Célian Ramis
1939-1945 : Oui, il y avait des lesbiennes !

Déportées, résistantes ou collabos, lors de la Seconde guerre mondiale, elles étaient des femmes et aimaient les femmes. Pourtant, elles ont été oubliées de l’Histoire. Queer Code répertorie, sur Internet, un grand nombre des ressources culturelles, historiques ou sociologiques les concernant et le site Constellations brisées propose des cartographies de leurs parcours.
Le 18 avril dernier, des militantes rennaises et Queer Code se réunissaient autour d’un atelier « Nos histoires féministes et LGBTI sont numériques », aux Champs Libres. Rencontre avec Isabelle Sentis, membre de Queer Code et coordinatrice du projet Constellations brisées.
YEGG : Qu’est-ce que le projet Queer code ?
Isabelle Sentis : C’est un projet d’équipe créé il y a 3 ans, issu d’une association qui s’appelle Mémoires en chantier. L’idée, c’était de créer une plateforme numérique et des projets numériques pour faire connaître l’histoire des femmes et particulièrement des femmes qui ont aimé des femmes pendant la seconde guerre mondiale.
On a lancé la plateforme à l’occasion de l’anniversaire des 75 ans de la libération des camps de concentration. C’était en fait un temps qui était issu de tout un cheminement des unes et des autres de plusieurs années. Chacune et chacun, car il y a aussi des hommes avec nous, se sont mobilisé-e-s, à des périodes différentes.
Mais c’est issu d’une longue mobilisation pour certain-e-s. L’idée c’est justement de créer collectivement et d’apprendre collectivement. Par exemple, Lydie est ingénieure dans tout ce qui est sciences de l’information et de la documentation de l’informatique. Moi je n’y connais strictement rien à l’informatique.
Ça a permis à des personnes déjà mobilisées de rencontrer d’autres femmes qui venaient plutôt de pratiques numériques, notamment les jeunes femmes qui viennent de l’univers de la création des jeux vidéo. Queer Code, c’est vraiment pour se retrouver et permettre à d’autres personnes de nous rejoindre parce qu’on utilise les outils numériques.
Concernant le cheminement dont vous parlez, c’est parce que vous avez constaté l’absence des femmes, et notamment des lesbiennes, dans les parcours relatés dans l’histoire de la Seconde guerre mondiale ?
Isabelle : L’Histoire est une construction sociale. Tout ce qui est mémoriel c’est la même chose, ce sont des combats pour que certains groupes accèdent à ce travail-là. Il y a toute une mobilisation de groupes LGBT, depuis plus de 20 ans, pour la reconnaissance de la déportation pour homosexualité. Masculine parce que les nazis ont pénalisé l’homosexualité masculine.
Les lesbiennes ont également été persécutées mais il n’y avait pas de législation à proprement parler parce que comme dans beaucoup de régimes oppressifs, on ne nommait pas pour ne que ça n’existe pas. Ça n’existe pas, on n’a donc pas besoin de faire une loi là dessus.
Mais elles ont été persécutées là où il y avait la législation nazie. Dans les pays occupés, dans les zones occupées. La France a eu des statuts différents selon les moments de la guerre, avec une législation différente. Donc il y a eu des persécutions différentes selon les moments de la guerre et selon les endroits.
C’est complexe. Parfois, des femmes ont fui en France ou des françaises ont fui dans d’autres pays. Des femmes sont aussi allées aider d’autres femmes et d’autres hommes dans d’autres pays. Comme c’est le cas pour des femmes suisses qui sont allées avec la Croix Rouge en Espagne pendant la Guerre Civile.
Il y a beaucoup, tout comme il y en a encore aujourd’hui, de mouvements de populations et de mouvements de personnes pour différentes raisons. D’autres n’accèdent pas toujours aux autres pays, les Etats-Unis avaient par exemple à un moment fermé leurs frontières.
Là on est en train de préparer la cartographie d’une jeune femme juive autrichienne qui a été déportée à Auschwitz parce qu’elle était juive mais elle était également lesbienne - elle n’aurait pas utilisé ce mot parce que ce n’était pas ce mot qu’on employait à l’époque mais en tout cas elle a aimé une jeune femme norvégienne - et elle attendait un visa pour l’Angleterre où une partie de sa famille avait réussi à s’échapper.
Voilà toute la complexité de l’attente comme des personnes en France ont attendu des visas pour les Etats-Unis, le Mexique, etc. Et qui ont été bloquées parce que sans visas. Certaines ont fui par d’autres chemins et se sont retrouvées bloquées parce que les frontières ont été fermées. Mais on peut encore trouver ça de nos jours…
Il y avait plusieurs enjeux par rapport à Queer Code : montrer que oui il y a des travaux d’historien-ne-s mais aussi de citoyen-ne-s pour faire connaître ces parcours de vie. Le numérique est un espace de combat pour y être visible. Il y a beaucoup de négationnistes, de racistes, d’homophobes, présents sur ces espaces.
L’idée c’est d’être présent dans un espace pour montrer cette histoire et pour montrer surtout qu’on est capables de la partager et de réfléchir ensemble. Si on reprend des slogans féministes des années 70 il y avait vraiment le fait que la construction des femmes, et des hommes bien sûr, c’est un fait social, un fait culturel, qui ne se fait pas tout seul.
Il faut se mobiliser. Tout le monde peut y contribuer. L’idée, c’est ça : ne pas hiérarchiser les savoirs mais les faire dialoguer et aussi bien valoriser les articles d’historiennes que des personnes comme récemment des jeunes qui ont écrit une pièce de théâtre, que de militantes qui aident des familles à transmettre leur histoire.
Montrer que toutes ces démarches, tous ces savoirs sont importants. Et qu’on peut tou-te-s apprendre, c’est ça qui est passionnant, autant les technologies numériques que d’autres techniques. Lydie fait beaucoup de traduction pour nous, de l’anglais vers le français ou du français vers l’anglais. Elle fait aussi une veille qui est très précieuse.
Ce qui est passionnant avec les savoirs c’est que tout bouge très vite, notamment dans cette ère du numérique. On peut avoir l’impression que l’Histoire, ça va lentement et en fait on se rend compte que c’est étonnant. Il y a par exemple des féministes américaines qui étudient les mouvements féministes français.
Si on ne vérifie pas ce qui se passe dans les universités américaines, on peut passer à côté car ils ne vont pas être traduits en français, on ne va pas les voir dans nos librairies. Montrer que c’est en constant mouvement et qu’il y a des enjeux différents dans la mobilisation selon les générations.
Pour notre génération (quadras), ce travail de revendication de la Seconde guerre mondiale en tant que lesbiennes, c’est constructif, c’est un vrai combat. Pour des jeunes femmes comme Emilie, avec nous dans l’équipe, qui sont jeunes, qui ont une vingtaine d’années, c’est complètement une autre histoire de construction identitaire parce que pour elle en fait c’est quelque chose qui est déjà acté donc ce n’est pas la même histoire.
C’est intéressant de voir comment les générations ont des histoires différentes, d’autres cheminements. Passionnant ce dialogue intergénérationnel. Montrer que c’est un travail de médiation sur ce qui existe comme savoirs et de reconstruction de nouveaux savoirs.
Est-ce que ce qui lie les générations entre elles, c’est qu’aujourd’hui encore les femmes lesbiennes sont invisibilisées, tout comme le sont encore les personnes racisées ? Parce qu’on voit bien que Queer Code rassemble un grand nombre de ressources, ce n’est donc pas qu’il n’y a rien sur ce sujet mais plutôt que leur diffusion ne se fait pas comme elle devrait…
Isabelle : C’est passionnant tout ça et un jour on fera nos propres constellations, nos propres parcours, de comment on a eu l’information. Comment on a eu telles ressources, comment telle personne a cheminé, a réfléchi aux enjeux. Ce qui est sûr, c’est que les manières de transmettre et d’accéder aux informations selon les générations sont différentes.
Et puis ce qui est intéressant, c’est d’essayer de partager ça - et pas que sur la Seconde guerre mondiale - pour se rendre compte que tout est en perpétuel mouvement. J’ai 43 ans, il faut aussi que je me mobilise, rien n’est acquis, que ce soit sur la santé de mon corps, sur les droits, on voit que tout est en évolution, que des choses s’améliorent, qu’il y a de nouvelles avancées scientifiques. C’est aussi un mécanisme.
Lydie (membre de Queer Code) : c’est compliqué de se servir de l’expérience des anciennes, c’est compliqué de transmettre, nous, nous sommes la génération entre les deux. C’est un vrai travail.
Isabelle : On peut transmettre à des femmes de 70 ans, des femmes plus jeunes peuvent nous transmettre à nous. On montre que ça part dans tous les sens, on essaye d’apprendre à travers ces expériences, d’apprendre de nous-mêmes, avec les autres. S’autoriser à apprendre autrement, à essayer, on peut se tromper. C’est un dialogue parfois étonnant. On ne répond pas du tout à votre question.
Comment est reçu Queer Code ? Essayez-vous d’aller vers un public moins sensibilisé à ces thématiques-là pour que le grand public se rende compte que des femmes lesbiennes ont été déportées, ont été dans la résistance ou ont collaboré ?
Isabelle : C’est très complexe parce que nous on va mettre des mots alors que la personne aura vécu quelque chose de différent. On essaye de ne pas être dans le jugement mais on est des êtres humains donc on s’identifie à telle ou telle figure. Faut bien montrer toute la complexité de ces histoires-là en particulier.
Oui, on essaye de toucher un large public. Comme aujourd’hui, en venant aux Champs Libres pour le rendez-vous des 4C. Et puis passer par le numérique nous permet d’atteindre des groupes qui vont être intéressés par notre démarche numérique mais pas forcément par notre démarche féministe et lesbienne.
Bien sûr ils vont être intéressés sinon ils ne viendraient pas du tout mais l’accroche va porter plutôt sur le côté technique. L’idée c’est de toucher de plus en plus de musées pour qu’ils s’essayent à cette médiation numérique.
Il y a encore des tabous, donc on va venir par notre côté médiation numérique pour parler du fond ensuite : des femmes qui aiment des femmes. Ça nous permet de laisser ouvert, avec plein de façons de venir à nous et de dialoguer avec nous.
Heureusement, les choses vont de mieux en mieux dans le dialogue entre les associations d’anciens déportés, les structures mémorielles, il y a quand même une grosse évolution vers un dialogue.
Lydie : Dans mon milieu professionnel, je le montre à des collègues en leur disant d’aller voir et de me dire ce qu’ils-elles en pensent. Mine de rien, ils/elles regardent un peu techniquement mais ils/elles voient le fond, qu’ils/elles ne seraient pas forcément allés chercher d’eux/elles-mêmes. Pas par hostilité mais parce que ce n’est pas leur centre d’intérêt. C’est rigolo d’amener comme ça différentes personnes à différentes choses.
Isabelle : On apprend beaucoup. On revient d’Angleterre, où il y a un vrai travail fait par les associations LGBT pour aller vers les professeurs, pour leur amener du matériel pédagogique pour leurs cours, pas que d’Histoire mais aussi de toutes les disciplines scolaires. On apprend beaucoup de leur façon de travailler, de collaborer.
Peut-être qu’un jour il y aura tout ce travail, qui permettra tous ces apports pédagogiques, les passerelles se font petit à petit. Le numérique va nous permettre ça. Une façon de les amener à inclure petit à petit. On s’auto-censure tous beaucoup.
Là on va faire une cartographie de Marguerite Chabiron, une pharmacienne qui a été déportée pour actes de résistance, qui a aidé des résistantes dont une qu’elle connaissait parce qu’elle était lesbienne. Elles ont été arrêtées à Bordeaux, puis ont été à la prison de Rennes puis déportées à Ravensbruck.
Et c’est un monsieur qui a maintenant plus de 75 ans qui transmet son histoire, qui a écrit un livre numérique. On lui a écrit en lui disant qu’on allait faire une cartographie, il était tout content, tout ému. Il a trouvé formidable Queer Code, il nous a donné l’autorisation d’utiliser des extraits du journal de sa tante.
C’est vraiment un dialogue avec des personnes qui elles-mêmes ont cherché à transmettre leur histoire par le numérique. Le numérique, c’est de l’auto-édition. Et ces personnes sont ravies. Maintenant, on va aider ce monsieur à transmettre l’archive réelle. Avec lui, en dialoguant aussi avec des chercheuses, des archivistes.
On apprend avec lui, en même temps que lui, à transmettre cet objet, ce journal intime. C’est une belle histoire et je pense qu’il y a de plus en plus de personnes qui ont cette envie-là. Des fois il y a de la pudeur, des temporalités, ça on s’en rend bien compte, des temporalités.
Notamment les femmes et particulièrement les lesbiennes, les personnes minorisées et racisées, ce sont des temporalités différentes. Ça arrive, c’est une patience, une patience active.
Qu’est-ce qui vous a amené à mettre Thérèse Pierre en première dans les Constellations brisées ?
Isabelle : Ça fait une dizaine d’années qu’on chemine avec son histoire. On a découvert, il y a une dizaine d’années, le documentaire fait par Robin Hunzinger. On a été très très touchées. C’était la première fois qu’il y avait un documentaire qui évoquait le destin de deux femmes qui s’étaient aimées dans les années 30.
On a écrit au réalisateur pour le remercier et il nous a mis en contact avec sa maman qui était en train d’écrire un livre et on a dialogué avec elle par internet. Le numérique, on voit que ça facilite, ça accélère les choses.
On a échangé avec Claudie Hunzinger, on s’est retrouvé-e-s à l’accompagner dans la recherche d’un éditeur, dans comment dire les choses. On aurait aimé que son texte s’accompagne d’une préface d’une historienne peut-être. Mais elle, elle avait vraiment envie de faire une œuvre littéraire, ce que l’on comprend.
Lydie : Passer par le biais de la fiction permet - pour ceux qui n’ont pas envie d’entendre dans la famille - de se dire que ce n’est pas vrai puisque c’est une fiction.
Isabelle : On est pour que chacun-e s’exprime comme elle/il le souhaite. Robin a fait un documentaire, sa mère une fiction et puis nous on fait un site Internet, des quizz numériques. Chacun-e sa manière de faire.
On est venues aux Champs Libres faire des recherches sur Thérèse Pierre et on a cheminé. On est allées à Fougères, aux archives municipales, aux Champs Libres. Puis après on a fait Queer Code, la plateforme et on s’est dit qu’on allait faire des cartographies, parce que c’est une autre manière de visualiser les parcours, en étant ludiques, une manière de se situer dans des territoires, de se situer dans une démarche de plus en plus citoyenne.
On a tout de suite penser à elle parce qu’on a un chemin tout particulier avec elle, dans une région que nous aimons beaucoup (la Bretagne). Et pour plein de raisons ! Moi, je l’aime dans ces idées politiques, dans son engagement, elle me touche particulièrement. On a tou-te-s des personnes qui nous touchent plus ou moins.
Après, on ne s’est pas arrêté-e-s à Thérèse Pierre dans nos recherches. Mais j’ai trouvé effectivement la personne que je voulais avoir dans mon Panthéon féministe à moi. J’aurais pu m’arrêter là mais c’est intéressant de montrer la diversité.
Marguerite Chabiron c’est une autre classe sociale, un autre parcours de vie et elle est tout aussi passionnante, on apprend d’elle comme de Ruth Meyer, une jeune fille qui va être déportée dans la vingtaine d’années. C’est un autre moment de vie.
Thérèse Pierre forcément à un moment j’avais quasiment le même âge qu’elle. C’était très marquant. On doit un peu se bagarrer aussi avec des arguments qui ne sont pas bons. On va nous dire « les femmes n’ont pas été cheffes de réseau », bah voilà là on a une cheffe de réseau, « les femmes n’ont pas porté des armes », si.
On essaye de ne pas être là-dedans car notre idée est de montrer que tout est résistance. Qu’on soit une jeune fille juive et qu’on commence à être dans le désir d’une autre femme, c’est une résistance. Au patriarcat, à l’hétéronormativité.
Etre une femme prostituée pour différentes raisons et qui se bat pour pouvoir vivre ses amours lesbiens, c’est aussi de la résistance. Des jeunes filles qui vont aller dans tel cabaret pour rencontrer d’autres femmes, c’est de la résistance.
Etre une cheffe de réseau, bien sûr c’est de la résistance. L’idée n’est pas de hiérarchiser. Ce qui a été le cas par certains hommes qui ont hiérarchisé certains faits de résistance. On essaie de ne pas être là-dedans justement. Ne pas hiérarchiser non plus l’horreur.
Thérèse Pierre nous touche particulièrement parce qu’elle a été exemplaire dans toute la complexité de la vie, dans toute la complexité de ce qu’elle était. Ce qui est intéressant par le travail de Robin, le travail de Claudie et notre travail, parce que c’est quelqu’un qui a été célébrée à Fougères, et que c’est aussi toute la dimension de ce qu’elle était, et je crois que c’est important.
Il y a une école qui porte son nom, et c’est important que les enfants, quels qu’ils soient, pas seulement les homosexuels, pas forcément les filles, mais que l’on puisse appréhender le fait qu’elle avait une identité complexe, comme toute personne. Avec effectivement une orientation sexuelle, avec une histoire de vie.
Elle n’était pas bretonne mais elle a fait beaucoup de choses pour la Bretagne, avec des bretons et des bretonnes. Elle venait d’ailleurs mais c’est passionnant. Elle était admirée et chérie. Des personnes chérissent son souvenir. On a été en correspondance avec une dame qui a travaillé dans son réseau et qui à la fin de la guerre a beaucoup œuvré pour transmettre l’histoire de Thérèse Pierre.
Ce sont des témoignages très émouvants. En étant là à toutes les journées du souvenir, en faisant des discours, en transmettant à sa façon dans sa commune. Et nous, nous faisons autrement, à 1000 kms de là, on a pu dialoguer avec différentes générations et différents points de vue. C’est là aussi l’intérêt. C’est très riche.
Car on rencontre des personnes que l’on n’aurait jamais rencontrées autrement, ni dans nos entourages professionnels, ou dans nos familles ou nos familles de cœur. Ça met aussi d’avoir un autre lien avec la Bretagne, parce qu’il y a plein de choses qui nous touchent dans l’histoire et la culture bretonne et là ça nous relie aussi.
Sur le dialogue avec les générations et avec la Bretagne, comment avez-vous établi les échanges avec les militantes féministes et LGBTI de Rennes ?
Isabelle : Il y a différents réseaux. Il y a des militantes des droits des femmes que l’on connaît via nos engagements féministes, notamment via le Planning Familial, par aussi des personnes que l’on a pu rencontrer via les archives féministes, parce que nous sommes allées plusieurs fois à des colloques à Angers et on a rencontré des militantes rennaises là-bas.
En allant aussi faire des recherches à Nantes, en étant dans d’autres combats pour les personnes LGBT, on a rencontré des Rennais et des Rennaises. Et puis en cherchant ce que l’on fait d’autres, apprendre et s’inspirer d’autres, c’est vraiment notre démarche donc là on va rencontrer pour la première fois tout à l’heure Anne-Lise et Lou qui font un travail de cartographie.
On avait vraiment envie d’apprendre avec les Rennais et les Rennaises notamment via ce rendez-vous des 4C, qui est vraiment une démarche passionnante. Dans notre état d’esprit. Et puis on va rencontrer d’autres personnes que l’on ne connaît pas et c’est ça qui est intéressant. Le numérique, c’est bien, ça nous permet d’être en contact mais c’est bien d’avoir des temps de rencontre.
L’idée c’est de s’inspirer, de découvrir les centres d’intérêts des un-e-s et des autres, les projets. Et évoquer Thérèse Pierre, parce qu’on y tenait. À 15 jours de la journée du souvenir des victimes et des héros/héroïnes de la déportation, on voulait particulièrement avoir un moment symbolique pour toutes les femmes qui sont parties de la prison Jacques Cartier à Rennes pour la déportation, quels que soient leur statut.
Et celles aussi qui ne sont pas parties, parce que Thérèse Pierre, elle, est morte ici, à Rennes. Elle aurait été éventuellement soit fusillée, soit déportée mais bon son destin s’arrêtait là. Il était brisé pour une partie parce qu’il faut voir l’espoir qu’elle nous transmet. D’espoir et de mobilisation. De voir que dans les heures les plus sombres, il y a toujours de l’espoir et des choix.
Car elle a aussi fait des choix, pour les personnes de Fougères, pour les personnes qui étaient sous ses ordres. Pour ses idéaux. C’est porteur d’espoir même si c’est douloureux. Montrer aussi que les engagements sont importants. C’est ça que l’on veut faire passer je crois.
Souvent, on a l’impression qu’on ne peut rien faire. C’est ça que l’on veut démontrer, en apprenant ensemble à Queer Code, c’est montrer que l’on peut agir. On montre qu’il y a des choses, concernant l’histoire des femmes, l’histoire des lesbiennes, et que l’on peut faire des choses.
Chacun-e a sa façon, avec ses moyens tout est possible et c’est ça qui est passionnant. Toutes les mobilisations sont possibles et sont importantes.

« C’est vrai que nous sommes habitué-e-s à un certain type de personnages pour les femmes, réduites à une facette, à une fonction. Vous connaissez le test de Bechdel (du nom de Alison Bechdel, il vise à démontrer par trois questions que les œuvres artistiques - type cinéma, littérature, théâtre – sont centrées sur le genre masculin, ndlr) ? Bah il le passe carrément pour une fois ! Là, elles ont une grosse évolution, chacune un prénom et ne se définissent pas que par un homme ! », souligne l’humoriste et comédienne, Camille Chamoux.


Le spectacle s’articule autour de deux fantasmes. Celui indéterminé de la femme nue peinte par Hopper et celui de Perrine Valli. Sans oublier que le désir peut avoir plusieurs facettes, la chorégraphe fait un choix :
Un phénomène qui n’a pas échappé à la Franco-Suisse : « Pour moi c’est vraiment banal, d’autant que j’ai grandi à Aix-en-Provence. Quand j’étais adolescente, tout le monde faisait seins nus sur les plages. Mais il y a un changement, qui est grave je pense. [...] Ça m’a vraiment marqué quand j’étais en Corse il y a quelques années. Pour moi il était clair que j’allais faire seins nus. Je n’aime pas avoir les marques et le maillot mouillé sur moi. Et puis au fur et à mesure des jours, je me sentais de moins en moins à l’aise, il y a comme une autocensure qui s’est mise en place [...] Pour nous les danseurs, ce n’est rien, mais en fait voilà, d’un coup cette expérience à la plage m’a fait dire que c’est peut-être important qu’on continue à dire que ça devrait être rien. »

« On n’a pas pensé consciemment par le prisme de l’art et de la culture pour la soirée, mais on a pensé festif, dans l’esprit de la ND4J. Avec des propositions qui font réfléchir, tout en restant dans le divertissement. Pour que ce soit léger et décomplexé ! », explique Margo, co-fondatrice de l’association Sexclame !, jeune structure rennaise, tout aussi capable d’organiser une soirée Amours à l’Élaboratoire – en octobre dernier – qu’une soirée plus institutionnelle au Diapason :
Du porno en photo au moulage de tétons, en passant par la contraception d’urgence, les œuvres, qui varient dans les matières, les couleurs et les manières d’aborder ce vaste sujet, sont à regarder, observer, toucher, caresser et même à écouter :
Elle passe en revue les représentations de l’amour lesbien, de la virilité, jusqu’à l’apparition de la question du genre, lorsqu’Hercule est fait prisonnier par la reine Omphale, celle ci prend les affaires et lui, porte les siennes.
« On pose des questions sur les connaissances autour de la transidentité. Quand on a une bonne réponse, on avance et on peut tomber sur des cartes Chance ou Malchance. Cela permet de connaître le quotidien des personnes trans. »
« Certain-e-s sont venu-e-s à la soirée en cherchant justement à avoir accès à un dépistage immédiat et étaient surpris-es qu’il n’y en ait pas à ce moment-là. C’est très intéressant car d’une part, on s’aperçoit que le dépistage fait parti du scénario d’une vie affective et sexuelle, c’est rassurant, et d’autre part, ça montre qu’il y a de la demande dans ce genre d’événement. Car ce n’est pas toujours simple d’aller au CeGIDD (Centre de dépistage, CHU de Rennes, ndlr) et ça montre que c’est à nous assos d’aller vers le public. », analyse Lydie.
Seul organe destiné uniquement au plaisir, il est étiqueté ennemi public n°1, voué à rester dans l’ombre du vagin et de la fécondité des siècles et des siècles durant. Représenté de manière schématique depuis peu de temps, il reste - malgré les tentatives, comme le chouette court-métrage de Lori Malépart-Traversy, Le clitoris, dont la vidéo est à voir sur Internet – un élément de crispation.



Le 28 juin dernier, au Jardin moderne, elle racontait la naissance du mouvement Riot Grrrls. Un récit qu’elle publie en avril 2016 dans son ouvrage Riot Grrrls, chronique d’une révolution punk-féministe. Newsletters, fanzines féministes, concerts, esprit DIY, la création est en pleine ébullition. Et prend d’autant plus d’ampleur quand la scène olympienne rencontre la scène washingtonienne, « plus politique, plus organisée ».

Ce que relate l’artiste-chercheuse brésilienne, installée à Rennes depuis plusieurs années, Lis Peronti dans son mémoire Sangre pour les vautours, a été vécu par à peu près toutes les femmes en France ou par des copines. Pas forcément jusqu’au point que ça goutte sur la chaise mais la peur de la tache. Souvent accompagnée de la peur de l’odeur. Une double honte qui révèle sérieusement un tabou et un manque d’informations sur le sujet auprès des jeunes femmes, certes, mais plus globalement de l’ensemble de la population.
« Moi, j’ai pas mal au ventre mais qu’est-ce que je chiale ! À ce moment-là, j’ai les seins fermes et le ventre plat, c’est clair que chaque nana est différente ! Je deviens hyper émotive et je crois en fait qu’avant les règles les points qui nous caractérisent sont exagérés. Mais physiquement, je ne suis pas touchée par ça. Plus jeune, j’ai vu ma pote devoir s’allonger, tellement elle avait mal. Elle me disait que c’était parce qu’elle avait ses règles, je ne comprenais pas. », commente Anne, 37 ans, réglée depuis ses 15 ans.
« Je suis passée à la Moon Cup, j’adore. On est en lien avec le liquide, le sang. Ça change le rapport. », explique Lis. Parce que sa démarche artistique, dans le cadre de son mémoire, est partie de là. En voyant une image de ce sang qui ne coagule pas, qui tombe dans les toilettes en un seul bloc avant de se disloquer et d’effectuer une chorégraphie hypnotisante. La cup s’insère dans le vagin pliée en deux et vient se poser contre les parois vaginales, récupérant ainsi le sang qui s’écoulent dedans.
Si le débat autour du congé menstruel divise l’opinion, il a au moins l’avantage de mettre en lumière que le syndrome prémenstruel et les règles peuvent être des étapes énergivores et éprouvantes pour certaines femmes. Qui n’ont pas à s’excuser ou à se considérer comme « la preuve que les femmes sont plus faibles que les hommes ».





Parti de l’esplanade Charles de Gaulle, le cortège fait masse boulevard de la Liberté, samedi 4 juin. Plus de 2000 personnes marchent, chantent et dansent pour ce que l’on appelait communément la gay pride, qui rapidement à Rennes – une des premières villes à arborer cet intitulé avec Marseille - se nommera la Gay & Lesbian pride avant de devenir la Marche des fiertés.
« Lorsque, à la suite d’un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d’origine et a pris une apparence physique le rapprochant de l’autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l’apparence. »
Toutefois, les humiliations et les discriminations quasi permanentes laissent à penser qu’ils et elles sont considéré-e-s comme une population de seconde zone. « On peut souffrir de discrimination à l’emploi, à la Caf, face à l’administration, ou quand on va retirer un recommandé à La Poste, quand on subit un contrôle policier. », précise-t-elle.
Et ces sexes de naissance définiront également une hiérarchisation : le masculin prévalant automatiquement sur le féminin. D’où le problème pour l’évolution des mentalités. Le conditionnement et le cadre culturel et éducatif actuel, inconsciemment, ne permettant pas aisément de comprendre le mal-être d’une personne non cisgenre.
La Manif pour tous ne serait plus une menace a priori. Mais les LGBTIphobies décomplexées font toujours rage. La vice-présidente du CGLBT, le porte parole de la Fédération LGBT et la co-présidente de TRANS INTER action sont convaincu-e-s et unanimes : pour désarmorcer les phobies, cela doit passer par l’éducation. Pas n’importe laquelle. L’éducation populaire.




Il est même fait prisonnier de cet étrange dispositif qui tend à dévoiler des images de plus en plus trash, laissant apparaître des scènes de domination, d’asservissement, quasiment de torture, ainsi que des corps déchiquetés et mangés par des humains avant de laisser place à des images de nains indiens.
S’allonger, vapoter, danser ou autre, tout est permis pour ces Islandaises qui alternent entre l’anglais et leur langue maternelle. Leur rap est métissé. À la fois tranchant, il peut être également langoureux comme festif et joyeux, bestial comme combattif et cru.
Elles font rapidement tomber la chemise, mais pas forcément la serviette que certaines ont sur leurs épaules, telles des boxeuses prêtes à mettre leurs adversaires KO, à coups de palabres bien senties. Elles assument leur corps, leurs formes, leur féminité, leur masculinité, leur humanité, leur sensualité, etc. Elles sont inspirantes.
Ou du moins le temps d’une chanson. Car lorsque Jonas Royeng (guitare et chant) et Kamilla Waal Larsen (basse et chant) donnent de la voix en chœur, l’ensemble fait davantage écho aux Pixies. Leurs influences rock alternatif des années 90 ne sont pas dissimulées.
Et quand ils allient leurs voix, l’osmose de leurs contrastes est sublime. Le trio renvoie le sentiment d’un besoin vital de s’exprimer. Une nécessité à être là et envoyer ce rock acidulé, qui ne manque pas de piquant, et s’emplit au fil des chansons d’émotions authentiques et communicatives.