait pas comme victime, moins que ma mère. Au résultat, il est en prison depuis 1999 et devrait sortir en 2019.

S’est-il manifesté en 14 ans ?

Pas auprès de moi. Mais je sais que, 4 ans après son incarcération, il a envoyé une lettre de menaces à ma mère.

Vous avez souhaité le mettre en scène dans la pièce « Je te veux impeccable, le cri d’une femme ».

J’ai cherché beaucoup de témoignages pour savoir comment les autres s’en étaient sorties. J’étais alors embauchée dans la compagnie de Loïc Choneau. Il y a un an et demi, je suis arrivée au travail, un peu tourmentée et « connectée » avec mon ex. J’ai tout expliqué à Loïc. On s’est dit qu’il fallait qu’on l’écrive et que Isabelle Séné le joue.

N’est-ce pas douloureux de revivre cette histoire à chaque représentation ?

À la base, je ne voulais pas transposer ce fardeau sur les autres. Puis j’ai compris que j’avais une responsabilité humaine. Que mon père n’était pas mort pour rien ! Au final, c’est une histoire d’amour qui dégénère. La Première, livrée à Mélesse, était aussi un cadeau pour tous ceux qui m’ont soutenu.

Le débat qui suit le spectacle tourne autour des violences subies. N’y a-t-il jamais un côté voyeuriste ?

Non. Je ne rentre pas trop dans les détails. Il ne faut pas penser que je ressasse, au contraire j’avance en parlant aux gens et je trouve parfois des réponses que je n’avais pas. Cela me permet de mettre des mots sur un blocage que j’ai encore aujourd’hui. La peur de la relation de couple.

Etes-vous effrayée par la sortie de prison de votre ex-compagnon ?

C’est l’horreur. Mais je ne peux pas attendre les bras croisés. Ma thérapie et le spectacle m’aident à me dire que j’ai encore de très belles choses à vivre. Peut-être qu’avant sa sortie, j’irais le voir. Une rencontre encadrée par des psychologues. Pour essayer de discuter, de comprendre et d’analyser. Voir où il en est.

Peut-on parler de pardon ?

Lui pardonner me paraissait fou il y a quelques années. Aujourd’hui, oui, j’ai réussi, sans oublier ce que nous avons vécu. À présent, je suis contente de la vie que je mène. Ce que j’espère, c’est dépasser mes limites encore et encore. Je serai fière de lui s’il était capable de se remettre en question car je lui souhaite de vivre sa vie sereinement.

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Des paroles face à la violence
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Le Planning Familial : une structure à votre écoute !
Protection et accompagnement des victimes
Entretien avec Rachel Jouvet

Célian Ramis

Prenez soin de vos seins

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Mois dédié à la prévention contre le cancer du sein, Octobre rose sensibilise les femmes à l’importance du dépistage. Il ne les exempte pas de s’en préoccuper en dehors de cette période.
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Mois dédié à la prévention contre le cancer du sein, Octobre rose sensibilise les femmes à l’importance du dépistage. Il ne les exempte pas de s’en préoccuper en dehors de cette période.

En Ille-et-Vilaine, 120 000 femmes sont concernées par le dépistage organisé du cancer du sein, c’est-à-dire qu’elles ont entre 50 et 74 ans et ne présentent pas de risques de cancer génétique. Elles bénéficient alors d’un examen clinique et d’une mammographie, 100% pris en charge par la Sécurité sociale, tous les 2 ans. En Bretagne, 65% des femmes participent au dépistage organisé sur 24 mois. « Le taux est important dans la région car nous avons été pilote en 1995, avant que le Plan Cancer ne soit lancé en national », explique Martine Denis, médecin coordinateur pour l’ADECI 35 – association pour le dépistage des cancers en Ille-et-Vilaine.

Les campagnes de dépistage sont parfois controversées : « Certaines anomalies détectées pourraient ne jamais évoluer mais sont traitées comme des tumeurs cancérigènes. La recherche travaille sur ce sujet, pour nous permettre de déterminer s’il est nécessaire d’opérer ou non et ainsi éviter cela à la patiente », précise Martine Denis. Toutefois, détecté à un stade précoce, le taux de survie est important. Selon les statistiques de l’Institut National du Cancer, 9 cas sur 10 sont guéris lorsque la tumeur fait moins d’un centimètre. On reconnaît aussi une baisse de la mortalité dans les 15 dernières années, bien que celle-ci ne soit pas chiffrée précisément.

Que ce soit pour le dépistage ou le diagnostic, la capitale bretonne détient un pôle important dédié à la sénologie. L’institut Rennais du Sein dispose d’une équipe médicale et chirurgicale issue du Centre Eugène Marquis, du CHU de Rennes et de la clinique La Sagesse.

Le dépistage organisé du cancer du sein concerne les femmes âgées de 50 à 74 ans, excepté celles qui présentent des facteurs à risque (antécédents familiaux, gène BRCA1).

Dans cette tranche d’âge, il est conseillé de renouveler le dépistage tous les deux ans. « C’est la périodicité la plus efficace pour diminuer la mortalité par cancer du sein, explique Brigitte De Korvin, radiologue et chef du département d’imagerie médicale – dont la sénologie – au Centre Eugène Marquis. D’autres fréquences ont été testées, en Suède par exemple sur une période de trois ans, mais révèlent trop de « cancers de l’intervalle » entre la deuxième et la troisième année. »

Proposé par le médecin traitant, l’examen – pris en charge à 100% par la Sécurité sociale – est gratuit pour les patientes. Ce dernier est composé d’une consultation clinique et d’une mammographie de dépistage durant laquelle plusieurs clichés sont réalisés au niveau des deux seins : incidence face et incidence oblique, soit la première où le sein est à plat et la deuxième où le sein est incliné à 45°, cette dernière étant la plus adaptée au dépistage.

« On adapte selon la morphologie afin de visualiser toute la glande mammaire. Mais que les femmes se rassurent, ce n’est pas douloureux en général ».
Brigitte De Korvin, radiologue et chef du département d’imagerie médicale.

Les radios – effectuées par environ 40 000 femmes par an en Ille-et-Vilaine dans le cadre du dépistage organisé – sont ensuite soumises à une deuxième lecture et peuvent être complétées immédiatement par d’autres clichés.

DIAGNOSTIC

La mammographie peut également être utilisée pour le diagnostic, « lorsqu’une anomalie (chaque anomalie n’est pas synonyme de tumeur cancérigène, ndlr) est détectée ». Les professionnels bénéficient de plusieurs examens aidant au diagnostic, dont la microbiopsie et la macrobiopsie. Toutes les deux réalisées sous anesthésie locale.

La première permet, à l’aide d’une aiguille, de prélever par « tru cut » (système employé pour des prélèvements multiples) un fragment de tissu dans le nodule repéré au préalable. Une échographie est effectuée au même moment « pour suivre précisément le trajet de l’aiguille ». L’échantillon, placé dans un produit de fixation, est envoyé au laboratoire d’analyse qui détermine si tumeur il y a ou non (qu’elle soit bénigne ou maligne).

La deuxième est souvent requise lorsque l’anomalie découverte n’est pas palpable. « Elle permet de prélever des cellules appelées les calcifications » logées dans le canal de lactation du sein. L’échantillon analysé « sert à définir s’il y a besoin d’opération ou non. En général, il s’agit de cancers intracanalaires et sont non-invasifs », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas traversé la paroi du canal de lactation et ne devraient pas développer des métastases.

La patiente est allongée sur une table et son sein, placé dans un appareil semblable à celui de la mammographie. Une aiguille, assistée par ordinateur – pour une meilleure précision de la localisation des calcifications – permet de prélever ces cellules.

Différents traitements existent aujourd’hui pour lutter contre le cancer du sein : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie, anticorps monoclonaux. Dr Cécile Bendavid-Athias, chirurgien, et Dr Claudia Lefeuvre-Plesse, cancérologue et spécialiste de la chimiothérapie, exercent au Centre Eugène Marquis et nous éclairent sur le sujet.

Associés entre eux ou appliqués seuls, ils reposent sur le retrait de la tumeur et sur la suppression de toutes les cellules cancéreuses. Tous sont adaptés aux caractéristiques de la patiente dans le but de guérir et d’éviter toute récidive. Ils sont personnalisés et font l’objet d’une décision collégiale, où une équipe pluridisciplinaire choisit des traitements appropriés pour la patiente. « La taille, les caractéristiques de la lésion (le profil tumoral), la présence d’une atteinte de ganglions et l’âge de la patiente » sont déterminants pour définir le choix et l’ordre des traitements, explique Claudia Lefeuvre-Plesse.

La chirurgie est, dans la majorité des cas, le traitement de base. Elle peut être soit conservatrice lors d’une tumorectomie, soit ablative lors d’une mastectomie totale. Dans le premier cas, seule la tumeur est enlevée et non la totalité du sein. Dans le second, l’intégralité de la glande mammaire, dont l’aréole et le mamelon, est retirée. Selon Cécile Bendavid-Athias, « la majorité des femmes concernée par cette maladie conservent leur seins ». Cela est, en partie, lié « au dépistage et à l’évolution des techniques chirurgicales ».

De la même façon, le prélèvement des ganglions de l’aisselle est limité dès que possible au premier de la chaîne (Technique du Ganglion Sentinelle). Le prélèvement des autres ganglions dépendra de l’atteinte ou non de celui dit sentinelle. Au Centre Eugène Marquis, l’analyse de ce dernier se fait pendant l’intervention grâce à une technique de biologie moléculaire (OSNA). Ainsi, si l’indication se pose, le prélèvement des autres ganglions peut être effectué durant la même intervention ce qui évite aux patientes une seconde chirurgie.

Avant ou après avoir subi ces interventions, d’autres méthodes thérapeutiques sont également proposées aux patientes.

La radiothérapie :

Traitement local avec des appareils émettant des rayons qui a pour objectif  de détruire les cellules cancéreuses éventuellement résiduelles après la chirurgie et de limiter le risque de récidive locale.

La chimiothérapie :

Traitement général, médicamenteux, qui a pour mission d’éliminer les cellules cancéreuses et d’éviter qu’elles ne se multiplient. Appelée adjuvante lorsqu’elle est prescrite après une opération chirurgicale, son but est de détruire une maladie microscopique résiduelle. Elle peut aussi être effectuée 3 à 4 mois avant une intervention pour réduire la taille de la tumeur et envisager une chirurgie conservatrice. On parle alors de chimiothérapie néo-adjuvante.

L’hormonothérapie :

Elle agit sur l’ensemble du corps et vise à empêcher les hormones féminines comme les œstrogènes d’agir sur les cellules cancéreuses. Elle est destinée aux femmes qui ont un cancer hormonosensible, c’est-à-dire dont le développement est influencé par les hormones. Traitement par médicament.

Les anticorps monoclonaux :

Ils sont proposés aux patientes qui possèdent une tumeur qui sur-exprime à la surface de leurs cellules des protéines appelées HER2 et ont pour effet de stimuler la production de cellules cancéreuses. L’anticorps, nommés Trastuzumab, empêche cette action nocive.

Ces traitements s’accompagnent systématiquement d’une prise en charge globale (suivi psychologique, ateliers de groupe, kinésithérapie…) et entraînent, dans la plupart des cas,  des effets secondaires qui varient d’une patiente à une autre.

En dépit de l’efficacité démontrée de ces différents traitements, les scientifiques poursuivent leurs recherches pour les améliorer ou sont en quête de nouvelles méthodes. Actuellement selon Cécile Bendavid-Athias, elles sont tournées vers  « la biologie ou l’analyse moléculaire des cancers, pour mieux cibler les anomalies et personnaliser le traitement ». « Des essais sont également en cours sur la possibilité de réaliser dans certains cas une radiothérapie partielle ciblant uniquement la zone opérée et non plus la totalité du sein », précise la chirurgienne.

Âgée de 30 ans lorsqu’elle détecte une tumeur au sein gauche, Isabelle Rolland a connu la chimiothérapie, le traitement par rayons mais aussi l’ablation des deux seins, il y a deux ans, lorsque la maladie s’est à nouveau déclarée. Dynamique et positive, cette mère de trois enfants revient sur les différentes étapes de son cancer.

Le premier cancer a-t-il été dépisté lors d’un examen gynécologique, puis par la mammographie ?

C’est un peu particulier. Dans mon cas, j’ai effectué ma première mammographie à 29 ans car il s’agit d’un cancer génétique. Je suis donc une personne à risque. Ma mère a eu trois cancers, dont deux du sein – le premier à 33 ans. Elle est décédée à 47 ans. J’ai toujours fait attention, je vais chez la gynécologue tous les ans, j’ai un suivi IRM chaque année et j’ai appris à palper ma poitrine.

Est-ce grâce à ce suivi que la maladie a été dépistée ?

Lors de la mammographie, rien n’a été détecté. Pourtant, j’avais le sein lourd. Quelques mois plus tard, en palpant, j’ai trouvé la tumeur. Elle faisait 5 cm de diamètre. Mais j’ai mis beaucoup de temps avant de la percevoir. D’où, selon moi, l’importance du palpé. Les femmes ne le font pas. J’avais 9 ans lorsque ma mère a eu son premier cancer, ça fait donc parti de moi et le geste est naturel. Pour la suite, je suis allée voir mon médecin généraliste qui m’a prescrit les examens, j’ai fait une échographie et une biopsie.

Est-ce en palpant que vous avez découvert la seconde tumeur ?

Oui, j’ai continué de le faire et, il y a deux ans, j’ai détecté une boule dans chaque sein. J’ai subi une ablation des deux côtés. Comme j’avais 40 ans à ce moment-là, on a aussi décidé d’enlever les ovaires.

Afin de limiter les risques de cancer des ovaires ?

Oui. En fait, lorsque la maladie est génétique, les risques sont plus importants. C’est dû au gène BRCA1. Qui peut aussi toucher les hommes puisque c’est héréditaire. Au niveau de la prostate, mais aussi du sein. Ça, on le sait moins car c’est minime.

Quelles difficultés avez-vous rencontré lors des différentes étapes de la maladie ?

J’avais déjà deux enfants et, avec mon mari, nous en voulions un troisième. À cause du premier cancer, nous avons dû « décaler » mais nous l’avons eu. La vie n’est pas finie après le cancer. L’ablation aussi, puis survient le deuil de la féminité. Je suis actuellement en reconstruction.

Vous parlez de reconstruction psychologique ?

Physique. Je subis 6 opérations – à trois mois d’intervalle à chaque fois pour permettre la vascularisation – pour une autogreffe, à la clinique de la Sagesse. On ne pose pas de prothèse mammaire, on prend de la graisse dans certaines parties du corps. Et pas forcément dans celles qu’on voudrait pour maigrir (rires) ! Cela permet d’obtenir un effet plus naturel. Mais on sait bien que ça ne ressemblera jamais à la perfection à notre vraie poitrine.

Qu’avez-vous ressenti lors de l’annonce de votre cancer ?

Je m’y attendais, je savais que ça pouvait arriver même si j’espérais que non. Après, il y a forcément la peur de la mort, ma mère en étant décédée. Il y a aussi l’angoisse de laisser ses enfants sans leur maman. Ça change une personne malgré tout. Les choses de la vie paraissent plus simples. On relativise plus. Et c’est ça que je veux transmettre aux gens – atteints ou non d’un cancer : soyez heureux, la vie est belle ! Ceux qui se plaignent sont souvent en bonne santé. Faisons confiance à la vie, c’est important. C’est une sacrée épreuve, on a peur mais quand on a la chance de s’en sortir, car c’est une chance, on pense autrement.

Et pour votre entourage ?

Dans ma famille, tout le monde savait pour ma maman. Mais c’est très compliqué. On fait le tri en tout cas. J’ai perdu 50% de mon entourage lors du premier cancer, et encore 50% lors du second. C’est difficile. Souvent, ils ont peur pour eux car cela leur renvoie leur propre angoisse de la mort. Et puis, sous chimio, on change de tête. Je suis quelqu’un de dynamique mais, sans cheveux, sans sourcils, ça faisait peur.

Puis, vous avez guéri. Est-ce un terme que vous utilisez ?

Je sais que cela fait polémique. Parler de guérison ou de rémission… Je préfère « guérir » car il permet d’aller de l’avant selon moi. Si on reste avec l’idée d’une récidive – terme terrifiant aussi – on ne vit pas.

Et pourtant, vous avez eu un second cancer…

Oui, n’ayant pas subi d’ablation la première fois, je savais que le risque était encore présent. Mais le risque 0 n’existe pas. Et même après ablation, on peut avoir un cancer du sein même si maintenant je suis passée de 50% minimum à 5%. On parle du cas Angelina Jolie. Il y a des pour et des contre. Ça dépend de l’âge auquel on le fait. On ne le vit pas de la même manière à 40 ans et à 20 ans. Mais pour ce dernier, je trouve qu’on enlève une partie de la féminité beaucoup trop tôt.

À 40 ans, aussi. Non ?

Evidemment ! C’est aussi la partie sexuelle qu’on nous enlève, et ça on n’en parle pas. Alors parlons-en ! En tant que femme, la poitrine est une zone importante dans ce domaine-là. Et puis, on a envie de remettre des décolletés, ne plus faire attention à ce qu’on porte car on ne peut pas porter de vêtements moulants. Pour parler crument, on ne peut plus avoir les tétons qui pointent quand on en n’a plus. Il y a quand même une perte au niveau de la sexualité.

Des groupes de parole existent-ils pour évoquer ces sujets-là ?

Oui, bien sûr. Je suis suivie au Centre Eugène Marquis et Anne Bridel, de la Ligue contre le cancer 35, organise des ateliers grâce à ERI, un centre d’informations et d’écoute des patientes mis en place par la Ligue. « Et après ? » nous permet de discuter entre nous de tout : douleurs, reconstruction, nourriture, relationnel avec les autres… C’est ouvert à tous mais étrangement il n’y a que des femmes ayant été atteintes de cancers du sein.

La parole au sein de ces groupes est-elle plus libre ?

Il y a une facilité dans la rencontre et dans la discussion, c’est certain. On peut se parler sans se dire que l’autre, en face, ne nous comprend pas. L’expérience commune nous permet de partager cela facilement. En chimio, comme dans les ateliers, je me suis fait des amies. Et nous continuons de nous voir en dehors. Nous avons d’ailleurs créé un comité de patients au Centre Eugène Marquis. Je me sers de ce qui m’est arrivé pour les autres. J’en ai fait une force.

En quoi consiste ce comité ?

Nous avons signé la charte jeudi 19 septembre. Notre rôle est de rassembler les idées des différentes personnes (les patients peuvent envoyer des mails à l’adresse suivante : comitepatients@orange.fr, ndlr). Selon les besoins, les points à améliorer, nous voyons ce qui est possible de faire avec la Direction. Et on les met en place lorsque cela est envisageable. C’est important pour moi de participer à la création et au développement de ce comité. Je suis quelqu’un de positif, qui veut avancer et qui sait profiter de la vie ! Mes enfants aussi me donnent la pêche.

Tout comme vous l’avez été, vos enfants sont-ils sensibilisés à ce sujet ?

Avec mon mari, nous avons expliqué à nos enfants ce qu’était le cancer, lorsque j’étais malade. Nous sommes pour la transparence (dixit son mari lors de l’interview, ndlr). Comme c’est génétique, ils sont au courant. Mais nous ne les embêtons pas avec ça. L’aînée a 17 ans mais ne pourra demander une prise de sang, pour déterminer si elle porte le gène ou non, que lorsqu’elle sera majeure. La loi sur la génétique interdit de le faire avant. Mon fils a 13 ans et la benjamine a 6 ans et demi. Ils ont le temps.

Pourquoi devoir attendre 18 ans ?

Je ne connais pas les raisons, certainement pour s’assurer que l’enfant aura entre les mains tous les tenants et aboutissants de cette décision. Mais je me dis que quand on a un gène qui peut entrainer la mort, le regard des autres changent. Cela peut entrainer de lourdes conséquences. Il faut se préserver. Et puis je suis pour vivre l’instant présent. L’essentiel est de trouver ce qui nous rend heureux. Parfois on a envie de craquer, surtout les premières fois – mammographie, chimio, ablation… – mais on trouve des ressources pour soi, pour son entourage et pour ses enfants ! C’est ça l’important !

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Rencontre avec Isabelle Rolland

Célian Ramis

Rentrée rennaise : Ambitions, attentes, actions

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Féminisme, politique, économie, vie quotidienne, culture… panorama de ce qui rythmera Rennes dans les mois à venir… Toujours au féminin !
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C’est la rentrée ! L’occasion pour YEGG de faire un point sur les grands chantiers de l’année 2013-2014. Féminisme, politique, économie, vie quotidienne, culture… panorama de ce qui rythmera Rennes dans les mois à venir… Toujours au féminin !

L’élue adjointe au maire de Rennes, déléguée aux droits des femmes, répond aux questions de YEGG concernant la politique menée par la ville pour l’égalité des sexes.

YEGG : Que pensez-vous de la loi-cadre pour l’égalité entre les femmes et les hommes, présentée en conseil des ministres le 3 juillet par Najat Vallaud-Belkacem ?

Jocelyne Bougeard : Je suis en contact permanent avec le ministère des Droits des femmes puisque je siège au Haut conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes. La loi proposée mérite toute notre attention puisqu’elle engage les collectivités, ce qui est assez nouveau. Ces dernières doivent travailler sur les droits des femmes ! Certaines dimensions de la loi vont encore être complétées, notamment en ce qui concerne les retraites, les gardes d’enfant, etc.

Vous parlez aussi de la dimension de l’égalité au travail ?

Le premier emploi des femmes est agent d’entretien. Scandaleux quand on sait qu’en réalité elles sont plus qualifiées et diplômées que les hommes. La ville de Rennes est le 3e employeur de la région avec près de 300 métiers et détient le label Egalité professionnelle. Aujourd’hui, notre objectif est de maintenir et/ou initier des actions spécifiques et des actions transversales.

D’où la signature de la charte européenne pour l’égalité entre les hommes et les femmes…

En effet, nous l’avons signée en 2006 et en juillet, le conseil municipal a signé un plan d’actions associé à cette charte, qui contient des actions déjà engagées dans notre politique, ainsi que nos objectifs. Nous avons défini 30 articles, à partir de nos constats et de l’identité de notre territoire.

Quels sont les points principaux de ce plan d’actions ?

Le principal axe de travail est de sensibiliser et d’informer la population tout au long de l’année. Et pas seulement de mettre en place des actions le 8 mars et le 25 novembre (journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes). Ensuite, la charte se concentre sur le travail des femmes dans sa globalité, c’est-à-dire qu’elle comprend les conditions des femmes au travail et l’égalité professionnelle. Car il faut savoir que, dans ce domaine, les lois ont 30 ans !

Peut-on vraiment « forcer » l’égalité professionnelle à travers une loi ?

Il est évident qu’il ne s’agit pas de licencier des hommes pour mettre des femmes à leur place. La loi n’est pas une option, ni une orientation, mais une mesure législative qui doit sécuriser les compétences de chacun et les mettre en avant. A compétences égales, les femmes doivent pouvoir accéder aux postes de cadres au même titre que les hommes. Nous avons un travail à fournir en amont pour proposer une éducation à l’égalité. Il est important de se reconnaître dans sa différence et sa richesse. Savoir que les hommes et les femmes ne sont pas complémentaires. Ils sont égaux.

Qu’en est-il de la défense des droits des femmes dans la campagne municipale ?

Le programme n’est pas définitif et officiel. La candidate socialiste Nathalie Appéré ne défendra pas simplement les femmes mais l’égalité entre les hommes et les femmes.

1 – Les chaises municipales : En 2014, les citoyens sont appelés aux urnes à l’occasion des élections municipales. Les 23 et 30 mars, les Rennais éliront un nouveau (une nouvelle ?) chef de file, Daniel Delaveau ayant annoncé en décembre dernier qu’il ne se présenterait pas pour un second mandat. C’est Nathalie Appéré, actuellement députée de la deuxième circonscription d’Ille-et-Vilaine et conseillère municipale déléguée au suivi du centre-ancien, qui a été désignée candidate du Parti Socialiste.

Elle s’opposera alors à Bruno Chavanat (UDI, ex-UMP), leader de l’opposition rennaise et conseiller municipal. Du côté d’Europe Ecologie Les Verts, une assemblée générale est organisée le 28 septembre afin de désigner le ou la candidate du parti, qui a d’ores et déjà annoncé qu’il présenterait une grande liste alternative. Cependant, aucune alliance avec les forces de gauche n’a pas été officialisée. En tête de liste du Front National se trouve Gérard de Mellon, dont l’objectif est de faire entrer son parti pour la première fois à la mairie de Rennes. Le Parti Pirate pourrait aussi se lancer dans la course aux Municipales en constituant une « liste citoyenne ». Rien n’a encore été officialisé depuis cette annonce en avril dernier. Les Français seront également sollicités le 25 mai 2014 pour les élections européennes.

2 – Pas de trêve : Selon le rapport 2013 de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France, il apparaît que 3,6 millions de personnes sont mal-logées, dont 685 000 sans domicile personnel, dans l’hexagone. À Rennes, la situation ne fait pas exception. Pour pallier aux difficultés de se loger, plusieurs associations se mobilisent tout au long de l’année. Comme le Droit Au Logement 35 ou encore Un Toit, c’est Un Droit qui réquisitionnent des lieux et accompagnent les sans-abris, majoritairement immigrés, en leur apportant une aide matérielle, juridique et/ou administrative.

Moins connue du grand public, l’association Foyer Saint-Benoit Labre, à Rennes, lutte contre le mal-logement au quotidien. Accueil, hébergement d’urgence et temporaire, accompagnement et insertion des personnes en difficulté sociale sont les principales missions du Foyer. En cette rentrée, l’association annonce sa collaboration avec d’autres structures, telles que le Service Intégré d’Accueil et d’Orientation 35, dépendant du ministère de l’Égalité des territoires et du Logement. Ensemble, ils développeront leur programme d’actions, le 10 septembre.

3 – Lien avec l’extérieur : Début septembre, la ville de Rennes a signé trois conventions de partenariat pour le renforcement de sa politique de prévention de la délinquance et de médiation, en privilégiant les liens entre les détenus et l’extérieur. Sont concernées l’association Enjeux d’enfants Grand Ouest, chargée d’accompagner et d’aider la relation entre un enfant et son parent incarcéré, Brin de Soleil Rennes, qui œuvre pour l’accueil et l’hébergement temporaire des proches des détenus en attente de parloir et SOS Victimes 35, accompagnant les victimes d’infractions pénales.

Elles ont reçu respectivement 9 000, 8 000 et 15 033 euros de subvention pour l’année 2013. Le partenariat, valable un an et renouvelable deux fois, se base évidemment sur un échange de bon procédé. De son côté, la ville de Rennes s’engage à transmettre les informations en lien avec les missions de ces associations et se doit d’apporter son soutien aux actions et manifestations organisées. En contrepartie, les trois structures éclaireront de leurs expertises des groupes de travail, des séminaires et des situations spécifiques organisés par la municipalité.

1 – Centre commercial recrute employés : Le centre Alma, en plein travaux depuis 17 mois, s’étend sur 30 000 m2 supplémentaires et se rénove pour accueillir 40 nouvelles boutiques qui seront dévoilées le 23 octobre prochain à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle version. Gaëlle Aubrée, directrice depuis deux ans du centre commercial l’a annoncé en mai dernier : 200 nouveaux emplois seront créés dès la rentrée de septembre dans l’établissment qu’elle dirige.

Ces recrutements sont issus de la signature d’une convention entre le centre Alma et la Maison de l’emploi, de l’insertion et de la formation (Meif), présidée par Gwenaële Hamon (par ailleurs adjointe au Maire de Rennes). Le compromis favorise, entre autre, l’embauche de salariés issus des quartiers environnant au centre commercial (Brequigny, Le Blosne). L’objectif est de privilégier les recutements « de proximité » et de redynamiser le sud de Rennes. Ainsi, la plupart des candidatures ont été centralisées à la Meif ainsi qu’à Pôle emploi. L’essentiel des postes à pourvoir concernent des emplois liés à la vente ou au ménage.

2 – PSA se barre : L’industrie rennaise a-t-elle encore de l’avenir ? La situation de PSA-La Janais sera en tout cas observée de très près en ce dernier trimestre de l’année 2013. La direction du fabriquant automobile a d’ores et déjà fait savoir que sept à huit jours seraient chômés en septembre, dix en octobre et six en novembre. Le plan social validé en avril dernier par le Comité central d’entreprise de PSA prévoit la suppression de 1 400 postes sur les 5 500 que compte le site rennais. La Janais, située à Chartres-de-Bretagne, ne sera pas pour autant laissée à l’abandon.

La SNCF, le groupe Pigeon et l’entreprise B3Eco Design ont, en effet, fait savoir leur souhait de s’implanter sur les terres de Peugeot-Citroën. Des annonces qui laissent entrevoir la possibilité d’embauches pour les futurs-ex PSA, et ce, dès septembre pour un début d’activité en fin d’année. La désindustrialisation devrait toutefois toucher un autre lieu historique de la capitale bretonne puisque la direction de Cooper standard a annoncé le transfert des activités de la Barre Thomas, possiblement vers une future usine construite à Châteaubourg.

3 – Re-Retraites : Une nouvelle fois sur le devant de la scène médiatique et politique, la réforme des retraites risque de provoquer plus d’un mécontentement, voire un automne explosif, et pas seulement à Paris. À Rennes, les forces syndicales ont déjà appelé à manifester ce 10 septembre place de la Mairie contre le projet de loi engagé par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault qui prévoit, entre autre, l’allongement à 43 annuités la durée de cotisation pour une retraite à taux plein. La pénibilité du travail devrait également être prise en compte dans le calcul des pensions.

La CGT, FO et Solidaires ont dénoncé, dans un communiqué unitaire, ces premières mesures ainsi que l’opposition entre le secteur public et le privé. Les syndicats soulignent la difficulté pour des jeunes, dont les études sont de plus en plus longues, à atteindre la durée de cotisation minimum. Ils réclament aussi la sortie « des logiques qui ont diminué le niveau des pensions et crée des inégalités entre les femmes et les hommes ».

1 – Qui a eu cette idée folle ? : Depuis le 3 septembre, plus de 13 000 petits rennais ont retrouvé les bancs de l’école et le lot de nouveautés qui les accompagnent. Désormais, pour les élèves des 81 établissements publics de primaire et maternelle, la classe c’est 4,5 jours par semaine. C’est en effet dès cette rentrée que la très discutée réforme des rythmes scolaires (voir notre Focus dans le n°14 de YEGG-Mai 2013) entre en application à Rennes.

Cette nouvelle organisation prévoit une concentration des matières fondamentales le matin, une pause méridienne allongée permetant la pratique d’activités encadrées, deux heures de cours l’après-midi puis la mise en place d’ateliers périscolaires en lien avec le tissu associatif local. L’enseignement privé appliquera ces nouveux horaires dès septembre 2014. Et la rentrée s’annonce particulièrement chargée pour les professionnels de l’Éducation de la capitale bretonne puisque la ville compte 600 écoliers de plus que l’année dernière. Une augmentation de la démographie compensée cette année par l’embauche de 65 professeurs des écoles supplémentaires dans l’Académie de Rennes.

2 – Souriez : Alors que Marseille a occupé une place de choix cet été dans les rubriques faits divers des journaux français, Rennes a décidé de jouer la carte de la sécurité. Ou en tout cas du sentiment de sécurité. Le conseil municipal du mois de juillet a permis d’acter l’installation de trois caméras de vidéo-surveillance supplémentaires, sous les arcades de la place de la République. Une décision qui porte à 28 le nombre d’outils aussi baptisés « vidéo-pro­tection » à Rennes.

Rappelons qu’en mars dernier, les élus rennais avaient voté l’implantation de quatre caméras dans le quartier du Gros-Chêne, au nord de Rennes. Mais c’est au sud de la ville que la mairie a du faire face à des difficultés cet été. Le Blosne a en effet été le théâtre de conflits communautaires et de vives tensions entre les policiers et certains habitants. Les questions liées à la protection de la personne seront sans nul doute au coeur des prochaines élections municipales. Bruno Chavanat, leader de l’opposition municipale et candidat de la droite à la mairie, a en effet interpellé plusieurs fois la majorité socialiste sur ces faits divers lors de conseils municipaux.

3 – Les grands travaux : Sensible au bruit ? Quittez Rennes ! C’est en 2014 que le gros des travaux commencera pour la construction de la ligne B du métro. Elle rejoindra le sud-ouest de la ville au nord-est en passant par la place Sainte-Anne, laquelle accueillera également le futur Centre des congrès en lieu et place de l’ancien couvent des Jacobins. Autres travaux importants dans le centre-ville, ceux destinés à transformer le mail François Mitterrand.

Ce qui était il y a quelques mois encore un parking pouvant accueillir 400 véhicules se transformera en un grand espace réservé aux piétons dans l’objectif de lier de façon plus fluide le centre-ville et l’ouest de Rennes. Les travaux autour de la gare se poursuivront aussi pour accueillir le futur quartier Eurorennes à l’horizon 2020. Au nord, c’est la zone Maurepas- Gayeulles qui entamera sa rénovation. Les premiers travaux débuteront au printemps 2014 et s’étenderont sur au moins… 15 ans ! Le projet de la mairie prévoit la construction d’environ 1 200 logements et la démolition de 366. Le centre commercial du Gast, implanté au coeur de Maurepas, qui accueillera une station de métro de la ligne B, sera également rénové.

1 – Les marquises de Sévigné : S’il y a une institution culturelle qui met les femmes à l’honneur, c’est bien le Carré Sévigné, à Cesson. Cette année encore, Carole Lardoux, directrice artistique du lieu, se démarque des autres salles de spectacles de Rennes et de ses alentours en proposant une programmation audacieuse que nous serions tentés de qualifier de « féministe », au pire féminine. Meriem Menant, qui inaugurera la saison 2013-2014 le 8 octobre prochain, enfilera, à trois reprises son costume d’Emma la clown.

Côté musique, on attend le trio vocal humoristique Les Amuses Girls, les chanteuses et musiciennes Claire Diterzi, Rokia Traoré, Brigitte Fontaine ou encore Suzy Firth et son spectacle « Women & Song » . On attend particulièrement Modèles, par la compagnie La part des Anges. Les neuf auteures de la pièce et six comédiennes tenteront de répondre à cette question : « Qu’est-ce qu’être une femme en 2013 ? » Côté danse, Passion simple, de la compagnie L’éolienne, explore les mécanismes de la passion à travers quatre solos féminins. Toute la programmation et les infos pratiques sur www.ville-cesson-sevigne.fr

2 – Toutes en Trans : C’est LE rendez-vous culturel de début décembre à Rennes. Les Trans musicales mettront à l’honneur du 5 au 7 décembre prochain les talents émergeants de la scène musiques actuelles. L’édition 2013 est particulièrement attendue puisque le festival fêtera ses 35 ans. Pour autant, Béatrice Macé et Jean-Louis Brossard, co-directeurs de l’ATM (association Trans musicales) ont d’ores et déjà fait savoir qu’il s’agirait d’un « non anniversaire » . On se consolera avec une prog’ dont, à l’heure où nous écrivons ces lignes, vingt-huit noms ont été dévoilés. YEGG attend avec impatience les canadiens de Chic Gamine (quatre chanteuses et un batteur percussionniste).

La formation d’outre Atlantique allie avec une certaine aisance r’n'b, pop et soul music recréant ainsi une ambiance de soirées entre bonnes copines qui donnent de la voix. Autre chanteuse attendue, La Yegros. Elle vient d’Argentine où elle est considérée comme « la reine de l’underground ». L’ATM nous promet « une fête totale » grâce à un mélange de musique traditionnelle de son pays et de danse africaine. Enfin, on garde bien évidemment un oeil sur les quatre rennais de Superets.

3 – Une bouffée d’Aire : Programmation culturelle particulièrement attendue en cette saison 2013-2014 : celle de L’Aire Libre. Le « théâtre pour une parole vivante » implanté à Saint-Jacques de la Lande et racheté en janvier dernier par Maël Le Goff et Émilie Audren, co-directeurs du festival Mythos, fera pour la première fois sa rentrée en même temps que les autres structures rennaises. Si, à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’ensemble des rendez-vous n’ont pas été annoncés, on sait d’ores et déjà que cette fin d’année 2013 ne sera pas placée sous le signe de la féminité…

Sur les cinq noms dévoilés sur le site internet du théâtre (parmi lesquels Dominique A), presque pas de femme, hormis le trio allemand She she pop, qui présentera « Testament », du 14 au 16 novembre, dans le cadre du festival Mettre en scène. On compte donc sur l’année 2014 pour redresser la barre. Autre enjeux pour les programmateurs, faire cohabiter des propositions de lieu culturel avec celles de festival. L’Aire Libre deviendra-t-elle la vitrine de Mythos ? À moins que le rendez-vous annuel implanté dans le parc du Thabor permette à une salle de spectacles excentrée de se faire un nom… Réponse dans quelques mois.

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2013 - 2014 : Votre ville en mouvement
Féminisme : Jocelyne Bougeard
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Culture : Femmes en scène

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