Célian Ramis

Vers une nouvelle pédagogie à l'école ?

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Maison de quartier de Villejean, Rennes
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Ancienne institutrice et directrice d'école maternelle, Françoise Ancquetil parle de ses luttes menées contre les réformes scolaires, qu'elle juge inégalitaires, formatées et élitistes.
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Le 27 février dernier, le collectif Université Populaire Gesticulante a invité la conférencière Françoise Ancquetil, à la Maison de Quartier de Villejean, sur le thème « L'école est finie ? ». Ancienne institutrice et directrice d'école maternelle, elle est intervenue pour parler de ses luttes menées depuis 2001 contre les réformes scolaires, qu'elle juge inégalitaires, formatées et élitistes.

L'école, Françoise Ancquetil la connaît bien. « Il y a la grande Histoire, moi j'ai ma petite histoire avec l'école, confie-t-elle, au début de sa conférence « L'école est finie ? ». Je suis arrivée à 14 mois dans la cour d'école. » Orpheline, elle a été adoptée par un couple, tous les deux directeurs d'école ; sa mère dirigeait l'école des filles d'un village proche de Rennes et son père, l'école des garçons, au même endroit.

Après ses études dans le secondaire, Françoise se destine à son tour à l'enseignement. Elle passe le concours de l’Éducation nationale et devient enseignante dans une école maternelle, puis directrice de cette même école, située à l'ouest de Rennes. Trente-sept ans plus tard, Françoise Ancquetil a pris sa retraite en septembre 2013. Désormais, elle partage son expérience. Dans les mois qui ont suivi, Françoise s'est formée en tant que conférencière gesticulante à la Scop brétillienne Le Pavé, dissoute le 15 décembre dernier. Une nouvelle Scop, Le Contre Pied, l'a remplacée.

« UN POINT DE VUE : LE MIEN »

De cette formation, « L'école est finie ? » est née. Un titre, quelque peu provocateur, qui interpelle. Pour preuve, ce vendredi 27 février, à la Maison de quartier de Villejean, la salle est presque pleine. Une soixantaine de personnes est venue assister à cette conférence organisée par le collectif Université Populaire Gesticulante.

« Je n'y donne qu'un point de vue : le mien »
prévient dès le départ Françoise Ancquetil.

Pendant une heure et demi, l'ancienne institutrice a expliqué comment elle, son équipe pédagogique et les parents d'élèves sont entrés en résistance contre le système de l’Éducation nationale.

C'est en 2001 que tout a commencé. Confrontée à un problème, Françoise invite le public de la salle à le résoudre, sur un petit papier. Elle n'a pas oublié ses anciens réflexes, le public est redevenu sa classe. Sur un tableau d'école, elle écrit l'énoncé : sur cinq classes, deux maîtres sont en congés. Sachant que chaque classe contient 28 élèves, combien d'élèves seront répartis dans les deux classes restantes ? La réponse : 47, 47 et 46 élèves.

DÉSOBÉISSANCE COLLECTIVE

« Cela a été ma première réflexion collective de désobéissance car avec ces effectifs, on ne pouvait faire que de la garderie, se souvient Françoise. Les enfants étaient obligés de venir en classe mais aucun remplacement ne pouvait être fait... L'équipe pédagogique et moi avons informés les parents de la situation. Ces derniers ont fait signer une pétition, ils ont envoyé un courrier adressé à la mairie, à l'Inspecteur d'académie et aux députés. » Au final, une seule classe a été remplacée. Mais la situation était supportable, selon l'ancienne institutrice.

Autre exemple : en 2007 et 2008, lorsque Xavier Darcos était ministre de l’Éducation, Françoise Ancquetil et son équipe ont lutté contre des réformes scolaires jugées inégalitaires. Une action nationale avait été lancée pour « échanger sur l'école » lors d'une matinée « conviviale ». « Nous devions débattre ensemble du système français mais nous avons également parlé des dangers et des vices cachés de la réforme Darcos », développe-t-elle.

La mise en place des 4 jours par semaine et surtout de l'aide personnalisée obligatoire pour les enfants dits en difficulté inquiète l'équipe pédagogique de son école.

Ils décident de ne pas mettre le dispositif en place, qu'ils considèrent discriminant, contrairement à toutes les autres écoles d'Ille-et-Vilaine.

« Tous les enfants sont en difficulté, certains ont du mal à maîtriser la langue orale, d'autres l'écrit. Il faut tous les prendre »
a répliqué Françoise Ancquetil à l'Inspecteur d'académie.

FORMATAGE AU MONDE DU TRAVAIL

« Je me suis rendue compte qu'il y avait une crise de l'école », atteste Françoise. Cette crise, elle l'explique en partie par les réformes scolaires, impulsées par l'Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), depuis les années 90. Et les directives tendent, selon elle, vers une école compétitive et élitiste, loin de la visée émancipatrice et du slogan républicain écrit sur les façades des écoles :

« En 2002, l'OCDE a intégré ce que j'appelle des "gros mots" à l'école : compétences, évaluations, performances et résultats. »

Les réformes scolaires ont suivi ces indications. En maternelle, des fiches de compétences et des fichiers Base élèves, ce que Françoise Ancquetil appelle du « fichage », sont instaurés. Une personne dans le public, interloquée, chuchote : « Cela me fait penser au monde du travail. » L'usage de ce vocabulaire, utilisé dans des logiques d'entreprise, est problématique. L'ancienne directrice s'est opposé à tous ces changements à cause des problèmes éthiques qu'ils soulevaient.

CLASSES MULTI ÂGES

Et la jeune retraitée de l’Éducation nationale les a tous contournés. Au lieu de « livrets de compétences », elle a créé des « livrets de progrès », plus ludiques et accessibles, avec les mêmes données imposées par l'académie.

« Même dans une école traditionnelle, on peut créer, inventer des choses et s'opposer »
martèle-t-elle.

Son avancée la plus significative : les classes multi âges. Depuis 2007, Françoise Ancquetil et son équipe pédagogique ont travaillé pour regrouper les élèves, de petite, moyenne et grande sections, ensemble.

Malgré la réticence des parents au début, les résultats ont été très concluants au bout d'un an. L'apprentissage des élèves se fait plus rapidement. De leur côté, les instituteurs coopèrent entre eux dans un « climat de confiance ». « Avant, on faisait des projets chacun dans nos classes mais là, on se donnait même nos fiches ! », se rappelle Françoise.

 L'école est-elle alors vraiment finie ?

« Elle est quand même bien touchée et bien attaquée, répond l'ancienne directrice d'école maternelle. Une petite lueur d'espoir subsiste tout de même. »

Les attentats à Paris, en janvier dernier, ont renforcé le discours des politiques sur l'école. « J'ai senti qu'on la tenait responsable de ce qui s'était passé. Mais elle n'enferme pas tous les maux de la société », conclut Françoise Ancquetil.

MODÈLE PÉDAGOGIQUE ALTERNATIF

Les questions de religions et de différences culturelles ne sont pas abordées en classe. « Après les attentats, les instituteurs se sont mis à en parler aux élèves. Mais on devrait pourtant parler de ces sujets tous les jours ! Et également valoriser les différences, les cultures des autres. L'école ne joue plus son rôle d'intégration », regrette Françoise.

Désormais, ses collègues et d'autres prennent la relève. Mises en place depuis sept ans, les classes multi âges ont inspiré une autre école maternelle, située également dans l'ouest de Rennes. L'exemple de Françoise montre qu'une autre pédagogie est possible dans les établissements républicains : centrée sur l'élève, basée sur la coopération, la curiosité d'apprentissage et la tolérance de l'Autre.   

 

Célian Ramis

Justine Lévy : "Écrire des livres pour s'en débarasser"

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Espace Ouest France, Rennes
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L’écrivaine Justine Lévy est venue présenter son dernier roman autobiographique, La Gaieté, jeudi 26 février à l’espace Ouest-France de Rennes.
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L’écrivaine Justine Lévy est venue présenter son dernier roman autobiographique, La Gaieté, jeudi 26 février à lespace Ouest-France de Rennes.

« Je nose pas vous regarder. » Salle comble pour Justine Lévy. À l’occasion de la parution de La Gaieté, son quatrième roman, l’écrivaine a rencontré ses lecteurs rennais. Visiblement intimidée, elle n’a que rarement regardé le public, les yeux rivés vers le sol.

Lors de cette rencontre, l’écrivaine évoque la maternité, qui l’a poussée à écrire son dernier roman. « Louise n’était pas du tout faite pour être mère », explique-t-elle, d’une voix douce et posée. Son double littéraire lui a permis de mieux parler d’elle, de manière à peine voilée, avant d’assumer entièrement ses propos.

« Ce nest pas du tout naturel d’être mère. On est programmé pour faire des enfants. Mais les élever, les éduquer Je navais pas réalisé que ce serait aussi difficile »
confie Justine Lévy.

Dans son roman, elle évoque la peur constante qu’elle ressent. Une peur qui ne semble jamais la quitter. Au milieu de l’interview, elle cesse soudainement de parler pour consulter son téléphone portable. Elle s’excuse : « Je vérifie que ce ne sont pas les enfants. Imaginez sil arrive un truc Je suis loin ».

Si elle affirme qu’il n’y a pas d’urgence à écrire, Justine Lévy revendique également le pouvoir salvateur des mots :

« Une des raisons pour lesquelles on écrit des livres, cest pour sen débarrasser, cest pour les poublier. »

Publier et oublier, deux mots en référence à Rien de grave, roman dans lequel elle raconte comment Raphaël Enthoven, son premier mari, l’a délaissée pour Carla Bruni.

Tout au long du rendez-vous, Justine Lévy semble fragile et peu sûre d’elle : « Écrire, cest la seule chose que je fasse à peu près correctement », confie-t-elle, toujours le regard baissé. Assez réservée, elle a répondu aux questions spontanément mais en s’interrompant souvent : « Je ne sais pas comment dire. Je suis meilleure à l’écrit… »

Sa fragilité, elle la revendique presque. Lorsqu’un jeune lecteur l’interroge sur la dernière phrase du roman - « C’est solide un garçon » - et sur sa tendance à idéaliser les hommes, Justine Lévy a répondu :

« Jai besoin que quelquun décide à ma place et il se trouve que cest un homme. »

Mais la fille de Bernard-Henri Lévy a aussi fait preuve d’ironie, flirtant parfois avec la provocation. Interrogée sur la fusillade à Charlie Hebdo et la prise d’otage à l’Hyper Cacher, elle répond malicieusement : « Ah mais oui, je suis juive, cest vrai. »

Quand dans la salle, une lectrice, émue, s’exclame : « J’étais à La Providence avec votre mère. Jai limpression de la voir », Justine Lévy se montre plus silencieuse. Pas sûr qu’elle ait apprécié, elle qui tente continuellement de se libérer des névroses héritées de sa mère, « pas très adaptée à la société ».

DR

À l’Ubu, les femmes s’en mêlent et elles ont bien raison #1

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Ubu, Rennes
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Le 15 mars, les femmes investissent la scène de l'Ubu pour défendre la scène féminine indépendante, dans le cadre du festival Les femmes s'en mêlent.
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Le 15 mars, l’Ubu accueillera le festival Les femmes s’en mêlent pour un concert singulier, placé sous le signe des années 80, avec Shopping et Véronique Vincent & Aksak Maboul. À partir de 18h.

Les femmes s’en mêlent, c’est l’histoire d’un concert parisien organisé le 8 mars 1997 à l’occasion de la journée internationale des Femmes, et qui a bien grandi depuis, déployant ses ailes d’abord sur plusieurs soirées à Paris et à Grenoble pour finir par entamer des tournées dans l’Hexagone. À travers cet événement, c’est la scène féminine indépendante que l’on célèbre. Pour montrer qu’elle est de plus en plus riche, de plus en plus développée, que comme le dit son nom, les femmes s’en mêlent. Aussi dans le milieu de la musique. Avec de la qualité, de l’éclectisme, de la passion et de l’exigence.

SUR LA SCÈNE RENNAISE

Cette année, pour la 18e édition, les femmes se mêlent aussi à la scène rennaise et ça, ça nous réjouit. Également parce que la programmation est alléchante. Shopping, jeune formation british fondée en 2012, nous régale de leurs influences post-punk des 80’s. Leur album, sorti en 2013, Consumer Complaints, marque leur appropriation personnelle du genre musical pour le teinter de modernité et de fraicheur.

Véronique Vincent & Aksak Maboul surfent aussi sur la vague des musiques actuelles influencées par les sonorités rétro. Excepté que leur album, Ex-futur album, sorti en 2014, a été composé au début des années 80, né de la rencontre entre la chanteuse des Honeymoon Killers, Véronique Vincent, et le membre d’Aksak Maboul et directeur de Crammed Discs, Mark Hollander. Aujourd’hui embarqués dans une tournée exceptionnelle, en compagnie de certains musiciens d’Aksak Maboul, le duo vient donner l’écho mérité de cet opus, complètement déjanté, rock et entrainant, grâce au mélange électro-pop, jazz et textes absurdo-loufoques.

La première personne à nous envoyer un mail à l’adresse suivante, redaction@yeggmag.fr, remportera 2 places pour le concert du 15 mars à l’Ubu. Merci de mentionner nom, prénom, adresse, mail et téléphone.

À noter que le dimanche suivant, le 22 mars, les Femmes s’en mêlent débarqueront à l’Antipode avec Rachel Dadd et This is the kit. 

Célian Ramis

Fighting Spirit, l'esprit guerrier des danses urbaines à l'Opéra

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Opéra de Rennes
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Affranchies de tous codes, elles nous libèrent d’un poids le temps d’un spectacle surnaturel qui nous laisse un goût de plaisir intense dû à leur capacité à partager.
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Brutalité, joie, violence et partage… Les représentantes du krump et de l’Afro-house nous ont fait frissonner samedi 14 février à l’Opéra de Rennes, dans le cadre du festival Urbaines. Deux démonstrations originales de l’esprit guerrier et combattant des danses hip hop avec Krump’n’break Release et Fighting Spirit.

Un choc. Une décharge électrique. Une explosion d’émotions. Ce jour-là, samedi 14 février, la rencontre des cultures urbaines et de la scène de l’Opéra est brute et puissante, et convainc avec aisance l’audience venue assister à cette fusion anticonformiste. Excepté peut-être notre voisin de gauche qui ne cessera de se plaindre « de se coltiner un spectacle de danse plutôt que d’assister à un match de foot à Paris. »

En guise d’introduction, une leçon de krump. Par Emilie Ouedraogo Spencer, alias Girl Mad Skillz, de la compagnie Shifts, actuellement en résidence au Triangle (dont les créations sont à découvrir les 25 et 26 février au Triangle). La jeune femme, dans une mise en scène simple et épurée – seule sur scène, avec ses compagnons de route sur écran – livre sa vision du krump, danse née à los Angeles, dans les années 90, à la suite d’émeutes. « C’est une violence de joie, d’amour, sans que ce soit négatif (….) Une rage de se lever, d’avancer, c’est un choc, une explosion, un ressenti », précise-t-elle avant de demander à tout le public de se lever, de tendre les bras au ciel, de bouger le bassin, de l’encourager dans sa démonstration et on en passe (leçon approfondie de krump à lire dans le prochain numéro de YEGG – le 5 mars prochain).

UN MÉLANGE FRACASSANT

Après 15 minutes de performance, la krumpeuse laisse place aux neuf danseuses de Paradox-Sal, réunies autour de l’Afro-house par le chorégraphe Ousmane « Baba » Sy. Une à une, elles rejoignent la scène et exécutent, dos au public, des pas de base harmonieusement synchronisés à mesure que la musique résonne dans l’Opéra. De l’ensemble émane l’esprit de Fighting Spirit, une création singulière qui va mêler l’œuvre collective à l’individualité de chaque performeuse mais également à l’individualité de chaque danse urbaine.

Elles ont des personnalités et des univers différents. Elles viennent du popping, du locking ou encore du waacking, et se sont rassemblées dans ce projet pour faire tomber toutes les barrières. Aussi bien artistiques que sociétales. Elles transcendent les questions de genre, que ce soit en terme de danse ou que ce soit en terme de sexe, pour s’affranchir de tous les codes et ne laisser subsister que la pureté et la beauté d’une chorégraphie qu’elles incarnent de tout leur être en cet instant enchanté. Elles vont jusqu’à inventer leur propre langage d’expression et dessinent ensemble des tableaux animés qu’elles gravent brutalement dans nos esprits.

Alignées, les pieds battant les planches de plein fouet, elles envoient une énergie détonante à travers la salle, que l’on se prend en pleine face avant de l’ingérer au plus profond de nos entrailles. Elles livrent un combat sans relâche, elles ont le regard rageur, le corps tendu, leurs mouvements sont précis et nets, les silences sont rapidement effacés par les respirations haletantes des danseuses, tandis que les spectateurs sont suspendus à chaque émotion.

LIBÉRATION CORPORELLE ET SPIRITUELLE

Tout dans Fighting Spirit opère comme un boomerang. Les corps, utilisés comme unique et simple moyen d’expression, libèrent toute forme de pression. La combattivité des performeuses circule dans la salle comme un tourbillon infernal, voué à confronter la violence à la douceur du discours. Des rythmes afros et r’n’b ainsi que des techniques de danse parfaitement maitrisées, avec légèreté, fluidité et condensé de rage et puissance, se dégagent une alternance équilibrée entre grâce, sensualité et force guerrière.

La musique vient renforcer leurs arguments de par la sensation de souffles saccadés et de battements de cœur qui s’en détache. Les représentantes de l’esprit Paradox-Sal offrent un spectacle époustouflant en toute modestie et avec générosité. Parfois divas, parfois félines, parfois dans l’ombre et parfois dans la lumière, elles se soutiennent grâce à leur cohésion indestructible. Elles font front et forment un bloc uni qui donne envie de partager passionnément la scène, simplement pour s’approcher de cet instant de trans palpable et pour se saisir de cet esprit combattif et combattant qu’elles parsèment derrière cette approche quasi animale des danses urbaines.

Affranchies de tous codes, elles nous libèrent d’un poids le temps d’un spectacle surnaturel qui nous laisse un goût de plaisir intense dû à leur capacité à partager sans peine leurs émotions.

Célian Ramis

The Voices, la comédie macabre signée Marjane Satrapi

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Cinéma Gaumont, Rennes
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Dans le monde coloré et ordonné de Jerry, ses animaux de compagnie lui parlent et lui susurrent de tuer quelques femmes, dont les têtes seront bien rangées dans son frigo. Macabre et délicieux, c'est le nouveau film de Marjane Satrapi.
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Pour clôturer le festival Travelling, la réalisatrice Marjane Satrapi – dessinatrice de l’affiche Travelling Téhéran en 2003 et marraine de l’édition junior en 2004 - présentait son nouveau film, The Voices, mardi 10 février, en avant-première au cinéma Gaumont de Rennes.

« Aux Etats-Unis, il y a tous les peuples du monde. On est très vite considéré comme individu à part entière. », explique Marjane Satrapi quand on lui demande pourquoi elle s’est expatriée outre Atlantique pour son dernier film, The Voices (qui a été tourné en Allemagne) présenté en avant-première à Rennes. Ce soir-là, le mardi 10 février, dans le hall de son hôtel, elle semble lassée de l’étiquette « française d’origine iranienne ». Elle ponctue alors son propos d’un « on fait du cinéma pour tous les peuples » ! Il faut dire que depuis 2007, date de sortie de Persepolis, long-métrage adapté de sa bande-dessinée éponyme, la réalisatrice s’est entourée d’un agent américain.

Depuis, elle a reçu des tonnes de scénario. Sur les enfants, sur le monde arabe et sur les femmes. « Comme si j’étais une spécialiste ! Alors que pas du tout. », s’exclame-t-elle, un brin blasée mais flattée mine de rien. On lui propose même Maléfique, avec Angelina Jolie et un gros budget. Elle refuse. Ce genre de film l’emmerde, « et quand le boulot ne me plait pas, je ne le fais pas. » Ce qu’elle veut, précisément, c’est un film indépendant, américain, qui mêle défi artistique et challenge intellectuel. Marjane Satrapi se montre exigeante et sûre d’elle :

« Là-bas, chaque décision doit être justifiée, ce qui est éreintant. Mais à l’usure, personne ne me bat dans le monde entier ! Quand je fais un film, je mets 2 ans de ma vie dedans, je suis donc convaincue de ce que je fais ! »

COMÉDIE JOYEUSEMENT MACABRE

Le jour où elle reçoit le scénario de ce qui deviendra son nouveau film, elle se laisse séduire sans réticence aucune par ce serial killer avec lequel elle compatie, pour la première fois, et avec le chat et « son air de va te faire foutre ». Ce serial killer, c’est Jerry, un psychotique aux allures de benêt bien cadré dans sa petite vie à Milton et très investi dans son nouveau boulot au service emballage d’une usine de baignoires. Le chat, c’est Mr. Moustache, un animal de compagnie arrogant et cynique, à l’accent écossais. Il est accompagné de Bosco, un chien un peu pataud et surtout très raisonnable, à la voix grave et lourde.

Car dans The Voices, les deux compagnons parlent, et discutent avec Jerry, représentant ainsi sa propre conscience dans son monde imaginaire et fabuleusement macabre. Un monde dans lequel il évolue lorsqu’il ne prend pas ses médicaments. Rapidement, il se fascine pour Fiona, du service compta, dont le désir n’est pas partagé. Le corps de la jeune femme finira dans une multitude de Tupperware parfaitement rangés en damier dans l’appartement du tueur et sa tête strictement tranchée dans le frigo.

Marjane Satrapi ne peut s’en cacher : elle a un faible pour l’esthétique dans les films et aime donner une couleur particulière à chaque histoire. Après Persepolis et Poulet aux prunes, elle soigne encore une fois le décor et l’ambiance de son œuvre, et se rapproche ici d’une mise en scène sans imperfections à la Wes Anderson. Dans nos fauteuils, on jubile au vu de cette ressemblance, et la réalisatrice en profite pour prendre l’avantage. Elle nous surprend ainsi de par la froideur et la simplicité des scènes gore et se découvre au passage une nouvelle passion :

« Je ne voulais pas trop de sang. Mais en fait dès la première giclée, je criais « Encore, encore plus ! », j’ai adoré ça ! Par contre, j’ai fixé une limite dans le film, on ne voit jamais de lame entrer dans les corps, ça c’était trop. »

FEMMES DÉCAPITÉES

L’histoire est cocasse, l’humour grinçant et le casting succulent. Ryan Reynolds se glisse avec aisance semble-t-il dans le rôle du serial killer dépassé par les événements, et surtout par ses émotions incontrôlables et son libre arbitre dont il est mal affublé. « Il a le regard inquiétant, le sourire juvénile et enfantin, on lui donnerait le bon dieu sans confession », s’exalte Marjane Satrapi.

Affranchie de tout jugement, la réalisatrice affiche un parti pris singulier en nous faisant compatir avec le personnage principal. Le spectateur, ébahi par le monde coloré et sucré, tout en restant réaliste et parfois violent, encourage au fond de lui Jerry à ne pas prendre son traitement, désireux de se maintenir dans cet univers fantastique. Pourtant, dans cet univers, les femmes en lien avec Jerry perdent vite la tête.

« J’ai voulu montrer des femmes différentes. Et pas la blonde, 40kg, victime. Il y a la délicieuse Fiona (Gemma Aterton) qui n’a pas un corps très moderne mais très beau quand même, il y a Lisa (Anna Kendrick) la petite mignonne qui le séduit et Alison (Ella Smith), très ronde, qui elle aussi le droit d’être amoureuse de lui », détaille Marjane Satrapi, qui n’oublie pas non plus la psychiatre (Jacki Weaver) qu’elle a voulu volontairement plus âgée pour contrebalancer les figures féminines trentenaires susceptibles d’intéresser sentimentalement le personnage principal.

Entre rires et émotions, le film atteint son objectif, sans jamais poser la question du réalisme absolu du scénario qui se veut possible et cohérent, sans tomber dans les travers d’une reconstitution de faits divers sordides.

Sortie en salles, le 11 mars 2015.  

Célian Ramis

Melody, mère porteuse, née sous X, en quête d'identité

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Ciné TNB, Rennes
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GPA, naissance sous X, désir d'un enfant, relation mère-fille... Que les névrosés du droit à la maternité se rassurent, Melody n'est qu'un film. Mais un film sublime, fin et juste dans sa singularité, signé Bernard Bellefroid.
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Mercredi 4 févier, le ciné-TNB projetait en avant-première le deuxième long-métrage de Bernard Bellefroid, Melody. Le réalisateur, présent à Rennes ce soir-là en compagnie de la comédienne Lucie Debay, lève le tabou de la gestation pour autrui (GPA) mais pas seulement et saisit avec justesse la complexité de situations singulières.

Présenté dans le cadre du festival Travelling Oslo, le film Melody est un délice. Rien n’est fait pour mettre le spectateur à l’aise, ni même pour l’épargner. Les émotions sont indissociables des respirations haletantes de la salle qui vibre au rythme de l’histoire. Une histoire a priori simple, au départ. D’un côté, Melody, une jeune femme de 28 ans, née sous X, décidée à ouvrir son salon de coiffure mais démunie financièrement et dans l’incapacité de se voir accepter un prêt. De l’autre, Emily, une femme d’affaires, la quarantaine passée, qui vit en Angleterre, décidée à avoir un enfant toute seule mais démunie biologiquement et dans l’incapacité de tomber enceinte.

Melody envisage rapidement de devenir mère porteuse moyennant une grosse somme d’argent ; une requête qu’Emily accepte sans trop hésiter. « Mon personnage, Melody, observe beaucoup l’autre femme. Je crois qu’elle est impressionnée par cette femme. La GPA se fait parce qu’elles se plaisent l’une à l’autre. Et finalement, elle se rapproche, se méfie et sait que ce qu’elle a en elle appartient à quelqu’un d’autre », décrypte Lucie Debay, comédienne, qui interprète ici son premier grand rôle principal.

Inspirée par la grossesse qu’elle n’a pas eue, elle se plonge à bras le corps dans la tête de son personnage en lisant les différentes versions du scénario, dont la réécriture s’effectuera en Bretagne grâce à la résidence de Bernard Bellefroid au groupe Ouest.

LA GPA, AU-DELÀ DU JUGEMENT

« Le film parle aussi de liens très fort envers ces 2 femmes. Car je crois que la GPA n’est rarement qu’une histoire d’argent. Ici, Melody est une femme socialement isolée, elle est née sous X, elle évolue dans une société où il n’y a plus de travail. Elle a besoin de créer, d’offrir et de se sentir utile. », précise Lucie Debay qui insiste, approuvée par le réalisateur, sur la complexité de la situation, au-delà du rapport marchand.

Un point auquel Bernard Bellefroid ajoute la singularité :

« On nous a reproché de faire un film clivant au niveau des classes sociales. Une femme riche qui demande à une femme pauvre de porter son enfant. Car ça pourrait être parce qu’elle ne veut pas déformer son corps, par exemple, ça arrive ! Mais il s’agit ici d’une situation en particulier. On aurait pu avoir plein d’autres scénarios, tellement il y a de cas différents. »

Melody ne peut se réduire à la gestation pour autrui. Point de départ de l’histoire, elle sert de support à une série de questions philosophiques et morales. Sans jamais porter de jugement, malgré un parti pris très assumé par le cinéaste belge : « C’est la moindre des choses. C’est notre devoir de réalisateurs de traiter les sujets pas sexys, qui dérangent. On éructe beaucoup sur ce sujet mais est-ce qu’on essaye de l’approcher ? Dans ce film, on cherche à comprendre plutôt qu’à juger ! »

L’HISTOIRE, AU-DELÀ DE LA GPA

Si la Belgique est plus avancée sur les questions de PMA (Procréation Médicalement Assistée) et GPA – la PMA est autorisée pour les couples de même sexe et la GPA n’est interdite par aucune législation - que la France, l’obtention de financement n’aura pas été une mince affaire. Le film sera finalement soutenu par la Belgique, le Luxembourg et la Bretagne ; saluons non sans pointe de chauvinisme une co-production avec entre autre Mille et Une Films (Rennes) et un tournage à la Presqu’île de Crozon.

« Ça fait peur à la France ! Surtout que nous avons débarqué en pleine névrose du mariage pour tous. Mais nous ne sommes pas dans les extrêmes, au contraire, on peut se rassembler, créer du lien »
explique Bernard Bellefroid.

Au fil de son œuvre, il nous livre une trame parsemée d’histoires satellitaires empruntes d’émotions vives et brutes. La relation naissante entre Melody et Emily est un fil conducteur subtil pour dérouler la pelote du lien et de la confiance. Puisqu’il s’agit bel et bien de lien. De l’abandon d’une mère accouchant sous X découle des problématiques profondes et durables.

FEMMES ESQUINTÉES PAR LA VIE

Et de ce mal-être, Melody en est imprégnée et ne s’en sépare quasiment jamais, comme incapable de lâcher prise tant qu’elle ne sait pas d’où elle vient et qui elle est. Dans le regard maternel d’Emily, elle trouve parfois réconfort et apaisement. Pourtant, leur relation se base sur un déséquilibre et celle qui, au départ se trouve être la dominante de par son pouvoir financier, prendra le rôle de la dominée, livrée à la seule volonté de celle qui porte son enfant.

Abandonnera-t-elle à son tour cet être qui grandit en elle tout en ne lui appartenant pas ? La confiance est l’unique recours à toutes les angoisses qui nourrissent et/ou pourrissent leur quotidien commun de femmes esquintées par la vie. Les barrières tombent, petit à petit les masques aussi, et toutes les questions sont possibles. Le droit de connaître ses origines – la France étant le seul pays autorisant encore la naissance sous X – la gestation pour autrui, le désir d’être mère, le vécu de la grossesse et la découverte de l’enfant tout juste né… les thèmes sont lourds de sens et servent à questionner notre rapport à ces derniers, que l’on soit homme ou femme.

De l’immensité de la nature se heurtant à la rigidité de la morale ne subsiste que la pureté et la vivacité des émotions que dégagent les deux personnages féminins qui se reniflent et s’apprivoisent, dans la dualité douceur-résistance. La finesse du film repose sur la beauté et la justesse du jeu des deux actrices – Lucie Debay et Rachael Blake, qui ont obtenu toutes les deux ex-aequo le prix d’interprétation au Festival des films du monde de Montréal 2014 – et vice versa puisque ni l’une ni l’autre ne cède à des facilités scénaristiques ou ne sombre dans les méandres d’une relation psychologique complexe tournant soudainement à la simplicité mielleuse anti-naturelle.

L’histoire de Melody est loin d’être banale et d’être traitée de manière banale. Bernard Bellefroid, proche à ses débuts des Frères Dardenne, nous offre ici un deuxième long-métrage signé de son empreinte personnelle et malgré un sujet de départ très réaliste se détache complètement du documentaire. Il livre une fiction d’une grande beauté appuyée par la force du jeu des actrices, un joyau brut que l’on prend en pleine face.

La sortie est prévue en salles le 6 mai. Bernard Bellefroid devrait dès lors entamer une tournée bretonne.

Célian Ramis

Les poissons conspirent et Sabine Revillet tricote des bouquins

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ADEC, Rennes
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Sabine Revillet débarque de Paris avec ses valises remplies d’histoires énigmatiques. En résidence à l’ADEC - Maison du Théâtre Amateur, l’auteure et comédienne effectue ses premiers pas dans l’univers romanesque.
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De janvier à avril 2015, le quartier de Bourg-L’Évêque n’a qu’à bien se tenir : Sabine Revillet débarque de Paris avec ses valises remplies d’histoires énigmatiques. En résidence à l’École de l’Ille et à l’ADEC - Maison du Théâtre Amateur, l’auteure et comédienne habituée à fouler les planches, effectue ses premiers pas dans l’univers romanesque. Elle propose un projet pour le moins original : coécrire, avec les petits comme les plus grands, un roman intitulé La conspiration des poissons.

« La conspiration des poissons est un bon livre. Pire : « excellent », « génial », « le livre de l'année »... Pourquoi pas le livre du siècle pendant qu'on y est ? Du Proust dans un bocal, du Balzac à l'eau du robinet, du Molière en écailles... » Sur les planches du théâtre de l’ADEC ce vendredi 30 janvier, Yvan Dromer, directeur du lieu, déclame face au public la critique que l’auteur Olivier Arrighi a rédigé sur le nouveau roman de Sabine Revillet, un ouvrage qui n’a jusque-là pas été publié, ni même écrit. Et pourtant, les critiques affluent depuis des mois !

Sabine Revillet sourit. En cette soirée de lancement de sa résidence, elle lève le voile sur le mystère qui enveloppe la sortie de son roman : « Il y a un an, j’ai lancé un appel à textes à des auteurs que je connais. Je leur ai demandé d’envoyer un commentaire d’un texte fictif à partir du seul titre, La conspiration des poissons, et d’une couverture. » Les articles qu’elle reçoit au fil des mois (près de cinquante), elle les consigne sur le blog http://conspipoissons.canalblog.com/. Gardé secret, ce site n’était à l’origine destiné qu’à elle seule. Mais au fil de l’eau, le projet prend de l’ampleur.

D’ici quelques mois, La conspiration des poissons deviendra une histoire de tricot. À partir des textes récoltés (elle aimerait en retenir une centaine), Sabine souhaite travailler à l’envers pour broder un canevas romanesque : « Ce qui me plaît le plus dans cette affaire, c’est le principe de réunir des gens, auteurs ou non, qui vont contribuer au même projet sans se connaître. J’aimerais les faire se rencontrer un jour. Pourquoi ne pas imaginer d’ici quelques temps… une fausse sortie du livre ! »

QUAND LA CRÉATION LITTÉRAIRE DEVIENT L'AFFAIRE DE TOUT

Sur la scène du théâtre de l’ADEC, Yvan Dromer met un point final à la critique d’Olivier Arrighi : « La littérature est un art comme les autres où « le regardeur fait l’œuvre ». Plus précisément : c’est le lecteur qui fait le livre. Pour preuve : il n’y aurait pas de livres sans lecteurs et plus il y a de lecteurs, plus il y a de livres. » Il ne croit pas si bien dire : durant sa résidence dans le quartier de Bourg-L’Évêque, Sabine propose aux habitants, petits et grands, de coécrire avec elle La conspiration des poissons. « Pour l’instant, il s’agit d’un texte à construire. On fait un peu les choses à l’envers mais en bout de course, tout le monde en aura écrit un petit bout ! » précise-t-elle.

En parallèle du blog, des « livres blancs » circuleront dans le quartier jusqu’au mois d’avril. Quatre d’entre eux sont empruntables à la bibliothèque municipale de Bourg-L’Évêque, un cinquième a élu domicile à l’ADEC. Chaque participant doit suivre le mode d’emploi à la lettre. Reposant sur le jeu du « cadavre exquis », le principe est simple : chaque écrivain en herbe doit se servir du dernier mot du texte rédigé sur la page précédente afin de débuter son propre article. Un thème à respecter, celui de l’eau. Sabine rappelle que « sur le papier, on a le droit d’être ce que l’on veut. Dans le fond, il est parfois plus facile d’écrire que de dire... » Cette initiative unique en son genre n’est d’ailleurs pas sans rappeler les procédés de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle), un groupe international de littéraires et de mathématiciens qui considèrent que les contraintes formelles sont un puissant stimulant pour l’imagination.

« Ce projet est particulier. Il ne s’agit pas d’une résidence d’écriture classique, comme nous avons déjà pu le faire par le passé à l’ADEC. Nous sommes essentiellement dans un travail de médiation, de présence de l’auteure sur place et d’interaction avec les habitants. Ce qui est important pour nous, c’est le rayonnement et l’ancrage que ce projet va avoir au sein du quartier et de l’école de l’Ille », précise Yvan. L’essentiel de l’activité de Sabine se déclinera en différents volets de médiation. Dès son arrivée à Rennes mercredi 28 janvier, l’auteure a d’ailleurs animé un atelier d’écriture à l’Antre-2 Café, un café coopératif et associatif situé dans l’ancienne école Papu.

L'ÉTRANGE DÉCOUVERTE D'UN MANUSCRIT RONGÉ PAR LES RATS

« Il y a quelques temps, un ami m’a envoyé une lettre accompagnée d’un roman à moitié rongé par les rats et dont l’eau de mer a effacé une partie du récit. Ce livre a pour titre La conspiration des poissons...»
indique Sabine Revillet, sur le ton de la confidence.

L’auteure explique au public la façon dont elle compte mener une enquête littéraire avec deux classes de CM1 de l’École de l’Ille : tel un jeu de piste, ils essayeront de reconstituer ensemble cette mystérieuse histoire. En parallèle du projet mené avec les adultes, neuf livres blancs circuleront dans l’établissement, laissant l’opportunité aux élèves de percer, sur le papier, le secret de cette conspiration et de « cet auteur inconnu, certainement voyageur au long cours, qui a abandonné son roman sur une île… » 

Cette initiative, portée par le SMAE (Service de Médiation Actions Éducatives des Bibliothèques de Rennes), est avant tout adaptée aux enfants allophones, primo-arrivants à Rennes et qui apprennent cette année la langue française au sein des deux classes de CM1 sélectionnées. La résidente interviendra également sur des temps périscolaires en lien avec les ateliers théâtre à l’ADEC. « Afin de sensibiliser les enfants à la pratique théâtrale, les deux classes sont venues cette semaine à l’ADEC pour une journée « découverte ». Ils ont gouté au plateau, aux mots, à la lecture. On les a mis au parfum ! » plaisantent Yvan Dromer et Christophe Loviny, qui pilote le projet au sein du SMAE.

Marie-Anne Morel, responsable au SMAE, revient quant à elle sur l’historique du projet :

« Avec l’ADEC, nous avons développé depuis plusieurs années un partenariat sur le long cours. Nous avons rencontré Sabine l’an passé dans le cadre de l’initiative Par 4 chemins. »

L’auteure avait, à cette occasion, rédigé une pièce teintée d’humour La queue du lézard pour une troupe de théâtre amateur de Fougères, Théâtre à Falgard.

Cette année, une nouvelle étape a été franchie avec la mise en place des « Résidences d'Artistes à l'École », un projet soutenu par la DRAC Bretagne et La Ville de Rennes. « Selon les traces que l’on aura, on présentera une restitution finale mais ce n’est pas ce qui nous importe le plus pour l’instant. L’essentiel du projet repose sur tout ce qui va se dérouler pendant quatre mois. Aujourd’hui, un point nous paraît fondamental : nous souhaitons laisser un maximum de libertés à Sabine afin qu’elle prenne le plus naturellement possible sa place d’artiste au sein de l’école et du quartier. Elle sera comme un poisson dans l’eau… mais hors de son bocal ! » conclut Marie-Anne amusée.

 

Dates clés de la résidence :
Samedi 28 février à 15h00 : Rencontre & lectures à la bibliothèque municipale de Bourg-L’Évêque.
Jeudi 26 mars de 19h30 à 22h00 : Atelier libre au théâtre de l’ADEC.
Vendredi 27 mars à 19h00 : Apéro-lecture sur La conspiration des poissons à la bibliothèque de l’ADEC.
Samedi 28 mars à 10h30 : Lecture à voix haute à la bibliothèque municipale de Bourg-L’Évêque.

Célian Ramis

Cendrillon l'Universelle, au-delà du genre

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Le Triangle, Rennes
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Les 28 et 29 janvier, le Triangle accueille Cendrillon, un ballet pour 20 danseurs créés par le célèbre Malandain Ballet Biarritz. L’occasion de s’intéresser au genre dans la danse contemporaine, un art qui souvent transcende la question du sexe.
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Les 29 et 30 janvier, le Triangle accueille Cendrillon, un ballet pour 20 danseurs créé par le célèbre Malandain Ballet Biarritz. L’occasion de s’intéresser au genre dans la danse contemporaine, un art qui souvent transcende la question du sexe.

Le corps a-t-il un sexe quand il s’agit d’un outil d’expression ? Une question qui sonne comme une ritournelle quand on assiste à certains spectacles de danse contemporaine. En novembre dernier, le TNB, le Triangle et la Cité de la danse présentaient dans le cadre du festival Mettre en scène le désopilant Antigone Sr., véritable bombe culturelle qui nous assommait par surprise de par la singularité de la représentation destinée à mettre le voguing à l’honneur.

« Le voguing, porté par une communauté noire, homosexuelle, drag ou transgenre, emprunte ses mouvements à ceux des défilés de mode et travaille sur un enchaînement de figures, d’une étonnante rapidité et souplesse. », indique la plaquette du Triangle en guise de résumé. Sur scène, 5 danseurs réalisent une performance croisant danse post-moderne et clubbing. Leurs corps semblent instinctivement se mettre au service de l’art et s’affranchir de toute catégorisation genrée.

CENDRILLON, PERSONNAGE UNIVERSEL

Dans son conte chorégraphié, Thierry Malandain, chorégraphe et directeur de production, se veut fidèle à la dramaturgie de Cendrillon et à la partition du compositeur russe Prokofiev. Et à cela, il ajoute une scénographie épurée, un simple mur teinté d’escarpins, et magnifie la mise en scène de ruses empruntes au système D.

« Pour le bal, nous avons pris des mannequins pour doubler le nombre de couples. C’est vraiment de la débrouille et il ne faut y voir aucun symbole autour de l’image de la femme. J’aurais été gêné de le faire sciemment… Par contre, le fait que l’objet soit inanimé justifie que le prince n’y voit aucun intérêt ! »
Thierry Maladain, chorégraphe du Malandain Ballet Biarritz.

Quand il a conçu le ballet, l’artiste n’a pas réfléchi en terme de genre. Ni dans les autres créations d’ailleurs. Il avoue aisément se détourner de ce sujet. « J’aime bien jouer avec les traditions. Avec mon langage. Du classique de maintenant », explique-t-il. Et dans sa manière d’envisager la danse et la création de tableaux chorégraphiques, se concentrer sur la question du sexe serait certainement une contrainte réductrice de créativité.

Ainsi, la difficulté de la distribution des rôles est amoindrie lorsqu’il s’agit d’attribuer un personnage féminin à un danseur masculin. C’est par exemple le cas de l’acariâtre belle-mère et ses deux pestes de filles.

« Elles sont maléfiques et méchantes. Je n’ai pas choisi expressément de mettre des hommes dans ces rôles féminins mais je trouve que finalement ça grossit les traits », précise le chorégraphe.

Quand il s’empare de la féérie « cendrillonesque », c’est pour sublimer cette étoile qui danse. Il créé une pièce originale et captivante, au message symbolique : « C’est le symbole de celle qui cherche à être aimée et reconnue. C’est l’attente de chaque être humain. » Au-delà du sexe et du genre, Thierry Malandain perçoit alors, à travers ce ballet, l’individu dans son universalité.

SOUS L’ANGLE DU GENRE

Même son de cloches quasiment du côté du Triangle. Quand on interroge Odile Baudoux, chargée de la danse et de la coordination secteur artistique, sur le genre dans la danse, elle nous répond en souriant : « Certains s’interrogent sur le genre et pour d’autres cette question est tout sauf la préoccupation principale. »

« Ce qui nous intéresse quand on conçoit la saison culturelle, c’est la création, le cheminement des artistes. Il y a donc des femmes, naturellement. Mais ce n’est pas notre critère principal », précise-t-elle.

Ce jour-là, dans son bureau, elle se saisit de la plaquette et nous propose une lecture nouvelle de la programmation 2014/2015, sous l’angle du genre.

Au fil des pages et des spectacles, on croise le thème de la séduction et de l’hyperféminisation des corps avec Our pop song will never be popular (octobre), on gomme parfois la féminité des danseuses de hip hop avec Bliss (décembre), on se travestit avec Antigone Sr. (novembre) et Cendrillon (janvier), on invente un langage avec Fighting Spirit (février), on se réapproprie son corps avec Les Créatives (mars à mai), on s’engage pour la condition féminine avec Plus femme que femme (mai) et on en passe.

UN GRAND POTENTIEL D’IMAGINATION

Le champ de la danse contemporaine est vaste, multiple. L’absence de codes, le choix de l’abstrait, ou non, le mouvement… Pour la programmatrice :

« La danse contemporaine ne nous donne pas toutes les clés. Elle requiert une interprétation personnelle, chacun peut s’approprier la proposition artistique du chorégraphe qui crée, invente… Il y a un grand potentiel d’imagination pour le spectateur. »

Au delà de la représentation très féminine qui subsiste, la danse transcende les questions de genre pour se libérer des contraintes, des codes et des cadres. Pour se centrer sur l’individu propre, l’individu mis à nu. « La danse n’est pas faite pour gommer les différences mais pour les réunir. Sans distinction. », résume Odile Baudoux qui insiste sur la nécessité pour chacun de s’approprier cet art et sa manière de le recevoir dans son individualité.  

Elle conclut :

« C’est tout l’enjeu de l’éducation artistique que nous pratiquons avec les jeunes. C’est de casser les a priori pour les amener vers une meilleure appréciation de la danse. Par exemple, dans Jours étranges de Dominique Bagouet que nous avions présenté en 2013. La thématique du genre était présente mais pas principale. Nous les avons vu progresser dans le danser ensemble alors que ce n’était pas simple au début. Ils ont fini par dépasser et transcender la question filles/garçons. »

Célian Ramis

Le miroir, meilleur ennemi des danseuses

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Collectif Danse Rennes Métropole, Rennes
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La compagnie bretonne Légendanse a présenté, le 15 janvier, sa dernière création à Rennes, intitulée "Je-u". Une pièce chorégraphique pour quatre femmes, autour des représentations de soi et l'acceptation de son corps.
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La compagnie bretonne Légendanse a présenté, le 15 janvier, sa dernière création aux Rennais, intitulée Je-u. Une pièce chorégraphique pour quatre femmes, autour des représentations de soi.

« Dans toutes les salles de danse, il y a un miroir. Mais il n’a pas toujours été un ami… » Émilie Dhumérelle entretient un rapport conflictuel avec son corps. Amour, un jour ; désamour, le lendemain. Pourtant, elle en a la maitrise absolue. Elle est la chorégraphe de Légendanse.

La compagnie, qui s’est installée dans les Côtes-d’Armor, était en résidence, auprès du collectif Danse Rennes Métropole, du 12 au 16 janvier. Autour de la chorégraphe, Adeline Grit, Élise Martin et Virginie Auray ont donné une représentation publique de leur dernière création, dans une ambiance intimiste, le 15 janvier.

Je-u est un questionnement sur le processus de création identitaire. « Je, c’est l’égo, la psyché. Et le jeu, c’est pour l’enfant qui se découvre et se reconnaît dans le miroir. Dans sa tête, c’est un choc », explique Emilie Dhumérelle. L’idée du spectacle, la chorégraphe la doit à ses enfants. C’est en les observant qu’elle a compris l’importance du processus de reconnaissance : « Avant de se voir dans le miroir, ma fille parlait d’elle à la troisième personne. »

LA PSYCHOLOGIE AU SERVICE DE LA DANSE

Entre deux sourires, Émilie Dhumérelle cite fréquemment Françoise Dolto et Jacques Lacan, parle psychologie et rapport au corps : « J’ai lu beaucoup de livres. C’est une piste, un axe de travail qui fait réfléchir. Cette création raisonne bien dans la société actuelle, surtout chez les femmes. Elles sont constamment à la recherche d’une image parfaite mais celle-ci n’existe pas… Moi-même, pendant longtemps, j’ai essayé de rentrer dans le format de la danseuse au physique idéal. » Un constat qui l’a encouragé à créer un spectacle exclusivement féminin : « Au début, je ne le souhaitais pas forcément. Et puis, au fur et à mesure, je me suis dit que c’était mieux. Les femmes ne sont jamais contentes devant la glace. Pour les hommes, c’est différent. Ils en parlent moins. »

Des corps fins et harmonieux, une tenue impeccable, et pourtant… « Je suis sur scène, les gens viennent pour me voir mais ça ne veut pas dire que je m’assume », concède Adeline Grit, à la longue chevelure rouge. Virginie Auray acquiesce : « J’essaie d’être en paix avec cette image. ll y a des phases, des cycles, des rencontres. Et aussi l’âge de la remise en question. » Et ce n’est pas Élise Martin qui contredirait ses partenaires : « La difficulté, c’est de se mettre à nu, de se montrer soi-même. »

Ces doutes perpétuels se retrouvent dans le spectacle. Après deux ans de travail, la création se cherche encore : « C’est un long parcours de recherche chorégraphique et de remise en question personnelle, dont une période de compagnonnage avec Territoires d’écritures en mouvement (TEEM), la structure de développement chorégraphique de Quimper », explique Émilie Dhumérelle. Une période que la danseuse qualifie aujourd’hui de « psychothérapie ».

LE JEU DU MIROIR

À Rennes, les quatre artistes ont modifié l’articulation du spectacle, pour un rendu plus fluide et juste. « Quelques incertitudes subsistent », concède Emilie Dhumérelle. Sur scène, les danseuses évoluent autour de deux miroirs. Objet de jeu, de découverte, la glace reflète l’image, attire la curiosité ou la répulsion. Les danseuses se découvrent entre elles, jusqu’à jouer avec leur propre reflet. Elles s’interrogent en gestes, toujours avec précision. Formées à la danse classique, les jeunes femmes se libèrent des carcans pour exprimer des émotions et des questionnements.

Le choix du contemporain était, pour ces artistes, une évidence. « Le classique transpire forcément dans le spectacle. Mais le problème c’est que l’esthétique est extrêmement codifiée et stylisée. Les codes font toujours aller au même endroit. Pour créer librement, il faut s’en détacher », souligne Emilie Dhumérelle.

Je-u n’apporte pas de réponse mais soulève des questions et suscite le débat. Et la danse, elle, mène vers l’acceptation. « Elle permet d’être plus à l’aise dans son corps ; elle donne l’impression de se  connaître. Légendanse intervient dans les collèges, pour de la sensibilisation. Les ados changent, grandissent, jouent un rôle. Alors, la danse, ça leur parle ! »

Célian Ramis

Les veilleuses de chagrin, bercées par l’attente et l’espoir

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Arvor, Rennes
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La réalisatrice nous saisit, entre scènes du quotidien, témoignages et paysages naturels. Entre silences et musiques mélancoliques. Entre poésie, solitude et force. Entre sourires et larmes.
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Dans son recueil, L’Amour la poésie, Paul Eluard décrit en quelques vers l’attente, l’absence et la disparition d’un être aimé. C’est ce poème, évoquant « Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin », qui a inspiré la réalisatrice Frédérique Odye pour le titre du documentaire Les veilleuses de chagrin qu’elle présentait en avant-première samedi 17 janvier, au cinéma Arvor, à Rennes.

Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin
Ciel dont j’ai dépassé la nuit
Plaines toutes petites dans mes mains ouvertes
Dans leur double horizon inerte indifférent
Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin
Je te cherche par-delà l’attente
Par-delà moi-même
Et je ne sais plus tant je t’aime
Lequel de nous deux est absent.
Paul Eluard, extrait du recueil L’Amour la poésie.

Elles viennent de Loctudy, Le Conquet, Saint-Malo et Cancale, et sont les veilleuses de chagrin. « Ce sont des femmes qui attendent, qui veillent le retour de leurs maris marins. Et le chagrin fait référence à la mélancolie. Et à l’expression « Femme de marin, femme de chagrin » ! », explique Frédérique Odye, rennaise d’adoption depuis 12 ans.

Originaire de Cherbourg, elle est fille de marin et a vu durant sa jeunesse sa mère attendre le retour de son époux. Elle a toujours côtoyé la poésie qui écume les bords de mer et les inquiétudes qui virevoltent dans les embruns de l’océan. « Je me souviens qu’une fois, un accident est arrivé et ils ont perdu 2 marins. Une des veuves était enceinte », se rappelle-t-elle.

UN MILIEU PUDIQUE

Être issue de ce milieu lui permet de tisser des liens avec les femmes qu’elle rencontre dans le cadre de son documentaire. Malgré tout, il lui faudra 2 ans pour trouver les cinq veilleuses de chagrin de son film, dont deux qui seront intégrées 2 semaines seulement avant le tournage : « C’est un milieu très pudique, il est difficile de les faire témoigner. C’était la première fois qu’elles en parlaient comme ça. »

Plusieurs années auparavant, Frédérique Odye avait embarqué 3 jours avec des marins pêcheurs pour le documentaire La mer qui les voit danser. En mer, elle filme, leur quotidien, rythmé par le bruit permanent du moteur. Un bruit qu’elle connaît bien.

Et c’est en voyant les familles présentes sur le port au terme de ce périple qu’elle décide de filmer celles qui attendent et restent sur la terre ferme.

Dans Les veilleuses de chagrin, on les voit femmes, amies, épouses et mères. Elles témoignent de leur quotidien, nourri par une forme d’indépendance dont elles disposent en l’absence de leurs maris mais également par la tenue de la maison, l’éducation des enfants, les infos données par la radio… Elles dévoilent avec pudeur leurs émotions quant à cette vie particulière et livrent la dualité qui s’installe entre manque de l’être aimé et envie que ce dernier reparte. Habituées de cette alternance, elles ont accepté le rythme et l’attente imposés.

UNE NATURE SANS PITIÉ

Le pire, elles l’envisagent. Mais passent outre. « Une fois que j’ai entendu le nom du bateau de mon mari à la radio, je coupe, je n’écoute pas le reste. Savoir qu’il va bien, c’est tout ce qui compte pour moi », confie l’une des deux bigoudènes de Loctudy (29). Il y a le R.A.S qui les rassure et les apaise quelques instants.

Mais lorsque le vent souffle sur les côtes bretonnes et s’embrase dans les volets et que les vagues roulent pour s’éclater lourdement sur le sable humide et mousseux, les esprits voguent sur les flots d’un imaginaire angoissant car on sait qu’au large, la tempête sévit sans concession et sans pitié. Pour Frédérique Odye :

« les marins sont des conquérants de la mer. Ils sont au milieu de rien. Et la nature est toujours plus forte. »

Et pour trois des veilleuses, leurs hommes ne rentreront pas. Elles affronteront le deuil de ce mari pris par la mer. Que l’on ait retrouvé le corps, ou non.

La réalisatrice nous saisit, entre scènes du quotidien, témoignages face caméra et paysages naturels. Entre silences et musiques mélancoliques (signée Matt Elliott). Entre poésie, solitude et force. Entre sourires et larmes. Le sujet est traité avec sensibilité et justesse, et nous transporte dans cette vie de femmes de marins, sans jamais franchir la ligne du « tire larmes ». Un joli documentaire, à la limite de l’onirisme, emprunt de tendresse, de souffrance et d’amour suspendu dans le temps.

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