Célian Ramis

Maintenant 2014 : Elsa Quintin jette l'encre au Parlement

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Parlement de Bretagne, Rennes
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Les deux artistes designers Elsa Quintin et Antoine Martinet reviennent au Parlement de Bretagne pour présenter le Projet Pilot, deux oeuvres entièrement réalisées au stylo noir...
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C’est dans le cadre du festival Maintenant, organisé par l’association Electroni(k) qu’est exposé le Projet Pilot, réalisé par les artistes rennais Elsa Quintin et Antoine Martinet. L’œuvre est à découvrir samedi 18 octobre, au Parlement de Bretagne.

Ce n’est pas la première fois que Projet Pilot trône dans le lieu emblématique de la capitale bretonne qu’est le Parlement de Bretagne. En 2012, le premier polyptique y avait été dévoilé au grand public. Deux ans plus tard, le duo d’artistes designers renouvelle l’expérience, dans la salle des Pas Perdus cette fois, et ajoute un deuxième polyptique à leur projet originel, intégralement réalisé au stylo noir.

« Nous avons commencé le travail en 2009 pour le premier tableau. Nous avons fait d’autres projets en parallèle quand même. Puis nous avons entamé le deuxième en 2012 et nous l’avons terminé il y a deux semaines… », explique Elsa Quintin.

En collaboration avec Antoine Martinet, ils ont réalisé un dessin de grande dimension et de grande ambition pendant plusieurs années. Le résultat, ils l’ont découvert en début de semaine en installant le dispositif pour la toute première fois. La technique est la même, le format également. Mais les deux œuvres diffèrent fondamentalement dans le contenu.

« Même si elles sont liées symboliquement, les pulsions ne sont pas les mêmes. La première est très chargée en iconographies, motifs, personnages et il y a un foisonnement de détails, c’en est presque écœurant. La deuxième représente un paysage, l’abstraction, le néant. Si elle est apaisée dans sa technique, elle dégage une anxiété froide »
commente Elsa Quintin, le regard fixé sur les toiles encadrées.

ART DU DÉTAILS

La réunion des deux œuvres impressionne. D’un côté, un fourmillement de détails avec une multitude de personnages, d’inscriptions en latin ou en anglais, d’objets liés à l’aviation ou à la navigation. L’encre du stylo rencontre le blanc de la toile pour souligner la noirceur des scènes représentées qui se croisent et s’entremêlent, tout en marquant différentes époques de l’Histoire. Mythologie, Bible, réalisme, ici tout se confond dans un ensemble fantasmagorique dans lequel chimères, dinosaures, hommes et animaux participent à l’évolution d’une société décadente, entre guerres de territoire, de religion et d’identité.

De l’autre côté, l’art de la nuance, de la précision et du mouvement, règne dans le silence de ce paysage lisse et angoissant. « Cela relève de notre imaginaire graphique, influencé par l’univers des comics US – avec les dessinateurs Charles Burns et Daniel Clowes par exemple – mélangé aux œuvres classiques du Moyen-Âge. Il y a un mélange de culture populaire avec la bande-dessinée et le côté ancien », précise Elsa Quintin. Pour elle, ce qui impressionne de manière générale dans l’œuvre, c’est le labeur du travail. La réalisation du dessin au stylo noir dépasse la question du contenu.

« Quand les spectateurs voient l’œuvre, ils voient la masse de travail mais pas forcément ce qu’il y a derrière. Alors que concrètement, dans le deuxième polyptique, il s’agit d’un enfant pré-pubère nu dans un lac. Et dans le premier, il y a beaucoup de violence, de rapports sexuels, etc. Mais ça passe presque inaperçu. »
ajoute-t-elle, presque déçue que la forme ne complète que trop le fond.

Si le stylo a été choisi pour cette œuvre, c’est tout simplement pour la couleur de son encre – un noir-violet-bordeau – et la concrétisation d’une volonté de dessiner à la main. Une volonté qui n’oppose en rien le travail réalisé sur logiciels, tient à souligner l’artiste : « L’ordinateur et le numérique n’évacuent pas le fait qu’on a un corps et que l’on vit avec, que l’on est en mouvement avec. Nous ne voulions pas évacuer cela non plus. C’est un plaisir très particulier et nous avons eu du plaisir à faire avec notre corps, même si ça fait mal. Surtout que nous sommes sensibles également à la question du temps long dans le travail. » Et la question du temps est centrale dans cette oeuvre, qui mettra deux jours à être installée dans le Parlement, pour n’être visible qu’une seule journée, le 18 octobre.

Célian Ramis

Court-Métrange : Comment être Femme(s) dans le cinéma fantastique ?

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Ciné TNB, Rennes
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Les femmes sont-elles vouées à incarner les rôles secondaires dans le cinéma fantastique ou vont-elles au-delà ?
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La onzième édition du festival Court Métrange, dénicheur de formats courts et insolites, prend place du 16 au 19 octobre prochain, comme à son habitude, au Ciné TNB. À cette occasion, YEGG a rencontré la co-fondatrice, Hélène Guinand-Pravong, l’une des seules directrices de festivals rennais, pour parler des femmes dans la programmation 2014.

YEGG : Quelle est la place de la femme dans le domaine fantastique ?

Hélène Guinand-Pravong : Elles ont une place de taille. C’est toujours celles qui meurent dans les films d’horreur, celles qui sont pourchassées, celles qui sont poursuivies. Celles qui sont aimées et détestées ou encore adulées. La femme est au centre du cinéma fantastique.

Mais leurs rôles secondent le personnage principal généralement masculin.

La femme représente dans l’imaginaire fantastique la peur, l’imprévu, la sensualité, la sexualité sous diverses formes et l’intuition. Le septième art, c’est aussi le troisième œil, c’est la femme qui va voir au-delà. C’est peut-être aussi pour cette raison que la femme fait peur dans le cinéma de genre, par exemple. Par voie de conséquence, on cherche à lui faire subir les pires épreuves.

Dans le steampunk, qui est le thème du festival cette année, y a-t-il cette même place ?

Non, là nous sommes plus dans un univers créé de toutes pièces. L’esthétique vestimentaire steampunk, que ce soit pour l’homme ou la femme, correspond à une période, l’époque victorienne, époque du progrès et de la vapeur – d’où le mot anglais steam – du début du siècle. Pour le punk, c’est le côté décalé et drôle. La femme va porter un corset pour mettre en valeur ses formes et des accessoires rétro-futuristes.

L’affiche du festival cette année, créée par l’agence Kerozen, représente une « femme-corset »…

Oui, le steampunk est subtilement amené ! (Rires)

Elle pourrait signifier la femme fatale, qui fait peur comme vous l’avez dit.

Vous souvenez-vous de la première affiche du studio Kerozen ? C’était une femme avec un poulpe avarié. Quand l’équipe du festival a rencontré ce studio, on a beaucoup réfléchi à la communication. Nous sommes partis d’un constat qui était que le genre du fantastique attirait moins le public féminin. Ils ont voulu mettre la femme au centre de leurs affiches, pas toujours mais elle est souvent présente, avec un côté répulsion et attraction que nous offre le cinéma de genre. La femme est là pour séduire un public féminin. La touche de fantastique est donnée par ce qu’on y voit à côté. Je ne m’amuserais pas à faire une interprétation sur l’affiche, il y a de la beauté et de l’horreur dans le fantastique. Cette affiche, c’est notre programmation : de la poésie, de la réflexion sur les films d’anticipation et de société ainsi que de l’horreur.

Dans votre programmation cette année, il y a près de 70 courts-métrages dont une projection, « Milieux sous l’Amer », le 17 octobre, assez axée sur les personnages féminins.

Effectivement, la femme est au centre. Celle qui est dans Ceux qui restent debout vient de perdre son emploi et son habitat. Elle redécouvre la vie dans la rue. C’est un film assez étonnant puisqu’en 27 minutes, le fantastique n’arrive que très progressivement, sur la fin. En fait, son regard évolue lorsqu’elle commence à perdre pied avec la réalité. Elle finit par voir les sans-abris complètement fusionner avec la rue, le béton, les murs. C’est la peur de mourir qui transpire à travers ça. Un film fort qui a beaucoup plu au comité de sélection et les a laissé en haleine tout le long. C’est un bel exemple qui utilise subtilement et intelligemment le fantastique pour parler d’un fait de société grave et de la détresse des gens.

With Time est le premier film que nous avons reçu des Emirats Arabes. Cela compte beaucoup pour nous et est une belle découverte. Le format court est tiré d’une histoire vraie, de deux petites filles qui ont été séquestrées. Il n’y a pas vraiment d’explications, peut-être à cause de la guerre ou pour les protéger. Elles ont essayé de garder de leur innocence mais une part de folie a commencé à arriver. Une fois de plus, c’est comment le monde extérieur arrive à avoir une emprise forte et nous faire perdre pied avec notre identité.

Supervenus, programmé à cette séance, a beaucoup fait parler de lui sur Internet dernièrement.

Oui, c’est carrément la caricature de la femme fatale, la femme surfaite !

Cela montre jusqu’à l’absurde ces travers de la société. À la fin, la femme explose tellement il y a de pression sur elle.

Et cela illustre comment l’apparence, finalement, va déformer notre société. C’est vraiment ça ainsi que le regard sur l’Autre et notamment sur la femme. Supervenus est une façon assez crue et directe de dénoncer l’image de la femme dans la publicité, les médias et les magazines qui doit toujours paraître sous une même forme. Elle est toujours parfaite, elle a les seins comme ça, les épaules comme ça, les jambes comme ça, le visage lisse et formaté. C’est une vraie dénonciation, très intéressante. Dans le court-métrage Trimmings, on est plus sur une psychose d’une femme qui cherche le visage parfait. Finalement, elle l’obtient en découpant des morceaux de peau de plusieurs femmes et reconstitue le visage d’une autre personne. C’est horrible puisqu’au final, elle est obligée de se masquer. Quand elle l’enlève, on voit effectivement qu’elle a été recousue de partout. C’est assez significatif de la pression qu’on peut mettre sur la beauté féminine aujourd’hui. Tout n’est que trompeuses apparences, même si c’est également l’intitulé d’une autre projection du festival ! (Sourire)

De manière générale, les personnages féminins des courts-métrages de votre programmation veulent échapper à une réalité horrible, que ce soit dans un contexte de guerre ou des pressions sociétales ?!

Elles subissent plus, elles sont un peu le jouet d’une société, d’une image qu’on veut donner. Parfois, les femmes se prêtent au jeu et créent le leur. Elles finissent presque par s’autodétruire parce qu’elles n’ont pas réussi à trouver le juste milieu entre leurs propres psychoses et la réalité. Parfois, elles en sortent dignes et belles mais c’est rare. (Rires) Dans On/Off programmé pour les séances collège, c’est une femme-robot qui a été créée pour aller dans l’espace réparer des satellites mais on ne le sait pas encore. Au départ, ce n’est qu’une astronaute qui repense à sa petite-fille, à sa famille quand elle voit la Terre de loin. Les souvenirs lui font se déconnecter. À la fin, on se rend compte que c’est un androïde à qui on a injecté une mémoire mais qui a réussi à reprogrammer une mémoire ancienne. Était-elle un être vivant ? Oui mais elle est devenue androïde entre temps. La place de la femme est toujours assez mystérieuse dans le cinéma fantastique.

Dans le court-métrage Cochemare, le 17 octobre, les constructions du féminin et du masculin sont détruites. Est-ce propre au fantastique qui joue avec les normes du monde réel ?

C’est le fantasme d’une femme qui se construit un monde onirique où elle est proche de la nature. Cela fait partie aussi des symboles féminins : la femme Nature, la femme mère, la femme « femme » qui a également des désirs. Elle va nourrir avec son lait, à travers sa bouche, des petits personnages. On est vraiment dans une sensualité très belle. Au bout du compte, ce monde qui se construit est un fantasme qu’elle est en train de vivre et c’est comme cela qu’elle en arrive à se masturber. C’est plutôt beau la manière dont c’est amené. Ce n’est pas une sexualité pornographique.

Il y a également La Bête, le jeudi 16, qui parle de la sexualité de la femme de façon très crue.

C’est pareil, c’est un fantasme de femme ! Le réalisateur cherche à raconter plutôt d’où vient notre part de bestialité. Comment s’exprime-t-elle et comment on peut la laisser s’exprimer librement ? Il va très loin. Là encore, je trouve qu’il n’y a pas de grossièreté mais un élan bestial assumé pleinement avec une belle patte de la part du réalisateur. Il utilise l’animation comme un moyen de fantasmer tout ça.

Concernant le festival en lui-même, dans votre jury 2014 du Grand Prix Court Métrange, il y a 8 hommes et 2 femmes. Dans les 10 précédentes éditions, il n’y en avait pas à peine plus. Même chose pour les réalisatrices où il n’y en a que 3 cette année. Comment expliquez-vous ces chiffres ?

Ce n’est pas fait exprès ! Nous ne sommes pas dans une urgence de mixité. Dans le jury de cette année, il y a Corinne Bernard, de la société Beaumarchais-SACD, une très grande habituée qui remet un grand prix du festival depuis l’origine. Au départ, la personne de la société Beaumarchais était un homme, Paul Tabet, mais elle lui a succédé. Mélanie Fazi est une auteure du genre fantastique, qu’on a voulu la contacter parce qu’on cherchait un jury éclectique. Nous ne voulions pas seulement des réalisateurs et des comédiens mais aussi, si possible, des auteurs. Quand on cherche les membres du jury, on cherche des gens qu’on a envie d’avoir.

Il y a malgré tout de plus en plus de femmes réalisatrices dans la programmation du festival.

On reçoit beaucoup de films, oui ! Beaucoup de femmes réalisent, ce n’est pas nouveau. Il se trouve que cette année, dans notre programmation, il n’y en a que trois ou quatre. Elles sont très présentes dans ce métier. Dans nos choix, on ne fait pas attention si c’est un homme ou une femme qui réalise. On s’en fiche. Au départ, c’est le film qui importe. On s’est rendus compte notamment qu’après avoir fait notre programmation, il y a trois ou quatre réalisateurs qui reviennent. Nous sommes très contents de les suivre à Court Métrange. Bien sûr, il y a quelqu’un derrière qu’on mettra en avant par la suite mais c’est le film qui est mis à l’honneur, ce qu’il raconte et ce qu’il véhicule.

Vous avez expliqué toute à l’heure que l’agence Kerozen conçoit ses images pour attirer un public féminin. Pensez-vous l’avoir conquis ?

De plus en plus, oui ! Kerozen a gagné son pari puisque dans la communication qu’ils ont mis en place, le public féminin est de plus en plus présent. Donc oui ! Chaque année, des étudiant-e-s du GEPAM [formation qui fait partie de l'IUT Gestion des entreprises et des administrations Rennes, ndlr], de la gestion événementielle et des productions multimédias, font un audit du public. Ils regardent la proportion de femmes : il y a 40% de femmes, 60 d’hommes. Nous avons essentiellement des moins de 30 ans dans notre public et la seconde proportion se concentre sur les trentenaires. C’est grâce à ces audits que nous pouvons le savoir. C’est un retour très chouette !

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2014 : DelaDap, une tornade électro-swing

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Parc du Thabor, Rennes
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Les musiciens déjantés du groupe DelaDap proposaient, pour leur première scène en France, un concert dansant et débridé aux airs d’électro-swing pop.
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Jeudi 9 octobre, la soirée Crazy Swing Club accueillait les musiciens déjantés du groupe DelaDap, pour leur première scène en France, pour un concert dansant et débridé aux airs d’électro-swing pop.

On aurait pu les croiser sur la scène « Découverte » des Trans, mais c’est dans le cadre plus intime du Grand Soufflet que l’on a pu apprécier la proposition originale de DelaDap, une formation musicale détonante qui réunit autour du producteur tchèque Stani Vana plusieurs musiciens d’Europe centrale et des Balkans. Les diverses influences se croisent et s’entremêlent dans un son souvent jazzy, électro et pop. Mais DelaDap va plus loin, semblant s’écarter avec joie de toute contrainte et d’étiquette de genre.

Ce que le groupe propose, c’est de puiser dans les traditions roms, slaves et klezmer, en y ajoutant de l’électro tout droit venu des années 90. Pas besoin d’entendre plusieurs chansons, la sauce prend immédiatement et on se délecte de chaque instant d’énergie déployée par ces ovnis qui balancent leurs musiques, fruit d’un travail de 10 ans, comme si plus rien autour n’avait d’importance.

Ils nous emportent dans leur univers festif sans perdre de temps et créent un lien permanent avec le public pris dans le tourbillon DelaDap. Les sonorités empreintes aux musiques d’Europe de l’Est et de la Mitteleuropa communient parfaitement avec les notes électroniques de la console et l’intensité de la voix de la chanteuse.

Sous le chapiteau, ça fourmille, ça danse, ça bavarde. Les spectateurs installés timidement au départ sur les bancs des gradins descendent au fur et à mesure se mêler à la petite foule qui vacille joyeusement sur la piste.

Les danseurs de swing ont laissé la place aux sautillants festivaliers qui réclament toujours plus, satisfaits de chaque proposition. Les rythmiques et les refrains sont punchys et entrainants, entrent dans la tête pour n’en ressortir que quelques heures plus tard.

On retient « Listen up / This is DelaDap » pour son dynamisme et sa bonne humeur, hommage jovial au 10e anniversaire du groupe. Et sur la scène, les musiciens prennent plaisir à répondre aux attentes du public. L’accordéon se plie et se déplie à vive allure, la trompette résonne et la batterie s’impose…

Et à tout cela s’ajoute les compositions du DJ et le style disco-swing de la chanteuse pour un joyeux bordel maitrisé et manié à souhait. DelaDap réussit avec brio à imposer son style et nous invite à voyager sur les routes d’Europe et du temps. Les époques se côtoient et flirtent ensemble dans une parfaite symbiose. Du cash et du chaos, comme on aime.

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2014 : Yéti fait son cabaret humoristique

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Parc du Thabor, Rennes
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Accordéon, flûte traversière, boucle de samples et légèreté naturelle... Yéti - Jetty Swart - convoque la bonne humeur sur la scène du Grand Soufflet.
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Mercredi 8 octobre, la joviale Jetty Swart – prononcer Yéti – se produisait sur la scène du Grand Soufflet, avec son accordéon, sa flûte traversière, sa boucle de samples et sa légèreté naturelle.

« Je suis née d’une mère hollandaise. On les reconnaît facilement, ce sont elles qui ramènent les sacs de patates ! » Le premier contact avec le public annonce la couleur. Proximité et second degré seront les maitres mots de cette fin d’après-midi pluvieuse.

Et quand au milieu de la chanson, elle oublie les paroles, la copine de Chloé Lacan le tourne en dérision et continue de chantonner en souriant : « Je ne sais plus ce que je chante à ce moment-là… Est-ce que quelqu’un l’a déjà entendue pour m’aider ? Ce serait super chouette mais c’est pas grave parce que la chanson continue ! »

Et le public ne manquera pas de la soutenir en fredonnant avec elle une série de « pom pom pom ». Jetty Swart, chanteuse et musicienne, oscille entre l’anglais et le français pour transporter les spectateurs dans un univers onirique, dans lequel se croisent comptines, histoires abracadabrantes, poésie et cabaret humoristique.

Celle qui a bien fait de quitter l’école d’arts graphiques pour se consacrer à la musique est pétillante, créative et inventive. Avec du beat-box enregistré en sample, elle transforme le chapiteau en cabane isolée au milieu de la forêt sous laquelle nous sommes abrités. On perçoit alors le son d’une goutte d’eau qui tombe lourdement sur les planches de bois. Et la magie opère, elle transforme « notre cafard en caviar » et sème la bonne humeur sur fond de temps maussade.

« On va danser ! Et si on danse, il faut quelque chose de plus spectaculaire ! », lance-t-elle en enlevant sa chemise en jean. Et en faisant tomber la veste, elle fait également tomber le masque. Si le second degré et son naturel taquin ne sont jamais très loin, et sont surtout nichés dans la Chanson du coq, « écrite pour les gars que j’ai rencontré à Montpellier », l’artiste hollandaise nous embarque à présent sous le ciel étoilé d’une nuit très noire.

Les rêves et les sentiments profonds sont surface et s’animent au son de l’accordéon et de sa voix qu’elle manie avec une facilité déconcertante. Indéniablement elle sait jouer avec les ambiances, les mots et les émotions. Passant d’une reprise délurée de Mickael Jackson avec un franc roulé de R à une chanson poignante empreinte de sonorités de l’est, elle fédère le public autour de son personnage et de sa proposition musicale. Et les festivaliers en redemandent encore et encore. Poussée par l’adrénaline, Yéti se laisse voguer et entame une dernière chanson en néerlandais pour conclure ce concert aux ambiances et influences éclectiques.

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2014 : La rencontre swing du hula hoop et du burlesque

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Rennes
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Une Electro Swing Party placée sous le signe du swing, de l'effeuillage, du hula hoop et de l'accordéon... La formule est insolite, pas une réussite néanmoins.
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Samedi 4 octobre, le festival rennais d’accordéon proposait une formule originale lors d’une Electro Swing Party réunissant Edith Presley, sélecta rock, Maryll Abbas, accordéoniste, Candy Scream, performeuse burlesque et Anossens, reine du hula hoop.

Après un concert énergétisant avec Manouche, Etienne Grandjean, directeur artistique du festival, relevait le pari risqué d’une deuxième partie de soirée exclusivement féminine. Le risque ne provenant pas du sexe des protagonistes mais d’une production réalisée à distance et composée de quatre femmes d’univers différents.

La sauce aurait pu prendre si les talents avaient été mis davantage en avant. Les numéros s’enchainent avec une extrême rapidité, laissant les spectateurs-trices dans une grande confusion des genres. Pour autant, les danseurs et danseuses de lindy hop sont au rendez-vous et leurs mouvements effrénés, effectués aux rythmes des chansons de DelaDap, Chinese Man, Parov Stelar ou encore des Swingrowers, produisent des instants inattendus empreints d’énergie et de bonne humeur. Néanmoins, les performances de hula hoop et de burlesque charment le public à chaque brève apparition.

Anossens, agile professionnelle des cerceaux, nous emporte dans son univers onirique et coloré, tout comme son accessoire de prédilection, et nous laisse ce goût d'enfance qui nous marque l'esprit face à un numéro de cirque et de magie. De son côté, la danseuse aux courbes fines et divines, Candy Scream, exécute deux performances d'effeuillage empreints des profondeurs parfumées des revues de cabaret. Le burlesque ne laisse personne indifférent et on aime toujours autant y assister.

Plus tôt dans la journée, c'est à l’abri du mauvais temps que nous avions rencontré Anossens et Candy Scream, dans les coulisses du Grand Soufflet. interview.

YEGG : Vous offrez, à l’occasion de l’Electro Swing Party, deux performances originales. Racontez-nous comment vous avez découvert vos disciplines respectives, le hula hoop et le burlesque.

Anossens : C’est lors d’un concert avec des performeurs de hula hoop que je suis restée scotchée. J’ai eu le coup de foudre. J’étais alors dans l’informatique mais je m’intéressais déjà à la discipline, dans le sens du mouvement, de la détection du mouvement.

Candy Scream : Moi j’ai cherché sur Internet. J’étais dans une école de théâtre mais je rêvais de faire du cabaret. C’est là que j’ai découvert le Cabaret des Filles de joie. Je suis alors allée les voir sur scène puis j’ai pris des cours dans cette école pendant un ou deux ans. J’aimais le message que pouvait faire passer cette revue féministe et rock n’ roll.

L’an dernier, à l’occasion du spectacle Porte jarretelles et piano à bretelles, produit par Etienne Grandjean et présenté au Grand Soufflet 2013, nous interrogions les danseuses burlesque sur la vocation féministe de la revue. Elles soutenaient que ça n’était pas un genre féministe mais humaniste…

Candy Scream : Chaque fille a son engagement. On défend forcément quelque chose sur scène, on s’engage. Je trouve que c’est féministe dans le sens où on est des femmes, rien que des femmes, déjà. Et ensuite parce que le message que je veux faire passer est : Je suis comme je suis et vous allez m’accepter comme je suis.

Qu’est-ce qui vous anime dans votre pratique, Anossens ?

Anossens : Je peux pratiquer le hula hoop pendant des heures ! À ce moment-là, rien d’autre ne compte. J’aime être à fond dans quelque chose. On dompte des éléments. Avec la discipline aérienne par exemple (Anossens pratique également la pole dance), on dompte l’air. Il y aussi le feu que je manie. Et avec le cerceau, on ressent le sentiment d’un élément qui coule, ça rappelle l’eau, de manière symbolique évidemment.

Les performeuses burlesque multiplient parfois les compétences. Candy Scream, quelles sont les vôtres ?

Candy Scream : Je manie aussi le feu avec les torches, les bâtons de feu, les bollasses. Ça reste de l’ordre de l’accessoire. Avec le costume et les chaussures à talons ! Après, forcément il y a beaucoup de danse puisqu’on apprend à danser au cabaret. Même si l’effeuillage et le cabaret ont évidemment leurs propres codes. En fait, on peut tout faire, selon nos personnages.

Vous êtes réunies pour un soir avec Edith Presley, et Maryll Abbas, sur la scène du Grand Soufflet. Comment s’est déroulée la rencontre ?

Candy Scream : Je connaissais Porte Jarretelles et Piano à bretelles, j’ai des amies qui dansent dans ce spectacle. Etienne Grandjean m’a contacté, il m’avait vu au Cabaret des Filles de joie. Il m’a alors proposé de participer à cette soirée.

Anossens : Moi, il m’a contacté car il voulait impérativement du hula hoop. (Rires)

Pas facile de préparer un spectacle à plusieurs lorsque tous les membres sont à distance… Concrètement, comment avez-vous travaillé ?

Anossens : On a fait nos choix de musique parmi une sélection. On en a choisi 2 sur lesquelles on allait jouer. Avec Internet et le téléphone, on y arrive !

Candy Scream : J’ai été en contact à plusieurs reprises avec Etienne Grandjean. Il m’a donné pas mal de conseils pour occuper la scène et préparer mes numéros en fonction de la surface.

Interpréter vos numéros sur de l’électro swing était une contrainte pour vous ?

Anossens : Non car c’est une rythmique très intéressante, joyeuse. Ça me donne envie de bouger donc c’est très bien. Je peux reprendre exactement les mouvements que je travaille au quotidien, en les adaptant au rythme de la chanson.

Candy Scream : J’ai l’habitude de fréquenter les soirées électro de La Java à Paris. Mais c’est vrai que j’ai plus l’habitude du milieu rock. J’ai sélectionné deux playback de femmes. Car cela permet de décrisper le visage et donner de l’expression au personnage que j’incarne lors de mon numéro. Après c’est de l’effeuillage, c’est pas sorcier de se déshabiller !

(Anossens : Alors là je ne suis pas d’accord avec toi ! (Rires) Au contraire, je trouve ça très dur !)

Candy Scream : Concrètement, cela donne une entité au personnage. Et comme c’est une nana limite hystéro que j’interprète, ça correspond très bien ! (Rires)

Merci Anossens et Candy Scream.

Anossens et Candy Scream : Merci à vous.

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2014 : Edith Presley, la sélecta rock prête à swinguer

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Rennes
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Parmi les talents programmés lors du Grand Soufflet 2014, la rennaise Edith Presley, djette rock et originale, qui sera entourée, le 4 octobre de l’accordéoniste Maryll Abbas, de la performeuse burlesque Candy Scream et de la reine du hula hoop Anossens.
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Swing et électro-swing sont convoqués à la nouvelle édition du Grand Soufflet, qui prend ses quartiers cette année dans le parc du thabor, du 2 au 11 octobre. Et parmi les talents programmés, la rennaise Edith Presley, djette rock et originale, qui sera entourée, le 4 octobre de l’accordéoniste Maryll Abbas, de la performeuse burlesque Candy Scream et de la reine du hula hoop Anossens. Une soirée Electro Swing Party qui ne laissera pas les spectateurs-trices indifférent-e-s. Et surtout pas la rockeuse. Portrait.

Il court, dans le milieu rock rennais, des bruits de couloir sur Edith Presley. La légende raconte qu’elle serait la fille du sosie d’Elvis à Fourqueux. Et que c’est en mettant de la musique dans sa baraque à frites qu’elle se serait faite repérer, en faisant danser les genoux de ses client-e-s. La vérité est toute autre et c’est à une table du Petit bar, place Sainte-Anne, qu’Edith Presley nous la raconte :

« En fait, ça remonte aux soirées chez mes potes. Je suis un peu une anarchiste, voire une fasciste, de la musique. Je voulais toujours choisir ce qu’on écoutait. Un jour, on m’a demandé de venir faire ma maligne au Bar’Hic, il y a environ 3 ans. Je ne faisais pas la fière… Mais en réalité c’était génial ! Je me suis laissée prendre au jeu depuis. »

Quelques mois plus tard, la djette figure dans la programmation des Bars en Trans et est alors repérée par Jean-Louis Brossard qui fait d’elle une résidente à l’Ubu et lui propose un Dj set lors de l’édition 2013 des Transmusicales.

Son personnage évolue et de fille de sosie, elle devient la petite sœur des Ramones, djette talons aiguilles et veste en cuir : « J’adore les chaussures et les fringues. Même si à l’Ubu, je suis dans ma petite cabine, j’aime être bien habillée et je peux me permettre de partir dans les extrêmes. Personne ne me juge et c’est génial. On peut donc allier les hauts talons, le bandeau dans les cheveux à la Rosie la riveteuse et toute la panoplie rock’n’roll ! »

ROCK, SOUL ET PIN-UP

Ici, pas de « Hey mister DJ » mais plutôt du « Don’t let me be misunderstood ». Car si on pourrait croire que ce sont les nanas de The Hole, L7, The Sound ou Le Tigre qui l’ont inspirées, c’est au contraire des « Madames » de la soul comme Nina Simone ou Aretha Franklin par exemple qui l’ont amenées à la musique. Elle aborde tout de même au détour de la conversation des grandes du rock et du punk comme la chanteuse, Nico, de Velvet Underground, Lydia Lunch – qui a enregistré avec Sonic Youth – ou encore Blondie (Debbie Harry).

« Ces musiciennes rock de The Hole ou L7, un peu « crades », je les écoute maintenant et j’aime bien. Mais à la base, j’aime les femmes plus élégantes. J’adore les pin-up, les années 50, toute cette période avec les rondeurs, l’absence de jugement et les femmes qui s’émancipent ! Il y en a quelques une encore à Rennes, je suis toujours en admiration… », explique-t-elle en rigolant. Ce qu’elle préfère, c’est jouer là où elle veut – le Mondo Bizarro étant presque sa 2e maison - et quand elle le veut. Elle aurait pu être intermittente et se consacrer à son activité de Dj. Mais elle ne s’y voyait pas :

« ça ne correspond pas à qui je suis. Là j’ai plus de temps pour la créativité, l’originalité. Je garde le plaisir et je profite des moments intenses. J’accepte ce que l’on me propose quand je trouve ça cool ».

Ainsi, elle a pu faire la première partie d’Aggrolites à Paris et des BB Brunes à Rennes. Pour elle, pas besoin de faire « des remix et du boum boum » pour faire danser et vibrer le public, les originaux suffisent. Qualifiée sélecta, elle ne produit ou ne remixe aucune chanson, elle passe les morceaux rock en l’état.

Et pour cela, elle encaisse les reproches et critiques de certains djs : « Aux Trans notamment, je m’en suis pris plein la gueule sur les réseaux sociaux, disant que je n’étais pas légitime. Je ne me suis jamais prise pour une DJ à proprement parler. Mais il y a les puristes, avec les vinyles et les autres. Moi je viens avec ma sélection et mon casque. »

Être femme dans ce milieu n’est pas tâche aisée et chacune doit se faire sa place. Elle cite notamment Katell Mixette, « plus orientée électro mais je l’admire beaucoup ». Un moral d’acier, un entourage solide, un apprentissage rapide de l’art de la discrétion, Edith Presley ne se démonte pas et continue à cultiver sa particularité et son amour de la musique. « Ce qui est passionnant dans cette discipline, c’est qu’il faut avoir une grande culture musicale. Et un morceau vous amène à un autre morceau, sans cesse. On découvre l’histoire de la chanson, l’histoire de la musique et on va sans arrêt plus loin », explique-t-elle, prise dans le sillage de sa passion qui l’embarque dans un tourbillon de challenges qui l’animent profondément.

SWING, ÉLECTRO ET ACCORDÉON

Et elle relèvera son prochain défi lors de la prochaine édition du festival Le Grand Soufflet, qui se déroule à Rennes du 2 au 11 octobre, principalement au parc du Thabor. Accordéon, électro et swing, la petite sœur des Ramones troquera-t-elle son perfecto contre une robe charleston ? Ce n’est pas dit. Mais ce qui est certain, c’est que la djette a bel et bien remonté ses manches pour dénicher des chansons hors de son répertoire habituel.

« Au départ, je devais intervenir seulement dans le teaser du festival », confie-t-elle. Mais Etienne Grandjean, directeur artistique, a vu plus grand et surfe sur le succès de sa production, présentée dans la capitale bretonne lors de l’édition précédente, « Porte-jarretelles et piano à bretelles ». Il convoque alors sur scène la performeuse burlesque du Cabaret des Filles de joie Candy Scream, la reine du hula hoop Anossens et l’accordéoniste Maryll Abbas pour une Electro Swing Party – le 4 octobre au Thabor.

Edith Presley proposera également un Dj set à Saint-Coulomb, le 11 octobre, lors de la soirée partagée avec le délirant Balluche de la Saugrenue. Des propositions originales auxquelles la rockeuse adhère avec fierté.

Célian Ramis

François Morel et Carole Lardoux, l’exigence de l’écriture avant tout

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Carré Sévigné
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François Morel, auteur, metteur en scène, comédien et chroniqueur, et Carole Lardoux, directrice artistique du Carré Sévigné, à Cesson-Sévigné, se prêtent au jeu de l'interview croisée.
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Mardi 30 septembre, François Morel, artiste associé du Carré Sévigné, était de passage en pays breton, à l’occasion de la présentation de saison de la structure, à Cesson-Sévigné (et en a profité pour jouer son spectacle Hyacinthe et Rose). L’ex Deschiens et Carole Lardoux, directrice artistique du Carré, se sont prêtés à une interview croisée pour YEGG.

YEGG : François Morel est l’artiste associé du Carré Sévigné pour cette saison 2014/2015. Pourquoi ce choix, Carole Lardoux ?

Carole Lardoux : C’était une évidence. Je suis le travail de François Morel depuis de longues années, en tant que comédien, metteur en scène, auteur, chroniqueur sur France Inter. Au Carré Sévigné, on porte une attention particulière aux mots et à ceux qui les manient avec élégance, que ce soit dans l’humour, la poésie, le piquant…

Autre chose qui était importante aussi, je trouve que François Morel noue avec le public une relation vraie et juste avec le public. Tout comme Michèle Guigon et Emma la clown (artistes associées respectivement lors des saisons 2012/2013 et 2013/2014, ndlr). Dès la première proposition que j’ai faite à François, il a immédiatement dit oui.

YEGG : Un oui immédiat dès la première proposition… Qu’est-ce qui a motivé votre accord François Morel ?

François Morel : Je connais Carole Lardoux depuis longtemps, avant le Carré Sévigné, et j’aime son travail. Exigeant et populaire à la fois. C’est tout ce qui m’anime. Je ne veux pas jouer pour une seule chapelle. Dans cette période difficile, anxiogène, on sert à donner de l’espoir, de l’envie, de l’énergie. Cette proposition, c’était une reconnaissance de mon parcours artistique, du vrai rapport avec le public. On dit que je fais plein de choses différentes, pour moi je ne fais pas plein de choses différentes. En tout cas, ce que je veux et que j’aime c’est le rire surtout.

YEGG : Justement, on dit que vous faites plein de choses. Carole Lardoux en a cité quelques unes : comédien, auteur, metteur en scène, chanteur. Mais vous écrivez également des chansons pour les autres. Et parmi les personnes pour qui vous avez écrit, on ne trouve que des femmes. Un hasard ?

François Morel : Que des femmes, c’est vrai. Je crois que c’est parce que ça me fait écrire des choses différentes. Que je peux me mettre à la place d’une femme. Finalement, ce sont des choses que je n’aurais jamais osé chanter moi-même puisqu’elles sont pensées pour les femmes. Mais quand je les chante, elles deviennent masculines. Ou alors je dirais qu’elles sont assez féminines même quand c’est moi qui les interprète.

En fait, j’ai écrit pour Norah Krief. Quand elle a vu mon spectacle Les habits du dimanche, elle a trouvé, et elle n’avait pas tort, qu’il y avait un côté récital. Elle m’a donc demandé de lui écrire des chansons, je me suis pris au jeu et elle était contente. Ça m’a donné envie. J’ai aussi écrit pour Juliette, qui sera dans la soirée Cabaret en mai avec moi au Carré Sévigné. On s’adore, on rit beaucoup, on a des références communes. Puis on a fait un duo. Je lui ai donc fait plusieurs chansons. Elle aime bien parce qu’elle dit que je suis pas cher et que je fais des chansons idiotes ! (Rires)

Et puis Juliette Gréco aussi, ma légion d’honneur ! Quand elle préparait un disque, elle nous demandait d’écrire des chansons avec Antoine Sahler, qui est avec moi sur scène. On s’amusait de choses lourdes et profondes. Elle appréciait mais elle ne voulait pas les chanter. (Rires) Un jour, à Toulouse, on avait un rdv à 18h et il fallait être à l’apéro à 19h30. On a eu 1h30 pour écrire une chanson avec de l’humour et de la légèreté. Elle a accepté.

YEGG : Vous en avez parlé, Juliette croisera les planches avec vous lors du Cabaret. Elle viendra seule également au cours de la saison. Carole Lardoux, est-ce une coïncidence ?

Carole Lardoux : Juliette, non, ce n’est pas un hasard. Je la connais depuis 1996, c’est une grande de la chanson française. Elle était prévue dans la saison et puis François Morel m’a annoncé qu’il voulait qu’elle soit associée au Cabaret. Ça ne m’a pas surprise. Ce qui nous lie, c’est la question de l’exigence de l’écriture. La musique est le prolongement de sa poésie. Sans oublier qu’elle a beaucoup d’humour ! Elle est très drôle.

François Morel : Ah oui, elle a une chanson bretonne très drôle. Écrite en Bretagne !

Carole Lardoux : Depuis que je fais ce métier et depuis 7 ans que je suis au Carré Sévigné, je commence à programmer des artistes qui ne sont pas sans rapport les uns avec les autres. Et plus j’avance, plus il y a de rapport. Ça doit être la maturité…

YEGG : Le fameux âge de la maturité… C’est donc ça pour le Carré cette saison, c’est l’âge de la maturité ?

Carole Lardoux : Je pense que oui. La maturité, dans les goûts, le style.

YEGG : François Morel, si vous connaissez Carole Lardoux depuis un moment, vous n’êtes pas sans savoir qu’elle est également membre du mouvement HF Bretagne…

Carole Lardoux : Ah non ça il ne le sait pas. (Rires)

François Morel : Ah non je ne le savais pas. C’est quoi alors le mouvement HF Bretagne ?

(Carole Lardoux lui explique.)

YEGG : Maintenant que vous savez tout, est-ce une thématique, celle de la parité et de l’égalité des sexes dans le domaine de la culture et celui des médias puisque vous y avez un pied également, à laquelle vous êtes sensibilisé et sensible ?

François Morel : Ah. Alors, je crois qu’il y a un tas de femmes formidables, d’artistes magnifiques, sur la scène culturelle. Après, et j’espère que ce que je vais dire ne va pas être mal interprété, je trouve ça un peu insultant de voir que l’on veut nommer des femmes pour nommer des femmes. Ce qui importe c’est avant tout de se soucier des compétences. Les quotas, c’est affreux. Mais peut-être qu’il faut passer par là pour qu’on s’y habitue…

YEGG : Pour terminer, François Morel, vous présentez au Carré Sévigné, en ouverture de saison, votre spectacle Hyacinthe et Rose. Qui sont ces deux personnages ?

François Morel : Un homme, une femme, la parité ! (Rires)

YEGG : L’égalité des sexes vous en remercie.

François Morel : C’est un grand-père et une grand-mère. Lui est coco. Elle est catho. En fait, ce spectacle est un livre. Martin Jarry, un jour, m’a montré plusieurs de ses peintures qui étaient des portraits de fleurs. Il m’a dit qu’il voulait en faire un livre avec les portraits et des textes. Et m’a demandé d’écrire les textes. Je suis alors parti d’un exercice oulipien, perécien. Je me suis donné la contrainte de rattacher un souvenir d’enfance à chaque fleur avec des vertus poétiques et comiques. C’est donc d’abord un livre, et c’est pourquoi je propose une lecture spectacle. Un spectacle qui passe par le prisme du récit et de l’écriture.

YEGG : Merci François Morel et Carole Lardoux.

François Morel et Carole Lardoux : Merci à vous.

Célian Ramis

Danse : enfiler les lunettes de l'égalité devient impératif

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Collectif Danse Rennes Métropole, Rennes
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Hélène Marquié, danseuse et chorégraphe, propose un regard féministe sur le milieu de la danse, dans lequel persiste de nombreuses inégalités concernant l'égalité des sexes.
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Danseuse, chorégraphe et chercheuse au Centre d’Études de genre à l’université Paris 8, Hélène Marquié était de passage à Rennes, au Collectif Danse Rennes Métropole précisément, le 25 septembre dernier. À l’occasion d’une conférence organisée par Questions d’égalité – en partenariat avec HF Bretagne – la professionnelle a proposé un regard féministe sur le milieu de la danse.

Noël 2008. Un homme noir, a priori viril, déballe son cadeau et découvre une paire de chaussons de danse roses. Évidemment il aurait préféré un ordinateur. « Faites-lui plaisir… », précise la campagne publicitaire de la marque Surcouf. Marque bien connue pour ses accroches commerciales sexistes.

C’est sur cette image qu’Hélène Marquié commence son argumentaire. Une preuve selon elle que la culture européenne et nord-américaine forge et véhicule les clichés autour de la danse. « Dans certaines cultures, les danses traditionnelles sont interprétées par les hommes. Les danses masquées ne peuvent être entreprises que par les hommes puisque les femmes ont interdiction de porter des masques. Sans oublier les danses religieuses. Les stéréotypes sont culturels. », démontre la danseuse et chorégraphe.

Et pour comprendre comment se sont façonnées les idées reçues, il est essentiel de remonter au XVIe siècle, à l’époque des ballets de cour. Une affaire d’hommes et d’aristos : « La danse est le seul art que les aristos ont été contraints de pratiquer. Henri IV n’aimait pas trop, Louis XIII non plus. Louis XIV, par contre, aimait beaucoup et impose le professionnalisme dans la danse dès 1661 avec l’Académie Royale ».

Et si les femmes sont moins présentes, les rôles féminins sont représentés par les hommes travestis sur la scène. Jusqu’à ce que le roi impose, en 1713, la parité à l’Opéra avec une troupe de 10 danseurs et 10 danseuses. Bémol : la rémunération est plus importante pour les hommes. « Déjà ?! », s’esclaffe les spectateurs-trices, venu-e-s en nombre pour l’occasion.

Aux alentours de 1830, la danse scénique devient incompatible avec la masculinité et la critique célèbre désormais les femmes, qui avaient pourtant toujours été reléguées au second plan : « Deux raisons : la création du ballet romantique et le renversement des valeurs anciennes. » Il s’agit de l’avènement de la société bourgeoise et des nouvelles normes de masculinité.

« La figure de l’aristo est alors stigmatisée à travers le danseur puisque la masculinité bourgeoise cherche à se distinguer de celle de l’aristocrate. À l’époque, l’efféminement des danseurs ne renvoyait pas du tout à sa sexualité. Ainsi les sphères féminines et masculines se séparent. »
Hélène Marquié, chorégraphe.

Les rôles pour les hommes se font plus rares, l’argent aussi. Les danseurs quittent les scènes françaises pour les scènes italiennes, anglaises ou russes. L’Opéra se privatise, le capitalisme s’instaure et les conditions de travail se durcissent.

« DES CLICHÉS MALGRÉ MICKAEL JACKSON ET LE FÉMINISME »

« Aujourd’hui, les idées reçues et les stéréotypes de cette époque demeurent vivaces. On se dit que les petits garçons qui font de la danse pourraient mal tourner ! Malgré Mickael Jackson et le féminisme… », rigole Hélène Marquié. Avec beaucoup de dérision, la professionnelle de la danse se lance dans un plaidoyer contre les inégalités qui subsistent encore dans cette discipline, qui semble l’éternelle oubliée des arts, passant sans cesse après la musique et le théâtre.

Si la danse est perçue comme un espace préservé des inégalités entre les sexes, « les gens pensent qu’il n’y a aucun problème », l’idéologie se manifeste « dans ce qui n’est pas perçu ». Quand Jean-Claude Gallotta, un homme de danse, est nommé directeur d’une maison de la culture – MC2 de Grenoble, alors baptisée Le cargo – il déclare non sans humour : « C’est comme le 1er droit de vote des femmes ». En effet, il est le premier chorégraphe nommé à la tête de ce type d’institution.

La liste que dresse la conférencière oscille entre points positifs et bémols significatifs. Par exemple, à compétences égales, pas de discriminations salariales, « mais ce n’est pas difficile ! Il faut prendre en compte les faibles revenus des danseurs et des danseuses, qui n’atteignent parfois pas le minimum vital ». Concernant les chorégraphes, 2 sur 3 seraient des femmes : « Il y a une corrélation entre faibles rémunérations et faibles statuts. Être chorégraphe, c’est moins valorisant que metteur-e en scène ».

Les choses se gâtent lorsque l’on aborde le point des carrières. Le sociologue et danseur Pierre-Emmanuel Sorignet démontre à travers une étude basée sur l’observation des auditions d’entrée au Centre National de Danse Contemporaine d’Angers qu’il est plus aisé de devenir danseur que danseuse, les compétences valorisées changeant selon le sexe du/de la candidat-e. Les garçons seraient davantage évalués sur leur originalité et leur potentiel artistique, aussi embryonnaire soit-il Et les filles davantage sur les compétences techniques et leurs capacités à mémoriser les enchainements.

« On leur demande également d’être le plus uniforme possible, pour ensuite leur reprocher de manquer d’originalité… », ajoute Hélène Marquié, qui mentionne aussi la différence des parcours valorisés. Atypiques chez les hommes qui auparavant ont travaillé dans la mode, dans l’ingénierie, etc. Très strictes chez les femmes qui doivent commencer la danse très jeune et avoir une morphologie « parfaite », hormis en danse contemporaine où les « rondeurs, sans excès » sont tolérées. On souhaiterait en rester là mais ce serait trop simple.

La chercheuse au Centre d’Études de genre de l’université Paris 8 s’est penchée sur la programmation du Théâtre de la Ville, à Paris, depuis le début des années 2000. Sur 447 chorégraphes programmés, elle compte 286 hommes, soit 64%, et 161 femmes, soit 36%.

« Et il n’y a pas eu une année où les femmes ont été aussi nombreuses que les hommes, détaille-t-elle. L’évolution est négative. En 2013/2014, la situation était caricaturale : 8 spectacles chorégraphiés par des femmes, contre 21 chorégraphiés par des hommes. Et parmi les 8, il faut compter les grandes figures étrangères et incontournables comme Trisha Brown et Pina Bausch… Mais bon je ne voudrais pas noircir l’image du Théâtre de la Ville… », insinue-t-elle, sourire en coin.

PORTER LES LUNETTES DE L’ÉGALITÉ DES SEXES

Sans ternir volontairement l’image des grandes structures culturelles, il en va de la sensibilisation du grand public, peu habitué à porter les lunettes de l’égalité des sexes. « Je le vois bien là où je travaille. À la fin de l’année, on fait le traditionnel gala. Le petit garçon fait sa variation sur le devant de la scène et une corbeille de filles l’entoure en tapant dans les mains… », décrie-t-elle.

Pour la chorégraphe, également membre du mouvement HF Ile-de-France, il faut analyser les différentes propositions artistiques : repérer comment sont établies les différences, quelle est la place des différences, observer ce que font les corps, la manière dont ils entrent en contact, qui porte qui… « Souvent les femmes sont assignées à la féminité. Leur garde robe est restreinte à la chemise de nuit et robes de soirée, aux pieds nus ou aux talons aiguilles. Tandis que les hommes bénéficient d’une grande sélection de costumes. Sans compter que souvent on fait danser les hommes de grande taille avec les femmes de petite taille. On continue à perpétuer des normes sexuées ! », analyse Hélène Marquié.

Pour elle, le but n’est pas d’uniformiser les genres mais de les singulariser. Pas question de déconstruire, « car terme inutilisable pour parler des corps qui ne sont jamais vierges et ne peuvent par conséquent revenir à 0 », mais plutôt de se métamorphoser, se réinventer, dénouer des choses. Et certaines danses, comme les danses urbaines, peuvent changer nos perceptions. Malheureusement, le regard genré n’est actuellement pas abordé dans les formations et enseignements alors qu’il paraît essentiel de conscientiser tous ces points.

Malgré tout, Hélène Marquié tient à conclure sur une note positive : « Il suffirait de pas grand chose pour avancer. Mais ça commence à se répandre, la prise de conscience débute. »

Célian Ramis

Charlotte Brédy, metteure en scène passionnée de Feydeau

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Rennes
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Rencontre avec une inconditionnelle du dramaturge qui a rythmé toute sa vie professionnelle et qui lui inspire la mise en scène de deux pièces de Feydeau, à découvrir à Rennes.
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La compagnie de théâtre Felicita, créée par la comédienne et metteure en scène Charlotte Brédy, s'est implantée à Rennes depuis trois ans. Pour la première fois dans la capitale bretonne, elle présente deux pièces de Feydeau, Le Dindon et Les Fiancés de Loche, à partir du samedi 27 septembre. Rencontre avec une inconditionnelle du dramaturge qui a rythmé toute sa vie professionnelle.

Tous les chemins mènent à Georges Feydeau. Le parcours de celle qui a vécu entre la Bretagne et la région parisienne se résume à cette phrase. Car l'auteur français la suit depuis l'adolescence. « C'est une grande histoire d'amour », concède la jeune femme.

Le rythme et les intrigues loufoques de ses comédies bourgeoises lui ont tout de suite plu. Un véritable défi pour la mise en scène et le jeu théâtral.

« La comédie est beaucoup plus difficile à jouer que le drame, parce que le rire va être déclenché sur un mot ou un rictus. Il faut être parfait à la seconde près », raconte-t-elle d'expérience. Pour autant, elle ne se laisse pas démonter. La comédie, un « théâtre sans prise de tête » selon elle, est son domaine de prédilection. L'artiste de 28 ans a fait de l'improvisation « sur le tas » et des formations sur la Commedia Dell'Arte, genre hérité de la scène italienne qui privilégie la gestuelle et l'échange avec le public.

PASSION FAMILIALE

Le théâtre, c'est une histoire de famille. Ses grand-parents paternels étaient tout deux comédien-ne-s et chanteur-se-s d'opérette. « Je me déguisais en clown à la maison », se souvient-t-elle, amusée. À 10 ans, elle a le déclic. Le professeur de musique de son collège, à Saint-Brieuc, lui attribue un petit rôle dans la pièce qu'il met en scène. Sa réplique est brève, seulement quelques mots. Mais « quelque chose s'est passé », reconnaît-elle. « J'ai pris du plaisir pendant cinq secondes et j'ai su que je voulais faire du théâtre mon métier. » Et sa détermination a payé.

À la sortie du lycée, la jeune femme intègre les prestigieux cours Florent à Paris, où la concurrence est rude. Pourtant, ses études avortent au début de la troisième année. La raison ? La pièce de Georges Feydeau, Le Dindon. Charlotte avait choisi de présenter une scène pour l'examen d'entrée au Conservatoire. Problème : aucun de ses camarades masculins n'a voulu ne voulait jouer le personnage principal, le jugeant trop compliqué.

« À ce moment, j'ai remarqué qu'il y avait un fossé entre moi et les autres élèves. C'est ce dramaturge qui m'a fait quitter les cours Florent ! », sourit la passionnée de théâtre au caractère bien trempé, qui poursuit : « C'est l'élément déclencheur tout bête mais je ne le regrette pas du tout. »

Une fois partie, elle se lance dans l'écriture de one-woman-shows dans lesquels elle retrace avec légèreté ses déboires sentimentaux de l'époque. Charlotte s'en sert comme thérapie par le rire jusqu'en 2011. En parallèle, elle joue dans plusieurs compagnies théâtrales. En 2009, elle monte à Paris sa propre troupe, la compagnie Felicita - bonheur en italien. Son envie initiale est de jouer avec des professionnel-le-s mais Charlotte fait immédiatement marche arrière, faute de pouvoir les rémunérer. Désormais, elle ne travaille qu'avec des personnes amateures « de façon professionnelle », précise-t-elle. « C'est une ambiance différente et une autre manière de travailler. Les amateurs viennent sans compter », compare la metteuse en scène.

LE THÉÂTRE, SOURCE DE LIBERTÉ

Il y a trois ans, Charlotte Brédy revient en Bretagne pour intégrer une troupe rennaise en tant que metteure en scène. « C'est très difficile d'en faire son métier à Paris, justifie-t-elle. Les salles de répétition coûtent une fortune et jouer revient cher. Moi je fais ce métier pour être libre, laisser mon imagination et ma créativité s'exprimer, pas pour être prise dans un système financier. »

Cependant, leur collaboration s'arrête rapidement. Motif : une autre pièce de Georges Feydeau. « Il n'y avait pas de comédiens suffisants pour monter Les Fiancés de Loche. Cela n'a pas abouti car nous n'étions pas sur la même longueur d'ondes. » Elle reprend ensuite la compagnie Felicita, qui déménage à Rennes.

FEYDEAU À DOMICILE

Depuis toutes ces années, son envie de mettre en scène ces deux pièces est toujours présente. Un projet de longue date qui se concrétise à partir du samedi 27 septembre sur les planches rennaises – salle Maurepas et salle Rabelais. Charlotte Brédy présente avec sa compagnie, Le Dindon et Les Fiancés de Loche.

« Tout se rejoint ! Ce ne sont que des boucles ! », s'enthousiasme-t-elle. Sept dates sont prévues pour chaque spectacle. Ce sont les premiers de Feydeau que la metteure en scène produit en Bretagne. En 2010, elle avait déjà dirigé à Paris, une œuvre du dramaturge, Léonie est en avance ou le mal joli, dans une mise en scène très contemporaine.

Les pièces seront également jouées dans un tout nouveau format proposé par la compagnie, le « théâtre à domicile ». La troupe est invitée à jouer une pièce chez un particulier qui convie lui-même ses invités. Cela donne « une ambiance plus chaleureuse car tout le public va se connaître », espère-t-elle. Pour tâter le terrain, un premier essai se fera chez Charlotte Brédy, à la Chapelle-aux-Filtzméens, au nord de Rennes, avant de se développer. Une initiative théâtrale à l’image de la jeune femme. Joyeuse et conviviale.

Célian Ramis

On adore être fans de Jeanne Herry

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Cinéma Gaumont, Rennes
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Passer à côté de Jeanne Herry et de son premier long métrage serait une erreur. Le pari de ce film est risqué, « casse-gueule » nous dira même la réalisatrice, mais joliment et brillamment relevé.
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Le premier long métrage de Jeanne Herry sort aujourd’hui, mercredi 24 septembre, au cinéma. Pour présenter Elle l’adore, la réalisatrice est venue à Rennes, vendredi 19 septembre, accompagnée de l’actrice Olivia Côte.

Passer à côté de Jeanne Herry et de son premier long métrage serait une erreur. Le pari de ce film est risqué, « casse-gueule » nous dira même la réalisatrice, mais joliment et brillamment relevé. C’est un coup de cœur qui nous frappe lors de la projection. C’est un coup de foudre lors de la rencontre avec les deux professionnelles. Fille de Miou-Miou et de Julien Clerc, Jeanne Herry est une véritable passionnée.

Passionnée de cinéma, de musique, de ce qui l’entoure et l’interpelle. Elle prouve dans Elle l’adore qu’elle possède le soucis du détail, le sens du possible et non du probable, l’envie d’exprimer une vision des choses, l’habileté pour manier les genres en jouant entre la comédie et le polar. La réalisatrice a travaillé plus de 10 ans sur son scénario dont la vingtième version est portée aujourd’hui à l’écran.

« J’ai fait d’autres choses entre temps quand même, je ne suis pas mono maniaque, plaisante-t-elle. Mais c’est un travail de longue haleine avec une histoire très charpentée, très exigeante. » Elle établit alors la liste de ses péripéties de manière non anachronique :

« J’ai mis autant de temps parce que je suis une peu lente. Il fallait se lancer, trouver une façon d’écrire, le faire lire, relire, trouver une productrice, faire un premier court-métrage (Marcher avec Miou-Miou et Olivia Côte), trouver une idée, faire des enfants, trouver des financements, trouver le bon casting… »

LA FACE A ET LA FACE B

Le bon casting en effet. Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Olivia Côte et Pascal Demolon incarnent sans fausses notes et avec une extrême justesse, respectivement, une fan, un chanteur et un couple de flics. « J’avais cette volonté là depuis le départ. Je connais bien le milieu des célébrités et des fans, j’avais envie de partir de là. Et j’avais la volonté de montrer un film très sérieux mais ludique dans chaque recoin du scénario. De toute manière, je ne sais pas écrire une histoire d’une autre manière que ça… », précise la réalisatrice.

Murielle (Sandrine Kiberlain) est esthéticienne, bavarde, mythomane et fan de Vincent Lacroix (Laurent Lafitte), un chanteur populaire. La vie de Murielle prend une autre tournure lorsqu’une nuit, son idole débarque chez elle pour lui demander de cacher le corps de sa femme, morte accidentellement assommée par une victoire de la musique. Une enquête policière est alors ouverte et est confiée à un duo de flics en pleine rupture.

Loin d’un polar traditionnel, Jeanne Herry se saisit du genre pour raconter l’histoire « d’un mec bien qui découvre ses côtés sombres ». Et à travers ce scénario, la réalisatrice révèle à la fois la banalité et la beauté de la vie. La normalité d’un homme connu, la personnalité insolite d’une femme normale, l’explosion d’une relation amoureuse…

« La face A et la face B de tout le monde… Moi, je suis raide dingue de mes personnages même quand ils se comportent mal. J’adore écrire sur un personnage mytho, c’est du bonbon pour moi ! »
Jeanne Herry, réalisatrice.

Elle dépeint alors une femme qui vit dans l’extrême de sa passion qui prend trop de place dans sa maison : « Je trouve que ça interroge mais que c’est touchant. On montre souvent des fans qui deviennent intrusifs et qui sont pathétiques de solitude. Je n’en ai jamais croisés des gens comme ça ! Murielle a une fêlure, une petite dinguerie, mais n’est pas pathétique. »

« JE N'AI PAS ABORDÉ CE RÔLE SOUS L'ANGLE DE LA GROSSE SALOPE ! »

Et sa façon de décrire ses personnages, de leur donner vie, enthousiasme Olivia Côte, son amie depuis 15 ans, sa première lectrice et sans aucun doute une de ses plus grandes fans.

« Jeanne accorde beaucoup de crédit aux autres, elle est dans l’observation de ce qui l’entoure et dans l’humanité. J’ai lu 153 fois le scénario, j’étais épatée dès la première lecture. C’est facile d’être l’amie d’une meuf qui écrit un super truc depuis le début ! »
Olivia Côte, actrice.

À l’écran, Olivia incarne le personnage de Coline, flic un brin nympho : « Jeanne a créé
ce personnage à la suite d’observations de certaines femmes de son entourage je pense. Coline, c’est une femme qui a besoin d’être rassurée, qui aime séduire et qui ne peut pas résister à la tentation. C’est comme ça que je l’ai pris. Je n’ai jamais abordé ce rôle sous l’angle de la folie ou de la grosse salope. 
» Avec son partenaire, Pascal Demolon, ils affichent une parfaite fusion. Complicité, difficultés, craquage… Les spectateurs vivent les épreuves personnelles des deux personnages simultanément.

Lors de sa venue, l’actrice raconte que leur duo était une évidence : « Je l’avais rencontré une seule fois avant le tournage. Mais c’était facile. Il ressemble à mon père ! Et il a fait de la danse classique, comme mon père. Ça a été un coup de foudre. Pas amoureux mais un coup de foudre. Une évidence. »

De là nait un seul personnage, le couple. « Au début, je pensais à une histoire d’amour naissante. Puis j’ai trouvé ça plus intéressant que l’on commence par la rupture. Dans les films, on saccage tout le temps la vie des flics. Ils n’ont jamais le temps d’avoir une vie perso. Ici, l’enquête est menée par un couple en craquage. Quand on sait qu’une enquête de disparition est déjà très compliqué à gérer en France… », ajoute Jeanne Herry. Elle l’a dit et le redit, ce qui l’intéresse, c’est explorer le possible. Inspirée par le film de Dominik Moll, Harry un ami qui vous veut du bien, elle souhaite porter à l’écran un film avec une vérité, « ce qui ne signifie pas que ce soit crédible. »

Pas question d’imiter Maïwenn ou Tavernier avec un autre Polisse ou L.627, deux films qu’elle aime beaucoup. Pour Elle l’adore, elle préfère se placer dans la veine de Garde à vue (Claude Miller) ou encore de Crimes et délits (Woody Allen).

Elle signe ici un premier long métrage soigné et soigneux. À son image, sérieux et drôle. Elle pourrait en parler pendant des heures, et on pourrait l’écouter pendant tout ce temps. Celle qui a passé 10 ans à travailler son œuvre, après avoir été actrice puis figurante, prouve ici son talent dans un film minutieusement pensé et bien rythmé, entre histoires étoffées à la Kiberlain, situations comiques et tensions dramatiques.

Ces dernières étant amenées par les silences détonnants. « Au départ, le film devait s’appeler, Elle l’aime, elle l’adore, en référence à la chanson « La groupie du pianiste ». Mais nous n’avons pas eu les droits. J’aime la chanson en générale, c’est ma culture, mais là je n’en avais pas envie », explique-t-elle. Elle ajoute en conclusion :

« Le silence annonce le début du drame. J’ai travaillé sur la sensation de silence, avec des bruits très simples. J’ai même enlevé certains bruits du quotidien au montage. La nuit, on est protégés, on peut faire des choses folles dans la vie. Le jour, les ennuis commencent… »

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