Célian Ramis

Karine Birot, la Wonder Féministe qui lutte avec humour (et Dalida) contre l’hétéropatriarcat

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Guy Ropartz, Rennes
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Karine Birot incarnait, le 25 avril dernier, Wonder Féministe ou la super-hérote qu’il manquait pour sauver le monde. Une conférence gesticulée humoristique au message cinglant et alarmant.
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Dans le cadre du festival des arts de rue Dehors, organisé par Les grands moyens à la salle Guy Ropartz à Rennes, Karine Birot incarnait, le 25 avril dernier, Wonder Féministe ou la super-hérote qu’il manquait pour sauver le monde. Une conférence gesticulée humoristique au message cinglant et alarmant.

Les féministes sont-elles systématiquement des chieuses sans humour ? Des femmes dont l’unique plaisir est d’emmerder tout le monde ? Il serait plus simple de l’affirmer mais on se priverait alors de grands débats et du spectacle offert par Karine Birot. Dans la vie civile, elle est conseillère au Planning Familial de Nantes. Et au cours de certaines soirées, à Rennes notamment, elle enfile son costume de Wonder Féministe, « la super-hérote qu’il manquait pour sauver le monde ». Parée d’un bandeau étoilé dans les cheveux, d’une cape étoilée, d’un tee-shirt rouge WF, d’une jupe têtes de mort et des bottines rétro, Karine Birot choisit d’incarner l’anti-héroïne des temps modernes.

Contrairement à Wonder Woman qui a toujours laissé planer le doute, Wonder Féministe est militante et engagée. Engagée contre les normes définies et imposées par l’hétéropatriarcat. Elle est alors bien décidée à lutter contre cela et à déconstruire les idées reçues autour des féministes : « J’en ai marre qu’elles soient associées à des chieuses sans humour ! Pourquoi doit-on se justifier à chaque fois ? Le féminisme dérange car il pose des questions sur tout, en réponse à l’hétéropatriarcat ».

Et c’est avec quelques vers de poésie moderne qu’elle entame sa conférence gesticulée, pour laquelle elle s’est formée avec la Scop Le Pavé – une coopérative d’éducation populaire – lors du dernier semestre 2013. Assise sur sa chaise, elle lit avec sagesse et philosophie : « Vous êtes charmante, est-ce que je peux vous lécher quelque chose ? », « J’aime bien les filles un peu grosses » ou encore « Oh la blondasse tu me suces la fougasses ?! » Des perles contemporaines de la tradition orale à lire sur le blog Paye ta schnek qui recense les meilleures phrases balancées par des hommes à des femmes dans la rue. La Wonder Féministe est, elle, venue « parler des femmes, des féministes, de ces individus socialement désignés comme des femmes ».

Simone de Beauvoir, dont l’esprit règne lors de la conférence gesticulée, dans Le deuxième sexe disait « On ne nait pas femme, on le devient ». Qu’en est-il pour le féminisme ? Comment et pourquoi devient-on féministe ? Simplement être femme signifie-t-il être féministe ?

Des questions que naturellement se posent toutes les femmes sensibles, ou non, à la cause des droits des femmes et de l’égalité des sexes. Mais faut-il avoir vécu les discriminations ou les violences pour se sentir concernée ? « Dès l’enfance, j’ai bien senti que quelque chose n’allait pas. On me disait souvent « Une petite fille ne fait ci, une petite fille ne fait pas ça ». Mais c’est là que j’ai développé mon premier super pouvoir : celui de ne jamais me sentir inférieure à un homme », explique Karine Birot, de sa position de femme blanche, hétéro, qui roule en Twingo (« oui j’ai du chemin à faire encore moi aussi ») et a également des préjugés sexistes, racistes et homophobes.

« Bref, je suis née dans le même monde que vous », lance-t-elle sur un ton grinçant. Dans ce spectacle, Karine Birot retrace son point de vue d’enfant et d’adolescente qui se posait comme tout un chacun des milliards de question et notamment en terme d’égalité femmes-hommes, voyant sa mère « affrontait la jungle du supermarché » et son père, « homme de gauche qui allait libérer tous les hommes de la terre mais qui n’impliquait pas sa femme dans ce sauvetage puisqu’il faut que quelqu’un s’occupe des enfants et de la bouffe » et comprenant qu’une princesse ne pouvait pas « avoir de mobylette, ne pouvait pas draguer, devait attendre de se faire draguer… »

Elle veut plus d’aventures, de bières et de rock’n roll, décide de devenir championne régionale de cul sec et ambitionne même de devenir un mec avant de s’apercevoir que ces derniers sont également limités dans leur comportement : « on peut pas chialer, on doit ouvrir les canettes de bière avec les dents et on ne peut pas porter de robe ! ». Elle se heurte alors à la sensation d’enfermement. Seulement deux cases pour définir notre nature : le genre masculin et le genre féminin.

« Les femmes ont alors un don pour les tâches ménagères, la dextérité avec le balai, le maniement de l’éponge, elles sont sexuellement désirables et n’ont pas le sens de l’orientation. Les hommes, eux, ils dirigent le monde. Le pompom de la pomponnette c’est qu’on définit ça par la nature. Les correspondances sont étranges : quéquette/foufoune, bleu/rose, on/off… »
constate la super-hérote.

Alors que les scientifiques auraient déjà allongé la liste de catégorisation du sexe humain à 48 possibilités, l’hétéropatriarcat milite lui pour conserver précieusement les deux définitions rigides de l’être humain.

« Les cases deviennent des normes et qui dit normes, dit exclusion », précise la Wonder Féministe, bien décidée à convoquer les esprits des Simone – de Beauvoir et Weil – mais aussi celui de Rebecca West, Rosie la riveteuse et ses copines issues des minorités ou encore Virginie Despentes afin de déconstruire ensemble ces idées reçues et reconstruire ensemble une société ouverte et accueillante, autrement dit égalitaire, et qui refuse ce système social qui génère des oppressions : « L’hétéropatriarcat est un vicelard, je le soupçonne d’avoir écrit le mode d’emploi des femmes… »

Métier : féministe professionnelle

« Je suis devenue animatrice socio-culturelle mais je me suis vite ennuyée. J’avais besoin d’espace pour développer mes supers pouvoirs parce que j’avais quand même un monde à sauver ! », scande-t-elle en se mordant les lèvres pour ne pas rigoler. Féministe professionnelle, elle le deviendra, c’est décidé.

Elle écume les associations féministes et découvre l’espace Simone de Beauvoir, qui abrite le Planning Familial, association féministe d’éducation populaire. C’est dans cette structure que les femmes – jeunes et moins jeunes – peuvent venir s’informer, se sensibiliser ou parler de sexualité et de tout ce qui tourne autour de ce thème central dans la vie des individus.

Elle est alors embauchée dans ce lieu guidé par le fameux slogan militant « Un enfant si je veux quand je veux » en tant que conseillère conjugale et familiale : « Pas très sexy dit comme ça. J’ai proposé ingénieuse du sexe mais ça n’a pas été accepté… » Au quotidien, elle reçoit, écoute et informe filles et femmes sans pouvoir jamais porter de jugement. « Ce n’est pas si facile que ça ! Une fois, une jeune femme de 16 ans vient me voir. Elle est enceinte et veut le garder. Moi je me dis « Très mauvaise idée » mais mon rôle est de l’informer, je lui donne donc toutes les cartes pour qu’elle fasse son choix, elle décide de poursuivre sa grossesse. La Wonder Féministe qui est en moi voudrait l’enfermer dans une pièce remplie d’enfants qui pleurent mais je suis conseillère… », se souvient Karine Birot, qui alimente la conférence gesticulée de quelques anecdotes croustillantes vécues au cours de sa jeune carrière.

Armée jusqu’à l’utérus

Et c’est à ce moment-là qu’elle brandit ses armes du quotidien : celles qui sont soigneusement rangées dans sa trousse à outils. « Nous avons au Planning Familial des planches anatomiques car le corps est un chantier et que le sexe c’est dégueulasse mais bon nous on le regarde », ricane-t-elle en accrochant les esquisses à la corde à linge qui traverse la scène.

Puis vient le moment où Wonder Féministe se transforme en véritable agent de prévention sexuelle à la Mary Poppins qui sort de son sac toute une série d’objets – beaucoup plus osés et insolites que ceux de la chère magic nanny. Tour à tour, elle épingle un préservatif masculin, puis féminin, un sex toy, une digue dentaire (pour rapports anaux et buccaux), un speculum, un anneau contraceptif ou encore une plaquette de pilule, un test de grossesse et un utérus ! Une fois tout son matériel installé, elle mime un entretien personnalisé avant de se lancer dans une tirade digne de « Moi, président » :

« Simone, elle vient parce qu’elle aime les femmes mais elle ne sait pas à qui en parler.
Simone, elle vient parce qu’elle a peur du jugement si elle avorte.
Simone, elle vient parce qu’elle a des douleurs pendant les rapports et qu’elle ne prend pas de plaisir.
Simone, elle vient parce qu’elle entend dire
« Attention Simone, ne te fais pas violer ».
Simone, elle vient parce que son père est violent et qu’elle ne comprend pas pourquoi.
Simone, elle vient parce qu’elle veut être maitresse de sa vie et avoir un enfant si elle veut.
Simone, c’est un peu moi. Simone, c’est un peu nous toutes 
».

Karine Birot, en dehors de son costume de Wonder Féministe, n’incarne pas de personnage. Elle délivre ici une conférence gesticulée – co-écrite avec Anna Reymondeaux, historienne sociologue et lesbienne féministe engagée – empreinte d’humour pour finalement exprimer le désarroi des femmes et la colère des féministes face aux discriminations et aux violences subies. Des discriminations et des violences longtemps acceptées sans dire mots.

« À l’heure où un viol est commis toutes les 7 minutes en France, le combat n’est pas gagné. Et les droits des femmes sont même remis en cause », explique-t-elle avec sérieux cette fois. Pourquoi est-on plus compréhensif envers les actes sexistes ? Pourquoi considère-t-on qu’il s’agit là d’un sujet secondaire ? Et pourquoi hiérarchise-t-on les injustices au lieu d’employer l’intersectionnalité ?

« Le féminisme dérange car ce n’est pas une question d’égalité mais d’oppression. Aujourd’hui, il est question de tout réinventer, de tout reconstruire. De vivre et d’agir sur la vie. On ne nait pas femme, on le devient comme on apprend à s’aimer et à se respecter, conclut-elle. Et n’oubliez pas, on peut être féministe et aussi aimer Dalida ». Et le boa rose est de mise pour se dandiner sur « Laissez-moi danser » !

 

Célian Ramis

Rennes, un lieu de rassemblement pour le droit à l'avortement

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Dans le cadre de la journée internationale des femmes, une conférence sur « L’histoire des mobilisations pour la libéralisation de l’avortement à Rennes » était organisée par les Archives de la ville.
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Dans le cadre de la journée internationale des femmes, une conférence sur « L’histoire des mobilisations pour la libéralisation de l’avortement à Rennes » était organisée par les Archives de la ville. Patricia Godard et Lydie Porée retraçaient les luttes comprises entre 1972 et 1974.

Jeudi dernier, les deux membres de l’association Histoire du féminisme à Rennes présentaient les archives de la section locale du groupe Choisir Rennes, une association en faveur de l’avortement. Les documents permettaient de retracer les manifestations et rassemblements pour la libéralisation de ce droit dans la capitale bretonne, à partir desquels Patricia Godard et Lydie Porée ont rédigé l’ouvrage Les femmes s’en vont en lutte, publié en février dernier aux éditions Goater. L’occasion de découvrir une partie de l’histoire des luttes féministes ayant eu lieu au début des années 70.

Époque dite de la « deuxième vague ». Ce soir-là, une trentaine de personnes sont présentes dans la salle. La conférence débute par une série de dates projetées sur le mur :

- 1967 : la loi Neuwirth qui autorise la contraception
- 1972 : la création de l’association Choisir Rennes
- 1973 : la grève de la faculté de médecine
- 1975 : la loi Veil.

Quelques repères pour attester du rôle déterminant de Rennes dans les mobilisations pour le droit à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG). Les archives proviennent du fonds de Patrick Wiener – surnommé Angela : un ancien étudiant en médecine à Rennes. « Il nous a donné des documents importants sur l’association « Choisir Rennes » », explique Lydie Porée. Croquis, tracts, fiches de renseignements, lettres, brouillons… L’homme a tout conservé. « Un trésor » selon la jeune femme, très peu de militants du groupe l’ayant fait.

C’est en raison des décès fréquents, des répressions menées à l’encontre des femmes y ayant recours et des difficultés à contrôler la fécondité, que les mobilisations ont commencé. À cette époque, c’est la méthode d’aspiration du contenu utérin, appelée « de Karman », qui était employée – un croquis d’un appareil génital, provenant des archives de Patrick Wiener, a été retrouvé. Une technique simple, selon les conférencières, peu agressive qui « permettait aux femmes de se réapproprier leur corps », commente Patricia Godard. Et c’est dès l’été 1972 qu’une équipe rennaise pratiquait cette méthode sur les femmes souhaitant avorter illégalement.

1972 : La naissance de Choisir Rennes

Cette même année, l’association prend forme. Composées de féministes et de militantes maoïstes, elle constituait une antenne du mouvement national – avant que le groupe ne s’en détache pour Défendre la femme. D’après les archives, Choisir Rennes revendiquait des idées politiques et anticapitalistes. « Les femmes de la classe bourgeoises restaient des privilégiées qui avaient plus de moyens d’aller avorter à l’étranger que les autres », précise Lydie Porée. La grève de la faculté de médecine est à l’époque, un « catalyseur ».

L’association y recrute des étudiants pour pratiquer les IVG et les demandes affluent. Le profil des bénéficiaires ? « Des rennaises, âgées de 20 à 30 ans, travailleuses, étudiantes ou en recherche d’emploi », détaille les spécialistes. Entre 1973 et 1974, des fiches de renseignements sont d’ailleurs minutieusement rédigées par les militantes et conservées par Patrick Wiener.

1974 : Choisir Rennes s’éteint au profit du MLAC

Dès 1974, Choisir Rennes s’associe au Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), avant de disparaitre. Composé principalement de trotskystes, ce dernier distribuait des tracts et diffusait  Histoire d’A, un documentaire réalisé par Charles Belmont et Marielle Issartel sur l’interruption volontaire de grossesse, effectuée de manière clandestine, et sur la contraception. De quoi faire réagir les plus sceptiques et remuer la population.

 « Les mobilisations à Rennes ont été nombreuses et n’ont pas eu lieu qu’à Paris », conclut Lydie Porée. Le droit à l’avortement est, comme en témoignent les archives, issu de hautes luttes, et les rennais y ont donc activement participé. Une page de l’histoire de la ville qu’il convient de ne pas l’oublier…

 

À savoir : En 1974, plusieurs propositions de lois, portées par le Parti Socialiste seront présentées puis abandonnées. Jusqu’au 20 décembre 1974, date à laquelle la loi Veil sera adoptée.

Célian Ramis

Élections municipales : À Rennes, la parité en intelligence...

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La rédaction se penchait sur la parité en politique et l’axe « Égalité femmes – hommes » à l’échelle locale auprès de ses trois listes.
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Dimanche prochain et dimanche 30 mars, citoyennes et citoyens sont appelés à élire celle ou celui qui prendra les rennes de la ville au poste de l’actuel maire, Daniel Delaveau. Le 14 mars, Le Mensuel de Rennes publiait les résultats d’un sondage Ifop, commandé par Europe Écologie les Verts, créditant la liste Changez la ville ! – EELV – Front de gauche – à 16% et laissant pressentir une triangulaire, avec le PS et la droite rennaise, au second tour. Dans le numéro 21 de YEGG, publié en janvier 2014, la rédaction se penchait sur la parité en politique et l’axe « Égalité femmes – hommes » à l’échelle locale auprès de ses trois listes.

En février 1999, sous le gouvernement Jospin, les députés votent pour le projet de loi sur la parité dans les fonctions électives (renforcée par le projet de Manuel Valls sur le scrutin binominal paritaire, adopté par le Parlement en avril 2013 pour les prochaines élections cantonales). Ainsi, les listes présentées par les partis lors des élections municipales, entre autre, se veulent paritaires, à cela près qu’elles se composent de 61 noms.

À Rennes, la candidate socialiste Nathalie Appéré se définit comme « un produit de la parité ». Et à ce titre, elle entend bien défendre et promouvoir l’égalité et la parité. « La Ville de Rennes apporte des points novateurs en tant qu’employeur, en réfléchissant à la qualité des emplois. Des points repris par la ministre aux Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem », déclare-t-elle. Sur le volet Employeur, son adversaire Bruno Chavanat, leader de l’opposition rennaise, y voit également une opportunité de bousculer les idées reçues : « En nommant par exemple au sein du conseil municipal un homme à l’Éducation et une femme à l’Urbanisme ».

Même exemple pour les co-têtes de liste Matthieu Theurier et Valérie Faucheux, représentant Europe Écologie Les Verts – Front de gauche. Cas particulier dans la capitale bretonne qui présente deux candidats – Matthieu Theurier figurant en première position. L’affiche est risquée, la confusion probable. « Être tous les deux sur l’affiche est significatif de notre engagement. Dans nos deux organisations politiques, nous portons la question féministe et organisons des réunions non mixtes pour permettre aux femmes de s’exprimer en toute liberté », explique Valérie Faucheux.

Les trois listes, qui depuis ont été rejointes par 6 autres dans la campagne, ont chacune leur cheval de bataille, même si elles s’accordent sur leur volonté d’inscrire la Ville de Rennes en tant qu’employeur exemplaire au niveau de la parité. « La municipalité a déjà fait beaucoup mais ne va pas assez loin pour nous », précise Matthieu Theurier.

L’union EELV – Front de gauche souhaite alors renforcer les dispositifs existants en sensibilisant les comités de quartier à la parité mais aussi en soutenant davantage le Pass contraception (Conseil général) et en investissant les rues de Rennes. « Ce n’est pas parce que nous sommes au sein d’une institution que nous ne sommes plus militants. Cela passe aussi par les noms de rue, comme l’a souligné le collectif La Brique », poursuit le candidat écologiste. Pour celui de la droite et du centre, il y a un pas décisif à franchir en matière d’emploi pour les femmes. « Quand on se heurte à l’insuffisance des gardes des enfants, cela pèse sur la reprise du travail des mères », explique Bruno Chavanat.

Pour pallier ce problème, il est nécessaire de doubler le nombre de places de garde et de maisons pour les assistantes maternelles, avec une puéricultrice à la tête de la structure. « Et il faut aussi organiser une consultation générale sur la question des rythmes éducatifs qui ne facilitent pas les empois du temps des femmes », ajoute-t-il. De son côté, la socialiste Nathalie Appéré propose un renforcement des dispositifs existants dans la lutte contre les violences faites aux femmes « avec un soutien aux associations, aux structures et en promouvant l’égalité ».

Célian Ramis

Marche féministe à Rennes : "Machos ! Machos ! Vous nous cassez le clito !"

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« La société enseigne « Ne vous faites pas violer » plutôt que « Ne violez pas » », « Un enfant est un choix. L’IVG est un droit », « Une femme voilée agressée, c’est toutes les femmes qui sont visées ».
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« La société enseigne « Ne vous faites pas violer » plutôt que « Ne violez pas » », « Un enfant est un choix. L’IVG est un droit », « Une femme voilée agressée, c’est toutes les femmes qui sont visées ». Hier soir, mardi 18 mars, était organisée une marche féministe non-mixte, à l’initiative de trois syndicats étudiants de Rennes 2 – SLB Skol Veur Roazhon, CNT-FAU et Solidaires étudiant-e-s Rennes. Un objectif en tête : se réapproprier l’espace public, de nuit.

C’est à l’heure où tombe la nuit qu’elles ont décidé de se rassembler sur la place de la Mairie ce mardi. Plusieurs dizaines de femmes ont répondu à l’appel des syndicats étudiants et formé un cercle autour des pancartes qui seront ensuite brandies fièrement lors de la marche.

Sur le papier, elles sont lesbiennes, trans, bisexuelles, hétéras, queers, intersexuées, grandes, noires, communistes, libertaires, maquillées, mères, sœurs, bretonnes, filles d’immigrées, libertines et bien d’autres choses encore. Et tout en même temps.

C’est l’idée qui est portée au travers de ce mouvement, organisé à l’occasion du mois du féminisme, par l’université Rennes 2. « Le but est de se réapproprier la rue en tant que femmes, dans n’importe quelle tenue, dans n’importe quel lieu », s’écrie Leila, du syndicat Solidaires étudiant-e-s Rennes, dans le mégaphone avant d’ouvrir la marche. Il est 19h30 et le cortège, composé d’une soixantaine de personnes selon les forces de l’ordre, s’élance dans la rue d’Orléans, pour rejoindre les quais avant de remonter la rue de la Monnaie, la place des Lices, la place Sainte Anne pour terminer rue Legraverend, au bar 1675.

La non-mixité comme outils de lutte féministe

Pendant une heure, la manifestation féministe revendique les droits des femmes parmi lesquels figurent ceux de ne plus avoir peur seules la nuit, « peur de se faire juger, évaluer, interpeller, suivre, agresser, violer, arrêter… » explique le tract qu’elles distribuent aux passants, tantôt sceptiques, tantôt intéressés.

« Sur le trajet, un homme nous a traité de sales putes et nous a fait un doigt d’honneur. Ce n’est pas évident de mobiliser autour du féminisme et d’expliquer pourquoi la marche est non-mixte. Certains hommes, et certaines femmes, ont du mal à le comprendre », précise Leila. Le choix de n’autoriser que la gente féminine à défiler marque une volonté de libérer la parole et l’espace pour les femmes : « Aujourd’hui, on considère l’égalité femmes-hommes acquise mais c’est justement dans ce genre d’événement que l’on se rend compte que c’est faux. La non-mixité est un outils de lutte féministe qui permet de comprendre à quel point on intègre au quotidien l’oppression masculine ».

Selon les participantes, marcher entre femmes permet d’oser prendre la parole, d’oser crier des slogans et d’oser s’assumer. Hier soir, elles refusaient donc de se laisser enfermer dans les stéréotypes et carcans infligés, selon les discours, par la société. Le message est clair et direct : elles veulent être libres dans leur corps, dans leur sexualité, dans leur mode de vie, dans leur manière d’être et dans leur manière de s’habiller.

Un point qui a fait l’actualité ces derniers jours avec l’histoire de Jack parker, blogueuse et ex-rédactrice en chef du site Madmezoille.com, qui raconte le 13 mars avoir été agressée sexuellement dans le métro parisien. Un « quadra lambda » faufile sa main sous la jupe de cette femme et enfonce ses doigts dans son entrejambe, à travers le collant. Certains commentaires sexistes ont été publiés par l’hebdo Les Inrocks – article du 17 mars 2014 « Agressée sexuellement dans le métro, une blogueuse est accusée d’avoir porté une jupe », www.lesinrocks.com.

Des slogans radicaux ?

Ce soir-là, les militantes peuvent marcher sur la route, de nuit, sans craindre le discours réprobateur des juges de la bienséance et des contrôleurs de l’image des femmes. Et défiler avec fierté, dans une ambiance décontractée et joyeuse. Elles scandent en chœur des slogans qui ont le mérite d’être francs et directs et qui pourraient être qualifiés de radicaux pour certains. « Machos ! Machos ! Vous nous cassez le clito », « À bas, l’hétéro-patriarcat ! » ou encore « Non c’est non ! La prochaine fois, ce sera un coup de cutter dans ta bite connard ».

Une violence à la hauteur de leur colère face aux disparités qui subsistent, voire qui se creusent davantage dans la société actuelle, entre les femmes et les hommes. Une violence qui démontre aussi leur volonté de se démarquer et, par ce message, de se libérer de cette emprise dominatrice. « L’idée est que chacun et chacune puissent circuler dans l’espace sans avoir peur et puissent se charger de comment se défendre », explique Pauline, qui marche à quelques pas d’une militante tenant la pancarte « Ne me libérez pas, je m’en charge ».

La jeune femme fréquente les milieux militants et les collectifs féministes informels. Elle a eu vent de la marche par le bouche à oreille et a souhaité participer. Pour elle, la lutte « passe aujourd’hui par le militantisme mais ça devrait être évident ! » Au cours du mois du féminisme, plusieurs actions sont organisées telles qu’une chorale féministe, des interventions des sages-femmes toujours mobilisées ou encore un débat sur le sexisme à l’université.

Modèles, tempête sous les crânes

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Ce mardi soir, la tempête Petra a fait tournoyer la pluie dans des rafales de vent glacé… Ce mardi soir, la tempête a aussi soufflé sous les crânes des spectateurs, venus assister à la représentation du spectacle Modèles.
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Ce mardi soir, la tempête Petra a fait tournoyer la pluie dans des rafales de vent glacé… Ce mardi soir, la tempête a aussi soufflé sous les crânes des spectateurs, venus assister à la représentation du spectacle Modèles, de la compagnie La part des anges – mise en scène de Pauline Bureau – au Carré Sévigné.

Au moment même où l’actualité réveille et secoue les consciences sur le droit à l’avortement et la théorie des genres, Modèles tombe à point. Sur scène, Rachel Arditi, Sabrina Baldassarra, Sonia Floire, Gaëlle Hausermann et Céline Milliat-Baumgartner, se mettent à nue, aux sens propre et figuré – quand la mise en scène le réclame – pour raconter l’Histoire des femmes et des histoires de femmes, véritables échos aux vies de chacune, aux expériences, joyeuses ou douloureuses, que chaque femme a pu traverser ou traversera.

Elles rappellent qu’il y a encore 48 ans un mari pouvait interdire à son épouse de travailler et d’ouvrir un compte en banque ; qu’en 2004 celle qui fait le choix d’avorter peut encore être mal traitée ; qu’il est, en 2014, normal pour la société qu’une mère assume boulot-enfants-maison et qu’un père qui fait les courses ou le ménage une fois par mois est un demi-dieu. Alors, le spectateur frisonne, pleure, rit et sourit, se crispe, enrage, compatit, rougit avec elles.

Il n’est pas ici question de féminisme, du moins pas de celui qui voudrait voir les hommes réduits au silence et à la castration, non, Modèles ne stigmatise pas la gent masculine, mais la société tout entière, celle qui a fait et qui continue de faire qu’aujourd’hui

« les filles, on ne leur dit pas qu’il faut faire de la psychologie plutôt que de la sociologie. Or, statistiquement, il y a beaucoup plus de filles en psychologie (l’âme, l’intime, la maison) qu’en sociologie (la politique, l’agora). Ca veut dire qu’inconsciemment les filles s’orientent vers ce pour quoi elles se pensent faites (…). Elles collaborent inconsciemment », comme le décrit si bien ce texte de Pierre Bourdieu sur lequel s’ouvre le spectacle.

Une mise en scène audacieuse

Les textes de Bourdieu, Despentes, Duras…etc., mis en scène de façon originale et intelligente – les comédiennes se glissent dans la peau des auteurs pour les réciter sous forme d’interviews filmées – ponctuent une pièce où se mêlent scènes théâtrales classiques, projections vidéos, chants (dont une très bonne reprise de Fuck You de Lily Allen), danses, mimes et où les allégories sont poético-trash, parfois borderlines mais jamais vulgaires.

Et puis, les comédiennes sont accompagnées d’un musicien, Raphaël Aucler, dont les riffs de guitare et les solos de batterie apportent une intensité notable au spectacle. Outre son intelligence, son originalité, sa volonté d’interpeler sans agresser, Modèles fait du bien, en ces temps où ressurgit une morale à la tolérance douteuse qui voudrait maintenir l’humanité dans une immobilité réac’ où la femme ne travaille pas, ne bronche pas, ne sort pas de sa cuisine, n’avorte pas, ne désobéit pas à son mari, n’est pas l’égale de l’homme…

C'est quoi être une femme aujourd'hui ?

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Elles sont jeunes, jouent, chantent, dansent, et pensent. Ce sont les filles de la compagnie La Part des Anges. Elles ont écrit à 14 mains le spectacle Modèles.
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Elles sont jeunes, jouent, chantent, dansent, et pensent. Ce sont les filles de la compagnie La Part des Anges. Elles ont écrit à 14 mains le spectacle Modèles – qui sera joué ce mardi 4 février au Carré Sévigné – sur les femmes. Il y est entre autres question de transmission, de violences, de discriminations, d’égalité.

Être une femme aujourd’hui n’est pas si facile. Malgré les victoires de nos aînées, l’équilibre entre vies professionnelle et privée, est toujours précaire, et l’égalité des sexes loin d’être parfaite. Sujet universel sur lequel la compagnie La Part des Anges s’est penchée avec originalité et profondeur. « Modèles est une très belle pièce, inhabituelle car écrite collectivement par des jeunes femmes qui sont aussi d’excellentes comédiennes, musiciennes et chanteuses. Elles sont douées ! », raconte Carole Lardoux, directrice artistique du Carré Sévigné.

Pour répondre à une commande du Théâtre de Montreuil il y a quelques années, Pauline Bureau, auteure, metteure en scène et comédienne, a réuni sa troupe et son équipe technique. « On s’est mis à table et on a parlé, échangé, partagé. De fil en aiguille, le spectacle s’est concrétisé », révèle Sonia Floire, co-auteure et comédienne. « Entre nous, il y a bien sûr des différences et des points communs, liés à nos éducations, nos expériences », ajoute Gaëlle Hausermann, co-auteure et comédienne également.

Si les parcours ne sont pas les mêmes, ils sont tous influencés par des modèles. Certaines avaient des mères qui travaillaient, d’autres pas. Que fait-on de ces exemples ? Le spectacle évoque ainsi la transmission entre femmes, l’avortement, les premières règles, les combats contre les injustices, l’illettrisme, les violences… etc. Mais non au sens où on l’envisage quand les femmes parlent des et aux femmes, les hommes n’y sont pas non plus stigmatisés. « Les filles de Modèles s’interrogent, chacune avec sa propre construction, son individualité, il y a plusieurs regards sur le monde et un grand respect », décrit Carole Lardoux.

La pièce n’a donc pas été créée autour d’un message, « nous parlons de nous, de nos vécus et chacun s’y retrouve », précise Gaëlle Hausermann. Cette résonnance dans le cœur et l’esprit du public n’était pas recherchée, mais elle est là et elle touche les comédiennes.

Entre théâtre et cabaret

Modèles est un spectacle qui mêle lectures de textes littéraires et intellectuels – Marie Darrieusecq, Pierre Bourdieu, Virginie Despentes, Marguerite Duras, Catherine Millet, Virginia Woolf – morceaux d’histoires personnelles, chants et musique live – un musicien accompagne les comédiennes sur scène – danses… « C’est un cabaret ! sourit Sonia Floire, c’est du théâtre très moderne, c’est peut-être aussi pour cela que ça plait beaucoup aux gens et particulièrement aux jeunes ». Du théâtre contemporain et original, authentique et populaire qui séduit le public à l’image de Carole Lardoux :

« La mise en scène de Pauline Bureau est imaginative, originale, drôle, juste, vive, très touchante. En outre, j’aime quand le théâtre est une fenêtre de réflexion et permet de poser la question « dans quelle société vit-on ? » ou encore « qu’ai-je à dire en tant que femme, qu’est-ce être une femme ? »… J’aime que le théâtre soit problématique, qu’il soit le prolongement de la parole de beaucoup de gens », confesse-t-elle.

La parole continue de se libérer à la fin de chaque représentation au travers de discussions ouvertes avec les spectateurs. Et souvent le public est dérouté, bouleversé, content, touché, rit. Tous semblent se retrouver autour de cette problématique et cette envie de faire avancer la société.

C’est quoi être une femme aujourd’hui ?

Pour répondre à cette interrogation de base, Sonia Floire et Gaëlle Hausermann ont trouvé une source inspiratrice dans un texte de Virginie Despentes, extrait de King Kong Théorie :

« Parce que l’idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir, pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l’esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d’école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle, cultivée mais moins qu’un homme, cette femme blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler, à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grand-chose, de toute façon je ne l’ai jamais croisée, nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas ».

Pour Gaëlle, il est important pour bien répondre de ne pas tomber dans le cliché du féminisme extrémiste. Selon elle, si pour l’égalité toutes les conquêtes sont possibles, ici « le but était de libérer la parole, de partager et c’est déjà pas mal ! Nous ne voulons surtout pas donner de leçons ! », assure-t-elle. À la même question, Carole Lardoux évoque aussi l’égalité entre êtres humains, « c’est avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs qu’un homme ». Une affaire avant tout humaniste, que les femmes doivent mener avec les hommes, pour une société meilleure.

Célian Ramis

Pas féministe mais...

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Alerte féminisme : À toutes celles et ceux qui auraient peur de l’esprit radical du féminisme, nous proposons ici de simplement poser les bases du mouvement. De revenir aux origines de sa définition première.
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Féminisme : n, m. 1 – Doctrine, mouvement qui préconise l’extension des droits, du rôle de la femme dans la société. 2 – Aspect d’un individu mâle qui présente certains caractères secondaires du sexe féminin.

À toutes celles et ceux qui auraient peur de l’esprit radical du féminisme, nous proposons ici de simplement poser les bases du mouvement. De revenir aux origines de sa définition première. Si toutes les interviewées (pardon pour l’homme qui a également répondu à nos questions) de ce dossier s’accordent à dire qu’il n’y a pas de féminisme rennais, il est indéniable que la capitale bretonne a vécu ses heures féministes et a connu de grandes figures emblématiques.

L’espace nous manque pour toutes les citer mais rendons quand même hommage à Louise Bodin, qui prend position, au début du XXe siècle, pour les suffragettes et contre la prostitution dans le journal Nouvelles rennaises, Clotilde Vautier, décédée en mars 1968 à Rennes à la suite d’un avortement clandestin (à cette époque, les raisons de son décès seront cachées, sa fille, Mariana Otero, réalisera à ce propos un documentaire en 2003 intitulé Histoire d’un secret) et Anne Cogné, présidente du Centre rennais d’information des femmes en 1981, conseillère municipale de 1983 à 1995. Cette dernière, décédée en 2013, est à l’origine de la création d’une délégation aux droits des femmes à la ville de Rennes, un poste actuellement occupé par Jocelyne Bougeard.

Et on sait que cette élue aime se désigner comme féministe, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Mais alors qui a peur du grand méchant féminisme ?

Féminisme ? Vous avez dit féminisme ? Que ce terme est terrifiant ! Surtout quand il sort de la bouche d’une femme… Si les plus de 20 ans – voire bien plus, soyons claires – revendiquaient fortement et fièrement leur appartenance à ce mouvement dans les années 70, ce dernier est quasiment devenue la bête noire de la jeune génération qui préfère parler d’égalité des sexes.

© Sophie Barel

Que vous avez de beaux yeux, mon enfant… Que vous avez de beaux seins, mon enfant… Que vous avez de belles fesses, mon enfant… Que vous avez de beaux poils, mon enfant… Le joli conte de la jeune fille naïve et sans défense a pris une nouvelle tournure – cauchemardesque - au cours des dernières décennies. Le loup se ferait rapidement, au mieux, casser la gueule de nos jours. Au XXe siècle, dans les grandes lignes, elles se sont battues pour entrer dans les institutions, pour obtenir le droit de vote, tout d’abord, puis pour disposer de leurs propres corps en réclamant le droit à la contraception et à l’avortement.

Ensuite, culottées, elles ont demandé d’ouvrir un compte en banque sans l’accord de leurs maris, de travailler et enfin, le flocon est devenu boule de neige, elles ont souhaité la lune – à défaut d’y poser le pied : l’égalité des sexes impliquant entre autre l’égalité des salaires, l’accès aux postes à responsabilités, la répartition de manière équitable des tâches ménagères, la parité en politique, etc. Rennes ne fait pas exception et participe au mouvement, fondant – à plusieurs années d’intervalle – le Planning familial, le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles, le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception, l’association Choisir (signalons que les deux dernières associations n’existent plus aujourd’hui) ou encore la délégation aux Droits des Femmes.

Pour aller plus loin dans les connaissances du féminisme à Rennes, Lydie Porée et Patricia Godard ont créé l’association Histoire du féminisme à Rennes. Le duo organise des visites guidées du Rennes féministe dans les années 70. Fin 2013, elles ont également lancé le journal Rennes au féminisme, à disposition des habitants au Papier Timbré, à la librairie Planète Io ainsi qu’à la librairie Alphagraph.

Une manière de déambuler dans les rues du centre ville et d’en redécouvrir les aspects historiques puisque les murs de la capitale bretonne sont encore empreints des luttes pour les droits des femmes. Dans l’actualité de l’association également, la sortie du livre Les femmes s’en vont en lutte (Histoire du féminisme à Rennes 1965-1985), aux éditions Goater, prévue pour mi-février, et actuellement en souscription sur leur site Internet.

MAIS OÙ ET QUI SONT LES FÉMINISTES ?

« Ce n’est pas dans l’air du temps de faire des actions collectives pour dénoncer des inégalités  », explique Isabelle Pineau, coordinatrice de l’association Questions d’égalité, créée à Rennes en 2010. Le décor est planté. Le manque d’engagement et de mouvement unitaire est sociétal. Même son de cloches du côté des militants de Mix-Cité Rennes, association lancée en 2002.

« On a du mal aujourd’hui à se définir communiste, anarchiste, féministe… Ce dernier est chargé d’histoire et surtout de clichés ».
Aude Le Bras, féministe, militante de Mix-Cité Rennes.

Toutes les deux s’accordent à dire que le terme donne le vertige. Il devient presque péjoratif, quasiment une insulte. Quand on pense Féminisme, on pense chiennes de garde, femmes à barbe (et à poils), anti-hommes, rabat-joie, etc. Les clichés s’accumulent autour des militantes et deviennent aussi nombreux que les images dégradantes associées à la gente féminine.

Des stéréotypes en partie dus à la sur-médiatisation d’actions nationales et internationales radicales, telles que la polémique engendrée par la publication du manifeste des 343 salauds (Touche pas à ma pute) dans le magazine Causeur, pour protester contre la pénalisation des clients de la prostitution, votée à l’Assemblée nationale le 4 décembre dernier (et sera examinée par le Sénat avant juin 2014) ou les Femen (Ukraine), qui parlent de sextrémisme, apparaissant souvent seins nus afin de défendre les droits des femmes, à travers une banalisation des attributs féminins.

« Il y a une frilosité de l’élan féministe. Le mouvement est mal connu, et souvent associé à un combat inutile ou extrémiste  », commente Aude Le Bras, pour ne pas dire qu’aujourd’hui, on banalise l’égalité des sexes… Pour elle, les différents courants du féminisme se mélangent dans les esprits, interférant sur le discours. Autre obstacle pour Isabelle Pineau :

« l’illusion que l’égalité est déjà là  ».

Ne pas penser que la lutte n’a plus lieu d’être, diffuser le savoir, les connaissances sur la thématique des inégalités au grand public, tels sont les principaux objectifs de Questions d’égalité, qui se définit dans une phase de prise de conscience et d’analyse. Une phase utile avant l’action du quotidien. Conférences et débats sont organisés par l’association et animés par des militantes, des universitaires, des professionnelles du droit ou du social par exemple.

Sur des thèmes variés puisqu’ils nous amènent à réfléchir sur la représentation des sexes dans la chanson française (et dans la culture plus largement) ou encore sur l’importance et la signification des chiffres des violences faites aux femmes. Autre forme plus ludique, afin de toucher un plus large public, la conférence gesticulée : « Un mélange de récits, de témoignages, d’expériences et de savoirs  ».

Intitulée Le clito, un petit nom qui en dit long. Plaisir et politique au pays de la sexualité féminine, la conférence gesticulée – qui avouons-le attise la curiosité, nous fait friser l’oeil et sourire malicieusement - est proposée par 7 femmes qui, sur scène, évoquent leurs expériences et leurs analyses quant à leur sexualité, hétéro ou homo. Il est nécessaire de briser les tabous, de s’émanciper et de s’épanouir dans son désir.

« Le but est d’expliquer en quoi la sexualité est traversée par la question des inégalités et en quoi cela impacte les femmes. Et aussi il faut parler d’orgasme, c’est important de libérer la parole   ».
Isabelle Pineau, coordinatrice de l'association Questions d'égalité.

Nécessaire également de comprendre que revendiquer des relations égalitaires, réciproques et respectueuses ne signifie pas partir en guerre contre les hommes, loin de là, ni même avoir une dent contre eux. Chez Mix-Cité, les hommes sont représentés par les militants bénévoles. Lucas Muller-Tanguy se revendique féministe, même s’il ne s’engage pas sur tous les volets du mouvement (la suppression de la mention Mademoiselle ne le touche pas particulièrement, comme bon nombre de citoyens/citoyennes). « Quand je dis que je suis féministe, on me demande si je suis gay  », s’amuse-t-il.

Pour lui, chaque militant a son engagement, sa sensibilité et apporte une ouverture d’esprit au groupe. Un point sur lequel le rejoint Aude Le Bras : « Le féminisme, ce n’est pas un bloc, il y a plusieurs pensées différentes mais pas de lignes préconçues, ce sont les militants qui font le mouvement  ».

RÉAGIR MAIS PAS AGIR ?

Sans devenir paranoïaques, il est important pour les associations de sensibiliser aux différentes formes d’inégalités et de discriminations dont chaque femme est susceptible d’être victime. La marchandisation du corps de la femme, le manque de remboursement des moyens de contraception, la fermeture de centres d’avortement, le harcèlement de rue, l’image des femmes dans les médias et la publicité, les inégalités professionnelles et les réflexions sexistes sont autant d’arguments pour eux qu’il y a d’actions à effectuer.

« Nous avons un calendrier annuel, comme pour la journée des femmes ou la journée contre les violences faites aux femmes. Puis nous réagissons au fur et à mesure de l’actualité mais nous privilégions les actions de rue. Nous agissons beaucoup avec le tissu associatif rennais et la municipalité  »
détaille Aude.

En décembre par exemple, les militants ont tenu un stand à République pour sensibiliser les passants à la question du sexisme des jouets. À noter qu’une conférence est organisée, par les deux associations en partenariat, le 17 janvier sur la question des représentations dans la littérature jeunesse. Le débat sera animé par Sylvie Crömer, sociologue, spécialiste des représentations du genre.

Difficile aujourd’hui d’attirer de nouveaux bénévoles, que ce soit pour Questions d’égalité ou pour Mix-Cité : « La France repose sur ces acquis alors qu’ils sont encore à défendre, voire même à regagner (à savoir qu’en Espagne - pays progressiste en matière de droits des femmes - un projet de loi a été présenté fin 2013 par le ministre de la Justice, Alberto Ruiz Gallardon. Ce dernier prévoit de restreindre le droit à l’avortement seulement dans les cas suivants : viol et santé mentale ou psychique de la mère menacée, ndlr) ».

Pour Isabelle Pineau, il est également temps de sonner la tirette d’alarme. La forme des combats a évolué, certes, et la génération Internet s’active maintenant sur les réseaux sociaux, les blogs et Tumblr (Madmoizelle.com, Aufemininpointconne.fr, Je connais un violeur, etc.) mais ne s’engage pas en prônant l’égalité hommes/femmes.

« Se définir féministe, c’est faire un lien entre les militantes du passé et celles d’aujourd’hui. Elle poursuit : Dans les années 70, les femmes étaient dans lignée de mai 68. On questionnait la société, le mouvement était très fort, les femmes terrorisées à l’idée de tomber enceinte, il y avait les avortements clandestins… Aujourd’hui règne un certain fatalisme. Il y a beaucoup moins d’enthousiasme  ».
Isabelle Pineau, Questions d'égalité.

Un enthousiasme modéré qui semblerait donc être dû à une morosité ambiante et sociétale mais aussi à une difficulté certaine de rallier des femmes à un combat dont les revendications sont moins visibles aujourd’hui qu’il y a quelques années. Pourtant, il semblerait également que ce soit le terme et sa connotation extrémiste qui dérangent principalement les jeunes femmes, qui jonglent avec l’image de super-héroïne que nous impose la volonté d’une égalité hommes-femmes. En effet, la femme moderne n’est pas seulement l’égale de l’homme, elle lui devient supérieure. Un jeu dangereux…

Alors la peur du loup démontrerait-elle véritablement un manque de convictions ou d’engagements ? Le terme n’a pas fini de diviser et rebuter. Dommage.

L’origine du féminisme est incertaine et le terme est récent. Néanmoins, la lutte prend son élan avec le siècle des Lumières. Pourtant, l’effervescence du mouvement puise ses origines à la fin du XIXe siècle et se compose de différentes vagues.

  • La première vague du féminisme apparaît à la fin du XIXe siècle avec les suffragistes – dites aussi les suffragettes – qui revendiquent le droit de vote mais aussi le droit à l’éducation, au travail, au salaire et dénoncent la puissance maritale et paternelle. C’est à cette période que les femmes parlent également de congé maternité, d’allocations familiales et de soins.
  • La seconde vague du féminisme fait des remous dans les années 1950 et déferle dans les années 60, avec la création de Maternité heureuse, qui deviendra ensuite le Mouvement Français pour le Planning Familial. Les femmes revendiquent la maitrise de leurs corps et la libre sexualité. Par conséquent, le droit à la contraception et à l’avortement, entre autre. C’est aussi le temps de la remise en cause du patriarcat et l’apparition du concept de sexisme.
  • La troisième vague du féminisme trouve son origine dans les années 1980 aux Etats-Unis à l’initiative de nombreux groupes représentant les minorités et les groupes minoritaires. Les femmes revendiquent leur appartenance sexuelle, ethnique, sociale, et affirment leur morphologie, leurs formes, leurs différences.
  • En route vers une quatrième vague du féminisme ? On parle du mouvement des Femen comme une potentielle introduction à cette nouvelle vague, qui est encore à construire et qui se traduirait par des actions radicales, médiatisées et controversées. Elle pourrait aussi malheureusement être perçue comme un retour en arrière, à l’heure où le droit à l’avortement est menacé dans certains pays européens.

Au cours des dernières décennies (à partir des années 90), plusieurs associations, radicales et/ou controversées, sont apparues en France, parmi lesquelles figurent les Chiennes de garde, La Barbe, Osez le féminisme ou encore Ni putes, ni soumises.

Spécialisée dans le féminisme de la deuxième vague (1960-1980), elle est une militante féministe, archiviste et membre de l’association « Histoire du féminisme à Rennes ». Elle répond à nos questions.

A quelle époque est apparu le féminisme à Rennes ?

Je pense qu’il est né au début du XXème siècle autour des mobilisations suffragistes, conduites par des féministes telles que Louise Bodin, qui en est l’une des figures emblématiques. 

Pourquoi autant d’actions féministes sont organisées à Rennes ?

Sur le plan institutionnel, l’arrivée en 1977 d’une majorité socialiste avec la présence, dès 1983, d’une militante de l’UFCS (Union des femmes françaises), Anne Cogné, au poste de conseillère municipale, est une des explications. Cette femme, décédée en 2013, a fait partie d’une commission sur le sexisme dans les manuels scolaires et a mis en évidence les rôles stéréotypés réservés aux femmes.

Elle a également insisté pour la création d’une délégation aux droits des femmes à Rennes. Depuis 1995, une conseillère ou une adjointe aux droits des femmes est systématiquement présente au sein du conseil municipal. Rennes est également une ville étudiante et politisée avec une faculté de médecine, qui a été très active dans la libéralisation de l’avortement.

Le féminisme à Rennes se différencie-t-il des autres mouvements féministes ?

Non, je ne pense pas. Cependant, la capitale bretonne est marquée par la question de l’émancipation par rapport à l’Église catholique, depuis les années 70, notamment sur le rôle de la mère, le droit à la contraception et à l’avortement.

Quel  est le visage actuel des féministes rennaises ?

Quelques militant(e)s des années 70 continuent de s’engager au Centre d'information sur les droits des femmes et des familles d'Ille-et-Vilaine (CIDFF) ainsi qu’au Planning familial. Mais des jeunes de 20 ans arrivent de plus en plus dans les associations.

Ils/Elles sont étudiant(e)s en sociologie ou à Sciences Po et cherchent à obtenir une égalité hommes/femmes. On constate un phénomène de politisation féministe via les études de genre.

Ressentez vous une évolution du combat, sur le fond comme sur la forme ?

Oui, les enjeux ont évolué. L’objectif est d’obtenir l’égalité réelle au delà de l’égalité de droit. La répartition égalitaire des tâches domestiques dans la sphère privée est essentielle. Tout en découle, mais cela est compliqué à légiférer.

Sur la forme, les modes d’actions ont changé. Depuis au moins 2005, il n’y a plus de manifestations organisées le 8 mars dans la rue. À présent, nous organisons davantage des réunions de discussions, de distributions de tracts et de publications de textes. L’utilisation de l’humour est également très présente. Je n’ai pas connaissance d’actions clandestines ou illégales aujourd’hui à Rennes.

Les groupes féministes rennais sont ils toujours au diapason ?

On se retrouve sur l’accès à l’éducation et le refus des violences faites aux femmes. Il est important que l’on se batte sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous divise (comme les sujets sur la prostitution ou le port du voile).

Infographie : © Sophie Barel

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Yegg

Happening tout rose pour libérer Barbie ouvrière !

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Le jeudi 12 décembre l’association Peuples Solidaires a organisé un « happening » à Rennes afin de dénoncer les conditions dans lesquelles sont fabriqués les jouets de la multinationale américaine Mattel en Chine.
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Le jeudi 12 décembre l’association Peuples Solidaires en collaboration avec China Labor Watch (CLW) a organisé un « happening » devant le centre commercial du Colombier à Rennes afin, à l’approche des fêtes de fin d’année, de dénoncer les conditions dans lesquelles sont fabriqués les jouets de la multinationale américaine Mattel en Chine.

Pour l’occasion, la marque a été rebaptisée « Mattée » et pose son logo sur une boite rose géante dans laquelle se tient une Barbie à taille humaine qui, au lieu de revêtir ses habituels escarpins et robes, porte pour l’occasion un bleu de travail accessoirisé d’une charmante chaine qui lui maintient les bras.

Il ne s’agit plus de Barbie vétérinaire ou bien Barbie reporter mais de « Barbie ouvrière » qui nous est exposée par une bonimenteuse nous vantant les mérites de ce produit « facilement manipulable et exploitable à souhait » et ce, depuis plus de quinze ans. Sur la boîte de la poupée américaine on peut lire « salaire de misère », « jusqu’à 13h de travail par jour » ou « rentabilité maximum ». « On voulait vraiment dénoncer le contraste qu’il peut y avoir entre l’image très glamour et très joyeuse de Barbie qui est le jouet préféré des petites filles depuis plusieurs années, et une réalité beaucoup moins joyeuse, celle des usines de jouet », explique Fanny Gallois, spécialiste de la dignité au travail notamment dans l’industrie du jouet et électronique et responsable des campagnes à Peuples Solidaires.

Cette association fondée en 1983 et rassemblant plus de soixante-cinq groupes locaux et deux nationaux dont un à Rennes, monte depuis plusieurs années des campagnes de sensibilisation destinées aux consommateurs et le mois de décembre est pour eux un moment de visibilité car comme l’explique Benjamin Lemesle, chargé de mobilisation pour l’association, « c’est une période pendant laquelle les ménages vont utiliser le maximum de leur budget pour les jouets ».

L’atmosphère est joyeuse, les intervenants souriants, ce qui paraît toucher les quelques passants qui affirment trouver ce genre d’action beaucoup plus ludique qu’un « happening » coup de poing classique. Après tout, on parle de jouets. Mais quelle réalité se cache derrière les millions de dollars engrangés chaque année par la vente de cette poupée ?

« Des conditions de travail absolument indignes »

Avec l’ONG China Labor Watch, Fanny Gallois a coordonné plusieurs enquêtes dont six cet été dans des usines sous-traitantes de Mattel en Chine ; « la situation de ces travailleurs est très précaire et très difficile et donc ils sont contraints d’accepter de travailler de nombreuses heures supplémentaires pour pouvoir atteindre des salaires à peu près dignes ».

Cette collaboration a donné fruit à de nombreuses statistiques et calculs. Selon eux, pour une poupée vendue 15€ en moyenne, un ouvrier de ce genre de manufacture reçoit 0,12€. « Il ne viendrait pas à l’idée d’une multinationale qui agit en France de dire « je vais faire des économies en payant mes salariés moins que le SMIC » », s’insurge-t-elle. Par la faiblesse des salaires, les ouvriers prennent, dans la plupart des cas, la décision, si elle en est une, de vivre dans des dortoirs bondés et insalubres.

Selon les chiffres fournis par Peuples Solidaires, 80% des salariés de l’industrie du jouet serait des femmes migrantes âgées de 15 à 30 ans. En dehors des coûts de production très avantageux pour ces industries en Chine, on peut compter de nombreux avantages à l’exploitation de ces femmes : l’abondance de la main-d’œuvre, l’absence de liberté syndicale et donc de revendications ; le seul syndicat reconnu et autorisé étant celui dépendant du Parti Communiste Chinois. Sans compter une possibilité de bafouer le droit national du travail et des réglementations environnementales douteuses.

Ce qui pose problème à Marie-Claude Hessler, actionnaire militante de Mattel, c’est que les choses n’avancent pas, « je suis devenue actionnaire en 1997 précisément pour essayer de faire améliorer les conditions de travail des ouvrières en Chine qui étaient déjà mauvaises à l’époque et qui le sont toujours, malgré un code de conduite qui a été adopté la même année par Mattel et qui n’a toujours pas été mis en application ». Monsieur Zhang* a fait le voyage depuis la Chine.

Ouvrier dans sa jeunesse « parmi tant d’autres » comme il l’explique, il a pu par la suite suivre des cours de droit et travaille désormais comme enquêteur. Pour témoigner des conditions de travail de ces ouvriers et ouvrières, il s’est fait passer pour l’un d’entre eux. Timide, presque effrayé, son passage à Paris et l’exposition médiatique que cela a impliqué l’inquiètent ainsi que les membres de Peuples Solidaires, qui redoutent les conséquences qu’impliquerait un dévoilement de son visage ici à son retour en Chine.

Selon Benjamin Lesmesle, « l’objectif est de faire en sorte que les consommateurs puissent signer notre Appel Urgent**, faire pression et demander des comptes à Mattel, ils sont finalement plus écoutés par la multinationale, parce que ce sont eux qui leur rapportent de l’argent contrairement à nous en tant qu’ONG ou association ». Il ne s’agit donc pas de boycotter ce genre de produits mais de consommer autrement et de sensibiliser toute la famille aux méthodes de production des jouets en question. Les Barbie seront-elles tout de même au rendez-vous au pied du sapin ?

 

*Nom modifié pour sa sécurité personnelle en Chine

** Plus d’informations sur cet appel sur www.liberons-barbie.org

Célian Ramis

Brouhaha féministe, dites-vous

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Les discours, manifestations et autres caquètements de coq – comme ceux du député UMP, et breton, Philippe Le Ray à l’encontre Véronique Massonneau, députée EELV le 8 octobre dernier – sexistes grouillent toujours autant.
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Les discours, manifestations et autres caquètements de coq – comme ceux du député UMP, et breton, Philippe Le Ray à l’encontre Véronique Massonneau, députée EELV le 8 octobre dernier – sexistes grouillent toujours autant. Quand ce n’est pas dans l’hémicycle, les textes de rap ou l’industrie du jouet, c’est dans la rue, à l’école, à la maison… ou pire encore ce sont les 343 salauds qui revendiquent le droit d’aller voir « leurs putes ». Une polémique très actuelle puisque la proposition de loi contre le système prostitutionnel est en débat à l’Assemblée nationale, depuis le 27 novembre.

Les féministes ont encore du boulot et leur lutte semble souvent d’utilité publique. Souvent, mais pas toujours. Leurs réactions parfois disproportionnées face à certains sujets (réédition du magazine LUI, une étiquette de la marque IKKS, à lire ci-dessous) ou l’acharnement avec lequel elles entrent parfois en guerre contre ce qui peut apparaître comme des broutilles – la fameuse et très controversée suppression du « Mademoiselle » – ne servent pas forcément leur cause.

Et si elles confondaient vrais combats et fausses polémiques à haut pouvoir « buzzant » ? N’en font-elles pas un peu trop au risque de perdre de vue leur objectif premier et de finir incomprises ? La rédaction s’est penchée sur la question en interrogeant deux associations féministes rennaises, Mix-Cité et Questions d’Egalité. Ont été évoquées trois actualités : la reparution de LUI, l’étiquette IKKS et le tumblr « Je connais un violeur », entre autres…

La femme, objet de désir

Frédéric Beigbeder a ressorti LUI, magazine fondé par Daniel Filipacchi et qui pendant trois décennies (1963-1994) a affiché les plus belles actrices du moment en tenue légère. Septembre 2013, Léa Seydoux renoue avec la tradition pour le premier LUI nouvelle génération. Tollé chez les féministes. On entend même l’actrice se faire traiter de « pute à poil ». Sévère.

« LUI s’inscrit parmi des milliers d’autres magazines qui maltraitent les femmes. Sous couvert d’esthétisme, c’est choquant, salace et révoltant. Beigbeder n’a-t-il rien d’autre à faire ? », se demande Cyrille Morin, membre de Mix-Cité. Pourtant personne ne force ces jeunes femmes, connues ou non, à poser dans ce genre de publication, elles le veulent bien.

Pour Cyrille, de tels propos flirtent avec le machisme « l’image en couverture se placarde partout et impacte les autres femmes, par rapport à la nudité et au regard des hommes, pour lesquels cela devient banal ! ». Et précise qu’il en est de même dans la pub Hénaff avec la femme qui porte une saucisse à sa bouche – qui a également choqué le monde féministe. Certes, les images de jeunes femmes dévêtues en position lascives s’affichent partout.

Tant et tant qu’on n’y prête quasiment plus attention… « LUI banalise les choses, c’est le début d’une violence symbolique. On montre la femme objet de beauté, les hommes se disent logiquement : pourquoi on ne les violerait pas ? », rétorque le jeune féministe. N’est-ce pas là prendre les hommes pour des écervelés ? Non, nous dit-on puisque tout le monde n’a pas les mêmes codes pour faire la différence entre une image qui se veut esthétisante et la réalité.

Chez Questions d’Egalité, c’est l’actrice en couverture qui dérange Guénaëlle Bauta et Marine Bachelot, membres du conseil d’administration de l’association : « Cette couverture coïncide avec la sortie du film La Vie d’Adèle, c’est une récupération hétéro-sexiste ! » Sans parler du « fantasme sous-jacent des hommes sur les lesbiennes. Léa Seydoux semble vouloir se rassurer et rassurer son public sur sa sexualité. Ceci n’est pas anodin pour les jeunes lesbiennes ».

La femme, objet de service

« Donne-le à ta mère, elle sait comment faire », c’est ce qu’on peut lire sur les étiquettes d’indications de lavage de la marque de vêtements IKKS. De l’humour, noir, scandaleux, décalé, ou très con, comme on veut, mais du second degré quand même. Cela ne fait pas rire les féministes.

« La marque ne connaît pas l’éducation reçue par celui qui lit ça. Là aussi tout le monde n’a pas les codes pour décrypter cet humour. Y’a danger, ça alimente les préjugés. Car dans la réalité 80% des tâches ménagères sont faites par les femmes », s’indigne Cyrille chez Mix-Cité.

IKKS n’a pas fait rire non plus les filles de Questions d’Egalité, « C’est comme les plaisanteries racistes, ça fait des dommages, il y a des drames humains derrière cela », remarque Marine. Un argument que sa collègue de militantisme approuve. Pour elles, ce partage inégalitaire a une incidence sur la sphère professionnelle, la femme a moins de temps pour son travail, « On ne peut pas rester tard, assurer la réunion de 18 heures. Tout ceci est dévalorisant ». Image de femmes nues sur papier glacé, ménage et lessive, viol, tout serait lié.

La femme, objet sexuel

Nos féministes assument pleinement : « Cela fait partie du même assujettissement. Il y a l’idée de la femme objet de beauté, objet de service, qui conduisent à la femme objet sexuel », insiste Cyrille. Le discours est semblable chez Questions d’Egalité où Guénaëlle nous explique que ces images donnent à l’homme une impression de disponibilité du corps de la femme. D’où l’importance pour Mix-Cité et Questions d’Egalité – et pour YEGG également – du tumblr lancé en septembre « Je connais un violeur » (http://jeconnaisunvioleur.tumblr.com/ ).

Les victimes de viol y racontent leur histoire anonymement. Il brise la loi du silence, permet de faire déculpabiliser les victimes et fait un constat effrayant : 80% des violeurs sont des proches. « C’est important d’avoir un tel espace pour libérer la parole, quand les budgets alloués aux planning familiaux sont drastiquement diminués, que les policiers ne sont toujours pas formés pour recevoir correctement les femmes qui viennent porter plainte », assure Cyrille. Un sentiment partagé par Questions d’Egalité :

« Il y a une grosse omerta sur le viol en France. Il y en a 75 000 par an et le chiffre double si on y ajoute les viols sur mineurs. Moins d’1% des violeurs est condamné. »

Il est primordial pour nos deux interlocutrices de diffuser ces chiffres, notamment auprès des jeunes, pour tenter mieux de gérer le choc traumatique, « équivalent à un traumatisme de guerre ». Elles conseillent à ce sujet la lecture de Muriel Salmona*

Les féministes, objet de discorde

« On ne hiérarchise rien, les sujets futiles permettent une avancée globale, ils sont donc aussi importants. Dans notre activité quotidienne on lutte contre tout, en restant conscient du degré de gravité », nous explique Cyrille – argument sur lequel il est rejoint par Lorina Chattinsky, créatrice du site caricatural Au Féminin Point Conne – bien conscient que leurs actions ne peuvent pas faire l’unanimité, « Peut-être devons-nous nous demander si nous sommes clairs ? ». En revanche, pas question de se justifier, « Que celles qui croient qu’on se trompe fassent le boulot ! ».

Pour ce qui est de l’égalité des salaires et de l’accès à l’emploi, Cyrille argue qu’on touche là l’économie et que ça coûte en conséquence de l’argent, que c’est plus complexe. Quant à tenter de convaincre le législateur sur cette question, il n’y croit pas prenant l’exemple de la loi sur la parité pas encore totalement respectée… Les représentants de nos associations ont l’honnêteté de l’avouer : il y a des batailles plus simples à remporter et d’autres pour lesquelles la lutte est plus âpre. En revanche, ils n’admettent pas le fait qu’il y a des engagements futiles et de vraies victoires, celles qui concernent les salaires, l’accès à l’emploi et aux responsabilités, les congés parentaux, le harcèlement sexuel et de rue, le viol…

A vouloir tout mettre sur le même niveau, sans distinction ni discernement, il est malheureusement à craindre qu’on ne puisse plus rien dire à une femme, et qu’elle perde alors tout espoir d’être un jour l’égal de l’homme : on pourrait dire d’un homme qu’il est con et moche et pas d’une femme ? A méditer.

*Muriel Salmona : Psychiatre spécialisée dans la prise en charge des victimes, formatrice et chercheuse en psychotraumatologie, présidente de l’association d’information, de formation et de recherche « Mémoire Traumatique et Victimologie ».
Créatrice du site http://memoiretraumatique.org, auteure de « Le livre noir des violences sexuelles » chez Dunod paru en 2013 (http://lelivrenoirdesviolencessexuelles.wordpress.com). Blog : http://stopauxviolences.blogspot.fr/

Égalité des sexes : Le graal des chevalières de la table ronde

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Arvor, Rennes
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La réalisatrice finistérienne Marie Hélia présente son nouveau film à l’Arvor, du 27 novembre au 3 décembre : Les chevalières de la table ronde (« Liberté, Sexualités, Féminisme. 50 ans de luttes pour les droits des femmes »).
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La réalisatrice finistérienne Marie Hélia présente son nouveau film – produit par Paris Brest productions – à l’Arvor, du 27 novembre au 3 décembre : Les chevalières de la table ronde (« Liberté, Sexualités, Féminisme. 50 ans de luttes pour les droits des femmes »). Un documentaire  – centré sur 12 femmes qui ont milité au Planning familial et qui continuent de faire entendre leurs voies à travers leur quotidien et leur militantisme – qui flirte avec la fiction puisqu’en parallèle, le spectateur suit une Gorilla Girl dans sa traversée du Finistère à la recherche d’une pie noir, en l’honneur de Rosa Bonheur, une des premières femmes peintres du XIXe siècle à être reconnue internationalement. Interview de Marie Hélia.

YEGG : Pourquoi avoir choisi de centrer le film sur les militantes et créatrices du Planning familial ?

Marie Hélia : À l’origine, c’était une demande du Planning familial de Brest, qui réunissait les créatrices du PF Finistère. Elles ont des choses à dire et leurs mémoires sont précieuses. J’ai pu établir la liste et les rencontrer. Elles sont 8 à avoir participé à sa création, elles ont entre 86 et 90 ans.

Comment de temps cela vous a pris ?

Un an d’écriture et de rencontres environ. Mais au total, entre l’idée du film et la première projection, trois années se sont écoulées.

Pourquoi ce parallèle entre les créatrices du Planning familial et les chevaliers de la table ronde ?

C’est une lutte très épique. En plus, elles ont une classe incroyable. Elles étaient en lutte, en quête ! En quête de liberté. Le lien avec la table vient simplement de la référence à la table à repasser, avec évidemment une vague inspiration des légendes arthuriennes (la table ronde a été conçue pour que chacun siège à égalité, ndlr).

C’est d’ailleurs une artiste, Annelise Nguyên, qui a réalisé la table ronde. Pourquoi en faire construire une pour le film ?

Tout simplement parce que je ne voulais pas l’acheter chez Ikea. Et que je voulais vraiment inclure d’autres femmes artistes dans ce projet. Il n’y a pas qu’elle, il y a aussi Laetitia Sheriff.

Comment s’est passée la rencontre avec cette dernière ?

Je la connaissais déjà, de loin. J’étais persuadée que c’était elle qu’il fallait pour réaliser la bande originale du film. De la guitare et de la voix. Et c’est ce qu’elle fait. C’est une musique originale qu’elle propose ici. Quand elle a vu le film, elle a joué en direct avec la projection.

Est-ce que ce sera l’occasion d’organiser un ciné-concert avec cette auteure-compositeure-chanteuse ?

Ce serait bien. Pour l’instant, nous n’avons pas encore la version sans les paroles. Mais c’est une très belle collaboration.

Autre figure féminine importante dans le film : la Gorilla Girl, féministe américaine. Pourquoi l’inclure dans le scénario ?

Car elle représente la place des femmes dans la culture. Elle défend les femmes dans les arts. Elle symbolise le féminisme car c’est un personnage volontaire et libre. Et puis, c’est un personnage de fiction, ce qui vient perturbée le scénario du documentaire. C’est ça aussi que je trouvais intéressant. J’aime bien penser une forme pour chacun de mes films. C’est ce qui en fait leur force.

Et pourquoi Rosa Bonheur en particulier ?

Déjà, le nom Rosa Bonheur est magnifique. Je cherchais une peintre animalière, sans forcément que j’aime ses œuvres. Je trouve d’ailleurs sa peinture trop académique. Mais c’est aussi une femme qui ne se revendiquait pas féministe mais qui l’était par la force des choses.

Un peu comme vous…

C’est un féminisme instinctif. Moi, je me revendique féministe. Je pense d’ailleurs que quand on est une femme, c’est un pléonasme !

Vous avez rencontré les « anciennes » du Planning familial mais aussi les « nouvelles », la jeune génération de militantes. Avez-vous ressenti une différence dans la manière de militer ?

Non, vraiment pas. Elles militent toutes au PF et font preuve d’altruisme envers les autres femmes. Elles ne se battent pas simplement pour elles mais également pour les autres. Je les trouve pragmatiques. J’ai déjà réalisé un film sur les militants, qui s’appelle Dans la ville rouge, il s’agit là de militants perdus, paumés. Les féministes, elles se prennent en main au quotidien. Elles ne se laissent pas tomber dans les pièges de la télévision qui nous montre des femmes objets. On va bientôt nous dire de rentrer à la maison si ça continue !

Vous travaillez sur le territoire breton et avait réalisé le film dans le Finistère. Dans la région, le militantisme féministe est-il plus important qu’ailleurs selon vous ?

Je ne crois pas. Je ne crois pas à cette fumisterie du matriarcat breton, qui nous dit qu’en Bretagne, les femmes sont fortes et puissantes. Elles n’ont pas le pouvoir politique, pas le pouvoir économique et pas le pouvoir législatif. Tout ça, ça me gave grave ! Tout comme les bonnets rouges, je suis anti bonnets rouges de toute manière. Pour revenir à la question, je crois que le féminisme breton est le même qu’ailleurs. Il y a une légère baisse du militantisme, comme partout. Par exemple, au Planning, les bénévoles sont dures à trouver.

Le Planning familial parle aussi de réduction des moyens financiers. Est-ce que le film en profite pour aborder cette problématique ?

Je n’ai pas abordé l’aspect financier dans le film car je n’ai pas ressenti cette préoccupation dans le Finistère. Par contre, ce qui est dit et évoqué, c’est le manque de moyens et de temps mis à disposition. Comme par exemple l’accès à la sexualité dans les écoles. Ce n’est pas avec trois heures sur le sujet qu’on va les sensibiliser à la question. Il y a une vraie urgence de ce côté-là.

Qui sont les spectateurs qui viennent assister aux séances de projection ?

Le public est essentiellement féminin : 80% de femmes environ qui ont entre 40 et 65 ans. Mais on va aussi organiser des séances pour les scolaires, pour l’instant dans le Finistère dans les villes qui ont un Planning familial – Quimper, Brest, Douarnenez – puisque c’est la structure qui fera la sensibilisation.

Est-ce que la jeune génération est présente également ? Le féminisme peut parfois faire peur aux jeunes femmes…

C’est dommage, il n’est pas interdit de penser… La jeune génération a du mal à rentrer dans les salles pour voir un documentaire… Mais il y a quelques-unes quand même !

Par conséquent, le message de transmission est plus difficile à faire passer…

Le message se transmet mais c’est long, c’est normal. Nous n’avons pas les mêmes moyens de distribution que les blockbusters américains…. Le film est passé sur les chaines locales comme TBO, c’est positif, c’est comme ça que le message va passer. En tout cas, dans les salles, les spectateurs semblent ravis. Les chevalières de la table ronde ont une telle énergie ! Elles transmettent leur bonheur et leur joie de vivre. C’est super !

Merci Marie Hélia

Merci à vous.

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