Célian Ramis
La charge raciale ou l’aliénation imposée aux personnes racisées

On connait bien le concept de la charge mentale qui incombe encore majoritairement aux femmes mais moins celui de la charge raciale qui, pourtant, pèse quotidiennement sur les personnes subissant assignations raciales, micro-agressions permanentes et injonctions à ne pas faire de vague. De là, se mettent en place une batterie de stratégies d’évitement, d’adaptation et de survie dans une société hostile à la reconnaissance et l’acceptation de leurs identités, de leurs histoires et du poids de leur héritage commun.
« Une tâche épuisante d’expliquer, de traduire, de rendre intelligibles les situations violentes, discriminantes ou racistes. » Voilà comment Maboula Soumahoro, maitresse de conférences en civilisation du monde anglophone et autrice, décrit la charge raciale. Pour la journaliste et sociologue Douce Dibondo, la rencontre avec ce terme, expliqué dans une tribune parue dans Libération, opère comme un déclic. « Je me rends compte, en 2017, que c’est vertigineux tout ce que je vis depuis mon arrivée en France, en 2012 », souligne-t-elle.
Dans un article qu’elle réalise deux ans plus tard, en 2019, sur le sujet, elle collecte et recueille les témoignages de personnes concernées autour des stratégies mises en place pour y faire face et se rend compte « que ce concept n’a pas beaucoup d’écho par rapport à la charge mentale. » La désillusion s’amplifie avec le temps qui passe. Elle, qui avait l’espoir que la charge raciale soit désormais explorée et documentée, s’aperçoit que rares sont les recherches entreprises à ce propos, en quatre ans. Ainsi, elle décide de réaliser un travail autour de la charge raciale et écrit un livre éponyme : La charge raciale - Vertige d’un silence écrasant.
UNE DETTE EXISTENTIELLE
Cet ouvrage, elle le dédie « pour celleux jamais tout à fait au diapason. Pour les Noir-e-s, les queers, les voix cassées, au diaphragme raidi par le système atonal, aux poumons-embruns, pour celleux qui exigent « Laissez-nous respirer ! ». Pour les corps brisés contre le rythme effréné de sociétés aux ondes nécropolitiques. » Ce bouquin, empreint de poésie, d’engagements, d’histoires personnelles qui s’entrelacent et d’intimités qui deviennent politiques, est un essai fondamental pour comprendre ce « poids indicible et inaudible », au-delà de « la nature même du sexisme et du racisme comme systèmes », de « l’imbrication de l’un et de l’autre dans la misogynoir par exemple », de « la pluralité des différences sociales et des luttes passées » et de « l’autonomie comme horizon de lutte liée au collectif plutôt qu’à une culpabilité individuelle ».
Journaliste, podcasteuse, militante afroqueerféministe, poète… Au fil et à la croisée des chemins et des mediums, Douce Dibondo explore la charge raciale en profondeur dans toutes ses dimensions connexes et transversales. Une charge raciale qui se joue dans l’Histoire collective de populations assujetties par une civilisation européenne, qui colonise leurs territoires et les réduit en esclavage pour devenir de la matière première mais aussi dans l’intériorité individuelle de chaque personne qui en porte – inconsciemment et de manière imposée dans son corps et sa psyché - le traumatisme en héritage. « On paye une dette existentielle, une dette raciale », déclare-t-elle.
LISSER SA PERSONNALITÉ
D’où vient la charge raciale ? Comment s’exprime-t-elle ? Quelles sont les conséquences sur les corps et la santé mentale des personnes concernées ? À qui profite le silence médiatique qui règne autour de ce concept ? Douce Dibondo se questionne, interroge les parties prenantes, les responsabilités collectives et individuelles et prend soin de poser le contexte politique, social, militant, avant d’en décortiquer les répercussions dans les vécus, les stratégies d’évitement et d’adaptation mais aussi les ressentis intimes de toutes les micro-agressions, souffrances et violences subies. Sans oublier l’hypervigilance et le lissage imposé des identités jugées différentes et étrangères, exclues de la norme fixée par la blanchité. Elle évoque le travail, ce lieu aliénant qui exige des personnes racisées qu’elles se masquent encore davantage : « Mes cheveux sont perçus comme n’étant pas professionnels. On va m’intimer l’ordre de les détacher par exemple. Je suis un corps noir et à cause de ce passé, je reçois des projections sur ce corps que l’on considère paresseux, désirable, etc. »
Une personne portant des dreadlocks par exemple pourrait être, malgré elle, apparentée au contexte de la Jamaïque et par ricochets (de stéréotypes) aux drogues. À la télévision, au cinéma, dans les médias, les personnes noires sont longtemps représentées comme « des divertissements sur pattes », renvoyant l’idée qu’au quotidien les concerné-es doivent répondre aux standards (racistes) attendus : exubérance, drama et humour à gogo. Pour se fondre dans la masse, des stratégies sont déployées, allant de la modulation de la voix à l’adaptation de l’apparence physique, en passant par la lecture d’un bouquin dans les transports en commun, pour asseoir le côté sérieux et cultivé. « Ne pas mettre en place toutes ces stratégies pourrait nous desservir… », souligne la co-créatrice du podcast Extimité.
SANTÉ IMPACTÉE ET DÉGRADÉE
Tout ça, se forme principalement dans l’inconscient collectif et les non-dits. Parce que la France est un pays qui se revendique aveugle aux couleurs : « Il y a un fardeau autour de la race (construction sociale). À cause du silence que la France impose, de par sa cécité, on se censure, on intériorise. Notre psychisme est fracturé. En face, le regard qui nous juge ne voit pas notre humanité. On hérite du silence et on intériorise. On hérite du traumatisme de 400 ans d’Histoire. » Elle poursuit, apportant des nuances qui ne relèvent pas du détail mais bien d’une discrimination : celle du colorisme. « Plus on se rapproche de la noirceur, moins on a de chance d’être aimé-e. Plus on se rapproche de la blancheur, plus on a de chance d’être aimé-e. », précise-t-elle, soulignant que la charge raciale est « bien plus viscérale et profonde que simplement des stratégies d’adaptation et d’évitement. »
L’Histoire n’est pas finie. Elle vient se loger dans « la blessure intergénérationnelle » et « elle nous grignote la santé ». De l’absence de douleurs à l’exagération systématique des douleurs (le fameux « syndrome méditerranéen »), les personnes noires, notamment, subissent des discriminations basées sur des stéréotypes et préjugés racistes, nés d’arguments biologiques puants, destinés à légitimer le massacre opéré par les colons européens. Ce racisme encore présent dans la suprématie blanche, dont le corps médical n’est pas exempt, pousse les populations concernées à la méfiance vis-à-vis de l’institution, médicale en l’occurrence. Conséquence : « On retarde l’hospitalisation, la demande d’aide thérapeutique, etc. Parce que la société ne prend pas en compte notre parole, nos vécus, nos douleurs. Ce n’est pas étonnant qu’il y ait autant de personnes noires en hôpital psychiatrique. D’autant que les professionnel-les de la santé ne sont pas formé-es à nos expériences. »
Sans oublier le développement inquiétant de comorbidités et de maladies chroniques des personnes noires, la propension à mourir prématurément également, la gestion du stress, etc.. « Tout ça, ça crée des ilots de mort. La charge raciale soumet à l’hypervigilance, la peur de la mort face à la police, la méfiance envers le corps médical, l’injonction à la pédagogie… Tout ça, c’est un terreau fertile pour notre santé fragile », insiste-t-elle.
LE RACISME « ORDINAIRE »
De la moquerie et de l’insulte à l’école, du camarade blanc qui traite l’enfant noir de « caca », au lissage de ces cheveux comme de sa personnalité pour correspondre aux codes de la blanchité, en passant par l’injonction quotidienne à la pédagogie dans toutes les sphères de sa vie (couple, famille, travail, entourage social, activités, sports, etc.), les micro-agressions sont omniprésentes et porteuses d’un discours contradictoire, visant à couper la personne concernée d’une (grande) partie de son identité. Figure de l’ailleurs, volonté est faite pour qu’elle se plie aux normes sans jamais atteindre véritablement la carte officielle d’un ici dans lequel on lui fera sentir qu’elle n’a pas sa place. Là-bas non plus. Ou alors, ordre est donné de sacrifier les héritages culturels qui auraient pu lui être transmis.
Douce Dibondo a vécu les douze premières années de sa vie au Congo. Entourée de gens lui ressemblant, elle raconte qu’elle n’a pas connu ce renvoi à l’altérité dès son enfance. Aussitôt installée en France, elle est soumise à la question de son origine. « Tu viens d’où ? » sonne comme une ritournelle mortuaire pour toutes les personnes perçues comme non blanches : « De fait de ma couleur de peau, elle (la personne qui pose la question, ndlr) se persuade que je viens obligatoirement d’un ailleurs. Par le statut que sa blancheur lui confère, elle déplace ma présence et mon corps de sujet à objet d’étude. Le temps d’un intérêt voyeuriste, je suis observée et interrogée. La noirceur de ma peau exclut d’office la nationalité, elle est insoluble dans les frontières de la nation française. » Depuis, elle s’est exercée à renvoyer le malaise à son expéditeur-ice :
« Je rétorque parfois que je suis citoyenne du monde, je renvoie la question sans y répondre ou avec une innocence feinte : « Des toilettes, pourquoi ? ». »
ADAPTATION POUR LA SURVIE
Le racisme « ordinaire » est une charge raciale, écrit-elle dans son livre. Parce qu’il discrimine, parce qu’il déshumanise. Parce qu’il place les personnes racisées dans l’obligation de se justifier, de par la réponse à la question posée, de par le silence ou de par une pirouette murement réfléchie (ce qui implique que cela aura demandé du temps et de l’énergie à la personne concernée pour se parer de toutes les micro-agressions dont elle est victime en permanence). Et peu importe la réponse, la manière ne sera pas la bonne, le ton sera jugé agressif, la riposte sera définie excessive. L’effet boomerang est assuré.
« Dans un contexte où la blanchité est majoritaire, la charge raciale écrase mon individualité et me pousse à sortir de moi-même en toutes circonstances. Mon vécu est toujours mis en frottement avec celui des autres personnes noires. Répondre à cette question en confiant une partie de mon récit, c’est légitimer l’intrusion de la personne qui m’interroge et de toutes celles à la curiosité raciste toujours malvenue », ajoute Douce Dibondo. Une vie dans laquelle la tranquillité d’esprit n’est pas permise, une vie dans laquelle l’hypervigilance est de mise, une vie dans laquelle l’individualité, qui sera désignée comme une différence, n’est pas admise. Fatigue intense, morale en berne, personnalités dissociées : « Nous sommes toujours sur le qui-vive ». En survie, et non en vie.
AU PLUS PROFOND DE SON INTÉRIORITÉ
Nommer la charge raciale, c’est déjà agir, dit-elle, adaptant là au sujet l’expression de Simone de Beauvoir. Pour elle, il faut aller encore plus loin désormais : « Investir de manière frontale la question de l’intériorité. » La race n’existe pas, elle est le fruit d’une construction et pourtant, « elle a tant construit en nous, qu’on soit noir-es ou blanc-hes. » Dans tous les pans de la société, la question raciale interfère : « Il faut qu’on aille creuser dans notre intériorité, les luttes existentielles, tout en prenant soin de nous, car nous n’avons pas grandi dans cette culture de la thérapie. » En tant que militante, elle a conscience de l’importance et de l’impact du prendre soin et incite à créer des moyens de lutter autrement.
« Par exemple, je fais partie d’une chorale afroféministe. Chanter, c’est se guérir, déployer des vibrations qui touchent et qui font du bien. On va dans les manifs, on organise des cercles de guérison en faisant des exercices sur le souffle pour s’alléger collectivement de la charge raciale. C’est un des moyens de lutter mais il y a en a d’autres ! », s’enthousiasme-t-elle. Et citant Audre Lorde, elle précise : « Il est très difficile de combattre avec les outils du maitre. Il est nécessaire de prendre de la distance et de trouver d’autres moyens de combattre. L’art et la créativité, ça peut aider mais il faut aussi des formations et des budgets alloués à ce sujet. »
DU « JE » À LA NOIRITÉ, EN PASSANT PAR LA QUESTION DES PRIVILÈGES
La question du « je » est également au cœur des leviers explorés par Douce Dibondo dans son ouvrage sur la charge raciale. Parce qu’il a longtemps été difficile de dire « je » pour les personnes noires, considérées comme un bloc monolithique. « Dire « Je », c’est prendre un risque. On est indivisible de tout le pays de la Noirie. Ce « je » porte un poids historique et collectif. On n’a pas le droit à l’erreur. Avant, pour moi, c’était dur de le dire, c’était brulant et blessant. Je le dis maintenant, je dis « je », grâce à la poésie », commente-t-elle. Et parce qu’elle ne trouve pas de livre sur la charge raciale entre 2019 et 2023, elle décide d’apporter dans son livre toutes les parts de qui elle est et des théories existantes « pour revenir au « je » collectif ! » En parallèle, elle propose le silence politique pour s’en sortir ensemble. Cesser de nourrir la machine médiatique qui impose le bruit du sensationnalisme, comme en témoigne la polémique sur Aya Nakamura.
« J’ose le terme ‘silence communautaire’, non pas à visée séparatiste mais pour nous recueillir et faire silence dans l’ombre. Imposer ce silence comme pouvoir, comme antidote à cette charge raciale »
clame Douce Dibondo.
Et que l’effort de compréhension et d’acceptation change de camp. « Que les personnes blanches comprennent, en s’informant, en lisant, en écoutant, et fassent un travail sur ce que c’est réellement d’avoir des privilèges », ajoute-t-elle. L’idée : partir de l’intériorité pour saisir et ressentir l’empathie sociale. À tout cela, elle apporte la notion de noirité qu’elle définit comme l’expérience positive de la blackness, littéralement la « noirceur » mais qui dans son essence est difficilement traduisible en français. Elle s’attache, Douce Dibondo, à percevoir « la résilience qui, malgré nous, fait que notre colonne vertébrale tient droite ». Convoquant à nouveau une citation de l’essayiste et militante afroféministe et lesbienne américaine, elle conclut joyeusement : « Lorde dit ‘Nous n’étions pas censé-es survivre et pourtant, nous sommes là’, c’est ça pour moi la Noirité ! » Une Noirité qu’elle invite dans son essai à engendrer par les concerné-es et pour les concerné-es. Son livre, lui, est bel et bien à mettre dans toutes les mains !
- À l’occasion du 8 mars à Rennes et de la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, Douce Dibondo présentait son livre La charge raciale – vertige d’un silence étouffant à la salle de la Cité, le 20 mars 2024.

Bloquer le pays. Prendre la rue. Prendre le droit de se mettre en grève. Exprimer les revendications. Exposer les conditions de vie des personnes sexisées. Si les femmes s’arrêtent (de travailler, de gérer les tâches ménagères et l’éducation des enfants, etc.), le monde s’arrête. Sans le travail reproductif pris en charge par les femmes, en parallèle de leur travail productif, le monde s’écroule. S’organiser pour faire force et mettre KO le capitalisme. De punchlines en réflexions et liens sur la manière dont sont articulés les rapports de domination, les militant-e-s de Nous Toutes 35 échangent sur le pourquoi du comment d’une grève féministe, inscrite à l’ordre du jour de leur séance plénière qui se déroule à l’Hôtel Pasteur, quelques jours avant le festival. Constats autour du travail domestique non rémunéré et ses conséquences, de son invisibilisation et sa participation à la dépendance économique des femmes à leurs maris, rendant inopérant le principe d’égalité entre les individus, des formes de violences qui en découlent opérant dans l’intimité du foyer et analyse des leviers à actionner pour briser les chaines de l’oppression exercée sur les minorités de genre par le patriarcat. L’enjeu du festival est rappelé : « Se rencontrer et se rendre compte que l’on fait corps autour de ça. Et ensuite, construire le mouvement de la grève générale. Le festival, c’est une étape avant la grève. »
Rien ne se fait en un claquement de doigts. Déboulonner les stéréotypes et rôles genrés, intégrés dès le plus jeune âge et infusés dans toute la société de manière plus ou moins pernicieuse, de manière plus ou moins consciente, demande du temps et des moyens. Pour expliquer d’où proviennent les inégalités, comment elles s’expriment et comment elles perdurent. Il est primordial de fédérer et de s’organiser. « À Rennes, en 2019, on était plusieurs à vouloir monter une structure féministe dans l’objectif d’organiser la manifestation du 25 novembre (journée internationale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles faites à l’encontre des personnes sexisées, ndlr). On s’est posé la question de lancer une inter orga ou un collectif. L’idée n’était pas de remplacer les associations féministes existantes mais de coordonner les énergies. À cette époque, les collages commençaient aussi. Entre le 25 novembre et le 8 mars (journée internationale pour les droits des femmes, ndlr), on a bien posé les bases du collectif. », explique Aline. L’année 2020 est bousculée par la crise sanitaire et les confinements qui révèlent la précarité des métiers essentiels et surtout de celles qui les font tourner. « À ce moment-là, Nous Toutes 35 était en contact avec différents collectifs nationaux indépendants. Une poignée s’est organisée et c’est comme ça qu’est née la Coordination féministe. », poursuit Val. Autour de la question « Comment traiter la crise sanitaire d’un point de vue féministe et s’organiser politiquement en temps de confinement ? » s’affinent l’idée et la volonté de transformer profondément et radicalement la société. Après une première mobilisation axée sur un déconfinement féministe, interpelant l’opinion publique quant aux conditions des premières de cordée et de corvées et demandant une revalorisation de leurs statuts et de leurs salaires, éclosent les premières Rencontres nationales féministes, organisées par la Coordination féministe et Nous Toutes 35 (qui fait parti du regroupement national), à Rennes.
La grève féministe, c’est un état d’esprit dans lequel les personnes concerné-e-s se mettent : « On ne peut pas vérifier dans les foyers que tout le monde est en grève. Il ne faut pas être trop puriste. J’aimerais personnellement qu’on arrête tout mais la construction va se faire pas à pas. » Les femmes peuvent débrayer toute la journée, une heure, une minute, porter un badge, rejoindre le mouvement après la journée de boulot. Elles font ce qu’elles peuvent. Car il est nécessaire de penser aux conditions sine qua non au déroulement de la grève. « Si on veut que tout s’arrête, il faut penser les effets en cascade. », souligne Val. Elle explique : « Si les enseignantes se mettent en grève, les enfants sont renvoyés à la maison. Et là, qui va les prendre en charge en général ? Si on s’arrête, des personnes vont rester seules, notamment les enfants, les personnes fragilisées, les personnes handicapées (les métiers de l’éducation, des services à la personne, de la santé, etc. étant majoritairement occupés par les femmes, ndlr). La question se pose : comment on construit la grève autour des enjeux et de la forme avec des alternatives pour ne pas mettre à mal les personnes dont on s’occupe majoritairement ? Il ne faut pas que ça retombe sur les femmes elles-mêmes. » Et que l’on ne reproduise pas les schémas dénoncés, à savoir que ce ne soit pas uniquement les femmes blanches, aisées, cisgenres, valides, hétérosexuelles qui soient en mesure d’affirmer la grève, biaisant une partie des revendications en s’octroyant la parole des concernées absentes. « La question des enfants est centrale. Comment organiser la garde des enfants et transformer ça en sujet collectif ? », interroge Mélissa, qui poursuit plus globalement : « On a besoin de savoir précisément comment ça se passe dans les différents métiers, pour apporter des réponses alternatives à la grève si elles ne peuvent pas y participer entièrement ou pour pouvoir s’organiser afin qu’elles y participent. Et pour ça, on a besoin des syndicats. »
Les militantes montrent bien à quel point la situation est complexe et transversale à tous les niveaux de la société. L’ampleur de la tâche ne les démonte pas. Elles savent que le travail va être long. Elles savent que le travail va être compliqué. Leur détermination et leur volonté s’affichent à la hauteur de la mission. Echanges, partages des vécus et des expériences et réflexions sont au cœur de leurs opérations. Au sein du collectif, de la Coordination féministe et des Rencontres nationales (dont la deuxième édition est organisée du 13 au 17 juillet 2022 à Grenoble), la parole se veut libre et l’écoute bienveillante. Il est question de visibilité et de lutte contre l’invisibilisation du travail reproductif non rémunéré, de l’exploitation des personnes sexisées dans les secteurs du care, de l’inégale répartition du travail productif mais aussi de violences conjugales et intrafamiliales, de féminicides et de violences sexuelles. Un propos lourd à porter, difficile à faire reconnaître, parfois même décourageant. Et pourtant, les militant-e-s sont là, répondent présent-e-s et affirment leur adelphité, comme le signalait en février dernier Lisa de la Coordination féministe (lire notre Focus « Inclusion : croiser les forces » / Numéro 95 – Printemps 2022) : « On est pour un militantisme qui ne soit pas du sacrifice. Ça ne veut pas dire que c’est simple à organiser un événement comme on a fait à Rennes, ça veut simplement dire que la balance de force et de bien que ça nous apporte pèse plus que la difficulté. Ça nous donne de la force pour la suite. Des fois, on se sent seul-e-s. Echanger avec des personnes qui ont les mêmes difficultés, ça fait du bien. On s’envoie des messages de cœurs, d’étoiles, on discute dans la joie et la bonne humeur. C’est un mélange de rage et de paillettes ! »
« On avait déjà organisé une mobilisation il y a trois ans par rapport à la situation en Pologne. On constate que rien n’a bougé. Ça s’enlise même. », déclare les militant-e-s d’Iskis qui ont organisé cette action à l’appel de Solidarités LGBTI+ Pologne, dont l’association a rejoint le mouvement. « On n’en peut plus de ce silence ! », poursuivent-iels.

À la tribune, les prises de parole, traduites également en langue des signes françaises, se succèdent et elles font du bien. Elles boostent nos motivations, complètent nos réflexions, alimentent nos imaginaires en terme de stratégies à mettre en place et de chemins encore à parcourir.
Son discours est puissant. Elle démontre l’importance de l’inclusion de tou-te-s dans les luttes féministes. Parce que nombreuses sont celles qui ont été oubliées, négligées, méprisées. Rachida demande aux militantes de les soutenir et d’être à leurs côtés dans leurs combats :
La parentalité est également abordée à l’occasion de ce 8 mars à Rennes. Parce que l’extension de la PMA à tou-te-s n’est toujours pas obtenue de manière satisfaisante. Ce combat de longue date et de longue haleine trouve évidemment sa place dans les revendications féministes. Dans la question du choix. Dans la question des libertés individuelles.
« Le Service d’Autoprotection Pailletté – le SAP – et l’ensemble de son équipage repérable par des pancartes violettes portées en sandwich sont heureux de vous accueillir pour cette manifestation « En route vers la fin du patriarcat » Nous sommes le 8 mars, à Rennes, à République et la température actuelle est… chaud bouillante nan ?