Célian Ramis

Rennes, un lieu de rassemblement pour le droit à l'avortement

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Rennes
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Dans le cadre de la journée internationale des femmes, une conférence sur « L’histoire des mobilisations pour la libéralisation de l’avortement à Rennes » était organisée par les Archives de la ville.
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Dans le cadre de la journée internationale des femmes, une conférence sur « L’histoire des mobilisations pour la libéralisation de l’avortement à Rennes » était organisée par les Archives de la ville. Patricia Godard et Lydie Porée retraçaient les luttes comprises entre 1972 et 1974.

Jeudi dernier, les deux membres de l’association Histoire du féminisme à Rennes présentaient les archives de la section locale du groupe Choisir Rennes, une association en faveur de l’avortement. Les documents permettaient de retracer les manifestations et rassemblements pour la libéralisation de ce droit dans la capitale bretonne, à partir desquels Patricia Godard et Lydie Porée ont rédigé l’ouvrage Les femmes s’en vont en lutte, publié en février dernier aux éditions Goater. L’occasion de découvrir une partie de l’histoire des luttes féministes ayant eu lieu au début des années 70.

Époque dite de la « deuxième vague ». Ce soir-là, une trentaine de personnes sont présentes dans la salle. La conférence débute par une série de dates projetées sur le mur :

- 1967 : la loi Neuwirth qui autorise la contraception
- 1972 : la création de l’association Choisir Rennes
- 1973 : la grève de la faculté de médecine
- 1975 : la loi Veil.

Quelques repères pour attester du rôle déterminant de Rennes dans les mobilisations pour le droit à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG). Les archives proviennent du fonds de Patrick Wiener – surnommé Angela : un ancien étudiant en médecine à Rennes. « Il nous a donné des documents importants sur l’association « Choisir Rennes » », explique Lydie Porée. Croquis, tracts, fiches de renseignements, lettres, brouillons… L’homme a tout conservé. « Un trésor » selon la jeune femme, très peu de militants du groupe l’ayant fait.

C’est en raison des décès fréquents, des répressions menées à l’encontre des femmes y ayant recours et des difficultés à contrôler la fécondité, que les mobilisations ont commencé. À cette époque, c’est la méthode d’aspiration du contenu utérin, appelée « de Karman », qui était employée – un croquis d’un appareil génital, provenant des archives de Patrick Wiener, a été retrouvé. Une technique simple, selon les conférencières, peu agressive qui « permettait aux femmes de se réapproprier leur corps », commente Patricia Godard. Et c’est dès l’été 1972 qu’une équipe rennaise pratiquait cette méthode sur les femmes souhaitant avorter illégalement.

1972 : La naissance de Choisir Rennes

Cette même année, l’association prend forme. Composées de féministes et de militantes maoïstes, elle constituait une antenne du mouvement national – avant que le groupe ne s’en détache pour Défendre la femme. D’après les archives, Choisir Rennes revendiquait des idées politiques et anticapitalistes. « Les femmes de la classe bourgeoises restaient des privilégiées qui avaient plus de moyens d’aller avorter à l’étranger que les autres », précise Lydie Porée. La grève de la faculté de médecine est à l’époque, un « catalyseur ».

L’association y recrute des étudiants pour pratiquer les IVG et les demandes affluent. Le profil des bénéficiaires ? « Des rennaises, âgées de 20 à 30 ans, travailleuses, étudiantes ou en recherche d’emploi », détaille les spécialistes. Entre 1973 et 1974, des fiches de renseignements sont d’ailleurs minutieusement rédigées par les militantes et conservées par Patrick Wiener.

1974 : Choisir Rennes s’éteint au profit du MLAC

Dès 1974, Choisir Rennes s’associe au Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), avant de disparaitre. Composé principalement de trotskystes, ce dernier distribuait des tracts et diffusait  Histoire d’A, un documentaire réalisé par Charles Belmont et Marielle Issartel sur l’interruption volontaire de grossesse, effectuée de manière clandestine, et sur la contraception. De quoi faire réagir les plus sceptiques et remuer la population.

 « Les mobilisations à Rennes ont été nombreuses et n’ont pas eu lieu qu’à Paris », conclut Lydie Porée. Le droit à l’avortement est, comme en témoignent les archives, issu de hautes luttes, et les rennais y ont donc activement participé. Une page de l’histoire de la ville qu’il convient de ne pas l’oublier…

 

À savoir : En 1974, plusieurs propositions de lois, portées par le Parti Socialiste seront présentées puis abandonnées. Jusqu’au 20 décembre 1974, date à laquelle la loi Veil sera adoptée.

Célian Ramis

Accoucher chez soi, une liberté remise en cause

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Rennes
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L’accouchement assisté à domicile est menacé et il devient difficile de trouver des sages femmes qui le pratiquent.
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Depuis plus de cinq mois les sages femmes sont en grève et poursuivent les manifestations, à Rennes. Elles revendiquent le statut de praticien hospitalier. En parallèle, l’accouchement assisté à domicile est menacé et il devient difficile de trouver des sages femmes qui le pratiquent.

80 à 90% des naissances ont lieu à domicile, dans le monde. C’est seulement après la Seconde Guerre mondiale que l’accouchement à l’hôpital s’est peu à peu généralisé dans les pays occidentaux. Les progrès techniques et médicaux ont été tels, notamment depuis les années 70, que la grossesse et la naissance sont devenus aujourd’hui surmédicalisées, surtout en France. Simultanément, l’accouchement assisté à domicile (AAD), encore assez répandu en Europe du Nord – aux Pays Bas, en Grande-Bretagne, en Belgique ou encore en Allemagne – est mal perçu dans notre pays, considéré comme archaïque, dangereux, inconscient.

Aucune étude n’a pourtant prouvé qu’il augmente les risques. « Dans le cas d’une grossesse normale, dite physiologique, sans mauvaise position du bébé ou du placenta, sans diabète gestationnel, avec une bonne préparation, l’AAD offre plus de confort, de confiance et de liberté à la femme et les suites de couches sont vraiment mieux vécues », confie Katell Chantreau, 37 ans. Elle a mis au monde ses trois enfants chez elle, à Rennes, et a réalisé le documentaire Fait Maison qui suit la grossesse et l’accouchement à domicile de son amie Kate Fletcher (http://film.fait.maison.free.fr/).

Au début des années 2000, l’AAD a connu un regain d’intérêt dans notre pays, « C’est une réaction logique face aux excès. Les femmes ne veulent plus de cette surmédicalisation. Elles ont pris conscience qu’elles pouvaient « consommer mieux » leurs grossesses et leurs accouchements, elles ont plus de discernement de ce côté là, plus de réflexion, elles ne subissent plus. Souvent, elles ont eu un premier mauvais vécu, elles ont été déçues, frustrées voire traumatisées », confie Emmanuelle Oudin, une des deux sages-femmes qui pratiquent l’AAD en Ille-et-Vilaine.

Liberté de choix

« À la maison, si on est bien préparé, si la sage-femme connaît bien le couple, cela supprime un tas d’éventuelles complications. On peut prendre un bain, se détendre, ça change beaucoup de choses. On choisit sa position ! Et cette liberté posturale n’est pas négligeable. Si je devais militer pour quelque chose, ça serait pour ça ! En outre, les pères sont plus impliqués. Et puis il y a moins de baby blues ! », insiste Katell pour défendre l’AAD tant décrié.

La jeune femme pense que son documentaire a le mérite d’alimenter la réflexion et le débat sur les différents modes d’accouchement et surtout de poser cette question : « Est-ce un droit d’avoir le choix ? ». Or, aujourd’hui, selon elle, on n’a, en France, de l’accouchement et de la grossesse qu’une vision pathologique. Un sentiment fortement partagé par la professionnelle brétillienne :

« Nous sommes formatées à l’école, on ne nous apprend que le culte de la peur, le principe de risque, alors que partout ailleurs en Europe l’AAD fait partie de la formation ». Pas étudié, mal vu, l’AAD est aujourd’hui remis en cause par une loi datant de 2002.

L’AAD remis en cause

La loi Kouchner de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé prévoit que les sages-femmes pratiquant l’AAD soient assurées. Jusqu’ici rien d’anormal. En 2011, un rapport de la Cour des Comptes, d’autre part élogieux pour les sages-femmes, a mis le doigt sur le fait que sur les 72 sages-femmes pratiquant l’AAD en France à l’époque, seulement 4 étaient assurées.

« Oui, car les assureurs nous demandent des sommes exorbitantes ! 20 000 euros en moyenne par an. Impossible », explique la sage-femme.

Ces primes sont en effet calquées sur les accouchements à risque, or l’accouchement à domicile est physiologique pas pathologique. « Nous ne prenons aucune risque, l’AAD n’est possible que si la grossesse est normale », ajoute-t-elle. Une situation incompréhensible et inextricable pour les adeptes de l’AAD. Résultat ? « Déjà critiquées, beaucoup de sages-femmes vont arrêter. Sauf que les mères qui ont eu un enfant chez elles ne vont pas aller en maternité pour leur(s) futur(s) bébé(s), elles accoucheront seules, et là il y a danger », avance Katell Chantreau.

Peu nombreuses à l’heure actuelle – entre 70 et 80 au total en France – les professionnelles risquent donc de voir encore leur nombre diminuer et ne pourront pas répondre à la demande qui elle, augmente. La France pourrait alors se faire taper sur les doigts par l’Europe, car l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme prévoit que la femme a le droit de choisir où elle accouche.

Célian Ramis

En quête du bien-être

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L'heure est à la remise en question. Et ça tombe bien car les médecines non conventionnelles surfent sur l'air du temps, mais pourquoi un tel succès ?
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La tendance est à la remise en question. Une remise en question qui interroge notre société et nos pratiques, nos automatismes, notre quotidien. Et la médecine dite traditionnelle n’y échappe pas. L’importance, pour ne pas dire le monopole, de l’industrie pharmaceutique, les nombreux scandales autour de certains médicaments (Mediator, Alli, pilules 3ème génération, etc.), la déshumanisation et le manque d’écoute (dû au manque de temps) accordé aux patients, tendent à interpeller et à questionner les occidentaux. Les institutions européennes - le Parlement et le Conseil de l’Europe - se sont penchées sur la question des médecines non conventionnelles définies - par le Parlement en 1997 - comme « les procédés thérapeutiques qui ne relèvent pas, ou pas encore, de la médecine traditionnelle, qui entrainent très probablement la guérison qu’ils promettent et dont l’exercice n’est pas nécessairement lié à l’obtention d’un diplôme d’État dans le domaine de la science médicale » et en appellent à la reconnaissance de ces médecines et nouvelles professions de santé, à condition d’en encadrer strictement l’exercice et la formation.

À plus haute échelle, l’Organisation Mondiale de la Santé se prononce en faveur « de leur intégration dans les systèmes de santé pour compléter la gamme de soins offerts aux patients », précise la note d’analyse n°290 du Centre d’Analyse Stratégique (CAS), en octobre 2012 (Rapport : Quelle réponse des pouvoirs publics à l’engouement pour les médecines non conventionnelles ?). 

En Suisse, le ministère de la Santé a accordé six années « test » à 5 disciplines non conventionnelles (médecine anthroposophique, homéopathie, médecine traditionnelle chinoise, thérapie neurale et phytothérapie). En Allemagne, il existe plus de 20 000 Heilpraktiker : des « non médecins » utilisant des techniques non conventionnelles pour traiter les problèmes physiques ou psychiques. Le CAS explique qu’afin d’obtenir le titre, ils « doivent réussir un examen (connaissances cliniques et physiologiques de base et points de droit)  ».

Un examen dont le taux de réussite ne dépasse pas 20%. En France, pas de reconnaissance officielle mais une ouverture sur la complémentarité des médecines, avec l’exemple de l’AP-HP (Assistance publique-hôpitaux de Paris) adoptant dans son plan 2010-2014 un volet sur ces pratiques et créant, en 2011, un centre intégré de médecine chinoise. Aussi, le Centre de Médecines Douces du Mans fait intervenir des acuponcteurs, kinésiologues, naturopathes, ostéopathes ou encore des sophrologues. Et même dans la capitale bretonne, les professionnels de la santé y ont recours. Tel est le cas du centre d’évaluation et du traitement de la douleur – à Pontchaillou – qui utilise l’hypnose. Si peu de médecins acceptent de répondre à nos questions, ils confient néanmoins que ces médecines pourraient être intégrées, dans un cadre de prévention santé.

« Nous ne sommes pas des médecins, nous ne soignons pas, nous apportons du bien-être  », déclare Sylvie Hurel, coach de vie - aromatologue et co-gérante de la Maison du Bien-Être à Rennes. Quant à Laura Lefebvre, énergéticienne-géobiologue-naturopathe, installée à Betton, elle est convaincue « qu’on ne fera jamais l’économie des médecins ! Ce sont les seuls capables de poser un diagnostic et d’accompagner efficacement un malade  ». L’enjeu est ailleurs. Le clivage entre médecines proviendrait principalement de l’industrie pharmaceutique bien décidée à verrouiller les potentielles alternatives susceptibles de diminuer le besoin de médicaments.

Et concernant la baisse d’intérêt des français pour la médecine classique, il semblerait que plusieurs raisons entrent en jeu, et notamment celle du manque d’écoute et d’attention des médecins face à leurs patients. De là nait un véritable engouement pour les pratiques holistiques - la personne est prise en compte dans sa globalité, sans dissociation du corps et de l’esprit.

« La médecine traite les symptômes mais pas les causes. En général, lorsque l’on va chez le médecin, la maladie est au stade 4. Nous sommes là pour intervenir avant ».
Isabelle Hernandez, praticienne en âyurveda.

Le corps comme signal d’alerte. Pour nous faire comprendre « qu’on a fait fausse route  », selon Laura Lefebvre, avant de préciser : « Ce n’est pas pour nous punir. Il n’y a pas de culpabilité à avoir. Ce qui est important de comprendre, c’est que l’on est responsable de sa santé, que l’on en soit conscient ou non ».

UN ESPRIT SAIN DANS UN CORPS SAIN ?

Les praticiennes rencontrées ont en commun leurs parcours atypiques. Aucune ne se destinait à devenir praticienne du bien-être. Seule Emmanuelle Royer (photo ci-contre / photo de Une) a commencé le yoga à l’âge de 12 ans et n’a pas cessé de le pratiquer depuis. À 20 ans, elle approfondit ses connaissances par des stages et des retraites puis passe des examens en Asie, où elle vit à cette époque, et se spécialise dans le Hatha yoga, pratique la plus ancienne en Inde.

En 2007, elle ouvre son studio à Rennes, Pur Yoga. « C’est une philosophie de vie basée sur la respiration et l’alignement dans les postures. On oxygène son sang, ce qui permet de mieux nourrir nos muscles et nos organes. On mange mieux, on dort mieux, on est plus relâché et on se muscle partout », explique-t-elle. Une pratique qui s’apparente à du sport, sans en être un. Les postures sont physiques, les mouvements sont doux et apaisants, les bienfaits s’en font rapidement ressentir.

Laura Lefebvre avait ça dans ses tripes, elle voulait être médecin. Elle s’orientera dans les ressources humaines avant de devenir énergéticienne en 1995 : « C’est un cheminement de vie. Mais je pense qu’il faut avoir ça au fond de nous pour le pratiquer, c’est une vocation ». Dans l’énergétique, on se détache du principe du corps physique :

« on considère que le problème de santé est présent dans le corps énergétique avant d’arriver dans le corps physique  ».

Grâce aux centres d’énergie – les chakras sont reliés à un ou plusieurs organes vitaux – la praticienne rétablit la bonne circulation pour retrouver son équilibre. Plusieurs outils permettent de réaliser le bilan énergétique, à l’aide de la radiesthésie (utilisation de la baguette, du pendule, de l’antenne de Lecher) ou de la géobiologie qui travaille sur les phénomènes concernant la personne dans son lieu de vie et/ou de travail. Elle en vient ensuite à la naturopathie. Une pratique qui axe les consultations sur des aspects physiques et sur l’hygiène de vie. Le but : rééquilibrer le corps en utilisant des compléments alimentaires, des bourgeons, des huiles essentielles ou encore des élixirs floraux.

Solenn Tilly s’est elle aussi orientée vers l’énergétique et la naturopathie, après avoir travaillé dans l’agroalimentaire. C’est à la naissance de sa fille qu’elle réalise qu’elle n’aime pas lui donner des sirops en guise de traitements : « trop sucrés, trop de rechutes  ». En fouillant dans les biocoop, en diversifiant l’alimentation, elle finit par suivre des séminaires sur la naturopathie. « Ça a été une révélation. J’y suis retournée pendant 4 – 5 ans, 3 fois par an en moyenne avant d’obtenir, en 2009, le diplôme CERS-TA, de Heilpraktiker », se souvient-elle.

En 2008, elle s’est formée à la pratique de l’antenne de Lecher. Une méthode qui vise à définir, par les vibrations qu’émet ou non l’antenne, les zones du corps énergétique à rééquilibrer :

« On utilise les points d’entrée de la médecine chinoise et on interroge l’antenne sur les besoins en huiles essentielles, en fleurs de Bach, en oligoéléments, en homéopathie, etc.  ».

Pour Solenn Tilly, pas de pression à avoir, chacun doit s’écouter. « On conseille, on oriente vers des plantes, des sons, des thérapies naturelles afin de soigner les terrains dévitalisés. Cela passe souvent par des changements de comportements alimentaires  », précise-t-elle.

L’alimentation est souvent cause de déséquilibrage corporel. Isabelle Hernandez en est convaincue et le confirme : 90% des préconisations données concernent la diététique. « J’ai des patientes qui mangent sainement et qui pensent bien faire. Mais il faut connaître sa propre constitution pour être en bonne santé  », souligne-t-elle. Après une expérience dans une agence de publicité, elle devient, à 23 ans, formatrice dans un centre auprès de personnes handicapées en région parisienne.

Elle se plonge dans le yoga et se forme en parallèle de son boulot, ce qui la mènera petit à petit à la pratique de l’âyurveda en autodidacte. « Et il y a 4 ans, j’ai fait un burn-out. J’étais dans le trop », commente-t-elle. Elle prend le temps de s’écouter, de revenir en Bretagne et d’approfondir ses connaissances de la médecine traditionnelle indienne, vieille de 5 millénaires : « je me suis reconnectée à ma nature ».

Depuis deux ans et demi, la praticienne reçoit une majorité de femmes pour des bilans ou des massages ayurvédiques en suivant sa règle d’or :

« Pas plus de quatre personnes par jour et pas plus de deux massages. Il faut pouvoir être disponible et à l’écoute. Et puis avant chaque consultation, je dois méditer pour me recentrer et être dans les meilleures conditions  ».

La médecine indienne part du principe que tout l’univers est constitué des 5 éléments (éther, air, feu, eau et terre) dans des proportions différentes. Ils sont réunis en trois doshas (énergies vitales combinant un ou plusieurs des 5 éléments) : Vata, Pitta et Kapha. « Nous avons tous un ou deux doshas prédominants, c’est notre constitution de naissance, celle qui influence notre personnalité et notre corps. Il faut la maintenir durant sa vie pour être en bonne santé, dans le sens d’épanoui  », selon la spécialiste.

Elle définit la constitution de naissance et détermine à quel point la personne s’en est éloignée ou à l’inverse est dans l’excès. L’intervention se fait ensuite sur la diététique et/ou sur le style de vie. Des positions de yoga pourront être prescrites « car c’est un outil important de l’âyurveda  ».

Autre médecine non conventionnelle, la kinésiologie. Sophie Tchékaloff exerce cette profession depuis septembre 2012, quartier Saint-Hélier. Avant, elle a passé 17 ans dans l’agroalimentaire en tant que responsable qualité. En parallèle, elle pratique la danse « pour nourrir le besoin de laisser s’exprimer mon corps  ». Quand elle décide de se réorienter, il lui semble naturel en lisant la définition de la kinésiologie de suivre cette voie : « ça m’a parlé car on prend en compte du corps, en travaillant les mémoires corporelles  ».

Après une formation à Nantes, elle obtient son diplôme et s’établit à son compte. En kinésiologie, les points d’entrée utilisés sont les différents méridiens du corps. Le professionnel va alors les rééquilibrer :

« On donne du sens à une douleur, on réajuste. On étudie ce que le corps ramène à la conscience. C’est lui qui nous mène et nous guide ».

Pour cela, Sophie Tchékaloff se munie de plusieurs listes constituant un guide d’entretien. Le test musculaire va lui permettre d’établir un dialogue avec le corps via les bras de la patiente, qui répondent par oui ou par non, en utilisant la tonicité ou le relâchement des muscles sans contrôle conscient du cerveau. « C’est une communication énergétique qui s’établit. Le corps sait de quoi il a besoin  », confie-t-elle.

Tout son savoir-faire repose sur les mémoires du corps, depuis sa vie intra-utéro à l’instant T. Il pose son traumatisme, permettant ainsi à la spécialiste de rectifier via des remèdes naturels, comme les huiles essentielles, des sons, des mouvements, des symboles, etc. : « je suis l’intermédiaire entre le corps et la conscience de la personne. Ensuite, c’est un travail de développement personnel. »

MAJORITÉ FÉMININE

Les praticiennes sont, en majorité de sexe féminin. Idem pour la clientèle. Selon Isabelle Hernandez, « elles ont besoin de se reconnecter à ce qu’elles sont ». Un premier pas se fait souvent dans le cadre d’une guérison puis s’élargit à une philosophie de vie due à une prise de conscience. Une prise de conscience qui se généralise depuis 4 – 5 ans, selon les praticiennes.

« Il y a une vraie demande, ça devient presque incontournable. On devient soucieux de son bien-être. On commence à se lasser de la prise de médicaments, on essaye de trouver d’autres solutions  »
Laura Lefebvre, énergéticienne-géobiologue-naturopathe.

Pour Solenn Tilly, il est primordial de retrouver l’estime de soi et de s’écouter : « Il faut le faire en douceur pour ne pas choquer le cerveau  ».

Emilie* vit à Rennes. Issue d’une famille attentive au bien manger et aux alternatives des médicaments – homéopathie, acuponcture – elle participe aux constellations familiales, en individuel dans un premier temps en 2006, animées par Véronique Ghezel. Puis de manière collective en 2009 et travaille sur de lourds héritages émotionnels familiaux. Il y a un an, elle s’est formée avec Laura Lefebvre à la pratique du reiki – qui fait appel au magnétisme :

« Cela équilibre les parties du corps, c’est doux, chaud, très cocooning. C’est important de le pratiquer sur soi pour être disponible pour les autres  ».

Elle apprécie la considération holistique de l’être humain. Une manière aussi d’aller plus loin « dans la connaissance de notre propre personne. C’est le travail d’une vie !  »

LE BIEN-ÊTRE : UN MARCHÉ CONVOITÉ

Actuellement, nombreuses sont les praticiennes à s’installer en milieu urbain, ou en périphérie. Et les Rennais en sont friands. Pour Laura Lefebvre, « il y a une évolution positive du côté clientes, surtout sur le bassin rennais  ». Isabelle Hernandez, souligne une ouverture d’esprit et une réelle prise de conscience de la part des bretons, qui viendrait de leur naturel, de leur simplicité et de leur authenticité. Pourtant ces pratiques n’étant pas reconnues et intégrées officiellement dans la communauté médicale traditionnelle, les consultations ne sont pas remboursées.

En moyenne, elles oscillent entre 50 et 70 euros la séance (entre 1h et 2h). « Ce n’est pas une thérapie classique. Généralement, les femmes viennent de manière ponctuelle. Certaines reviennent mais elles le font quand elles en ont besoin. On leur donne des clés pour s’adapter au quotidien », explique Florence Delaune, coach sophrologue et co-gérante de la Maison du Bien-Être de Rennes. La structure qu’elle gère avec Sylvie Hurel permet à de nombreuses praticiennes de partager les locaux mais aussi leurs expériences et leurs pratiques.

Chaque mois, des ateliers, des conférences et des Happy Lab sont proposés en lien avec le bonheur, le bien-être, les différentes pratiques encadrées dans ce domaine. À Rennes, il suffit de naviguer sur Internet pour trouver bon nombre d’animations organisées par les associations, les praticiennes ou encore des structures telles que l’association Joséehoued, qui organisait le 21 février dernier une conférence animée par la chaman Elli Mizikas.

À cette même date s’ouvrait le salon Bio Respire la vie, au parc expo de Rennes. Durant trois jours, une multitude de stands de cristaux, massages, naturopathie, géobiologie, feng-shui, huiles essentielles entre autres, étaient à la disposition des curieux à l’affut de toutes les pratiques et nouveautés en terme de bien-être.

Les médecines non conventionnelles bénéficient donc d’un intérêt certain depuis plusieurs années et tendent à se démocratiser. Un bémol survient alors : « L’industrie a bien compris que ça marchait et met la main sur certains produits de type lait de soja. Elle popularise l’information mais ne sensibilise pas  », conclut Solenn Tilly.

  • Le prénom a été modifié

Isabelle gillet, magnétiseuse : Au quotidien, Isabelle Gillet propose ses conseils et ses études : en Feng Shui, en Géobiologie et en Home Staging. Dans la discrétion, elle partage ses talents de magnétiseuse. Un don qu’elle découvre dès l’âge de 20 ans. Il consiste à utiliser son énergie ou l’énergie captée pour soulager une douleur, enlever une verrue ou cicatriser une brûlure. « J’appose mes mains sur un individu ou sur une photo. Je ferme les yeux et je me concentre pour que l’énergie pénètre. J’éprouve un ressenti, comme des fourmis et lorsque mon corps est fatigué, je m’arrête  », décrit la magnétiseuse. En général, une pratique de 15 minutes tous les 2 ou 3 jours suffit pour éradiquer le problème.

Pour profiter de ce don, le prix s’élève entre 20 et 25 euros (2 à 3 séances). Elle éprouve également des ressentis physiques avec les lieux : des vertiges, des évanouissements lorsque les énergies y sont négatives : « Je suis allée dans une maison à Rennes où une dame était gênée par une pièce. Je me suis effondrée.  » Après des recherches, sa réaction est expliquée. Il s’agissait d’un lieu de torture pendant la seconde guerre mondiale. Pour guérir l’habitat, elle y pratique un nettoyage énergétique. « Une remise à niveau, où j’utilise de l’encens, du sel ou des bols tibétains pendant plus d’une heure  », détaille-t-elle.

Elli Mizikas, shamanka et éveilleuse d’âme : Spécialiste des mythes, des contes et des traditions populaires, psychothérapeute et écrivain, Elli Mizikas rencontre durant ses voyages de nombreux maîtres chamaniques. Elle décide, à son tour, de transmettre ses connaissances lors de conférences, de formations, d’ateliers, sans s’affilier à une tradition en particulier. Il sert à faire découvrir, naître et réconcilier les gens avec les énergies, pour guérir et soigner. Cela passe par la méditation profonde, la danse, les rituels, l’utilisation de plantes, de minéraux et d’outils (crânes, bâtons). « Le chamanisme m’a apporté beaucoup sur la compréhension psychiatrique des individus  », explique-t-elle.

Elle utilise « nos mots, pour parler de leur sagesse à eux, afin que nous puissions nous réapproprier leurs merveilles  ». Elli Mizikas s’est intéressée très tôt aux espaces ésotériques, dès l’âge de 6 ans, en posant beaucoup de questions aux adultes, comme une soif de comprendre tous les mystères de l’existence. Aujourd’hui, elle continue de se former. « Il faut travailler sur soi, sur l’ensemble de l’être et expérimenter  » avoue-t-elle avant de préciser que « chaque chamanisme est une parcelle de vérité et une mise en forme qui est propre à chaque culture  ». C’est pour cette raison qu’elle n’exclut aucune famille. « Les chamans ont une connaissance de la terre, de la vie et de la psyché humaine que certains scientifiques ne découvrent que maintenant  », conclut-elle.

Anna, panseuse de feu : Surprise de panser les brûlures, Anna reste discrète sur son don : « Je suis quelqu’un de terre à terre  ». Lorsqu’elle pose ses mains à côté d’une plaie, la douleur disparaît. « Mes mains deviennent chaudes  », explique-t-elle. Et la personne se sent soulagée. « Ma mère était enceinte de quelques semaines lorsqu’un feu s’est déclaré dans la maison. Le voisin lui a dit que son bébé serait panseur de feu  ». Sa prédiction se confirme : Anna soulage, très jeune, une femme brûlée par l’huile d’une friteuse. Elle vient en aide à ceux qui le lui demandent. « Jamais, je ne le ferai payer. Ce serait une aberration pour moi », précise-t-elle.

Le docteur Philippe Rault est médecin anesthésiste au Centre Hospitalier Universitaire de Rennes. Il est responsable du centre d’évaluation et du traitement de la douleur. Il y pratique une thérapie complémentaire : l’hypnose ericksonienne. Il nous explique…

En quoi consiste l’hypnose ericksonienne ?

Il s’agit d’une hypnose assez originale, mise au point par l’américain Milton Hyland Erickson. Un homme très astucieux qui a développé une technique très personnelle pour aider les patients à trouver des ressources en eux - afin de répondre à leurs questions de santé mentale et physique. Jeune, il avait contracté la polio. Pour ne pas être paralysé, il a travaillé sur son mental. Il a imaginé ses muscles en activité et ça a fonctionné : il n’a pas connu le destin tragique qu’on lui prédisait. Il a voulu aider les autres.

Dans quel cas utilisez-vous cette technique sur vos patients ?

Je la pratique en cas de douleurs chroniques, c’est-à-dire d’au moins trois mois. Chez des personnes souffrant de migraines, de problèmes lombalgiques, neurologiques, mais aussi lorsqu’elles ont une contre-indication ou refusent d’être anesthésiées. Je l’utilise comme moyen alternatif pour la réalisation d’une coloscopie, par exemple. Le patient est éveillé et entre dans une transe hypnotique où la douleur est différente. Sa partie émotionnelle est déconnectée de sa partie sensorielle, ce qui lui permet de trouver la solution en lui, pour mieux supporter la douleur. On est dans une concentration intérieure où la transe est comparable à celle que nous vivons lorsque nous sommes perdus dans nos pensées.

Comment cela fonctionne ?

Le médecin s’assure de la motivation du patient et entretient un lien thérapeutique avec lui. Lors de l’hypnose, il l’accompagne dans un souvenir agréable, l’invite - avec des mots positifs, une voix tranquille et monocorde - à entrer dans des pensées positives. Plus le patient est dans ses idées réconfortantes, moins il est dans la salle d’examen et donc dans la douleur.

Il s’agit ici d’une thérapie dite complémentaire. A-t-elle pour vocation de se substituer au traitement médical ?

En aucun cas l’hypnose ne remplace le traitement de départ. Elle vient toujours en complément. Pour la douleur, elle fait partie de l’arsenal pour soigner le patient, au même titre que les médicaments, la chirurgie, la kinésithérapie ou l’homéopathie. Elle n’est pas une fin mais un moyen de traiter la douleur.

Peut-on dire, dans le cas de traitement contre la douleur, que la médecine traditionnelle et les thérapies non conventionnelles se complètent ?

Oui, elles peuvent fonctionner ensemble en harmonie. La médecine classique repose sur les médicaments et la technique alors que les thérapies complémentaires apportent une synergie sans oublier l’aspect psychologique. Elles fonctionnent toujours (à moins que le thérapeute soit incompétent ou le patient résistant) et offrent un bon complément. Cependant, à la différence de la médecine, l’hypnose n’est pas remboursée par la caisse d’assurance maladie. Du coup, je la pratique en consultation classique pour que les patients soient dédommagés financièrement.

L’hypnose traite-t-elle le patient dans son ensemble ?

Elle offre une vision globale, écologique et systémique du patient. Ce dernier est perçu comme un système complexe dans lequel il doit trouver sa place.

Le 5 mars 2013, l’académie de médecine a publié un rapport sur ces thérapies - incluant l’hypnose, la médecine manuelle, le tai-chi et l’acupuncture - dans le but « de préciser leurs effets, de clarifier leurs indications et d’établir de bonnes règles pour leur utilisation ». Était-ce essentiel ?

Oui, lorsqu’on utilise des techniques, il faut un minimum de cadres. Il était nécessaire de poser des règles, sinon les gens sont perdus. C’est aussi une réponse aux mauvaises pratiques d’hypnose.

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Des pratiques féminines non conventionnelles
L'engouement du bien-être
Secrets de rebouteuses
L'hypnose, une thérapie complémentaire qui fait ses preuves

Célian Ramis

Les sages-femmes tentent le camping des cigognes à Rennes

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Rennes
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Les sages-femmes de Rennes et des alentours ont décidé de se mobiliser pour leur profession, en grève depuis le 16 octobre dernier, et d’installer le « Camping des cigognes » sur le parvis de l’Hôpital Sud de Rennes.
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Jeudi 12 décembre, les sages-femmes de Rennes et des alentours ont décidé de se mobiliser pour leur profession, en grève depuis le 16 octobre dernier, et d’installer le « Camping des cigognes » sur le parvis de l’Hôpital Sud de Rennes. Un moyen de sensibiliser les passants à leurs revendications.

Depuis deux mois, les sages-femmes ont entamé un mouvement national de grève à l’initiative d’un collectif – composé de 6 membres*. Un mouvement suivi à Rennes, et plus largement en Bretagne. Jeudi 12 décembre, les sages-femmes ont planté les tentes sur un carré de pelouse, sur le parvis de l’Hôpital Sud de Rennes.

Dès 16h, le « Camping des cigognes » est installé et la vente de gâteaux, thé, café et bracelets « je soutiens les sages-femmes » démarre, dans le but de récolter de l’argent qui servira à payer le transport jusqu’à Paris, lundi 16 novembre. « Deux cars partiront de Bretagne, un de Lorient et de Rennes, pour que nous puissions participer à la seconde manifestation nationale », explique Charlotte Godet, sage-femme à Rennes.

À 21h, une dizaine de professionnels, toujours vêtus de leur blouse blanche, est réunie dans la froideur hivernale à quelques mètres du camping et se retrouve autour d’une table, avant de manger, dans une ambiance plutôt festive.

Sortir de l’invisibilité

Une action qui a également pour objectif de faire sortir la profession de son « invisibilité » : « Nous souffrons d’une méconnaissance du grand public. Même les femmes enceintes n’ont pas forcément connaissance de toutes nos compétences, elles le découvrent au fur et à mesure », explique Alice Froger.

Parmi ces compétences figurent le suivi gynécologique obstétrical, le suivi post-partum, la préparation à l’accouchement ou encore l’échographie. Une liste non exhaustive qui leur permet de manifester leur volonté d’être reconnues en tant que praticiens de premier recours. « À la différence des gynécologues – mais nous ne pouvons pas faire de généralités non plus – nous avons plus de temps à consacrer à la femme enceinte, qui peut parfois se sentir seule (dans le labyrinthe médical). Les gynécologues sont souvent overbookés et sont les spécialistes de la grossesse pathologique. Nous, nous sommes des spécialistes de la grossesse dite normale », poursuit la sage-femme rennaise.

Elles revendiquent également l’importance du suivi physiologique qui a été reconnu dans un rapport de la Cour des Comptes en 2011 comme un facteur « permettant de limiter les risques d’accouchements prématurés » mais aussi de diminuer les risques de mortalité des mères et des bébés.

Autre revendication essentielle pour les professionnelles de la grossesse : le statut des sages-femmes. « Depuis toujours, nous sommes considérées comme personnel non-médical, la seule profession qui n’est pas inscrite dans son Code de déontologie », déclare Charlotte Godet. Un statut qui limite leur autonomie dans le milieu professionnel et dans le quotidien de leur exercice. Phénomène paradoxal, elles sont intégrées au personnel médical devant le Tribunal et pour l’Assurance Maladie.

« Par contre, concernant le nombre de médicaments autorisés lors des prescriptions, nous sommes à nouveau en « non-médical ». Et nous n’avons pas non plus le droit aux primes de risque », ajoute-t-elle. Si le corps médical semble comprendre et approuver le mouvement des sages-femmes, en revanche elles ne sentent pas reconnues à leur juste valeur et soutenues dans leur grève. Une grève en grande partie invisible puisqu’elles continuent de travailler et d’assurer leurs fonctions « mais nous ne déclarons pas les cotations, que nous remplissons par informatique, et qui donnent ensuite à l’hôpital accès aux remboursements de la Sécurité Sociale ».

Le « camping des Cigognes » sera présent sur le parvis de l’Hôpital Sud de Rennes jusqu’à vendredi 13 décembre, 16h. Avant de lever le camp, les sages-femmes mobilisées poursuivront leur vente de gâteaux et de bracelets pour rembourser leurs frais de transport en direction de la Capitale afin de défiler aux côtés de leurs consœurs et confrères, lundi 16 décembre.

*Association nationale des étudiants sages-femmes, Conférence nationale des enseignants en maïeutique, Collège national des sages-femmes, Organisation nationale syndicale des sages-femmes, Association nationale des sages-femmes cadres, CFTC.

Célian Ramis

Parcours de migrantes à Rennes

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Reportage dans les squats rennais à la rencontre des migrantes qui nous racontent leurs parcours dans leur ville d'accueil.
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Chaque année, le nombre de demande d’asile augmente en France. En 2012, l’OFPRA enregistrait 61 468 demandes (réexamens et mineurs accompagnants compris), soit une progression de 7,2% par rapport à l’année précédente. Une forte hausse essentiellement concentrée sur le second semestre, imputable à l’augmentation de la demande d’asile en provenance des Balkans. Ce chiffre place donc la France au second rang des pays destinataires de demandeurs d’asile au niveau européen.

Récemment, les femmes étrangères sont devenues le nouveau visage de la migration internationale. Rappelons-nous cette déclaration de Babatunde Osotimehin, directeur exécutif du Fonds des Nations Unis pour la population : « La migration porte un visage humain, et c’est celui d’une femme ». Pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses à fuir leur pays d’origine et à prendre les routes de l’immigration depuis les années 1990. À cette époque, elles ne représentaient pas encore une majorité, n’étaient pas encore médiatisées. Aujourd’hui, le thème « Femmes et migration » est récurrent. Femmes isolées ou accompagnées de leur famille, elles constituent 49% des migrations mondiales et près d’un 1/3 des demandeurs d’asile en France. Qui sont ces femmes et comment vivent-elles ? YEGG est allé à leur rencontre. État de lieux de la situation rennaise.

  • Pour préserver l’anonymat des personnes interrogées, nous avons changé les prénoms.

À leur arrivée, les migrants déposent une demande d’asile auprès de la Préfecture d’Ille-et-Vilaine. En octobre, les militants d’associations et collectifs déploraient la dégradation des conditions d’accueil de cette institution, soulignant la réduction des horaires d’ouverture. Trois après-midis sont consacrées aux démarches administratives des migrants : lundi, mardi et jeudi de 13h30 à 16h30.

Sur les 800 dossiers déposés chaque année, seulement ¼ obtiennent une réponse favorable. Les autres disposeront d’un mois pour quitter le territoire français, après réception d’une OQTF (Obligation de quitter le territoire français).

UN LONG PARCOURS ADMINISTRATIF

Les démarches sont souvent longues et compliquées. « Il doivent prouver les pressions subies dans leur pays, rédiger leur récit de vie, aller à un entretien avec un officier de protection de l’OFPRA (établissement public chargé de l’application des textes français et des conventions européennes et internationales relatifs à la reconnaissance de la qualité de réfugié, d’apatride et à l’admission de la protection subsidiaire, ndlr) qui en principe connaît très bien la situation du pays concerné », explique Armelle, membre de l’association rennaise Un toit, c’est un droit.

En moyenne, les migrants doivent patienter 18 mois avant d’obtenir une réponse. Chaque année, l’OFPRA actualise la liste des pays d’origine sûrs « et les migrants de ces pays-là ont très peu de chance d’obtenir une réponse favorable ». Dans le rapport d’activités 2012, l’OFPRA déclare 20 pays sûrs au 1er janvier 2012. Après retrait de l’Albanie, du Kosovo, du Mali et du Bangladesh, la liste ne contient plus que 16 pays, en mars 2013.

Durant l’étude de leur dossier, les demandeurs d’asile perçoivent l’ATA (Allocation Temporaire d’Attente) à hauteur de 363 euros et peuvent, en théorie, accéder aux places d’hébergement en CADA (Centre d’accueil des demandeurs d’asile), au nombre de 399 en Ille-et-Vilaine. « Mais seulement 10% gagnent au premier dossier », souligne Armelle, notant ainsi la difficulté de cette population à trouver un hébergement. Le 115, débordé par le nombre d’appels largement supérieurs au nombre de places, doit les diriger vers la Plateforme d’accueil des demandeurs d’asile, en lien avec le Service d’Accueil et d’Orientation, qui eux se chargent de leur accompagnement.

« Les personnes sous OQTF, elles, sont assignés à résidence, mises à l’abri, avant d’être accompagnées vers une sortie du territoire », explique Claude Fleutiaux, secrétaire général de la Préfecture 35. Mais tous les déboutés du droit d’asile ne bénéficient pas de cette solution. Une partie est placée au Centre de rétention administrative, situé à Saint-Jacques-de-la-Lande. « Seulement les célibataires », souligne le secrétaire général. Pourtant, on se souvient de l’expulsion d’une famille tchéchène en juillet dernier : « C’était le seul cas cette année. On veille particulièrement à cela », assure-t-il.

Selon Charlotte Joyau, salariée de La Cimade, association intervenant au CRA chargée d’accompagner les retenus dans l’exercice effectif de leurs droits, trois familles y ont été placées en 2013 :

« À Rennes, il n’y en a pas beaucoup mais la structure est adaptée aux familles, avec du matériel de puériculture, un lit de bébé… ».

UN PARCOURS QUOTIDIEN

Dans le squat de l’église Saint-Marc, ouvert en mai près de la dalle Kennedy, les 130 occupants ont tous été déboutés et procèdent alors à un recours, ou sont actuellement sous OQTF. Ce lieu héberge majoritairement des familles. D’origine mongole, arménienne, géorgienne, congolaise, libyenne, tchadienne (nationalités très représentées à Rennes), albanaise, serbe ou encore tchéchène, ils vivent en communauté dans ce bâtiment. Certaines familles sont installées dans des petites pièces individuelles.

D’autres occupent des pièces de taille moyenne, voire de petite taille, et ont aménagé des cloisons avec des draps pour un espace de vie avec un minimum d’intimité. Des boxes, comme on nous dit. « Et dans chaque boxe, un drame passé », nous glisse Armelle. En novembre, la physionomie du squat a bien changé par rapport à la saison estivale. « On fait à manger dans la cuisine commune et après on rentre dans nos chambres pour le repas. Il fait très froid et dehors, il fait nuit », explique une jeune mongole, arrivée avec sa famille à Rennes depuis 2 ans – et scolarisée dans un collège rennais.

Les coupures d’électricité sont fréquentes, surtout entre 17h et 19h, à l’heure de la préparation des repas et des douches. Plusieurs femmes d’origine mongole sont réunies dans la cuisine, assises dans le canapé, jouant avec une enfant et un bébé.

Au fond du couloir, vit la famille de Mariame. Elle est kurde arménienne. Son mari, kurde géorgien. L’aîné de ses enfants est arménien et vit là-bas. Sa fille et son fils, tous deux d’origine géorgienne, sont à Rennes. Une situation complexe pour elle qui ne pouvait obtenir de papiers en Géorgie.

« En Arménie, pas de problèmes pour moi. Mais pour ma famille, ce n’était pas possible. Et en Géorgie, je ne peux pas avoir de titre. C’est vraiment très difficile »
explique Mariame.

En mars 2012, ils quittent leur pays pour des raisons économiques et souhaitent venir en France, en passant – en avion – par la Biélorussie. Puis de Minsk, ils traversent la Pologne, s’y arrêtent quelques heures, le temps du contrôle douanier. Les autorités polonaises prennent les empreintes « et leur font signer une demande d’asile sans qu’ils en aient conscience », dit Armelle. Elle poursuit : « Les migrants qui entrent par un pays de l’espace Schengen et qui sont contrôlés dans ce dernier avant de venir en France sont appelés les Dublin ».

En effet, le règlement de Dublin II vise à établir une base de données biométriques permettant ainsi aux autres États membres de vérifier qu’aucune demande d’asile n’a été effectuée par les ressortissants. En se présentant à la Préfecture, à Rennes, les empreintes de Mariame ont révélé la présence d’un dossier en cours en Pologne. « La France a 6 mois pour les renvoyer dans le premier pays. Ils sont convoqués à la Préfecture avec conjoint(e)s, enfants et bagages et sont déclarés en fuite s’ils ne se présentent pas », explique Armelle. Après 18 mois sur le territoire, une nouvelle demande d’asile peut être déposée en France.

Et depuis quelques jours, Mariame peut enfin remplir la sienne, ainsi que chaque membre de sa famille. Elle a maintenant trois semaines pour rédiger son récit de vie détaillé, un travail compliqué pour cette mère de famille. « Déjà, je ne parle pas bien le français. Là, je regarde mes cours. Et ça fait ressortir les mauvais souvenirs. Dur d’y repenser. Surtout pour mon fils, il est nerveux », confie-t-elle. D’autres mauvais souvenirs remontent aussi pour Mariame, qui n’ose pas sortir du squat. En juillet dernier, elle est contrôlée et arrêtée par la Police Aux Frontières (PAF), au niveau de la gare.

Après plusieurs heures en garde à vue, elle est emmenée au CRA, dans lequel elle restera 5 jours. « Elle a pu être libérée grâce à un point de la procédure, lors de la garde à vue, qui n’avait pas été respectée », commente Armelle. L’histoire est douloureuse. Elle reste traumatisée de « l’évacuation musclée » d’une famille tchéchène qu’elle a vécu lors de son enfermement.

Les différentes étapes de la procédure nécessitent à chaque fois une préparation mentale ardue et accroissent l’angoisse de l’après. De l’anxiété, les migrants en perçoivent au quotidien. Ce mercredi soir, une adolescente entre dans la chambre de Mariame, en pleurs. Sa petite sœur ne répond pas aux appels de sa mère. Il est environ 18h30 et la petite n’est pas encore rentrée. Des dizaines de minutes plus tard, la maman est avertie que sa cadette est revenue au squat.

Dans la pièce voisine, se trouve Réhane, elle aussi est arménienne. Sa famille est arrivée en France il y a un an et demi et vit dans le squat depuis six mois. Entre temps, elle a connu le 115 et les foyers d’accueil, du côté de Vitré. « Il faut appeler tous les matins le 115 à 9h. Il n’y a pas de places, on nous dit de rappeler le lendemain », se souvient-elle. Enceinte de plusieurs mois à son arrivée au squat, Réhane a accouché peu de temps après leur installation. David, le sourire jusqu’aux oreilles, est allongé sur le lit, entouré de ses peluches : « C’est un peu la mascotte d’ici ! ».

Elle revient du Secours populaire qui ce jour-là distribuait des cadeaux de Noël. Elle a pu ramener des jouets pour ses deux fils et a eu un chèque cadeau de 15 euros pour acheter un présent à sa fille de 7 ans, « qui veut absolument une robe de princesse ». Sa fille ainée est restée avec ses grands-parents, en Russie. Avec son mari, ils l’appellent fréquemment mais ne l’ont pas vu depuis leur départ. Réhane a fait une demande prioritaire, une procédure rapide qui ne permet de bénéficier de l’ATA que 3 mois seulement.

Déboutée depuis décembre dernier, elle est assignée à résidence pendant 45 jours dans un hôtel avec sa famille, une obligation qu’ils ont préféré fuir en espérant trouver une alternative avec leur avocate.

« Ils n’ont pas leurs papiers arméniens. Ils sont donc assignés pendant plus d’un mois, le temps pour les autorités compétentes françaises de contacter le consulat et d’obtenir l’accord du pays d’origine de les renvoyer là-bas ».
 Armelle, militante Un toit, c'est un droit.

Dans la cuisine, Alba, 21 ans, prépare des cookies. Cette jeune tchadienne est arrivée en France en 2009, après être passée par la Libye. À Angers dans un premier temps, au sein d’une communauté tchadienne, dans laquelle elle vit avec son conjoint, à la suite d’un mariage forcé à 15 ans.

« Là-bas, tout le monde trouve ça normal et moi, je ne sais pas pourquoi, je n’ai jamais supporté la violence de mon père envers ma mère. Jamais accepté non plus ce mode de vie. Les femmes ne peuvent rien faire », explique-t-elle. Elle décide de quitter son mari – parti du Tchad pour des raisons politiques, « son père étant impliqué dans la vie politique du pays » – et se retrouve confronter non seulement à la violence conjugale mais aussi aux pressions de l’entourage. « Ils ont réagi très violemment et m’ont menacé de mort. Je me battais contre une communauté », se remémore Alba.

Elle prend le bus jusqu’à Rennes, aidée par une amie rencontrée à Angers, et s’inscrit en CAP Cuisine, à Dinard. En internat la semaine, dans une famille d’accueil le week-end. Sa demande d’asile est compliquée : « j’avais déjà déposé un dossier avec mon mari. J’ai changé d’identité et j’en ai refait un à Rennes mais avec les empreintes, ils ont retrouvé ma première demande ». Plusieurs procédures plus tard, la jeune tchadienne pense obtenir des papiers. La Préfecture l’informe qu’elle recevra prochainement une OQTF :

« Je m’étais inscrite en septembre à Ker Lann pour poursuivre ma formation de Cuisine, et au final, je suis une clandestine, j’ai tout perdu ».

La journée, Alba reste au squat en attendant de trouver un potentiel recours avec son avocate. Une situation qu’elle trouve profondément injuste : « Je reste ici alors que je pourrais travailler. J’ai un diplôme ! Certains ont des papiers et ne font rien de leur journée… »

UN PARCOURS COMPLEXE

Le manque de travail, et la difficulté pour en trouver un en France, est un enjeu majeur pour les migrants. Fondamental pour certains. Comme pour les occupants du squat de Chantepie, ouvert depuis le mois d’août, dans une ancienne ferme. « Ici, ce sont des personnes d’origine roumaine. C’est une autre population, avec une autre problématique encore », explique Mihaela, militante pour l’association Un toit, c’est un droit, qui assure la traduction avec leurs divers interlocuteurs.

Une autre problématique, en effet, puisqu’ils sont européens et bénéficient du droit de résider sur le territoire français pendant 3 mois. « Pour avoir un titre de séjour, il faut avoir un contrat de travail. Pour le contrat de travail, il faut un titre de séjour », déclare Emilia, à Rennes depuis 4 mois. Maman de quatre enfants, dont deux encore en Roumanie, elle attend son cinquième enfant. « Je suis inquiète car je ne sais pas combien de temps on va pouvoir rester dans le squat. Et nous devons aussi faire des allers-retours en Roumanie », poursuit-elle.

Pour justifier leur résidence en France, ils doivent conserver les billets de cars en partance de la Roumanie datant de moins de 3 mois. Pour vivre, ils font la manche durant la journée. Insuffisant pour satisfaire un minimum de besoins vitaux. Les migrants trouvent alors des aides au Secours populaire, aux Restos du cœur et également avec le réseau Ville Hôpital 35 pour les problèmes de santé. « Les gens sont très accueillants et le corps médical très attentif, je suis très surprise, ça ne se passe pas du tout comme ça en Roumanie », souligne la jeune femme de 29 ans.

Ce lundi de novembre, c’est une journée particulière. Alina, sa fille, vient de faire sa rentrée en 6e, dans un collège de Rennes. L’émotion est grande pour la jeune demoiselle. Pour les parents, c’est également une étape importante. Ce soir-là, plusieurs occupants sont regroupés dans la pièce de vie d’Emilia. Une jeune maman allaite son bébé d’un mois seulement. « Il avait 15 jours quand elle est arrivée. Elle est toute seule avec lui », explique Mihaela.

Les hommes aussi sont présents et font part de leur condition de vie. Ils ont été restaurateurs, boulangers, cordonniers ou salariés dans des stations service et nous montrent leurs contrats de travail en Roumanie. « Mais les conditions de vie là-bas sont terribles. Les salaires sont trop faibles pour vivre et il n’y aucune sécurité d’emploi », disent-ils. Tous espèrent voir leur situation s’améliorer à partir de janvier 2014. Les ressortissants roumains et bulgares devraient, à cette date, pouvoir accéder à l’emploi dans les pays de l’Union européenne sans titre de séjour.

Une date qui inspire de l’espoir pour les uns, de l’inquiétude pour les autres. En effet, le squat de l’église Saint-Marc devrait être évacué dans cette période. L’accord passé avec le Secours catholique touche à sa fin mais pour l’instant, les solutions alternatives d’hébergement n’ont pas été trouvées. Pour Armelle, c’est une situation catastrophique : « Ils vont être isolés un peu partout dans le département. C’est ce que souhaite la Préfecture, ça rend le problème moins visible, moins médiatisé ».

En France, de quels droits peuvent bénéficier les personnes sans autorisation de séjour ?

Aucun. Et pour les femmes, c’est encore plus compliqué. Elles sont plus vulnérables et donc plus facilement exploitables. Elles ont uniquement le droit de se rendre aux urgences pour bénéficier de soins médicaux.

Parmi ces femmes, lesquelles sont les plus touchées ?

Les femmes célibataires sans enfants car elles ne sont pas considérées comme « public vulnérable ». Du coup, durant leur procédure en vue d’obtenir le droit d’asile, elles subissent très souvent des violences importantes. Le droit européen leur accorde, certes, le droit au logement, mais en pratique, par exemple, la préfecture d’Ille-et-Vilaine n’a pas élargi ses places d’hébergement. Faute de toit et avec un dispositif d’accueil d’urgence saturé, elles se retrouvent pour la plupart dans la rue. Elles fuient  leur pays d’origine parce que leurs droits sont bafoués mais vivent pourtant en France dans des conditions très dures.

Quelles solutions ont-elles ?

Il n’y a pas de solution. Certaines réussissent à obtenir un titre de séjour (si elles ont des problèmes de santé, par exemple), mais la plupart sont expulsées. Le droit d’asile est une peau de chagrin. Les décisions des juges sont injustes. Ils exigent de plus en plus de preuves et sont trop suspicieux. Malgré tout, les migrantes préfèrent rester dans la précarité en France que de retourner dans la violence de leur pays d’origine.

Infographie : © Sophie Barel

Laetitia est assistante familiale depuis plus de 7 ans. Elle loge et accompagne des migrants sans papiers. Portrait.

Laetitia est agrémentée depuis 1995. Elle accueille actuellement chez elle de jeunes étrangers, originaires d’Albanie, du Congo et de Guinée. « On constate une arrivée massive de mineurs isolés étrangers depuis 2 à 3 ans, explique cette femme de 53 ans. Certains se sont enfuis seuls de leur pays et d’autres ont payé des passeurs pour arriver en France ». Laetitia les accompagne au quotidien, les inscrit à l’école, leur apprend le français et les écoute. « Le choc des cultures est fort. Les règles de famille ne sont pas toujours respectées, mais cet échange me donne envie de continuer », confie-t-elle.

C’est en rencontrant une assistante familiale parisienne qu’elle a eu envie de faire ce métier. « Je lisais beaucoup sur la psychologie des enfants et la rencontre m’a bouleversé. Je me suis renseignée et j’ai été acceptée ». Un petit français de 11 ans est alors arrivé et est resté jusqu’à l’âge de 18 ans. Puis dès 2001, des nationalités différentes ont intégré le foyer. Une camerounaise pour commencer : « Elle avait 17 ans et était menacée par le milieu de la prostitution. Un jour, elle est partie de chez nous et n’est jamais revenue. J’ai déclaré sa disparition à la police mais je n’ai jamais eu de nouvelles ».

Depuis, d’autres ont pris sa place et le soutien de Laetitia n’a pas faibli. Et pour cause, cette mère de famille s’investit beaucoup. Malgré tout, elle a le sentiment que son rôle n’est pas assez reconnu. « En définitive, on travaille à domicile 24h/24, en lien avec le Conseil général et nous sommes pourtant considérés comme le dernier maillon de la chaîne. Il y a des évolutions, mais nous ne sommes pas assez écoutés». Son souhait ? : Obtenir le statut de fonctionnaire, « tout comme les éducateurs ».

Née au Maroc, Sarah a vécu en Espagne jusqu’à ce que son père décide de la forcer à se marier. Contrainte et terrifiée, elle s’enfuie avec une proche de la famille et s’installe dans la capitale bretonne.

Sarah, 22 ans, vit à Rennes depuis 2011. Elle habite chez la femme qui l’a aidé à s’échapper : « Ma mère ne voulait pas que j’épouse un inconnu. Elle m’a laissé partir avec cette femme ». En arrivant à destination, Sarah est inscrite dans un lycée privé, qu’elle quitte deux ans plus tard par manque de moyens financiers. Par la suite, elle fait des stages, du bénévolat, de la garde d’enfants et remplit les tâches quotidiennes de la maison. Malgré tout, elle souhaite « faire un bac professionnel Service à la personne pour travailler, être indépendante et passer le concours d’aide soignante ou d’éducateur spécialisé ».

Elle doit régulariser sa situation en France car son titre de séjour espagnol lui permet de circuler dans l’espace Schengen (et donc dans l’hexagone), mais pas d’y travailler. « En mars dernier, j’ai rempli une demande de nationalité espagnole pour obtenir le statut européen, mais la procédure est longue. Elle dure environ 3 ans », explique-t-elle. Aussi, elle compte déposer prochainement une demande de titre de séjour travail en France, avec le soutien de « La M.I.J.E.C » (Mission d’Insertion des Jeunes de l’Enseignement Catholique, à Rennes) et de Franck Pichot, conseillé général délégué à la jeunesse.

Sarah s’est habituée à Rennes. « J’ai longtemps fait des cauchemars et été traumatisée par le mariage forcé, mais mon moral s’est amélioré », avoue-t-elle. Aujourd’hui, elle est déterminée à prendre sa vie en main et se rappelle souvent  que « si elle s’était mariée avec cet homme, elle n’aurait jamais pu envisager tous ces projets ».

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Elles vivent à Rennes
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Trois questions à Mélanie Le Verger, avocate
Ils agissent pour les migrants
Une alternative : la famille d'accueil

Célian Ramis

Syndrôme de Williams : Gabrielle ou une manière d'aborder le handicap autrement

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Rennes
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Le syndrome de Williams : la vice-présidente de l’association Williams Bretagne, Karine Lepinoit-Lefrêne nous présente cette maladie.
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Le film Gabrielle, plusieurs fois primé, a eu une vie assez brève au Gaumont de Rennes. Le scénario est d’une simplicité presque banale : c’est une histoire d’amour entre deux jeunes, Gabrielle et Martin. Qu’est-ce qui en fait un film d’une intensité extraordinaire ? Pour les deux personnages, tous deux handicapés, rien n’est simple, surtout pas l’amour. L’actrice qui joue Gabrielle est atteinte d’un handicap rare : le syndrome de Williams. La vice-présidente de l’association Williams Bretagne, Karine Lepinoit-Lefrêne nous présente cette maladie.

Le fils de Karine, Luka, six ans, n’est pas tout à fait un enfant comme les autres. Le syndrome de Williams dont il est atteint est une maladie génétique rare occasionnant un retard psychomoteur, c’est-à-dire physique et mental. Les personnes qui en sont atteintes souffrent d’une hypersociabilité qui les pousse à se fier aisément aux autres.

D’autres symptômes sont associés : troubles cardiaques, troubles du sommeil, hyperacousie. Dès lors, le moindre bruit inhabituel devient problématique. Cette sensibilité aiguë au bruit n’est pas seulement un problème: elle permet aussi à de nombreux Williams d’avoir l’oreille absolue et des prédispositions pour la musique.

 Dans le film Gabrielle, de la réalisatrice Louise Archambault, de nombreux aspects du syndrome sont présents. Victime d’un stress disproportionné au son d’un grille-pain mal en point, incapable de se repérer dans Montréal, ville dans laquelle elle habite, ou encore inapte à compter son argent – impliquant ainsi qu’elle tende innocemment son porte-monnaie au vendeur – la protagoniste, interprétée par Gabrielle Marion-Rivard, est montrée vulnérable dans son quotidien le plus banal.

L’occasion pour les spectateurs de percevoir et de comprendre certaines difficultés vécues à travers ce handicap. La musique est également très présente, la chorale dont fait partie Gabrielle  tisse le fil rouge du scénario. C’est dans cette chorale qu’elle rencontre Martin, qu’elle s’épanouit. Les textes chantés sont ceux de Robert Charlebois, artiste reconnu au Québec, qui a accepté de participer en tant qu’acteur et chanteur. Tous ces aspects font que, selon Karine, « en tant que parents, nous n’avons pas vraiment vécu le film comme une histoire mais bien plus comme un documentaire, c’est réaliste. La réalisatrice a compris plein de choses: les parents trop ou pas assez présents, le rôle de la fratrie. Pour Luka, sa sœur est aussi très présente. ».

Une sexualité complexe

Cette œuvre cinématographique permet aussi d’aborder des questionnements qui touchent les parents d’enfants handicapés, quelque soit la maladie. Les questions de l’autonomie et de la sexualité par exemple, auxquelles Louise Archambault accorde beaucoup d’importance.

Gabrielle rêve d’avoir un appartement, d’être comme tout le monde, mais son incapacité à gérer les aléas du quotidien rend ce désir impossible. Les relations amoureuses aussi sont compliquées. La preuve, son histoire avec Martin, jeune homme qui fréquente le même centre, est gérée par les responsables. Les scènes abordant la sexualité entre personnes handicapées sont paradoxalement comiques et infiniment tragiques. Une fois le désir entre les deux jeunes gens percé à jour, les responsables convoquent les familles.

Pour eux, le passage à l’acte se décide autour d’une table, avec les parents, les responsables du centre et eux-mêmes. Certaines phrases sont cruelles et heurtent la sensibilité du spectateur comme lorsque la mère de Martin demande si Gabrielle est stérilisée. D’autres situations, comme l’animateur demandant à Gabrielle si elle a déjà touché le pénis du jeune homme, sont assez amusantes et la réponse plutôt drôle : « non, non, je t’assure, je ne l’ai pas touché. »  Les parents de Luka, eux, sont encore loin de ces questionnements, vu son jeune âge: « Pour nous, avoir un enfant handicapé rend tout plus compliqué, on ne peut pas faire de projet à long terme. Trop se projeter ne sert à rien sinon à déprimer. Nous avons une vision à court terme, sur deux ans environ. Là il est en moyenne section, l’année prochaine il sera en grande section et après on ne sait pas. ».

Les Williams ne suivent pas le cursus classique jusqu’au bout, ils sont intégrés, plus ou moins tôt dans leur scolarité, dans des classes spécialisées. En fonction de leur adaptation ils peuvent rester dans les écoles élémentaires jusqu’en CP, rarement plus. La lecture constitue un premier palier qui leur est difficile de franchir, même si les situations sont très différentes d’un enfant à l’autre. Pour Luka, il est impossible de savoir à l’avance ce qu’il sera capable de maîtriser en terme d’apprentissage.

 Le soutien du tissu associatif

 L’association Williams Bretagne, basée à Rennes, mais qui adhère au réseau associatif national, a pour objectif premier de créer du lien entre les familles concernées et organise un week-end annuel réunissant les parents, les enfants et des intervenants professionnels dans le domaine de la santé: « ça fait du bien de se retrouver entre nous pour parler des avancées, des difficultés. » Au delà de ces rencontres, l’association organise également des colonies pour ces enfants qui demandent une prise en charge spécifique.

Ils essayent également de communiquer autour du syndrome. Le film Gabrielle n’ayant été programmé que dans très peu de salles en Bretagne à l’origine, des membres de l’association se sont mobilisés auprès des cinémas locaux afin qu’ils acceptent de le diffuser. Karine n’a pas obtenu de séances supplémentaires mais d’autres y sont parvenus, dans de petits établissements bretons. Le passage du film durant deux semaines au Gaumont de Rennes était inespéré. Elle l’interprète comme étant le résultat du prix du public, obtenu au festival du film de Locarno.

Avoir un enfant handicapé est source de difficultés sur de nombreux points : la scolarisation notamment. Les papiers administratifs pour obtenir des aides sont également un casse-tête, tous les parents n’ayant pas connaissance de leurs droits. La maman de Luka a ainsi pu aider un autre couple qui ignorait leur possibilité d’obtenir d’une carte de stationnement. Selon les parents de Luka, Karine et Aymerick, le fait de s’engager dans des associations aide à reprendre le pas sur la maladie. « Le handicap c’est quelque chose qui nous tombe dessus, qu’on ne choisit pas. S’engager dans des associations c’est un moyen de ne plus le subir mais au contraire d’aller de l’avant. »

Le couple a ainsi créé une autre association avec d’autres familles de la même ville qu’eux, Betton. Cette nouvelle structure, 3Ailes, regroupe tous les handicaps. Pour les parents ce type d’initiatives permet de se sentir moins seul, car le pire dans le handicap, « c’est la solitude ».

Célian Ramis

25 novembre : Les voix du combat

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Les violences faites aux femmes représentent aujourd'hui un des plus grands combats féministes. Vers qui se tourner à Rennes si l'on est victimes de violences ?
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Si l’Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France a révélé qu’une femme sur dix était victime de violences, aucun nouveau chiffre n’est parvenu depuis 2000 au niveau national. En attendant des statistiques plus récentes – une nouvelle enquête est en cours – les structures rennaises et brétiliennes ont à cœur leur mission d’accompagnement, d’écoute et de soutien auprès des femmes victimes de violence.

STOP AUX VIOLENCES, LE PROGRAMME – Du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles à Rennes Métropole, nombreuses sont les structures et institutions préoccupées par la situation des femmes. À l’occasion du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes (aussi appelée journée internationale d’élimination des violences faites aux femmes), elles se réunissent pour organiser plusieurs événements du 22 novembre au 15 décembre, avec notamment la pièce de théâtre « Je te veux impeccable, le cri d’une femme », d’après le témoignage de Rachel Jouvet (à lire pages 17 et 18) à la Maison de quartier Villejean, le 30 novembre.

Au programme : la projection du film Le paradis des bêtes de Estelle Larrivaz au cinéma Arvor, le 25 novembre, une conférence autour de la question « L’égalité femme-homme a-t-elle encore un sens ? » avec Réjane Senac, chercheure au CNRS, à la Chambre des métiers et de l’artisanat d’Ille-et-Vilaine, le 27 novembre, ou encore l’exposition « Déconstruire les idées reçues sur les violences faites aux femmes », créée par l’ECVF (Elu/es contre les violences faites aux femmes) jusqu’au 30 novembre au CDAS Cleunay.

Des manifestations spécialisées sur la situation des femmes à l’étranger sont également prévues avec la 7e rencontre nationale des associations de promotion des droits des femmes migrantes en France, à l’Hôtel de Rennes Métropole, le 26 novembre, mais aussi à travers l’exposition « Femmes meurtries dans leur corps et dans leurs âmes » à l’Union des associations interculturelles de Rennes, du 25 novembre au 15 décembre et la rencontre-débat avec le Dr Jérôme Blanchot, spécialisé dans la chirurgie réparatrice de la fistule, et le Dr Harlicot, spécialisé dans la réparation de l’excision, le 11 décembre, à l’UAIR.

Des lois protègent les femmes victimes de violences et de nombreuses structures sont présentes à Rennes pour vous en informer. Emilie Floch, avocate généraliste et volontaire au Centre d’information des femmes et des familles (CIDFF) nous explique.

Le droit des femmes en France est un terme à définir. Les textes ne distinguent pas spécifiquement l’homme de la femme. Cependant, face aux violences auxquelles sont confrontées ces dernières, des lois s’appliquent pour les défendre, soit pénalement soit civilement. « Il faut juste les replacer dans un contexte », commente Maître Emilie Floch, avocate au barreau de Rennes. Chaque année, des femmes de tous les âges, issues de toutes les catégories sociales viennent la consulter pour des faits de violences. 

La plupart sont des mères, des épouses, des travailleuses : leurs profils sont variés mais leur état d’esprit souvent similaire.

« Lors d’un premier contact, lorsqu’elles n’ont pas eu de lien avec une structure d’aide, elles sont perdues. Elles ne savent pas si elles sont victimes ou responsables. Elles hésitent et culpabilisent. Je dois leur faire comprendre qu’elles ont le droit de dénoncer ce type de comportement ».
Emilie Floch, avocate généraliste et volontaire au Centre d’information des femmes et des familles (CIDFF)

L’idéal : qu’elles soient conseillées et écoutées, dans des structures adaptées, « elles sont plus déterminées »Notamment au CIDFF. Une équipe pluridisciplinaire les accueille, les informe et les accompagne dans leurs démarches sociales, professionnelles, médicales, policières et judiciaires…

Me Floch y participe volontairement dans le cadre de permanences gratuites organisées par l’Ordre des Avocats de Rennes :

« J’interviens car la problématique m’intéresse tout particulièrement. J’apporte le point de vue de l’avocat durant des entretiens d’une trentaine de minutes. Elles peuvent me voir directement à l’association ou me consulter après avoir vu un juriste. Le lien entre l’avocat et le CIDFF est important et complémentaire. Je ne peux pas convaincre quelqu’un de faire une procédure. Elles ont besoin d’être accompagnées psychologiquement et moralement ».

De toutes les manières, pour Emilie Floch, la première chose à faire pour ces femmes est de verbaliser les faits auprès de leurs proches ou d’associations, pour sortir du cycle. Puis, si besoin de déposer une plainte. Dans ce cas, il s’agit d’ « un entretien avec un officier de police ou un gendarme. La victime relate les faits, soit de manière spontanée, soit en répondant à différentes questions des enquêteurs et l’ensemble est ensuite retracé dans un procès-verbal », décrit l’avocate.

Pour elle, il est préférable de déposer une plainte plutôt qu’une main courante, « cette dernière n’étant qu’une simple déclaration qui ne fera l’objet d’aucun acte d’enquête » déclare-t-elle, en précisant que « dans le cas de violences physiques, il faut également faire constater ses blessures par un médecin légiste – un certificat médical ne pouvant pas être suffisant et faire l’objet de contestations, notamment du point de vue de la partialité, dans le cadre d’un procès. »

Depuis 2 ans, des lois sur les violences faites aux femmes ont été publiées au Journal Officiel. Portées par Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem, elles concernent le harcèlement sexuel, l’élargissement, le durcissement des peines en cas de mariages forcés, d’avortement forcé, de mutilations sexuelles et le renforcement de la lutte contre la traite des êtres humains. « Ces lois apparaissent intéressantes puisque qu’elles viennent renforcer la protection des victimes, aussi bien d’un point de vue pénal que civil (ordonnance de protection des victimes de violences, article 515-9 Code Civil) et également aggraver les sanctions contre les auteurs de violence » explique Me Floch, qui poursuit :

« Cependant, il est difficile de se prononcer sur la portée réelle de ces nouvelles dispositions qui sont relativement récentes et dont la portée devra être appréciée dans quelques années. »

Néanmoins, « les femmes osent davantage faire appel à la loi aujourd’hui. Elles dénoncent des choses qui restaient auparavant dans la sphère familiale ». Beaucoup d’options d’aides s’offrent à elles. Elles peuvent être accompagnées à Rennes, au CIDFF, mais aussi lors de permanences gratuites organisées par l’ordre des avocats ou par des associations.

Le planning familial est un « mouvement féministe d’éducation populaire ». Il accueille et soutient au quotidien des femmes victimes de violences. Brigitte Rocher, directrice du planning familial à Rennes nous éclaire sur son rôle et ses missions.

Le planning familial 35 écoute et prend en charge de nombreuses femmes tout au long de l’année. Tous les mercredis après-midi, une permanence d’accueil pour les jeunes femmes victimes de violences dans leur relation sexuelle est tenue par une psychologue/ criminologue. Chaque mois, un groupe de parole est également organisé pour faire sortir les femmes de leur victimisation. Le centre est tout public : on trouve des lycéennes, des étudiantes, des salariées… en quête de réponses et d’accompagnement ; et le service ne désemplit pas. Et pour cause, les femmes osent d’avantage se confier : « Elles décrochent plus facilement leur téléphone, (même si les choses évoluent doucement) ».

Lors des entretiens, les professionnels constatent cependant qu’il subsiste « toujours de la honte et des difficultés à porter plainte », précise Brigitte Rocher. Dans le cas de viols conjugaux, la situation reste difficile à dénoncer : le « conjoint reste le père de leurs enfants ». Le Planning familial travaille en réseau :

« On les oriente vers d’autres associations comme l’Asfad lorsqu’il est question de logement, vers l’hôpital pour une problématique de médecine légale ou vers le commissariat pour un dépôt de plainte. »
Brigitte Rocher, directrice du Planning Familial.

La structure mène également des actions de prévention pour faire évoluer les choses et différents programmes sont proposés, notamment à destination des jeunes (dans les collèges, par exemple). Ils portent sur la santé de façon globale, sur les stéréotypes, sur la relation d’égalité entre les hommes et les femmes. Mais la structure manque de moyens. « Les projets sont difficiles à monter. On manque de subventions, notamment sur le groupe de parole, qui demande un travail thérapeutique important avec des professionnels », conclut la directrice du planning familial.

En région, l’INSEE classe la Bretagne à la 19e place sur 22 en 2004 avec 1,38 décès par mort violente au sein du couple par millions d’habitants (le ratio moyenne en France étant de 3,61). À Rennes, l’Asfad enregistre 1200 appels par an sur la plateforme Violences disponible 24h/24.

« 600 femmes font appel à nous chaque année, certaines nous contactant à plusieurs reprises », explique Hubert Lemonnier, responsable du service de prévention des violences conjugales et extra-familiales.

Spécialisée dans les violences conjugales, l’association, qui existe depuis 30 ans, accueille toutes celles qui sont en proie à des pressions physiques, psychologiques (humiliation, privation, chantage, etc.), économiques (suppression d’accès au compte bancaire, gestion des allocation, etc.) ou encore en situation de vulnérabilité (grossesse, santé fragilisée, handicap, statut adminstratif, etc.)

Le premier contact avec un professionnel – éducateurs-trices spécialisé(e)s – permet d’établir un diagnostic, de pouvoir comprendre et mesurer le risque qu’elles encourent.« Certaines posent la question « Est-ce de la violence ? » L’échange met des mots sur la situation », précise Hubert Lemonnier.

Selon les cas, elles pourront être orientées vers les différents partenaires de l’Asfad, comme le Planning familial, le CIDFF, SOS Victimes, UAIR (Union des association interculturelles de Rennes) ou encore vers les forces de l’ordre, « nous avons maintenant un travailleur social au poste de police, ce qui facilite les démarches pour porter plainte ».

Elles peuvent également être mises à l’abri grâce aux 5 appartements dont dispose l’association, situés à la résidence Brocéliande, route de Lorient. Durant 15 jours, les victimes de violences peuvent se reposer, établir de nouveaux repères et analyser tous les leviers de la sortie de l’urgence :

« Ce temps est renouvelable car la sortie de l’urgence et l’accès au logement peuvent être très long, nécessitant souvent une procédure devant le Juge des affaires familiales et des décisions judiciaires ».
Hubert Lemonnier, responsable du service de prévention des violences conjugales et extra-familiales.

Depuis fin octobre, des logements temporaires sont destinés à accueillir ces femmes à la résidence Patton.

LIEU DE REPOS ET D'ÉCOUTE

Autre nouveauté cette année, la mise en place de l’Accueil de jour, un service à l’écoute des femmes qui peuvent venir avec leurs enfants.

« C’est informel comme rencontre. On – la psychologue spécialisée dans les violences, qui travaille également auprès des femmes venant à la plateforme Violences, et moi-même – les reçoit, les écoute et on peut leur proposer des rendez-vous. Mais ce n’est pas obligatoire, nous ne mettons aucune condition. Elles peuvent venir simplement pour se reposer, nous avons aussi un coin cuisine et buanderie si elles ont besoin ».
Virginie Toby, éducatrice spécialisée et référente de l’accueil de jour.

Depuis janvier 2013, 32 « ménages » – femmes seules ou avec enfants – ont déjà passé la porte de ce service, qui sera inauguré le 28 novembre à 17h30. « Les enfants sont souvent le déclencheur. C’est-à-dire que les femmes victimes de violences taisent la situation tant qu’elles pensent que l’enfant n’est pas au courant. Elles les protègent jusqu’au jour où ils comprennent. Là, elles ont le déclic », explique Hubert Lemonnier.

Pour l’Asfad, pas question de mettre la pression à leurs interlocutrices, « on ne les force pas à se séparer de leur conjoint », précise Virginie Toby. Les pères peuvent venir à l’accueil de l’association, centrée sur le côté humain, et seront informés de la situation actuelle, de leurs nouveaux droits. Si les femmes souhaitent s’entretenir avec eux, l’Asfad leur permet de le faire au rez-de-chaussée du bâtiment.

« À travers la parentalité, on apaise le conflit conjugal. Le père reste le père à part entière. Ce qui est dommage aujourd’hui, c’est qu’aucune structure n’existe pour l’accompagnement et le soutien des hommes qui en formulent la demande », conclut Hubert Lemmonier.

Plateforme violences, 24h/24 : 02 99 54 44 88

Victime de violences conjugales, la comédienne Rachel Jouvet a décidé de témoigner autour de son expérience à travers la pièce « Je te veux impeccable, le cri d’une femme », mis en scène par la compagnie rennaise Quidam Théâtre. Pour YEGG, elle revient sur les faits, qui se sont déroulés à Mélesse.

Quel âge aviez-vous au moment des faits ?

Je l’ai rencontré à 17 ans. Huit mois plus tard, j’étais enceinte. Les choses allaient assez bien entre nous. Il m’avait isolé de mon entourage, sauf d’une copine de quartier avec qui j’allais à l’école. On se suffisait l’un à l’autre, comme beaucoup de jeunes couples.

L’isolement est un des signes. Y en a-t-il eu d’autres ?

Il me faisait des reproches sur ma personnalité, me disait que je le rendais malheureux et je le croyais. Puis, le jour où j’ai dépassé la date pour l’avortement et que je lui ai annoncé que je voulais le garder – ce qu’il voulait aussi – il m’a mis la première claque. Comme si désormais je lui appartenais. J’étais prise au piège.

Comment les violences ont-elles augmenté ?

Je subissais de plus en plus et plus en plus fort. Un soir, je suis rentrée, il était caché sur la terrasse de mes parents. Il m’a foutu les boules. Je lui ai reproché d’être ivre. Lui était euphorique. Le téléphone a sonné. Mes parents avaient une société et transféraient les appels. C’était un client, ça a duré deux minutes mais il hurlait et faisait l’andouille. Je lui ai tapé sur la cuisse pour lui dire de faire moins de bruit. Il m’a frappé comme jamais.

Comment avez-vous réagi ?

J’ai couru comme une dingo, enceinte de 7 mois, et j’ai pu aller jusqu’à la salle de danse. Là, il m’a cassé la mâchoire devant tout le monde. Double fracture. J’ai compris que c’était irrécupérable. Il avait dépassé les limites de l’entendement. J’ai passé la nuit à l’hôpital et le lendemain matin, mes parents m’ont emmené au poste de police.

Avez-vous porté plainte ?

Non. Les policiers ne m’ont donné aucune explication et aucune information sur la protection. Ils m’ont demandé « Est-ce que vous voulez porter plainte ? », j’ai dit non. Le médecin a déposé une plainte. Il pouvait le faire, les violences ayant eu lieu sur la voie publique. Ça m’a bien arrangée face à lui au tribunal. Il m’aurait forcé à me rétracter.

Votre entourage était-il au courant ?

Je cachais tout, j’étais la reine des excuses. Mais à l’école, ils me voyaient arriver avec des marques le matin. Il est même venu au lycée, un prof m’a prévenu et les élèves m’ont caché. J’essayais de me séparer de lui mais sans me mettre en danger, et sans mettre mes parents en danger.

À plusieurs reprises, vous êtes allée au tribunal. Comment ça s’est passé ?

Pas toujours très bien. Un expert psy a dit que je n’étais pas mûre parce que je n’essayais pas sur le long terme. Il ne voyait pas la dangerosité de l’homme et j’avais beaucoup de mal à le prouver. Lui, il disait n’importe quoi, c’était ridicule. Je me battais contre quelqu’un qui racontait sa propre vérité dans sa tête.

A-t-il été violent envers votre enfant ?

Quand elle avait 3 mois, il l’a enlevée. J’ai mis un mois à la récupérer. On savait qu’elle était chez lui. Sur conseils des services sociaux, je ne suis pas intervenue. Les policiers ont débarqué chez lui un matin et ont mis 1h30 pour la retrouver car il l’avait cachée sous une couette.

Aviez-vous la garde de l’enfant ?

Au début, non. Après ça, j’ai demandé la garde au tribunal. À partir de là, il m’a attaquée en justice pour tout et n’importe quoi. Il portait plainte pour abandon de famille, jouait la victime.

Est-ce que cela fonctionnait ?

Non, les juges et les greffiers avaient bien compris et ont essayé de lui expliquer plusieurs fois. Rien à faire. Il a étranglé mon père devant ses clients, crevé nos pneus de voiture, tout cassé dans la maison de mes parents… On a porté plainte à 13 reprises mais les procédures sont longues entre les conciliations, les convocations au tribunal, etc.

Jusqu’au jour où il n’a plus donné de nouvelles…

Il a écrit une lettre disant qu’il abandonnait sa fille, qu’il ne voulait plus entendre parler ni de moi, ni de ma famille. Deux mois plus tard, il a débarqué chez mes parents avec un fusil, à 2h du matin. Il a essayé de dégommer tout le monde. Ma mère a été touchée, moi aussi, je suis restée dans le coma. Mon père en est décédé.

Que s’est-il passé ensuite ?

Durant la période de coma, j’ai compris que j’allais être utile à la société à travers mon histoire. Je n’ai pas pu m’activer immédiatement car notre quotidien était transformé et on réalisait la mort de mon père. J’ai mis 5 ans avant de me souvenir de ce que j’avais vécu dans ce coma.

On essaye d’aller de l’avant, d’aller bien. Mais on ressent tellement de tristesse à l’intérieur. Je me demandais si j’allais pouvoir sourire et me sentir bien à nouveau. Puis, j’ai réfléchi à ce que je voulais faire de ma vie. Je voulais être comédienne et j’en faisais mon défi. Un an plus tard, je recevais mon premier cachet. À partir de là, tout était possible, tout était transformable, tout pouvait évoluer. Je savais que je pouvais décider s’il avait encore du pouvoir sur moi.

Votre ancien compagnon a été arrêté et incarcéré.

Oui, nous avons subi un procès d’assises très dur, il faut se souvenir de tout, témoigner. On sait que l’on va être jugé malgré tout. Je me sentais coupable, j’avais l’impression qu’on ne me reconnaissait pas comme victime, moins que ma mère. Au résultat, il est en prison depuis 1999 et devrait sortir en 2019.

S’est-il manifesté en 14 ans ?

Pas auprès de moi. Mais je sais que, 4 ans après son incarcération, il a envoyé une lettre de menaces à ma mère.

Vous avez souhaité le mettre en scène dans la pièce « Je te veux impeccable, le cri d’une femme ».

J’ai cherché beaucoup de témoignages pour savoir comment les autres s’en étaient sorties. J’étais alors embauchée dans la compagnie de Loïc Choneau. Il y a un an et demi, je suis arrivée au travail, un peu tourmentée et « connectée » avec mon ex. J’ai tout expliqué à Loïc. On s’est dit qu’il fallait qu’on l’écrive et que Isabelle Séné le joue.

N’est-ce pas douloureux de revivre cette histoire à chaque représentation ?

À la base, je ne voulais pas transposer ce fardeau sur les autres. Puis j’ai compris que j’avais une responsabilité humaine. Que mon père n’était pas mort pour rien ! Au final, c’est une histoire d’amour qui dégénère. La Première, livrée à Mélesse, était aussi un cadeau pour tous ceux qui m’ont soutenu.

Le débat qui suit le spectacle tourne autour des violences subies. N’y a-t-il jamais un côté voyeuriste ?

Non. Je ne rentre pas trop dans les détails. Il ne faut pas penser que je ressasse, au contraire j’avance en parlant aux gens et je trouve parfois des réponses que je n’avais pas. Cela me permet de mettre des mots sur un blocage que j’ai encore aujourd’hui. La peur de la relation de couple.

Etes-vous effrayée par la sortie de prison de votre ex-compagnon ?

C’est l’horreur. Mais je ne peux pas attendre les bras croisés. Ma thérapie et le spectacle m’aident à me dire que j’ai encore de très belles choses à vivre. Peut-être qu’avant sa sortie, j’irais le voir. Une rencontre encadrée par des psychologues. Pour essayer de discuter, de comprendre et d’analyser. Voir où il en est.

Peut-on parler de pardon ?

Lui pardonner me paraissait fou il y a quelques années. Aujourd’hui, oui, j’ai réussi, sans oublier ce que nous avons vécu. À présent, je suis contente de la vie que je mène. Ce que j’espère, c’est dépasser mes limites encore et encore. Je serai fière de lui s’il était capable de se remettre en question car je lui souhaite de vivre sa vie sereinement.

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Des paroles face à la violence
Mesdames, vous avez des droits !
Le Planning Familial : une structure à votre écoute !
Protection et accompagnement des victimes
Entretien avec Rachel Jouvet

Célian Ramis

Show burlesque ou l'art de glorifier les corps féminins

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Le Ponant, Pacé
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Quatre magnifiques effeuilleuses et un maitre de cérémonie complètement loufoque ont assuré le show pour une bonne cause : la lutte contre le cancer du sein. Ambiance cabarets parisiens, s’il vous plait !
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Samedi 12 octobre, le Breizh Burlesque Festival a fait monter la température de la salle du Ponant, à Pacé. Quatre magnifiques effeuilleuses et un maitre de cérémonie complètement loufoque ont assuré le show pour une bonne cause : la lutte contre le cancer du sein. Ambiance cabarets parisiens, s’il vous plait !

Pour cette première tournée bretonne, « vous avez le droit de crier, de siffler, de taper des mains, de taper des pieds, explique Frédérique Doré, présidente de l’association Binic Burlesque Festival. Messieurs, vous pouvez siffler. Mesdames, vous n’avez rien à dire ».

C’est ainsi que débute ce Breizh Burlesque Festival, qui fait une escale à Pacé pour clôturer la tournée – qui a débuté à Binic début octobre et qui a traversé les quatre départements bretons. Elles sont allemandes, finlandaises ou belges. Elles ont en commun leur savoir-faire et leur pratique du burlesque, un genre affriolant qui met en avant les effeuilleuses et qui met le corps féminin à l’honneur.

Pour placer le spectateur directement dans l’ambiance, c’est Miss Anne Thropy qui entre en première dans l’arène pour interpréter la chanson « Welcome to burlesque », extraite de la bande originale du film de Steven Antin, Burlesque. Puis c’est le parisien Charly Voodoo qui fait son entrée. Chaussons de danseuse ballerine, des froufrous roses autour de la taille, une queue en plumes dans le bas du dos, des bigoudis roses sur le crâne – « pour rappeler la bigoudène » – le maitre de cérémonie, extravagant et burlesque (dans le sens de loufoque et ridicule), déboule en flamand rose pour la première partie du show, la seconde sera l’occasion pour lui d’enfiler son costume de black swan et d’interpréter à merveille et avec grâce, une partie du Lac des cygnes.

« Ce soir, nous sommes là pour Octobre rose, dédié à la prévention et au dépistage du cancer du sein. Vous allez en voir du sein, du jarret, de la paillette, du plumage… De la femme sauvage, de l’homme aussi (il n’y a que moi, ne cherchez pas) », déclare-t-il avec un air aristo efféminé, dont il ne cessera pas de grossir les traits au fil de la soirée.

Les artistes sont belles, pulpeuses pour la plupart, voire bien en chair, dévoilent avec élégance leurs généreux atouts et affichent de larges sourires face à un public ravi et enthousiaste. Les unes et les autres se dénudent tour à tour dans des numéros d’exception. Entre Lada Redstar, l’atout charme allemande, Loulou D’Vil, la brunette sauvageonne finlandaise, Miss Anne Thropy, la terriblement charnelle belge et Lolly Wish, la belle blonde pulpeuse belge également, le show est sensuel, provocant et pétillant.

Toutes les quatre semblent sorties de l’univers des cartoons américains du début XXe siècle. Des Betty Boop tatouées et ultra rock qui assument leur corps, leurs formes avec leurs imperfections et leurs atouts. A la fois vêtues en marin, en militaire, en papillon ou en cerise, elles réalisent des performances incroyables en alliant différents genre de danses – influences orientales, latinos, classique, moderne – et mouvements sensuels, voire sexuels selon les numéros, sans jamais sombrer dans la vulgarité.

Un spectacle complet

Doucement, les stars du burlesque enlèvent leurs gants, avec les mains ou la bouche, dézippent leurs robes, déboutonnent leurs corsets, dégraffent leurs soutien-gorges, retirent leurs portes jarretelles et bas. On découvre alors, petit à petit, les différentes parties de leurs corps, qui à la base sont dissimulés sous des costumes moulants, resserrés au niveau de la taille laissant entrevoir des hanches larges.

Les spectateurs d’abord timides et sages, se laissent embarquer par le rythme entrainant du show et s’enivrent de l’ambiance des cabarets, recréés par les fumées épaisses, les lumières flashy et les costumes pailletés. Ils crient, applaudissent, participent même à certains moments, tapent des pieds, avides de découvrir la suite de l’effeuillage.

En douceur, les artistes font durer le plaisir. Elles sont joueuses, sauvages, allumeuses, alternent entre chansons music-hall et numéros qui mêlent déhanchés érotiques, expressions de femmes-enfants et attitudes de femmes fatales.

Puissance, pouvoir, rage et plaisir se distinguent et se lisent dans les yeux brillants de ces stars de l’effeuillage qui puisent dans le langage corporel pour glorifier le corps des femmes. On se rappelle le message de Miss Anne Thropy, directrice artistique du Breizh Burlesque Show, dans les lignes du numéro 18 de YEGG : « Prenez soin de votre corps, aimez-le et aimez-vous telles que vous êtes ».

Célian Ramis

Prenez soin de vos seins

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Mois dédié à la prévention contre le cancer du sein, Octobre rose sensibilise les femmes à l’importance du dépistage. Il ne les exempte pas de s’en préoccuper en dehors de cette période.
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Mois dédié à la prévention contre le cancer du sein, Octobre rose sensibilise les femmes à l’importance du dépistage. Il ne les exempte pas de s’en préoccuper en dehors de cette période.

En Ille-et-Vilaine, 120 000 femmes sont concernées par le dépistage organisé du cancer du sein, c’est-à-dire qu’elles ont entre 50 et 74 ans et ne présentent pas de risques de cancer génétique. Elles bénéficient alors d’un examen clinique et d’une mammographie, 100% pris en charge par la Sécurité sociale, tous les 2 ans. En Bretagne, 65% des femmes participent au dépistage organisé sur 24 mois. « Le taux est important dans la région car nous avons été pilote en 1995, avant que le Plan Cancer ne soit lancé en national », explique Martine Denis, médecin coordinateur pour l’ADECI 35 – association pour le dépistage des cancers en Ille-et-Vilaine.

Les campagnes de dépistage sont parfois controversées : « Certaines anomalies détectées pourraient ne jamais évoluer mais sont traitées comme des tumeurs cancérigènes. La recherche travaille sur ce sujet, pour nous permettre de déterminer s’il est nécessaire d’opérer ou non et ainsi éviter cela à la patiente », précise Martine Denis. Toutefois, détecté à un stade précoce, le taux de survie est important. Selon les statistiques de l’Institut National du Cancer, 9 cas sur 10 sont guéris lorsque la tumeur fait moins d’un centimètre. On reconnaît aussi une baisse de la mortalité dans les 15 dernières années, bien que celle-ci ne soit pas chiffrée précisément.

Que ce soit pour le dépistage ou le diagnostic, la capitale bretonne détient un pôle important dédié à la sénologie. L’institut Rennais du Sein dispose d’une équipe médicale et chirurgicale issue du Centre Eugène Marquis, du CHU de Rennes et de la clinique La Sagesse.

Le dépistage organisé du cancer du sein concerne les femmes âgées de 50 à 74 ans, excepté celles qui présentent des facteurs à risque (antécédents familiaux, gène BRCA1).

Dans cette tranche d’âge, il est conseillé de renouveler le dépistage tous les deux ans. « C’est la périodicité la plus efficace pour diminuer la mortalité par cancer du sein, explique Brigitte De Korvin, radiologue et chef du département d’imagerie médicale – dont la sénologie – au Centre Eugène Marquis. D’autres fréquences ont été testées, en Suède par exemple sur une période de trois ans, mais révèlent trop de « cancers de l’intervalle » entre la deuxième et la troisième année. »

Proposé par le médecin traitant, l’examen – pris en charge à 100% par la Sécurité sociale – est gratuit pour les patientes. Ce dernier est composé d’une consultation clinique et d’une mammographie de dépistage durant laquelle plusieurs clichés sont réalisés au niveau des deux seins : incidence face et incidence oblique, soit la première où le sein est à plat et la deuxième où le sein est incliné à 45°, cette dernière étant la plus adaptée au dépistage.

« On adapte selon la morphologie afin de visualiser toute la glande mammaire. Mais que les femmes se rassurent, ce n’est pas douloureux en général ».
Brigitte De Korvin, radiologue et chef du département d’imagerie médicale.

Les radios – effectuées par environ 40 000 femmes par an en Ille-et-Vilaine dans le cadre du dépistage organisé – sont ensuite soumises à une deuxième lecture et peuvent être complétées immédiatement par d’autres clichés.

DIAGNOSTIC

La mammographie peut également être utilisée pour le diagnostic, « lorsqu’une anomalie (chaque anomalie n’est pas synonyme de tumeur cancérigène, ndlr) est détectée ». Les professionnels bénéficient de plusieurs examens aidant au diagnostic, dont la microbiopsie et la macrobiopsie. Toutes les deux réalisées sous anesthésie locale.

La première permet, à l’aide d’une aiguille, de prélever par « tru cut » (système employé pour des prélèvements multiples) un fragment de tissu dans le nodule repéré au préalable. Une échographie est effectuée au même moment « pour suivre précisément le trajet de l’aiguille ». L’échantillon, placé dans un produit de fixation, est envoyé au laboratoire d’analyse qui détermine si tumeur il y a ou non (qu’elle soit bénigne ou maligne).

La deuxième est souvent requise lorsque l’anomalie découverte n’est pas palpable. « Elle permet de prélever des cellules appelées les calcifications » logées dans le canal de lactation du sein. L’échantillon analysé « sert à définir s’il y a besoin d’opération ou non. En général, il s’agit de cancers intracanalaires et sont non-invasifs », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas traversé la paroi du canal de lactation et ne devraient pas développer des métastases.

La patiente est allongée sur une table et son sein, placé dans un appareil semblable à celui de la mammographie. Une aiguille, assistée par ordinateur – pour une meilleure précision de la localisation des calcifications – permet de prélever ces cellules.

Différents traitements existent aujourd’hui pour lutter contre le cancer du sein : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie, anticorps monoclonaux. Dr Cécile Bendavid-Athias, chirurgien, et Dr Claudia Lefeuvre-Plesse, cancérologue et spécialiste de la chimiothérapie, exercent au Centre Eugène Marquis et nous éclairent sur le sujet.

Associés entre eux ou appliqués seuls, ils reposent sur le retrait de la tumeur et sur la suppression de toutes les cellules cancéreuses. Tous sont adaptés aux caractéristiques de la patiente dans le but de guérir et d’éviter toute récidive. Ils sont personnalisés et font l’objet d’une décision collégiale, où une équipe pluridisciplinaire choisit des traitements appropriés pour la patiente. « La taille, les caractéristiques de la lésion (le profil tumoral), la présence d’une atteinte de ganglions et l’âge de la patiente » sont déterminants pour définir le choix et l’ordre des traitements, explique Claudia Lefeuvre-Plesse.

La chirurgie est, dans la majorité des cas, le traitement de base. Elle peut être soit conservatrice lors d’une tumorectomie, soit ablative lors d’une mastectomie totale. Dans le premier cas, seule la tumeur est enlevée et non la totalité du sein. Dans le second, l’intégralité de la glande mammaire, dont l’aréole et le mamelon, est retirée. Selon Cécile Bendavid-Athias, « la majorité des femmes concernée par cette maladie conservent leur seins ». Cela est, en partie, lié « au dépistage et à l’évolution des techniques chirurgicales ».

De la même façon, le prélèvement des ganglions de l’aisselle est limité dès que possible au premier de la chaîne (Technique du Ganglion Sentinelle). Le prélèvement des autres ganglions dépendra de l’atteinte ou non de celui dit sentinelle. Au Centre Eugène Marquis, l’analyse de ce dernier se fait pendant l’intervention grâce à une technique de biologie moléculaire (OSNA). Ainsi, si l’indication se pose, le prélèvement des autres ganglions peut être effectué durant la même intervention ce qui évite aux patientes une seconde chirurgie.

Avant ou après avoir subi ces interventions, d’autres méthodes thérapeutiques sont également proposées aux patientes.

La radiothérapie :

Traitement local avec des appareils émettant des rayons qui a pour objectif  de détruire les cellules cancéreuses éventuellement résiduelles après la chirurgie et de limiter le risque de récidive locale.

La chimiothérapie :

Traitement général, médicamenteux, qui a pour mission d’éliminer les cellules cancéreuses et d’éviter qu’elles ne se multiplient. Appelée adjuvante lorsqu’elle est prescrite après une opération chirurgicale, son but est de détruire une maladie microscopique résiduelle. Elle peut aussi être effectuée 3 à 4 mois avant une intervention pour réduire la taille de la tumeur et envisager une chirurgie conservatrice. On parle alors de chimiothérapie néo-adjuvante.

L’hormonothérapie :

Elle agit sur l’ensemble du corps et vise à empêcher les hormones féminines comme les œstrogènes d’agir sur les cellules cancéreuses. Elle est destinée aux femmes qui ont un cancer hormonosensible, c’est-à-dire dont le développement est influencé par les hormones. Traitement par médicament.

Les anticorps monoclonaux :

Ils sont proposés aux patientes qui possèdent une tumeur qui sur-exprime à la surface de leurs cellules des protéines appelées HER2 et ont pour effet de stimuler la production de cellules cancéreuses. L’anticorps, nommés Trastuzumab, empêche cette action nocive.

Ces traitements s’accompagnent systématiquement d’une prise en charge globale (suivi psychologique, ateliers de groupe, kinésithérapie…) et entraînent, dans la plupart des cas,  des effets secondaires qui varient d’une patiente à une autre.

En dépit de l’efficacité démontrée de ces différents traitements, les scientifiques poursuivent leurs recherches pour les améliorer ou sont en quête de nouvelles méthodes. Actuellement selon Cécile Bendavid-Athias, elles sont tournées vers  « la biologie ou l’analyse moléculaire des cancers, pour mieux cibler les anomalies et personnaliser le traitement ». « Des essais sont également en cours sur la possibilité de réaliser dans certains cas une radiothérapie partielle ciblant uniquement la zone opérée et non plus la totalité du sein », précise la chirurgienne.

Âgée de 30 ans lorsqu’elle détecte une tumeur au sein gauche, Isabelle Rolland a connu la chimiothérapie, le traitement par rayons mais aussi l’ablation des deux seins, il y a deux ans, lorsque la maladie s’est à nouveau déclarée. Dynamique et positive, cette mère de trois enfants revient sur les différentes étapes de son cancer.

Le premier cancer a-t-il été dépisté lors d’un examen gynécologique, puis par la mammographie ?

C’est un peu particulier. Dans mon cas, j’ai effectué ma première mammographie à 29 ans car il s’agit d’un cancer génétique. Je suis donc une personne à risque. Ma mère a eu trois cancers, dont deux du sein – le premier à 33 ans. Elle est décédée à 47 ans. J’ai toujours fait attention, je vais chez la gynécologue tous les ans, j’ai un suivi IRM chaque année et j’ai appris à palper ma poitrine.

Est-ce grâce à ce suivi que la maladie a été dépistée ?

Lors de la mammographie, rien n’a été détecté. Pourtant, j’avais le sein lourd. Quelques mois plus tard, en palpant, j’ai trouvé la tumeur. Elle faisait 5 cm de diamètre. Mais j’ai mis beaucoup de temps avant de la percevoir. D’où, selon moi, l’importance du palpé. Les femmes ne le font pas. J’avais 9 ans lorsque ma mère a eu son premier cancer, ça fait donc parti de moi et le geste est naturel. Pour la suite, je suis allée voir mon médecin généraliste qui m’a prescrit les examens, j’ai fait une échographie et une biopsie.

Est-ce en palpant que vous avez découvert la seconde tumeur ?

Oui, j’ai continué de le faire et, il y a deux ans, j’ai détecté une boule dans chaque sein. J’ai subi une ablation des deux côtés. Comme j’avais 40 ans à ce moment-là, on a aussi décidé d’enlever les ovaires.

Afin de limiter les risques de cancer des ovaires ?

Oui. En fait, lorsque la maladie est génétique, les risques sont plus importants. C’est dû au gène BRCA1. Qui peut aussi toucher les hommes puisque c’est héréditaire. Au niveau de la prostate, mais aussi du sein. Ça, on le sait moins car c’est minime.

Quelles difficultés avez-vous rencontré lors des différentes étapes de la maladie ?

J’avais déjà deux enfants et, avec mon mari, nous en voulions un troisième. À cause du premier cancer, nous avons dû « décaler » mais nous l’avons eu. La vie n’est pas finie après le cancer. L’ablation aussi, puis survient le deuil de la féminité. Je suis actuellement en reconstruction.

Vous parlez de reconstruction psychologique ?

Physique. Je subis 6 opérations – à trois mois d’intervalle à chaque fois pour permettre la vascularisation – pour une autogreffe, à la clinique de la Sagesse. On ne pose pas de prothèse mammaire, on prend de la graisse dans certaines parties du corps. Et pas forcément dans celles qu’on voudrait pour maigrir (rires) ! Cela permet d’obtenir un effet plus naturel. Mais on sait bien que ça ne ressemblera jamais à la perfection à notre vraie poitrine.

Qu’avez-vous ressenti lors de l’annonce de votre cancer ?

Je m’y attendais, je savais que ça pouvait arriver même si j’espérais que non. Après, il y a forcément la peur de la mort, ma mère en étant décédée. Il y a aussi l’angoisse de laisser ses enfants sans leur maman. Ça change une personne malgré tout. Les choses de la vie paraissent plus simples. On relativise plus. Et c’est ça que je veux transmettre aux gens – atteints ou non d’un cancer : soyez heureux, la vie est belle ! Ceux qui se plaignent sont souvent en bonne santé. Faisons confiance à la vie, c’est important. C’est une sacrée épreuve, on a peur mais quand on a la chance de s’en sortir, car c’est une chance, on pense autrement.

Et pour votre entourage ?

Dans ma famille, tout le monde savait pour ma maman. Mais c’est très compliqué. On fait le tri en tout cas. J’ai perdu 50% de mon entourage lors du premier cancer, et encore 50% lors du second. C’est difficile. Souvent, ils ont peur pour eux car cela leur renvoie leur propre angoisse de la mort. Et puis, sous chimio, on change de tête. Je suis quelqu’un de dynamique mais, sans cheveux, sans sourcils, ça faisait peur.

Puis, vous avez guéri. Est-ce un terme que vous utilisez ?

Je sais que cela fait polémique. Parler de guérison ou de rémission… Je préfère « guérir » car il permet d’aller de l’avant selon moi. Si on reste avec l’idée d’une récidive – terme terrifiant aussi – on ne vit pas.

Et pourtant, vous avez eu un second cancer…

Oui, n’ayant pas subi d’ablation la première fois, je savais que le risque était encore présent. Mais le risque 0 n’existe pas. Et même après ablation, on peut avoir un cancer du sein même si maintenant je suis passée de 50% minimum à 5%. On parle du cas Angelina Jolie. Il y a des pour et des contre. Ça dépend de l’âge auquel on le fait. On ne le vit pas de la même manière à 40 ans et à 20 ans. Mais pour ce dernier, je trouve qu’on enlève une partie de la féminité beaucoup trop tôt.

À 40 ans, aussi. Non ?

Evidemment ! C’est aussi la partie sexuelle qu’on nous enlève, et ça on n’en parle pas. Alors parlons-en ! En tant que femme, la poitrine est une zone importante dans ce domaine-là. Et puis, on a envie de remettre des décolletés, ne plus faire attention à ce qu’on porte car on ne peut pas porter de vêtements moulants. Pour parler crument, on ne peut plus avoir les tétons qui pointent quand on en n’a plus. Il y a quand même une perte au niveau de la sexualité.

Des groupes de parole existent-ils pour évoquer ces sujets-là ?

Oui, bien sûr. Je suis suivie au Centre Eugène Marquis et Anne Bridel, de la Ligue contre le cancer 35, organise des ateliers grâce à ERI, un centre d’informations et d’écoute des patientes mis en place par la Ligue. « Et après ? » nous permet de discuter entre nous de tout : douleurs, reconstruction, nourriture, relationnel avec les autres… C’est ouvert à tous mais étrangement il n’y a que des femmes ayant été atteintes de cancers du sein.

La parole au sein de ces groupes est-elle plus libre ?

Il y a une facilité dans la rencontre et dans la discussion, c’est certain. On peut se parler sans se dire que l’autre, en face, ne nous comprend pas. L’expérience commune nous permet de partager cela facilement. En chimio, comme dans les ateliers, je me suis fait des amies. Et nous continuons de nous voir en dehors. Nous avons d’ailleurs créé un comité de patients au Centre Eugène Marquis. Je me sers de ce qui m’est arrivé pour les autres. J’en ai fait une force.

En quoi consiste ce comité ?

Nous avons signé la charte jeudi 19 septembre. Notre rôle est de rassembler les idées des différentes personnes (les patients peuvent envoyer des mails à l’adresse suivante : comitepatients@orange.fr, ndlr). Selon les besoins, les points à améliorer, nous voyons ce qui est possible de faire avec la Direction. Et on les met en place lorsque cela est envisageable. C’est important pour moi de participer à la création et au développement de ce comité. Je suis quelqu’un de positif, qui veut avancer et qui sait profiter de la vie ! Mes enfants aussi me donnent la pêche.

Tout comme vous l’avez été, vos enfants sont-ils sensibilisés à ce sujet ?

Avec mon mari, nous avons expliqué à nos enfants ce qu’était le cancer, lorsque j’étais malade. Nous sommes pour la transparence (dixit son mari lors de l’interview, ndlr). Comme c’est génétique, ils sont au courant. Mais nous ne les embêtons pas avec ça. L’aînée a 17 ans mais ne pourra demander une prise de sang, pour déterminer si elle porte le gène ou non, que lorsqu’elle sera majeure. La loi sur la génétique interdit de le faire avant. Mon fils a 13 ans et la benjamine a 6 ans et demi. Ils ont le temps.

Pourquoi devoir attendre 18 ans ?

Je ne connais pas les raisons, certainement pour s’assurer que l’enfant aura entre les mains tous les tenants et aboutissants de cette décision. Mais je me dis que quand on a un gène qui peut entrainer la mort, le regard des autres changent. Cela peut entrainer de lourdes conséquences. Il faut se préserver. Et puis je suis pour vivre l’instant présent. L’essentiel est de trouver ce qui nous rend heureux. Parfois on a envie de craquer, surtout les premières fois – mammographie, chimio, ablation… – mais on trouve des ressources pour soi, pour son entourage et pour ses enfants ! C’est ça l’important !

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Rencontre avec Isabelle Rolland

Célian Ramis

Rentrée rennaise : Ambitions, attentes, actions

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Féminisme, politique, économie, vie quotidienne, culture… panorama de ce qui rythmera Rennes dans les mois à venir… Toujours au féminin !
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C’est la rentrée ! L’occasion pour YEGG de faire un point sur les grands chantiers de l’année 2013-2014. Féminisme, politique, économie, vie quotidienne, culture… panorama de ce qui rythmera Rennes dans les mois à venir… Toujours au féminin !

L’élue adjointe au maire de Rennes, déléguée aux droits des femmes, répond aux questions de YEGG concernant la politique menée par la ville pour l’égalité des sexes.

YEGG : Que pensez-vous de la loi-cadre pour l’égalité entre les femmes et les hommes, présentée en conseil des ministres le 3 juillet par Najat Vallaud-Belkacem ?

Jocelyne Bougeard : Je suis en contact permanent avec le ministère des Droits des femmes puisque je siège au Haut conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes. La loi proposée mérite toute notre attention puisqu’elle engage les collectivités, ce qui est assez nouveau. Ces dernières doivent travailler sur les droits des femmes ! Certaines dimensions de la loi vont encore être complétées, notamment en ce qui concerne les retraites, les gardes d’enfant, etc.

Vous parlez aussi de la dimension de l’égalité au travail ?

Le premier emploi des femmes est agent d’entretien. Scandaleux quand on sait qu’en réalité elles sont plus qualifiées et diplômées que les hommes. La ville de Rennes est le 3e employeur de la région avec près de 300 métiers et détient le label Egalité professionnelle. Aujourd’hui, notre objectif est de maintenir et/ou initier des actions spécifiques et des actions transversales.

D’où la signature de la charte européenne pour l’égalité entre les hommes et les femmes…

En effet, nous l’avons signée en 2006 et en juillet, le conseil municipal a signé un plan d’actions associé à cette charte, qui contient des actions déjà engagées dans notre politique, ainsi que nos objectifs. Nous avons défini 30 articles, à partir de nos constats et de l’identité de notre territoire.

Quels sont les points principaux de ce plan d’actions ?

Le principal axe de travail est de sensibiliser et d’informer la population tout au long de l’année. Et pas seulement de mettre en place des actions le 8 mars et le 25 novembre (journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes). Ensuite, la charte se concentre sur le travail des femmes dans sa globalité, c’est-à-dire qu’elle comprend les conditions des femmes au travail et l’égalité professionnelle. Car il faut savoir que, dans ce domaine, les lois ont 30 ans !

Peut-on vraiment « forcer » l’égalité professionnelle à travers une loi ?

Il est évident qu’il ne s’agit pas de licencier des hommes pour mettre des femmes à leur place. La loi n’est pas une option, ni une orientation, mais une mesure législative qui doit sécuriser les compétences de chacun et les mettre en avant. A compétences égales, les femmes doivent pouvoir accéder aux postes de cadres au même titre que les hommes. Nous avons un travail à fournir en amont pour proposer une éducation à l’égalité. Il est important de se reconnaître dans sa différence et sa richesse. Savoir que les hommes et les femmes ne sont pas complémentaires. Ils sont égaux.

Qu’en est-il de la défense des droits des femmes dans la campagne municipale ?

Le programme n’est pas définitif et officiel. La candidate socialiste Nathalie Appéré ne défendra pas simplement les femmes mais l’égalité entre les hommes et les femmes.

1 – Les chaises municipales : En 2014, les citoyens sont appelés aux urnes à l’occasion des élections municipales. Les 23 et 30 mars, les Rennais éliront un nouveau (une nouvelle ?) chef de file, Daniel Delaveau ayant annoncé en décembre dernier qu’il ne se présenterait pas pour un second mandat. C’est Nathalie Appéré, actuellement députée de la deuxième circonscription d’Ille-et-Vilaine et conseillère municipale déléguée au suivi du centre-ancien, qui a été désignée candidate du Parti Socialiste.

Elle s’opposera alors à Bruno Chavanat (UDI, ex-UMP), leader de l’opposition rennaise et conseiller municipal. Du côté d’Europe Ecologie Les Verts, une assemblée générale est organisée le 28 septembre afin de désigner le ou la candidate du parti, qui a d’ores et déjà annoncé qu’il présenterait une grande liste alternative. Cependant, aucune alliance avec les forces de gauche n’a pas été officialisée. En tête de liste du Front National se trouve Gérard de Mellon, dont l’objectif est de faire entrer son parti pour la première fois à la mairie de Rennes. Le Parti Pirate pourrait aussi se lancer dans la course aux Municipales en constituant une « liste citoyenne ». Rien n’a encore été officialisé depuis cette annonce en avril dernier. Les Français seront également sollicités le 25 mai 2014 pour les élections européennes.

2 – Pas de trêve : Selon le rapport 2013 de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France, il apparaît que 3,6 millions de personnes sont mal-logées, dont 685 000 sans domicile personnel, dans l’hexagone. À Rennes, la situation ne fait pas exception. Pour pallier aux difficultés de se loger, plusieurs associations se mobilisent tout au long de l’année. Comme le Droit Au Logement 35 ou encore Un Toit, c’est Un Droit qui réquisitionnent des lieux et accompagnent les sans-abris, majoritairement immigrés, en leur apportant une aide matérielle, juridique et/ou administrative.

Moins connue du grand public, l’association Foyer Saint-Benoit Labre, à Rennes, lutte contre le mal-logement au quotidien. Accueil, hébergement d’urgence et temporaire, accompagnement et insertion des personnes en difficulté sociale sont les principales missions du Foyer. En cette rentrée, l’association annonce sa collaboration avec d’autres structures, telles que le Service Intégré d’Accueil et d’Orientation 35, dépendant du ministère de l’Égalité des territoires et du Logement. Ensemble, ils développeront leur programme d’actions, le 10 septembre.

3 – Lien avec l’extérieur : Début septembre, la ville de Rennes a signé trois conventions de partenariat pour le renforcement de sa politique de prévention de la délinquance et de médiation, en privilégiant les liens entre les détenus et l’extérieur. Sont concernées l’association Enjeux d’enfants Grand Ouest, chargée d’accompagner et d’aider la relation entre un enfant et son parent incarcéré, Brin de Soleil Rennes, qui œuvre pour l’accueil et l’hébergement temporaire des proches des détenus en attente de parloir et SOS Victimes 35, accompagnant les victimes d’infractions pénales.

Elles ont reçu respectivement 9 000, 8 000 et 15 033 euros de subvention pour l’année 2013. Le partenariat, valable un an et renouvelable deux fois, se base évidemment sur un échange de bon procédé. De son côté, la ville de Rennes s’engage à transmettre les informations en lien avec les missions de ces associations et se doit d’apporter son soutien aux actions et manifestations organisées. En contrepartie, les trois structures éclaireront de leurs expertises des groupes de travail, des séminaires et des situations spécifiques organisés par la municipalité.

1 – Centre commercial recrute employés : Le centre Alma, en plein travaux depuis 17 mois, s’étend sur 30 000 m2 supplémentaires et se rénove pour accueillir 40 nouvelles boutiques qui seront dévoilées le 23 octobre prochain à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle version. Gaëlle Aubrée, directrice depuis deux ans du centre commercial l’a annoncé en mai dernier : 200 nouveaux emplois seront créés dès la rentrée de septembre dans l’établissment qu’elle dirige.

Ces recrutements sont issus de la signature d’une convention entre le centre Alma et la Maison de l’emploi, de l’insertion et de la formation (Meif), présidée par Gwenaële Hamon (par ailleurs adjointe au Maire de Rennes). Le compromis favorise, entre autre, l’embauche de salariés issus des quartiers environnant au centre commercial (Brequigny, Le Blosne). L’objectif est de privilégier les recutements « de proximité » et de redynamiser le sud de Rennes. Ainsi, la plupart des candidatures ont été centralisées à la Meif ainsi qu’à Pôle emploi. L’essentiel des postes à pourvoir concernent des emplois liés à la vente ou au ménage.

2 – PSA se barre : L’industrie rennaise a-t-elle encore de l’avenir ? La situation de PSA-La Janais sera en tout cas observée de très près en ce dernier trimestre de l’année 2013. La direction du fabriquant automobile a d’ores et déjà fait savoir que sept à huit jours seraient chômés en septembre, dix en octobre et six en novembre. Le plan social validé en avril dernier par le Comité central d’entreprise de PSA prévoit la suppression de 1 400 postes sur les 5 500 que compte le site rennais. La Janais, située à Chartres-de-Bretagne, ne sera pas pour autant laissée à l’abandon.

La SNCF, le groupe Pigeon et l’entreprise B3Eco Design ont, en effet, fait savoir leur souhait de s’implanter sur les terres de Peugeot-Citroën. Des annonces qui laissent entrevoir la possibilité d’embauches pour les futurs-ex PSA, et ce, dès septembre pour un début d’activité en fin d’année. La désindustrialisation devrait toutefois toucher un autre lieu historique de la capitale bretonne puisque la direction de Cooper standard a annoncé le transfert des activités de la Barre Thomas, possiblement vers une future usine construite à Châteaubourg.

3 – Re-Retraites : Une nouvelle fois sur le devant de la scène médiatique et politique, la réforme des retraites risque de provoquer plus d’un mécontentement, voire un automne explosif, et pas seulement à Paris. À Rennes, les forces syndicales ont déjà appelé à manifester ce 10 septembre place de la Mairie contre le projet de loi engagé par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault qui prévoit, entre autre, l’allongement à 43 annuités la durée de cotisation pour une retraite à taux plein. La pénibilité du travail devrait également être prise en compte dans le calcul des pensions.

La CGT, FO et Solidaires ont dénoncé, dans un communiqué unitaire, ces premières mesures ainsi que l’opposition entre le secteur public et le privé. Les syndicats soulignent la difficulté pour des jeunes, dont les études sont de plus en plus longues, à atteindre la durée de cotisation minimum. Ils réclament aussi la sortie « des logiques qui ont diminué le niveau des pensions et crée des inégalités entre les femmes et les hommes ».

1 – Qui a eu cette idée folle ? : Depuis le 3 septembre, plus de 13 000 petits rennais ont retrouvé les bancs de l’école et le lot de nouveautés qui les accompagnent. Désormais, pour les élèves des 81 établissements publics de primaire et maternelle, la classe c’est 4,5 jours par semaine. C’est en effet dès cette rentrée que la très discutée réforme des rythmes scolaires (voir notre Focus dans le n°14 de YEGG-Mai 2013) entre en application à Rennes.

Cette nouvelle organisation prévoit une concentration des matières fondamentales le matin, une pause méridienne allongée permetant la pratique d’activités encadrées, deux heures de cours l’après-midi puis la mise en place d’ateliers périscolaires en lien avec le tissu associatif local. L’enseignement privé appliquera ces nouveux horaires dès septembre 2014. Et la rentrée s’annonce particulièrement chargée pour les professionnels de l’Éducation de la capitale bretonne puisque la ville compte 600 écoliers de plus que l’année dernière. Une augmentation de la démographie compensée cette année par l’embauche de 65 professeurs des écoles supplémentaires dans l’Académie de Rennes.

2 – Souriez : Alors que Marseille a occupé une place de choix cet été dans les rubriques faits divers des journaux français, Rennes a décidé de jouer la carte de la sécurité. Ou en tout cas du sentiment de sécurité. Le conseil municipal du mois de juillet a permis d’acter l’installation de trois caméras de vidéo-surveillance supplémentaires, sous les arcades de la place de la République. Une décision qui porte à 28 le nombre d’outils aussi baptisés « vidéo-pro­tection » à Rennes.

Rappelons qu’en mars dernier, les élus rennais avaient voté l’implantation de quatre caméras dans le quartier du Gros-Chêne, au nord de Rennes. Mais c’est au sud de la ville que la mairie a du faire face à des difficultés cet été. Le Blosne a en effet été le théâtre de conflits communautaires et de vives tensions entre les policiers et certains habitants. Les questions liées à la protection de la personne seront sans nul doute au coeur des prochaines élections municipales. Bruno Chavanat, leader de l’opposition municipale et candidat de la droite à la mairie, a en effet interpellé plusieurs fois la majorité socialiste sur ces faits divers lors de conseils municipaux.

3 – Les grands travaux : Sensible au bruit ? Quittez Rennes ! C’est en 2014 que le gros des travaux commencera pour la construction de la ligne B du métro. Elle rejoindra le sud-ouest de la ville au nord-est en passant par la place Sainte-Anne, laquelle accueillera également le futur Centre des congrès en lieu et place de l’ancien couvent des Jacobins. Autres travaux importants dans le centre-ville, ceux destinés à transformer le mail François Mitterrand.

Ce qui était il y a quelques mois encore un parking pouvant accueillir 400 véhicules se transformera en un grand espace réservé aux piétons dans l’objectif de lier de façon plus fluide le centre-ville et l’ouest de Rennes. Les travaux autour de la gare se poursuivront aussi pour accueillir le futur quartier Eurorennes à l’horizon 2020. Au nord, c’est la zone Maurepas- Gayeulles qui entamera sa rénovation. Les premiers travaux débuteront au printemps 2014 et s’étenderont sur au moins… 15 ans ! Le projet de la mairie prévoit la construction d’environ 1 200 logements et la démolition de 366. Le centre commercial du Gast, implanté au coeur de Maurepas, qui accueillera une station de métro de la ligne B, sera également rénové.

1 – Les marquises de Sévigné : S’il y a une institution culturelle qui met les femmes à l’honneur, c’est bien le Carré Sévigné, à Cesson. Cette année encore, Carole Lardoux, directrice artistique du lieu, se démarque des autres salles de spectacles de Rennes et de ses alentours en proposant une programmation audacieuse que nous serions tentés de qualifier de « féministe », au pire féminine. Meriem Menant, qui inaugurera la saison 2013-2014 le 8 octobre prochain, enfilera, à trois reprises son costume d’Emma la clown.

Côté musique, on attend le trio vocal humoristique Les Amuses Girls, les chanteuses et musiciennes Claire Diterzi, Rokia Traoré, Brigitte Fontaine ou encore Suzy Firth et son spectacle « Women & Song » . On attend particulièrement Modèles, par la compagnie La part des Anges. Les neuf auteures de la pièce et six comédiennes tenteront de répondre à cette question : « Qu’est-ce qu’être une femme en 2013 ? » Côté danse, Passion simple, de la compagnie L’éolienne, explore les mécanismes de la passion à travers quatre solos féminins. Toute la programmation et les infos pratiques sur www.ville-cesson-sevigne.fr

2 – Toutes en Trans : C’est LE rendez-vous culturel de début décembre à Rennes. Les Trans musicales mettront à l’honneur du 5 au 7 décembre prochain les talents émergeants de la scène musiques actuelles. L’édition 2013 est particulièrement attendue puisque le festival fêtera ses 35 ans. Pour autant, Béatrice Macé et Jean-Louis Brossard, co-directeurs de l’ATM (association Trans musicales) ont d’ores et déjà fait savoir qu’il s’agirait d’un « non anniversaire » . On se consolera avec une prog’ dont, à l’heure où nous écrivons ces lignes, vingt-huit noms ont été dévoilés. YEGG attend avec impatience les canadiens de Chic Gamine (quatre chanteuses et un batteur percussionniste).

La formation d’outre Atlantique allie avec une certaine aisance r’n'b, pop et soul music recréant ainsi une ambiance de soirées entre bonnes copines qui donnent de la voix. Autre chanteuse attendue, La Yegros. Elle vient d’Argentine où elle est considérée comme « la reine de l’underground ». L’ATM nous promet « une fête totale » grâce à un mélange de musique traditionnelle de son pays et de danse africaine. Enfin, on garde bien évidemment un oeil sur les quatre rennais de Superets.

3 – Une bouffée d’Aire : Programmation culturelle particulièrement attendue en cette saison 2013-2014 : celle de L’Aire Libre. Le « théâtre pour une parole vivante » implanté à Saint-Jacques de la Lande et racheté en janvier dernier par Maël Le Goff et Émilie Audren, co-directeurs du festival Mythos, fera pour la première fois sa rentrée en même temps que les autres structures rennaises. Si, à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’ensemble des rendez-vous n’ont pas été annoncés, on sait d’ores et déjà que cette fin d’année 2013 ne sera pas placée sous le signe de la féminité…

Sur les cinq noms dévoilés sur le site internet du théâtre (parmi lesquels Dominique A), presque pas de femme, hormis le trio allemand She she pop, qui présentera « Testament », du 14 au 16 novembre, dans le cadre du festival Mettre en scène. On compte donc sur l’année 2014 pour redresser la barre. Autre enjeux pour les programmateurs, faire cohabiter des propositions de lieu culturel avec celles de festival. L’Aire Libre deviendra-t-elle la vitrine de Mythos ? À moins que le rendez-vous annuel implanté dans le parc du Thabor permette à une salle de spectacles excentrée de se faire un nom… Réponse dans quelques mois.

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2013 - 2014 : Votre ville en mouvement
Féminisme : Jocelyne Bougeard
Politique : Élections, Engagement, Suivi
Économie : Emplois, Chômage, Retraites
Vie quotidienne : École, Sécurité, Travaux
Culture : Femmes en scène

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