Célian Ramis

Mythos 2017 : The Pirouettes, joyeux brassage dans la pop française

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Parc du Thabor, Rennes
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Samedi 8 avril, le duo hype de la pop synthé française, The Pirouettes, répandait leur feel good musique dans le parc du Thabor, au cabaret botanique précisément, à l’occasion du festival Mythos.
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Samedi 8 avril, le duo hype de la pop synthétisante française, The Pirouettes, répandait leur feel good musique dans le parc du Thabor, au cabaret botanique précisément, à l’occasion du festival Mythos.

Au lycée, Léo écrit une chanson d’amour à Vickie. Depuis, le couple a donné naissance à un duo musical prénommé The Pirouettes. Sur scène comme sur leur premier album, Carrément carrément, Vickie Chérie et Léo Bear Creek naviguent à travers les époques et entre les styles.

Dès les premières chansons, les inspirations sautent à la tronche. Il y a là la vague sur laquelle surfe La Femme, repêchant les sonorités pop synthé des abysses des années 80 en les mélangeant à un rap des années 90. Ainsi, The Pirouettes convoquent leurs multiples et éclectiques influences, allant de Michel Berger à Booba, en passant par Jacno. Large.

Mais on croise aussi Etienne Daho – qui les a d’ailleurs pris sous son aile -, Lio, Oxmo Puccino et bien d’autres. Et on s’amuse de cette vive effervescence, alliée à une écriture faussement naïve et expressément second degré. Ils chantent l’amour, le couple, le quotidien, le succès, l’ailleurs et la fête.

Le Magic Mirror, ce soir là, ressemble à une boom pour adultes, ou grands ados, sans les slow et le quart d’heure américain. Ou devrait-on dire le quart d’heure français puisque le duo prône la langue de Molière, honorant leur génération, leurs idoles et la nouvelle catégorie d’électro pop hexagonale.

Ça fonctionne plutôt bien. L’ambiance est bonne, les attaques instrumentales permettent de lâcher la pression, les accords répétitifs défoulent, le flow est rapide et efficace, et le tout file la patate. On se voit « chanter sous les cocotiers », avec « Un mec en or » avant de se jeter dans le « Grand bassin ».

Pourtant, on n’est pas carrément carrément conquis-es par la prestation live. Après 5 ou 6 chansons, on se lasse de la redondance musicale. Malgré leur énergie communicative, on sait que la scène n’est pas leur domaine de prédilection. Peut-être leur retenue apparente mériterait le lâcher prise auquel leurs chansons nous incitent pour dépasser le stade du concert « sympa ».

 

Célian Ramis

Mythos 2017 : Claire Diterzi, dans les coulisses de son inspiration

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Parc du Thabor, Rennes
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Raconter la genèse de son album, « ce n’est pas ce qu’on attend d’une chanteuse », proclame Claire Diterzi, qui était vendredi 7 avril sur la scène de Mythos, au cabaret botanique, pour partager avec le public son Journal d’une création.
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Raconter la genèse de son album, « ce n’est pas ce qu’on attend d’une chanteuse », proclame Claire Diterzi, qui était vendredi 7 avril sur la scène de Mythos, au cabaret botanique, pour partager avec le public son Journal d’une création.

En mars 2015, l’ovni Diterzi sort un nouvel album. 69 battements par minute. La chanteuse-compositrice-auteure a décidé pour de prendre des chemins de traverse pour sa carrière. Elle veut faire de la chanson contemporaine. Mais ça n’existe pas dans les cases étriquées de l’art en général.

« Aujourd’hui, c’est la consécration des chanteuses avec des histoires d’amour archi connues qui rassurent les ménagères de plus de 50 ans. Mais je n’veux pas, moi, rassurer les ménagères de plus de 50 ans, je n’vois pas l’intérêt ! », s’exclame-t-elle. Alors Claire Diterzi fabrique son univers, résolument rock et extravagant, et impose son style.

Tenant un journal de bord durant la création de son disque, elle s’extirpe des cases étroites et explose les codes en proposant au public une manière originale de découvrir les sources de son inspiration. Concrètement, l’artiste dématérialise l’objet musical l’incluant dans une démarche globale, réunissant photos, collages, vidéos, théâtre, littérature et live au ukulélé.

Si ses chansons sont des extraits métaphoriques d’instants de vie vécus, sur scène, elle en donne les clés, pour décrypter les messages, comprendre les sens cachés. Des réflexions alambiquées, des jeux de mots, des private joke, des références, etc. Derrière les filtres de l’humour et l’esprit punk qu’on lui connaît, elle livre son histoire personnelle.

Elle, la fille d’Abdel, père kabyle tuberculeux obsédé par l’envie d’avoir un fils qui l’appellerait Sauveur. Elle, la fille d’une mère qui avait la main lourde sur ses filles parce qu’elle avait été abandonnée par son mari. Elle qui a grandi en cité HLM près de Tours, qui a été interpellée par le nombre de molosses – souvent des bergers allemands – tabassés par leurs propriétaires.

Elle qui ne veut pas d’enfant a eu deux filles et qui a divorcé de son époux metteur en scène après 10 ans de mariage. Elle qui a vécu dans le rue Poulet. Elle qui a une amie prénommée Kaka. Elle qui n’a annulé qu’une seule fois un concert pour cause de pneumonie et qui en passant une radio des poumons a aimé voir écrit « cul de sac pleuraux libres ».

Elle raconte des souvenirs, les couleurs et les motifs des papiers peints de son enfance, qu’elle alimentera de dessins de pénis, des passions, comme celle qu’elle entretient pour Rodrigo Garcia, des anecdotes qui semblent sans intérêt mais que tout le monde a vécu en observant les gens dans le métro, des faits médicaux en passant la visite médicale obligatoire au renouvellement de son statut d’intermittente du spectacle…

Elle a des troubles du sommeil, parce qu’elle a essuyé « un bon gros coup de pute cet hiver mais elle en a vu d’autres », elle a un penchant – et un déni pour celui-ci – pour l’alcool, elle considère que vieillir n’est pas nécessaire, n’a plus peur de la mort et a vécu pendant deux ans avec un homme impuissant. Du gâchis selon elle, puisqu’elle boxe dans la catégorie « bonnasse ».

De tous ces détails jaillissent des raisonnements parfois absurdes, parfois tirés par les cheveux, parfois poétiques et parfois trash. Et finalement, comme les mille pièces d’un puzzle, tous ces fragments de vie et de pensées s’emboitent pour devenir « Un pédé refoulé », « Infiniment petit », « L’avantage avec les animaux c’est qu’ils t’aiment sans se poser de questions », « 69 battements par minute »…

Libre, rebelle et indépendante, elle affiche sa transgression et son esprit irrévérencieux dans un seule en scène qui semble de temps en temps manquer de naturel et de spontanéité mais qui démontre une manière nouvelle d’exprimer l’art et la musique. Une forme intéressante et intrigante.

 

Célian Ramis

Mythos 2017 : PJ Harvey, vision poétique d'un monde en berne

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Parc du Thabor, Rennes
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PJ Harvey a publié, en amont de son dernier album, un recueil de poésies, The hollow of the hand dont elle proposait une lecture, vendredi 7 avril, au cabaret botanique, à l’occasion du festival Mythos.
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Connue pour son rock abrasif et alternatif, la chanteuse-compositrice-auteure britannique PJ Harvey a publié en amont de son dernier album, The hope six demolition project (mai 2016), un recueil de poésies, The hollow of the hand dont elle proposait une lecture, vendredi 7 avril, au cabaret botanique, à l’occasion du festival Mythos.

Elle cherchait quelqu’un pour faire des photos. En découvrant l’exposition de Seamus Murphy à Londres, elle reste sans voix face à son travail. À partir de ce moment-là, elle fera tout pour le rencontrer. « Il ne me connaissait pas, on est devenus amis. », explique-t-elle en cette fin d’après-midi ensoleillée.

Il est photojournaliste et affiche au compteur des années d’expérience dans des zones de conflit. Elle lui propose alors de collaborer sur son projet et de voyager ensemble. Le duo se rendra tout d’abord au Kosovo :

« j’ai toujours été fascinée par ce pays, été intéressée et horrifiée par la guerre là-bas. C’est là qu’on commence. »

Debout sur la scène, elle déclame ses poèmes dans la langue de Shakespeare, traduits en français sur l’écran installé derrière elle. C’est un autre univers que propose PJ Harvey qui dans The hope six demolition project distille un rock saturé, un rock incisif et un blues viscéral, sous-tendus par des sonorités orientales et des effets vocaux aigus et enfantins.

Mais c’est le même voyage dans lequel elle nous invite. Nous embarquant dans un monde qui part à vau-l’eau. Elle nous guide, à travers sa voix et sa plume, dans les villages abandonnés aux maisons en ruines, dans les sols poussiéreux auxquels les derniers espoirs se confondent, avant de visiter, de ses yeux ébahis, l’Afghanistan.

« Je vouais y aller depuis plusieurs années. Et Seamus connaissait très bien le pays. On y est allés, moi j’avais seulement un carnet dans lequel je notais tout ce que je voyais. On a vécu plusieurs situations difficiles et être poète, ça aide beaucoup. Seamus disait tout le temps que j’étais poète, ça nous a sorti de ces situations, car c’est très respecté en Afghanistan. », souligne-t-elle, précisant qu’elle a tenté, autant que possible, de se détacher d’idées préconçues, observant son environnement avec des yeux d’enfant, simplement en notant ce qu’elle voyait, « de manière naïve ».

On traverse avec elle les paysages dont les reliefs cachent des millions d’années de douleurs, dont les vallées s’illuminent et dont les montagnes voilées dominent tout ce qui a trait à l’humanité. On croise un singe orange dans la peau sage, une colombe grise qui surplombe les ruines, un garçon orphelin de maison qui n’oublie pas ses valeurs d’hospitalité en offrant du thé et du pain aux voyageurs, une main ignorée qui mendie.

La salle est suspendue à ses lèvres. À la manière d’une Cate Blanchett, elle perçoit l’entière attention de son auditoire. Elle narre une infime partie de la noirceur du monde qu’elle nuance de douceurs et de poésie sensible. La pauvreté résonne comme un thème majeur et central de son œuvre, contrecarrée par des onces de beauté qui ne peuvent avoir valeur pécuniaire.

Son voyage s’achève à Washington DC, point névralgique des hautes décisions politiques prises par les Etats-Unis en direction du Kosovo et de l’Afghanistan, entre autre.

« Nous avons gardé la même démarche : observer autour de nous. Et on a retrouvé une similitude dans la pauvreté. »
précise PJ Harvey.

La grande et longue Histoire, les migrations, la mendicité… et toujours, pour les exprimer, les refléter et les mettre en perspective, des Hommes et des animaux, des colombes en particulier. Et c’est dans un climat apaisé qu’elle entame la lecture de certains poèmes de sa nouvelle collection. Captivant.

Mythos 2017 : Des places à gagner !

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La nouvelle édition du festival Mythos – arts de la parole – revient à Rennes du 31 mars au 9 avril. Ici, des places sont à gagner en envoyant votre nom et prénom et le spectacle souhaité, à l’adresse suivante : redaction@yeggmag.fr.
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La nouvelle édition du festival Mythos – arts de la parole – revient à Rennes du 31 mars au 9 avril. Ici, des places sont à gagner en envoyant votre nom et prénom et le spectacle souhaité, à l’adresse suivante : redaction@yeggmag.fr

° Sandre – Collectif Denisyak – 2 places

Solenn Denis, jeune auteure, se met à l’écoute d’une femme qui se raconte : jeune fille amoureuse, épouse puis mère. Une vie passée entre la cuisine, le ménage, les enfants, le sempiternel repas dominical, le travail… Dans un flot maladroit, celle qui fut belle dit l’amour, les promesses faites et trahies, le mari qui l’ignore, la trompe. Elle, cherche sa place. Alors, cet enfant qu’elle porte dans son ventre, le troisième, elle n’en veut pas.
C’est un homme, Erwan Daouphars, acteur puissant et rare, qui incarne cette femme brisée et nous plonge au plus profond de l’intime féminin. Un voyage sous tension dans les blessures de l’âme humaine, une ode aux folies anodines ou grandiloquentes comme lieu d’humanité pure et théâtrale.

Théâtre de la Parcheminerie – mercredi 5 avril – 15h 

 

° Doreen – David Geselson – 2 places

« Tu vas avoir 82 ans. Tu as rapetissé de 6 centimètres, tu ne pèses que 45 kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait 58 ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais. » Ainsi débute Lettre à D. écrite par André Gorz à sa femme. Lui a notamment participé à la fondation du Nouvel Observateur et jeté les bases de l’écologie politique. Elle, il en fait le portrait dans cette lettre, à travers l’histoire de leur amour qui aura traversé le siècle, entre vie intime et engagement public. David Geselson a choisi d’imaginer dans Doreen des moments de vie et de souvenirs de ce couple qui décidera dans ses vieux jours de s’éteindre côte à côte. Leurs voix s’entrelacent avec celle de la lettre qui tente, comme l’écrit superbement André Gorz, de « reconstituer l’histoire de notre amour pour en saisir tout le sens ». Car c’est bien cette histoire « qui nous a permis de devenir qui nous sommes, l’un par l’autre et l’un pour l’autre. »

TNB – Salle Parigot – jeudi 6 avril – 18h30

 

° You’re gonna get love - Keren Ann – 2 places

Les albums de Keren Ann se feuillettent et se dévorent comme les pages d’un grand livre. Comme un journal intime mais universel, ce septième volume, représente aussi bien la continuité que la nouveauté. On y retrouve ces mélodies à l’évidence limpide, ces atmosphères sensuelles à la beauté mélancolique mais cet album reflète aussi les expériences et le vécu d’une auteure-compositrice au faite de son art. Une saga captivante.

Théâtre de l’Aire Libre – jeudi 6 avril – 22h30

 

° Le fils – David Gauchard – 2 places

La mère est pharmacienne. Ses enfants sont grands. Sa vie est tranquille… Jusqu’à sa rencontre avec des catholiques traditionalistes. Elle sort plus souvent, se rend plus assidument à la messe, retrouve une vie sociale, lutte contre des spectacles jugés blasphématoires, s’engage dans des groupes anti-avortement ou anti-mariage homo… Elle s’épanouit dans ce militantisme et tente d’embrigader ses proches et ses enfants dans ce qu’elle considère comme l’aventure la plus excitante de sa vie.
Teintée d’humour et d’émotions, la parole sincère de cette femme incarnée par Emmanuelle Hiron, nous fait prendre conscience des mécanismes qui font basculer dans la radicalisation.

Théâtre de l’Aire Libre - vendredi 7 avril – 20h30

 

° Journal d’une création – Claire Diterzi

L’avantage avec Claire Diterzi c’est qu’elle crée en bousculant la musique. Et comme elle a de la voix et davantage, il fallait bien qu’un jour elle retourne le monde de la musique. C’est le cas avec 69 battements par minute, son dernier album. La genèse de ce projet n’aura pas été de tout repos et c’est ce qu’elle raconte dans le Journal d’une création. Entièrement produit par l’auteure qui vole désormais de ses propres ailes, ce nouveau projet libère la juste mesure d’une énergie dévastatrice.

Cabaret botanique (parc du Thabor) – vendredi 7 avril – 20h30

 

Envoyer nom et prénom avec le spectacle souhaité à l'adresse suivante : redaction@yeggmag.fr

Célian Ramis

8 mars : Aux USA, même ambivalence dans le sport et la culture

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Maison Internationale de Rennes
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Le 7 mars, l'Institut franco-américain de Rennes mettait sur la table la question de la promotion des femmes américaines à travers le sport et la culture, avec la venue d'Hélène Quanquin, spécialiste des mouvements féministes aux USA, à la Sorbonne.
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Elle n’est pas spécialiste du sport, a-t-elle précisé d’emblée, lors de la conférence qu’elle tenait le 7 mars, à l’Institut franco-américain. En revanche, la question des mouvements féministes aux Etats-Unis est le domaine de prédilection d’Hélène Quanquin, de Paris 3 – Sorbonne nouvelle.

La conférence ne pouvait pas mieux tomber. Le soir même, ou plutôt la nuit, la finale du championnat She Believes Cup (2e édition de la compétition visant à inciter les jeunes filles et les femmes à jouer au foot, réunissant les USA, la France, l’Allemagne et l’Angleterre) se déroulait à Washington et opposait l’équipe féminine de football des USA à celle de la France. Diffusée en direct sur C8, on pouvait assister à la victoire écrasante des Françaises, qui se sont imposées 3 à 0, face aux tenantes du titre.

Pour Hélène Quanquin, l’ascension des femmes dans le sport et la culture est due aux mouvements féministes. Parce que les femmes se sont battues pour se faire entendre et pour faire avancer leurs droits, vers l’égalité des sexes. Elles n’ont pas attendu la présidence de Donald Trump pour se mobiliser.

MOBILISATIONS FÉMINISTES

La marche du 21 janvier 2017, qui a réuni au lendemain de l’investiture plus de 4,5 millions de personnes aux USA – « la manifestation qui a réuni le plus de participant-e-s de toute l’histoire » - est en effet issue d’une tradition féministe basée sur le rassemblement.

Elles organisaient déjà des marches de femmes au début du XXe siècle, notamment en 1911 à New-York marquant leur volonté d’occuper l’espace ou encore en 1913 à Washington pour le droit de vote.

« Le mouvement féministe et suffragiste incorporait beaucoup d’éléments de la culture populaire, comme le théâtre, la chanson, les cartoons, la caricature… Toutefois, on voit que l’incorporation des revendications féminismes est graduelle. À cette époque, quand des femmes noires voulaient participer, certaines femmes blanches menaçaient de ne pas y participer. C’est l’époque de la ségrégation aux USA et le racisme est présent dans le féminisme. On parle alors pour ces marches de White women’s march. Pareil pour les revendications des femmes lesbiennes ! », développe la spécialiste des mouvements féministes américains.  

Elle poursuit :

« C’est là que l’on voit la différence avec janvier 2017. Dès novembre, dès l’élection, le comité d’organisation de la marche a voulu que l’événement réunisse tout le monde. Des blanches, des noires, des arabes, des latinas, des femmes voilées, des femmes trans, des hommes… ».

À quelques détails et années près, le féminisme américain connaît les mêmes vagues qu’en France et les années 60 et 70 représenteront également deux décennies importantes pour les droits des femmes, militant contre les discriminations liées au sexe, à la race et à l’ethnicité.

ÉGAL ACCÈS AUX SPORTS ET ACTIVITÉS

C’est dans ce contexte que sera adopté l’amendement Title IX qui protège les individus des discriminations basées sur le sexe dans les programmes éducatifs et activités recevant des fonds fédéraux (No person in the United States shall, on the basis of sex, be excluded from participation in, be denied the benefits of, or be subjected to discrimination under any education program or activity receiving Federal financial assistance.).

Un amendement qui enclenchera également une réflexion autour de la lutte contre le harcèlement sexuel dans les universités. Et qui empêchera, dans les écoles et facultés américaines, de restreindre la participation aux activités en raison de son sexe et de son genre. Et fera naitre également une loi imposant une réglementation de ce type dans les sports amateurs.

« Le sport fait partie intégrante de la vie des écoles et des universités américaines qui organisent beaucoup de compétitions. En 2002, 160 000 femmes y avaient participé. Maintenant, elles sont plus de 200 000. Il y a presque la parité. Et beaucoup de sportifs olympiques ont participé à ce type de compétition. Cela prouve l’incidence de certaines lois sur l’évolution du nombre de sportives de haut niveau », souligne Hélène Quanquin.

Et la dernière édition des JO, qui s’est déroulée à Rio en 2016, a mis en lumière plusieurs femmes athlètes, parmi lesquelles figurent l’équipe féminine de gymnastique – dont Simone Biles sera la plus médiatisée et mise en avant grâce à ses 4 médailles d’or -, Simone Manuel, première femme noire à remporter un titre olympique en natation ou encore Ibtihaj Muhammad, la première escrimeuse médaille à porter un voile lors de la compétition.

Pour les Etats-Unis, l’ensemble des performances les place au premier rang des JO de Rio avec 121 médailles. Dont 61 ont été gagnées par des femmes.

« Ce sont les deuxièmes Jeux olympiques qui marquent la supériorité des femmes aux USA, même si là c’est très léger. Elles ont remporté 27 médailles d’or, soit le même nombre que toute l’équipe britannique. »
indique la spécialiste.

POURTANT, LES HOMMES L’EMPORTENT…

Néanmoins, la promotion des femmes dans le sport interroge. Les performances prouvent leurs compétences et pourtant dans les médias quand Michael Phelps remporte l’argent, il remporte également le titre principal de Une, tandis que sur la même couverture, en plus petit, on inscrira la victoire de Katie Ledecky. Après tout, championne olympique à cinq reprises et championne du monde en grand bassin neuf fois, elle n’est que la détentrice des records du monde sur 400m, 800m et 1500m nage libre…

C’est ainsi que l’on constate l’ambivalence du domaine. D’un côté, le sport est un moyen pour promouvoir les droits des femmes. D’un autre, il est aussi un lieu d’inégalités subsistant entre les femmes et les hommes. Ces derniers gagnent plus d’argent, se réclamant d’un plus grand intérêt de la part des spectateurs/trices et par conséquent, des publicitaires et des sponsors.

Outre les mouvements féministes et les lois, les sportives doivent également se battre contre les préjugés, les idées reçues et les sportifs. À l’instar de Billie Jean King, grande joueuse de tennis, qui en 1973 a menacé de boycotter l’Open des Etats-Unis, revendiquant le droit des femmes à gagner le même salaire que les hommes en tournoi. La même année, elle crée une association de tennis féminin et bat Bobby Ricks – joueur réputé pour son machisme - en trois sets lors d’un match que ce dernier envisageait comme un moment voué à démontrer la supériorité masculine.

Pour Hélène Quanquin, « Billie Jean King a marqué l’histoire du tennis et l’évolution des droits des femmes dans ce sport. D’autant que c’est la première femme athlète à faire son coming-out. Ce qui lui coûtera plusieurs spots publicitaires, donc de l’argent. »

DANS LE CINÉMA, MÊME COMBAT

Les réflexions sexistes (des sportifs, des médias, des commentateurs sportifs…), la supériorité masculine très prégnante et les inégalités, notamment de salaires, se retrouvent également dans le domaine de la culture. En 2015 – 2016, cette problématique occupera une part importante du débat hollywoodien. Pour cause, l’affaire des piratages des mails de Sony qui fera découvrir à Jennifer Lawrence qu’elle était moins bien payée sur les pourcentages et les ventes du film.

Lors des cérémonies américaines, aux Oscars notamment, les voix féministes commencent à s’élever. Dans les discours de Patricia Arquette ou de Meryl Streep par exemple, l’égalité salariale est en première ligne des revendications. Suit ensuite le faible nombre de rôles principaux ou secondaires, mais importants, attribués aux femmes. Des messages que l’on entend également dans la bouche des anglaises Kate Winslet ou Emma Watson, et de plus en plus de la part des réalisatrices et actrices du cinéma français.

On notera alors que seules 28% environ des actrices obtiennent des rôles significatifs au cinéma et qu’aux Oscars seules 4 femmes ont été nominées dans la catégories des meilleur-e-s réalisateurs/trices dans l’histoire des récompenses. « Et les chiffres sont pires pour les femmes issues des minorités. On constate bien souvent que quand des femmes réalisent, il y a plus de rôles pour les femmes. », conclut Hélène Quanquin.

DANS LA MUSIQUE, PAREIL

Les chiffres sont révélateurs. Dans le secteur de la musique également. Moins de 5% des producteurs et ingénieurs sont des femmes, révèle la conférencière, qui enchaine immédiatement avec l’affaire Kesha. La chanteuse accuse son producteur, Dr Luke, de viol et demande alors à être libérée de son contrat, ce que le tribunal refusera, lui accordant seulement le droit de changer de producteur mais la sommant de rester chez Sony pour honorer l’acte signé.

La question tourne alors autour du pouvoir et de l’influence de l’industrie musicale, qui aurait tendance ces dernières années à instrumentaliser le féminisme. « Le pop féminisme serait-il la 4e vague ? », interpelle Hélène Quanquin. Le pop féminisme rassemble les chanteuses populaires actuelles, prônant leurs engagements féministes dans leurs discours et leurs chansons, comme Beyonce, en tête de cortège, Katy Perry, qui jusqu’à récemment hésitait tout de même à se revendiquer féministe, ou encore Miley Cirus, jugée plus trash.

UNE AMBIVALENCE PREGNANTE

Ce mouvement semble plus inclusif, à l’image de la marche de janvier 2017. Mais l’ambivalence persiste dans le secteur de la musique, du cinéma comme dans celui du sport. Là où on note des progrès, à ne pas négliger puisqu’ils influencent bon nombre de jeunes femmes, on ne peut nier également l’instrumentalisation marketing de ces milieux, régis par l’industrie, dans lesquels les inégalités persistent fortement.

« Les progrès sont liés aux mouvements féministes et à l’avancée de la législation. Mais on voit des limites à ce progrès. Les femmes n’ont toujours pas d’égal accès aux positions de pouvoir, sont toujours représentées de manière différente dans les médias et font face à un fonctionnement de l’industrie extrêmement inégalitaire. Pas seulement pour les femmes mais aussi pour les personnes issues des minorités. », conclut Hélène Quanquin.

À noter qu’en France, les mentalités stagnent aussi. La preuve avec les remarques sexistes – et racistes – des commentateurs sportifs. « Elles sont là nos petites françaises », pouvait-on entendre dans la nuit du 7 au 8 mars lors de la finale de la She Believes Cup. Aurait-on dit la même chose de l’équipe de France masculine ?

 

Célian Ramis

Lumières sur Ellie James

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Tambour, Rennes 2, Villejean
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Elle s’était fixée l’objectif d’un concert seule-en-scène avant ses 25 ans. C’est chose faite depuis le 13 février dernier, date à laquelle elle a donné sa première représentation de Lumières, un ciné-concert dévoilé lors du festival Travelling, au Tambour à Rennes.
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Elle s’était fixée l’objectif d’un concert seule-en-scène avant ses 25 ans. C’est chose faite depuis le 13 février dernier, date à laquelle elle a donné sa toute première représentation de Lumières, un ciné-concert dévoilé lors du festival Travelling, au Tambour à Rennes.

De son museau le loup fait rouler la lune dans la forêt, les plaines et les montagnes pour qu’enfin jaillisse la lumière. À Buenos Aires, un homme tente d’avoir une idée bien éclairée pour que la vie ne soit plus rythmée uniquement par la lumière du jour. Et tandis que quelque part sur la planète bleue, un petit bonhomme astique le soleil tâché, un écureuil et une chauve-souris se disputent une luciole dans les entrailles de la terre, là où s’activent les rouages du jour et de la nuit.

Durant l’été 2016, la chanteuse et musicienne Ellie James s’est attelée à la sélection de quatre courts-métrages destinés à sa première création solo, proposée par L’Armada productions. Un projet qui a ensuite rejoint l’envie de l’association Clair-Obscur de présenter un ciné-concert au jeune public, à l’occasion de leur festival annuel, Travelling.  

« J’aime beaucoup le cinéma mais l’animation, j’avais plus de mal. Donc j’ai été un peu pénible, plaisante Ellie James. Mais j’étais trop excitée, je n’ai jamais fait un concert toute seule, sur des films en plus. Clair Obscur m’a passé des DVD des films jeune public qui ont concouru les années précédentes à Travelling. Et j’en ai cherché plein de mon côté. Fin septembre, début octobre, on a choisi définitivement, et le thème de la lumière est venu comme une évidence. »

LA MUSIQUE EN INTRAVEINEUSE

Si le cinéma d’animation n’est pas sa spécialité, en revanche la musique oui. Elle baigne dedans depuis toujours. Parce que sa mère est chanteuse et musicienne et son père, ingénieur du son et fabricant de cool drum. Parce qu’elle a été nourrie à la maison par les chansons des Beatles, des Who ou encore des Beach Boys.

Petite, elle a pris des cours de chant et de piano. Puis a arrêté. Avant de s’y remettre au lycée avec des amis de son frère (membre du groupe rennais Totorro). « On a joué à la fête de la musique de Saint-Brieuc et c’est là que j’ai été repérée par les gars de Bumpkin Island qui cherchaient une chanteuse. C’était intimidant car ils avaient 10 ans de plus que moi, je devais réussir à prendre ma place, tout en rentrant dans le moule mais en gardant mon univers ! », se souvient-elle.

Elle intègre le groupe en 2011, en parallèle de sa licence en génétique et de ses cours de chant lyrique au Conservatoire de Rennes. Quelques années plus tard, elle entre dans la formation de Mermonte qui a alors besoin de voix. Et participe également au projet de Florian Jamelot, Mha. Prendre la route pour partir en tournée, enregistrer en studio (Bumpkin Island vient de sortir son nouvel album, début février, et Mermonte devrait en faire autant au début de l’automne 2017), assurer au micro, au clavier et aux percussions, elle gère.

À LA DÉCOUVERTE D’UN UNIVERS MULTIPLE

Face au projet de ciné-concert, la musicienne ne recule pas devant le défi d’une composition intégrale à réaliser seule. Et dans un temps plutôt court. « Fallait que j’utilise la MAO ce dont je n’ai pas l’habitude, que j’achète du matériel et que je fasse la musique. J’ai passé des journées entières à tester des choses et c’est marrant à quel point les différentes versions musicales créent des lectures très différentes du film. Finalement, je me rendais compte que je revenais souvent à mes premières versions. Tant mieux, ça m’a montré que je pouvais me faire confiance. », s’enthousiasme-t-elle.

Ellie James, elle est pétillante. Pleine d’entrain. Sur scène devant ses instruments comme autour d’une table de café, elle transmet une joie de vivre, d’expérimenter et de partager. Parmi les courts-métrages projetés dans Lumières, elle démontre sa sensibilité, son humour et sa poésie. Un univers qu’elle retranscrit en musique, à travers des ambiances planantes, mêlant de la pop à de l’électro, des percussions à des sonorités organiques.

Et évidemment, sa voix. Qu’elle considère comme un instrument à part entière. Qu’elle sample et boucle. Qu’elle répète et harmonise. Qu’elle libère en anglais et en français. C’est rond et chaleureux. Hypnotisant et doux. Une invitation à s’envoler et à voyager au fil des animations, dessinées ou réalisées en stop motion, mais aussi à travers son histoire familiale.

« Je voulais absolument avoir un hang drum, instrument qui a fasciné mon père lorsqu’il l’a découvert, et d’un cool drum. Et puis j’ai un harmonium indien aussi que ma mère m’a ramené d’Inde. Je voulais faire profiter les autres de cet instrument et trouver des manières de le faire sonner autrement. », commente Ellie James.

L’ABOUTISSEMENT PERSONNEL

Mais ce n’est pas uniquement pour des raisons intimes qu’elle s’entoure de tous ces instruments et de ces baguettes lumineuses. Elle évoque également leur aspect ludique à regarder et instinctif à jouer. Des arguments importants pour la création d’un spectacle jeune public (à partir de 3 ans) : « Il fallait penser à attirer l’attention et l’œil, surtout pour les plus petits. Et surtout qu’entre les films, il y a un écran noir. Il faut alors pouvoir leur dire « coucou, je suis là, c’est pas fini ». »

De cette expérience, elle tire une grande satisfaction. Celle d’avoir osé et d’être aller au bout du processus : « Ça me faisait peur mais ça me trottait dans la tête. Je m’étais fixée de faire un concert seule avec mes 25 ans. Je n’avais encore jamais été complètement moi ! Être seule sur scène, c’est un réel apprentissage. C’est comme une chorégraphie, faut que ça devienne mécanique et avoir des roues de secours en cas de problème. »

Elle est déterminée, bosseuse et passionnée. Talentueuse, solaire et tenace. Lumineuse et créative. La preuve que les femmes ont leur place sur scène, ça, elle en est convaincue, elle qui a souvent pu constater qu’en festival, elle était souvent une des rares artistes femmes.

« Vous n’avez pas vu cette affiche sur laquelle les noms des hommes étaient enlevés ? Il ne reste plus grand chose… », scande-t-elle (dans un registre plus global au niveau des arts, HF Bretagne révélera les chiffres 2016/2017 concernant la place des femmes dans le spectacle vivant en Bretagne, le 3 mars, à la Maison Internationale de Rennes, à 17h45).

Pour la suite, elle jouera Lumières le 30 avril à Bruz et le 15 juin à Paris. Et espère qu’en septembre, d’autres dates s’ajouteront à son agenda déjà bien rempli (à noter également que Bumpkin Island sera aux Embellies, à Rennes, le 10 mars) : « Tout foisonne en ce moment, je suis trop contente ! »

 

Les courts-métrages présentés lors du ciné-concert Lumières :

  • Lunette de Phoebe Warries
  • Luminaris de Juan Pablo Zaramella
  • Le trop petit prince de Zoïa Trofimova
  • Tôt ou tard de Jadwiga Kowalska

Célian Ramis

#Trans2016 : Convocation d’artistes engagé-e-s

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Parc expo, Rennes
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La légende des Trans Musicales voudrait que le vendredi soit le meilleur soir du Parc expo. C’est pourtant la programmation de ce samedi 3 décembre qui a révélé les sensations les plus puissantes.
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La légende des Trans Musicales voudrait que le vendredi soit le meilleur soir du Parc expo. Pour la rédaction, c’est pourtant la programmation de ce samedi 3 décembre qui a révélé les sensations les plus puissantes.

AISHA DEVI – HALL 9 – 23H

Après une dizaine d’années à se produire sous le nom de Kate Wax, la voilà de retour sous son vrai nom, Aïsha Devi. Dans le hall 9, devant ses platines et son ordinateur, elle est plongée dans le noir. Seul un grand écran l’éclaire, diffusant images et vidéos à l’esthétique psychédélique subjuguante.

La programmation parle même de « créations psychédéliques et transhumanistes du photographe et vidéaste Emile Barret ». On ne savait pas réellement à quoi s’attendre, on se réservait la surprise pour le live. À l’écran, ce sont des images détourées de statuettes égyptiennes et incas et des gravures bibliques qui défilent avec en fond un homme au visage entièrement maquillé et au look tribal, qui danse une sorte de trans.

Au fur et à mesure du concert, les clips évoluent. On voit alors passer des têtes de mort, des dessins d’hommes éventrés, des dessins anatomiques ou encore des formes démultipliées à la manière d’un kaléidoscope. Aucun doute, l’œil est accroché.

Il est même fait prisonnier de cet étrange dispositif qui tend à dévoiler des images de plus en plus trash, laissant apparaître des scènes de domination, d’asservissement, quasiment de torture, ainsi que des corps déchiquetés et mangés par des humains avant de laisser place à des images de nains indiens.

Et malgré la violence de certains visuels, il est difficile d’en détourner le regard. Comme s’il s’agissait là d’un acte volontaire pour se laisser guider vers une hypnose certaine, clef d’un état de transe à venir. Car la musique que produit Aïsha Devi est plus qu’une incantation. Elle est un rite initiatique au chant chamanique.

Ces influences népalaises et orientales, qu’elle puise dans ses origines, résonnent dans les percussions mais aussi dans sa voix. Une belle voix amplifiée qui inonde par vagues récurrentes le hall 9. Ce sont surtout des vocalises qu’elle développe et qu’elle enveloppe de quelques paroles qui sonnent comme une langue ancienne et morte.  

Les modulations de sa voix impressionnent. Et viennent se fondre dans les sonorités techno et robotiques. Aïsha Devi nous plonge dans un univers plutôt angoissant dans lequel on avance très lentement, prudemment, face à une lumière aveuglante. On est comme happé-e-s par ce halo imaginaire hypnotisant et intriguant.

On est pris-es dans la toile de cette chimère envoutante. Notre esprit voudrait changer d’air mais notre corps s’y refuse. Il faut affronter les notes stridentes qui déraillent comme des cris. Des sons insupportables et intenables, comme si on nous cisaillait les tympans. Mais le hall 9, pas encore bondé, semble suspendu. En attente d’une explosion électro et post dubstep, qui arrive sans trop languir.

La foule se met doucement en mouvement, synchronisé et cadencé. Elle répond présente et partante à l’univers infernal et chaotique d’Aïsha Devi qui finit ces morceaux en atteignant le sublime à travers des a cappella surnaturels et purs, bruts. L’artiste soprano crée la déroute et on accepte rapidement cette expérience insolite.

Sa voix puissante et magnifiée nous hisse au sommet d’une chaine de montagnes népalaise, où la neige et la roche, divines, s’entrelacent, comme les mandalas et les dessins d’enfants qui s’enlacent sur le grand écran qui trône sur la scène du hall 9.

 

REYKJAVIKURDAETUR – HALL 8 – 2h10

On les attendait avec impatience depuis la découverte de la programmation. Les filles de Reykjavik – traduction littérale de Reykjavikurdaetur – sont nombreuses. Plus d’une dizaine foulent la scène du hall 8 pour y mettre le feu nourri de leur talent de rappeuses et leur féminisme exacerbé.

Elles arrivent vêtues chacune d’une chemise blanche et d’un dessous type body ou t-shirt et shorty et donnent le ton d’entrée de jeu. Elles assument tout. Elles ont la pêche, des choses à dire, des messages à faire passer et du plaisir à (se) procurer. Et surtout, elles affichent une véritable envie de faire ce que bon leur semble.

S’allonger, vapoter, danser ou autre, tout est permis pour ces Islandaises qui alternent entre l’anglais et leur langue maternelle. Leur rap est métissé. À la fois tranchant, il peut être également langoureux comme festif et joyeux, bestial comme combattif et cru.

Si elles chantent en solo, en duo ou en trio, les autres restent présentes. Ensemble, elles font poids, elles font corps, et cette unité massive donne la sensation que les membres du collectif possèdent la scène et la maitrisent.

Autant que les discours qu’elles diffusent. « Cette chanson parlait de moi et mon mec, qui est un naze. Donc appelez-moi ! », lance l’une à la fin d’une chanson. « Celle-là est dédiée à mon ex : FUCK YOU ! », scande une autre quelques minutes plus tard, ajoutant en conclusion : « Il va brûler en enfer, je vous le jure. »

Armées de leurs voix et de leurs textes cinglants, elles optent également pour une attitude terriblement rafraichissante. Une attitude rap parée de grands sourires qu’elles conserveront jusqu’au bout du concert. Sans oublier la fraicheur de leur jeunesse revigorante qui claque sur leurs visages enjoués.

Elles font rapidement tomber la chemise, mais pas forcément la serviette que certaines ont sur leurs épaules, telles des boxeuses prêtes à mettre leurs adversaires KO, à coups de palabres bien senties. Elles assument leur corps, leurs formes, leur féminité, leur masculinité, leur humanité, leur sensualité, etc. Elles sont inspirantes.

La musique, travaillée par la DJ derrière ses platines au fond de la scène, est rythmée, puissante, changeante et évolutive. Elle peut être déstructurée par moments, ronde sur d’autres temps mais toujours pleine de vibrations et de profondeurs. À cela s’ajoute une diversité des voix qui tirent parfois sur de la soul et du r’n’b.

Elles s’affichent libérées, n’hésitent pas à mimer des branlettes, faire des gros doigts d’honneur, se mettre la main sur le sexe ou encore à onduler le corps. Affranchies des assignations qu’elles combattent dans leurs chansons, elles se font du bien et nous font du bien. Nous donnent la hargne tout en nous apaisant l’esprit.

Et quand elles demandent qui a envie d’un doigt dans le cul, tout en interprétant une chorégraphie lascive en mode « chevaucheuses », le public s’emballe. Leurs sourires ne les quittent pas. Au contraire, ils s’agrandissent. Tout comme leur énergie mordante et enthousiaste. Elles parlent de sexualité, de sodomie, de plaisir. Car le droit de parler de sexe n’est pas l’apanage des hommes.

« Nous pouvons faire ce que nous voulons. Je peux porter ce que je veux porter, boire autant que je veux et ne pas demander l’autorisation. », lâchent-elles vers la fin du set. Reykjavikurdaetur a quelque chose de contagieux. Et on espère que le message girl power, d’émancipation, pour le droit à disposer de nos corps et de nos vies, sera entendu de tou-te-s.

 

SAUROPOD – HALL 3 – 2H30

C’est sur les chapeaux de roue donc que l’on déboule dans le hall 3, pour la deuxième moitié du concert de Sauropod. Le trio norvégien a déjà bien réchauffé le public de son rock saisissant qui nous embarque instantanément dans son univers, qui n’est pas sans rappeler celui de Nirvana.

Ou du moins le temps d’une chanson. Car lorsque Jonas Royeng (guitare et chant) et Kamilla Waal Larsen (basse et chant) donnent de la voix en chœur, l’ensemble fait davantage écho aux Pixies. Leurs influences rock alternatif des années 90 ne sont pas dissimulées.

Elles planent au dessus du groupe, sans toutefois tomber dans des imitations caricaturales ou lassantes. Au contraire, Sauropod propose une énergie nouvelle, renforcée par un jeu de batterie puissant et la rapidité du guitariste dans l’exécution des notes et accords, produisant un rock déjanté.

Les chansons passent comme des éclairs. L’effet est fulgurant. On n’en a jamais assez et on ne s’ennuie pas une seconde.

Le trio fait naitre un sentiment d’urgence. De celui que l’on aime voir aux Trans Musicales. De celui qui puise dans des guitares saturées et des chants viscéraux.

On se laisse alors complètement subjuguer par les créations de Sauropod, qui nous bringuebalent à toute berzingue dans des courses poursuites psychotiques. Lui a la mâchoire serrée, une voix nasale et la gorge striée de veines prêtes à éclater. Elle, a une voix aérienne, sécurisante et marquée de simplicité. Sans artifices.

Et quand ils allient leurs voix, l’osmose de leurs contrastes est sublime. Le trio renvoie le sentiment d’un besoin vital de s’exprimer. Une nécessité à être là et envoyer ce rock acidulé, qui ne manque pas de piquant, et s’emplit au fil des chansons d’émotions authentiques et communicatives.

C’est une évidence. Un plaisir qu’ils partagent entre la scène et le public et qui se voit sur leurs visages. Dans un bien autre style que les rappeuses islandaises, les punks rockeurs norvégiens apportent une touche rafraichissante à la musique et à la soirée, à travers une proposition forte et joviale.

L’opportunité de terminer la 38e édition des Trans Musicales par deux véritables coups de cœur. Dommage que les deux projets aient été superposés dans la programmation. Quoi qu’il en soit, on retiendra ces artistes parmi les révélations du cru 2016.  

Célian Ramis

#Trans2016 : Invitation à des voyages expérimentaux

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Parc expo, Rennes
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Deuxième soir au Parc expo pour les Trans Musicales. Retours sur les concerts de The Barberettes, Nova Twins et No Zu, trois propositions riches et intéressantes, néanmoins pas toujours à la hauteur de nos espérances.
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Deuxième soir au Parc expo pour cette 38e édition des Trans Musicales. Retours sur les concerts de The Barberettes, Nova Twins et No Zu, trois propositions riches et intéressantes, néanmoins pas toujours à la hauteur de nos espérances.

THE BARBERETTES – HALL 8 – 00h10

Toutes les trois alignées, bandeaux de couleur dans les cheveux et robes pastel avec petit col Claudine blanc, pas de doute, le trio venu de Corée du Sud entend nous faire voyager dans le temps. Et nous plonger dans les années 40 à 60.

Et même un peu avant puisqu’elles puisent la base de leur formation sur le style barbershop, issu du début du siècle dernier, reposant sur des harmonies vocales a cappella. Ici, elles sont accompagnées par des instruments mais conservent l’esprit d’un style né chez les barbiers qui influencera par la suite le doo-wop.

Les Barberettes ont un air malicieux, une tenue et une coiffure impeccables et un sourire large. Leur manière de chanter et d’exécuter quelques mouvements synchronisés de danse n’est pas sans rappeler les trios ou quatuors féminins de la première moitié du 19e siècle, à l’instar des Ronettes qu’elles reprennent parmi les premières chansons du set.

Et Be my baby est d’office un succès. Le public n’hésite pas à joyeusement le reprendre en chœur avec les trois vocalistes qui s’inspirent également des Chordettes, de The Andrew Sisters ou des Kim Sisters pour ne citer que quelques unes de leurs influences. Dans la foule, ça danse et ça twiste même à certains moments.

La musique choisie pour les reprises coïncide évidemment avec l’univers choisi. L’univers de la culture populaire des années 50 et 60.

Les chanteuses coréennes alternent entre titres pop venus des Etats-Unis et de Corée. Et c’est là sans doute leur atout, de nous faire voyager et découvrir une culture peu connue en France (et même de nous faire découvrir notre propre répertoire en reprenant la chanson française Pop art de Tienou).

Car en dépit du fait qu’il est fortement appréciable de bouger son corps sur des morceaux aussi identifiés à une époque ou à des films pour certains, il est parfois difficile de comprendre ce que le trio apporte de différent et de singulier par rapport aux versions originales.

Les reprises sont parfois trop fidèles aux morceaux que l’on connaît déjà bien et on finit par se lasser.

Le trio garde malgré tout l’attention du public grâce à l’esthétique sonore des harmonies vocales qui s’adaptent parfaitement à leur voix soul, leur musique jazzy et leur côté un peu gospel.

On aimerait entendre leurs arrangements, leurs adaptations personnelles. Heureusement, la fin du concert laisse place à des compositions du trio qui semble alors plus à l’aise et ose davantage se lâcher. Les trois membres des Barberettes se révèlent alors dans une plus grande liberté que celle qui les confinait jusqu’ici dans l’ombre de leurs idoles.

Les sonorités, naturellement, sont plus modernes en cela qu’elles échappent au mimétisme de l’époque adulée et correspond plus à une réalité actuelle.

Le plaisir est présent et on se sent embarqué-e-s dans un univers simplement créé et non recréé. Dommage qu’il ait fallu attendre les dernières minutes du concert.

 

NOVA TWINS – HALL 3 – 1H10

Amy Love et Georgia South ne sont pas réellement sœurs mais peut-être âmes sœurs de cœur. À la manière de Thelma et Louise, à qui elles font référence dans une de leurs chansons. De véritables acolytes dans la musique et dans le besoin d’exprimer leur intériorité.

Et ça, elles ne s’éterniseront pas à nous le faire comprendre. Arrivées sur scène, munies d’une guitare et d’une basse, elles envoient dès les premières notes, soutenues par la puissance de la batterie, un avertissement : ici pas de chiqué, ce sera féroce et viscéral ou ça ne sera pas.

Le flow est lancé et il se déverse à vive allure, signe d’une contestation depuis longtemps nourrie de hargne et de volonté.

La volonté de ne pas se taire. Au contraire, de se battre, la tête haute et le bras en l’air. Le phrasé hip hop de la chanteuse impressionne, se confrontant frontalement à une musique agressive et puissante.

Cinglante et rock. Les britanniques de Nova Twins qualifient leur style de punk urbain. Et ça fonctionne.

Pas étonnant donc pour ce duo avide d’explorations et d’expérimentations de puiser dans différents genres composant l’underground londonien. Et de se laisser glisser par conséquent vers le grime, qui mêle au garage de la dance et de l’électro.

Le public est instantanément séduit et se fait embarquer dans des lignes électro avec un panache incroyable.

Leur énergie paraît sans limite. Des deux musiciennes se dégage un esprit rebelle, provocateur et guerrier. Sans forcer. Sans bouger dans tous les sens, elles captent l’attention, intègrent leur dynamisme et leur message à leur corporalité et savent les partager.

Le hall est rapidement blindé et de tous les côtés, ça danse, ça bouge, ça scrute. Personne ne semble rester indifférent à la proposition.

La performance des Nova Twins est sans faille. Elles démontrent toutes les deux, dans leur domaine, que ce soit par le chant ou à la basse, une maitrise totale de leur instrument. Elles savent où elles vont et savent où elles veulent en venir.

L’envie d’y aller et la verve combattive apparaissent comme l’essence même du projet musical et cet esprit se propage comme une trainée de poudre entre les rangs serrés et bouillonnants de la fosse.

Quarante minutes ne suffiront pas à les rassasier et nous non plus. On aurait voulu continuer une partie de la soirée à les regarder contrôler la scène.

Mais on se contentera d’un show dément complètement subjuguant dont la musique et l’attitude des Nova Twins résonneront dans notre tête et notre corps encore plusieurs heures après leur passage dans le hall 3.

 

NO ZU – HALL 9 – 2H

C’est donc l’esprit prêt à recevoir de nouvelles sensations et énergies que l’on se dirige vers le hall 9 qui accueille alors l’octuor australien No Zu. Un enthousiasme qui retombera comme un soufflet.

Pourtant, leur projet serait plutôt du genre intéressant et carrément transcendant s’il n’était pas répétitif et interminable…

Dès leur installation, le groupe s’affiche en tribu déjantée prise entre sonorités orientales, percussions, cuivres et chant ou incantation, peut-être plus. Ils appellent ça du heat beat et à ce niveau-là on leur fait confiance.

La scène est alors assiégée de sonorités très riches et mouvements incessants des musiciens qui bougent et dansent de manière viscérale.

Ça sonne jazzy et ça groove pas mal. Mais les morceaux sont longs et tournent en boucle. Les vocalises syncopées de la chanteuse, alliées à la voix samplée d’un des percussionnistes, dérangent l’oreille et percent les tympans.

On est alors assailli-e-s d’un sentiment de malaise, d’insécurité. Un sentiment désagréable qui nous donne envie de prendre la poudre d’escampette.

Malgré tout, on reste le cul vissé dans notre fauteuil. Car No Zu propose quelque chose d’unique, d’intriguant. Une techno tribale, un funk chamanique.

Sur le papier, on adhère aisément au projet. Mais en live, l’effet est perturbant.

Et au-delà de la déroute, la répétition des boucles, le peu de présence au micro de la chanteuse - qui passera plus de temps à se dandiner derrière - et la voix d’outre-tombe interfèrent avec notre enthousiasme initial. On aurait voulu apprécier l’instant mais au lieu de sauter au milieu de la foule, on reste hermétique aux créations présentées.

Célian Ramis

#Trans2016 : Invocation des énergies transcendantes

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Parc expo, Rennes
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La nouvelle édition des Trans Musicales a investi le Parc expo de Rennes, jeudi 1er décembre. Deux groupes ont retenu notre attention : Anna Meredith et Marta Ren & The Groovelvets.
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La nouvelle édition des Trans Musicales a investi le Parc expo de Rennes pour le premier des trois soirs, jeudi 1er décembre. Deux groupes ont retenu notre attention : Anna Meredith et Marta Ren & The Groovelvets.

ANNA MEREDITH – 22H45 – HALL 8

Les notes graves du violoncelle viennent rejoindre la mélodie entamée par le tuba et accentuer l’ambiance angoissante du début de concert. Et lorsque la batterie et les percussions s’y ajoutent, l’ensemble sonne puissant et annonce un spectacle saisissant. Et surtout ne laisse pas entrevoir ce qui attend les festivalier-e-s.

Rapidement éclatent les sonorités électro qui rythmeront quasiment l’intégralité du set de Anna Meredith. Compositrice et musicienne, elle est avant tout une créatrice. Elle raconte que la révélation fut le jour où elle relia une pédale à distorsion à un basson. Depuis, elle ne cesse d’expérimenter et de jouer des styles pour les modeler à sa manière et les affranchir de toute étiquette.

Et c’est une musique classique réinventée qu’elle nous propose, avec son premier album Varmints, sorti au premier trimestre 2016, après avoir écrit un opéra au final électro, Tarentula in Blue Petrol, un concerto pour un beatboxer et un piano et enregistré plusieurs EP. En véritable touche-à-tout, la britannique Anna Meredith se livre à de nombreuses expérimentations et les partage avec le public sur scène.

La magie opère. De la grandeur s’en dégage. Et du sublime s’installe. C’est un spectacle instrumental que nous proposent les cinq membres du groupe qui ne chanteront que très rarement. Les symphonies se marient à des lignes groovy et des sonorités rétro, quasi robotiques avant de croiser des beats rock et puissants, et plus tard des notes disco.

Le tout est un joyeux bordel, minutieusement organisé en boucan incessant qui devient presque essentiel et psychédélique par moment. Le rythme est rapide, et la puissance des morceaux se veut en permanence crescendo. L’accélération uni à l’augmentation de l’intensité de la musique nous embarquent dans un tourbillon fracassant qui finit par s’éclater dans les applaudissements déchainés des spectatrices et spectateurs.

Puis, le calme après la tempête. La violoncelliste se fait plus romantique, la mélodie plus paisible. Mais avec Anna Meredith, on apprend rapidement à se méfier de l’eau qui dort.

Car en parallèle, elle convoque à l’aide du xylophone ou d’instruments à vent des sonorités plus expérimentales qui viennent souffler sur les cordes du violoncelle comme pour les amplifier et les déformer, et l’on pense distinguer en tendant l’oreille comme un bruit sourd d’aspirateur.

Le set est pensé pour explorer toutes les facettes de l’univers du groupe, soutenu par un écran diffusant l’apparition de plusieurs animaux dessinés à l’aquarelle dans des tons clairs et des traits incertains, oscillant entre un côté enfantin et un côté abstrait.

Anna Meredith nous plonge hors du temps et nous capte entièrement de par son esprit accrocheur et stimulant.

On s’accroche à des appuis imaginaires en attendant avec un mélange d’impatience et d’appréhension le décollage. L’implosion. Ou l’explosion. On ne distingue plus. On passe par tous les états, baladés entre l’électronique très poussé, le rock, les percussions et les respirations contemplatives.

D’une chanson à l’autre, qui semble toujours reprendre la dernière partie de la précédente pour la poursuivre et lui donner une nouvelle direction, un nouveau souffle, plane toujours dans le hall une once d’angoisse. Qui sait ce qui va nous arriver.

Sur scène, l’ambiance est détendue, les musicien-ne-s souples et souriants. Ce sont les instruments qui prennent le contrôle du concert, inversant les rôles, utilisant les moyens humains dont ils disposent pour raconter leur propre histoire à travers l’extension de leur propre musique et de leur propre mélodie. Avec toujours, le soutien de la surpuissance de la batterie et des percussions.

On aurait pu attendre un final digne de l’apothéose et là encore Anna Meredith en a décidé autrement. La polyphonie dont elle use avec son petit orchestre est cette fois mise au service du chant dans leur « morceau disco de Noël ». Alors que le groupe explorait les chemins d’un style indie singulier, il prend un tournant inattendu et aborde une pop très vaste qui nous projette tout à coup à la fin d’un film de Noël des années 90.

Un virage détonnant qui ne colle pas au reste du concert mais s’affiche finalement en parfaite adéquation avec les capacités du groupe anglais à nous trimbaler d’un genre à un autre, ou dans un genre nouveau de musique classique expérimentale et rock qui du côté de Rennes pourrait ressembler au terrain escarpé et brillant du musicien et compositeur Olivier Mellano.

 

MARTA REN & THE GROOVELVETS – 1h05 – HALL 3

C’est ensuite au tour de l’ancienne chanteuse de The Bombazines de nous enchanter lors de cette première soirée au Parc Expo. Marta Ren envoie une énergie qui nous cloue sur place mais ne nous empêche pas de danser au rythme de sa soul/funk rafraichissante et fascinante.

Sur scène, elle n’est pas seule. Elle est accompagnée de ceux qui vont rendre son groove percutant grâce au talent du saxophoniste, du trompettiste, du pianiste, du batteur, du guitariste et du bassiste.

Ensemble, ils balancent une musique entrainante, dansante et explosive. Le groupe portugais dépoussière la soul et d'une performance vocale ils en font un véritable spectacle hypnotisant.

Elle, elle attire le regard. Difficile de la quitter des yeux tant son dynamisme est envoutant. Marta Ren s’affiche combattante, conquérante, nourrie d’une énergie rock, limite punk. En tout cas, bestiale. Sa voix puissante, perchée, parfois nasillarde, est parfaitement maitrisée et assumée.

Elle chante l’amour, la déception et la désillusion mais sans fatalisme. Elle invoque les grands noms de la soul et flirte parfois avec l’esprit d’Amy Winehouse, sans pour autant essayer de l’imiter ou dénaturer son œuvre, et prend sa place, bien méritée auprès de ces talents. La chanteuse portugaise démontre dans son attitude et les textes qu’elle interprète une personnalité entière.

Elle réclame le respect et la dignité. Chanter les histoires d’amour et les sentiments, oui, mais pas à n’importe quel prix. Elle n’est peut-être pas la « regular woman » de l’homme dont elle parle mais elle n’est pas prête à tout accepter. Et elle sait faire la différence entre les « two kinds of men ». Elle a l’esprit vaillant, le sourire et l’énergie positive des grandes femmes. De celles qui assument la globalité de leur être et explorent toutes les facettes d’un être humain. Sans barrière.

Marta Ren & The Groovelvets font de la soul en 2016 mais ne renient rien ni personne. Et adaptent même « Light my fire » des Doors, que la chanteuse admire depuis longtemps. Le regard frétillant, elle se tourne vers ses musiciens : « Light my fire babies » et entame avec eux une version arrangée très jazzy, sensuelle et langoureuse.

Elle délivre son instinct félin et derrière son faux air de Jane Birkin jeune dévoile une dark lolita un peu rock qui ne tombe pas dans le travers d’une diva soul. Au contraire, elle joue avec le public d’attitudes aguicheuses et provocatrices et joue avec ses musiciens pour qu’ils l’émoustillent de touches très funk, mélangés à un côté rétro, type années 50 et 60.

Et ça groove dans le hall 3 pendant plus d’une heure, envoyant sur la fin une énergie sauvage et animale. L’effet est fulgurant et transcendant. Marta Ren & The Groovelvets laisse le souvenir d’une expérience bouleversante et nous marque de son empreinte de guerrière de la soul.

 

 

Célian Ramis

Le Grand Soufflet : Le rock grisant d'Iva Nova

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Parc du Thabor, Rennes
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Le Grand Soufflet boucle son édition 2016 sur un gros coup en présentant des artistes complètes et détonantes dont on retient l’incroyable énergie communicative, la puissance musicale et la créativité artistique.
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Les quatre musiciennes russes d’Iva Nova ont offert au Grand Soufflet une soirée de clôture dynamique et puissante. Leur énergie rock et girl power s’est propagée rapidement sous le chapiteau du festival, installé dans le parc du Thabor, samedi 15 octobre.

L’Argentine est le pays mis à l’honneur cette année mais ce sont les russes d’Iva Nova qui clôturent cette édition du Grand Soufflet. Mélange de rock, d’électro et de musiques slaves, c’est un spectacle psychédélique et festif que proposent Anastasia Postnikova (chant, clavier, percussions), Natalia Potapenko (accordéon, percussions), Galina Kiselesa (guitare, basse, percussions) et Ekaterina Fedorova (batterie, percussions).

Elles dégagent quelque chose de rock. Quelque chose de fort et de saisissant. Quelque chose qui s’apparente à de l’empowerment. La batterie cogne, les percussions accentuent la brutalité des sonorités et à cela s’ajoute la festivité du piano à bretelles.

Un joyeux mélange qui caractérise bien la proposition musicale de ces quatre musiciennes de St Pétersbourg, qui balancent une énergie viscérale et entrainante.

Le folklore de la musique slave s’exprime à travers le chant, la voix d’Anastasia Postnikova vibrant et résonnant dans l’ensemble du chapiteau. Les percussions marquent l’intensité des chansons influencées par des airs pop rock russes et sublimées par un univers novateur et futuriste, appuyé par l’harmonium et une modification vocale proche de celle d’un robot.

Chaque morceau est intense. Un grain de folie habite les musiciennes qui le partagent en toute générosité avec le public qui montre rapidement son enthousiasme. « Vous pouvez vous relaxer, on est russes mais pas des méchantes ! », plaisante la chanteuse en s’installant au clavier, pour y exécuter la partie calme du concert. Là encore, Iva Nova démontre sa capacité et son aisance à nous embarquer dans une aventure sensorielle incroyable.

Après plusieurs chansons dédiées à des femmes célèbres, ou non, elles nous content leurs vécus personnels. L’expérience de quatre musiciennes en tournée dans toute l’Europe. Et comme les paroles nous sont inaccessibles, elles nous invitent à laisser voguer notre imagination.

Guidé-e-s par les sons, les ambiances et les interprétations, festivaliers et festivalières se livrent à un lâcher prise réconfortant, suivant simplement les émotions délivrées par le spectacle.

Car il s’agit ici d’un véritable spectacle musical. Dans lequel chaque musicienne campe un rôle essentiel. Chacune se pare de son instrument mais aussi de percussions différentes. Et ensemble, elles recréent des mondes, des atmosphères et des histoires qu’elles interprètent sobrement devant les micros, qu’elles habitent par des danses sautillantes ou qu’elles théâtralisent avec intensité. Toujours avec des pointes d’humour qui apportent une habile légèreté.

Leur proposition est brillante, pleine de dynamisme et d’inventivité. Gratter les cordes de la basse avec une baguette de batterie instaure une ambiance imposante et quelque peu angoissante. Nous sommes dans un lit, endormi-e-s. « On ne vous promet pas d’être un bon rêve, peut-être un cauchemar… », murmure la chanteuse. Le rythme des instruments est plus lent, la voix de la chanteuse plus grave et son phrasé plus court, les sonorités plus psychédéliques.

Puis on se réveille, c’est le matin, « et le matin, c’est café, cigarette et exercices ! » Le tambourin résonne, l’accordéon se gonfle et se dégonfle à vive allure, les festivités joyeuses sont de retour. Avec leurs sourires s’entremêle un esprit sauvage et libre. Sans crier leur indépendance, celle-ci est flagrante et bouleversante.

Elles montrent, sans trop en faire, l’étendue de leurs talents et leur ingéniosité à s’emparer de tout ce qu’elles trouvent pour le transformer en arme musicale au service de leur univers et de leurs envies.

Elles puisent dans tout ce qu’elles sont et connaissent pour nous bringuebaler dans les contrées russes reculées, dans le bouillonnement de St Pétersbourg, sur les routes de l’Europe qu’elles traversent en bus avec leur équipe technique mais aussi dans l’intime et le quotidien.

« On dédie notre prochaine chanson à toutes les femmes ici, toutes les femmes dehors, toutes les femmes qui sont dans votre cœur messieurs, mais aussi toutes les femmes qui sont en vous si vous le sentez. La chansons s’appelle « The Witch » ! », scande Anastasia Postnikova avec ardeur. Si nous étions déjà convaincu-e-s par Iva Nova, le groupe finit de nous envouter par ce que les musiciennes transmettent avec poigne et sincérité.

Le Grand Soufflet boucle son édition 2016 sur un gros coup en présentant ces artistes complètes et détonantes dont on retient l’incroyable énergie communicative, la puissance musicale et la créativité artistique.

 

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