Célian Ramis

Trans Musicales 2015 : L'électro planante de Louise Roam

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L'Aire Libre, St Jacques de la Lande
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Premier jour des Trans Musicales. Au théâtre de L’Aire Libre, c’est l’artiste Louise Roam qui a nous a régalé de sa musique électro-aérienne.
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Premier jour des Trans Musicales, mercredi 2 décembre. Au théâtre de L’Aire Libre, à St-Jacques-de-la-Lande, c’est l’artiste Louise Roam qui a inauguré la 37e édition du festival et nous a régalé de sa musique électro-aérienne en première partie du groupe Paradis.

Parmi les one-women-bands, on retient Ladylike Lily, Mesparrow, Peau ou encore Tiny Feet pour n’en citer que quelques unes. Respectivement, Orianne Marsilli, Marion Gaume, Corinne Faillet et Emilie Quinquis. On peut maintenant y ajouter Louise Roam, le projet solo d’Aurélie Mestre.

Ce mercredi 2 décembre, sur la scène de L’Aire Libre, elle présente les chansons de son premier EP, dévoilé au printemps dernier, Raptus. Un titre qui présage une musique mouvementée, un raptus désignant une impulsion violente et soudaine pouvant conduire un sujet délirant à commettre un acte grave (homicide, suicide, mutilation, précise Le Petit Robert).

Et l’artiste compositrice-chanteuse-musicienne décolle dès les premières notes de sa première chanson, « Solsken », vers une douce transe. Debout devant un mur d’écrans bleutés qui réduit l’espace scénique de manière à créer un instant intimiste avec le public, elle s’impose, majestueuse, entre ses deux claviers et consoles.

Les sonorités organiques renforcent le côté sombre de l’électro signé Louise Roam qui traduit à travers ses textes et son chant amplifié une sorte de libération. « Je raconte à travers des personnages fictifs, des moments de ma vie. Des moments pendant lesquels j’avais envie de m’échapper d’une réalité. De coller à quelque chose de mystique. C’est une ode à la fuite en avant à travers des moments d’extase. », raconte-t-elle dans une interview accordée au site Sourdoreille (www.sourdoureille.net), le 1er juin 2015.

Pari réussi lorsqu’elle enchaine sur des notes de violon ou lorsqu’elle crée des moments bruts, uniquement à la voix ou uniquement à l’instrumentale. Elle ne se prive de rien, surtout pas d’explosion de sons maximalistes, notamment lors de sa dernière chanson « Raptus » où elle monte en intensité, soutenue par les spots lumineux au plafond et le néon au sol.

Sa scénographie est soignée, rien n’est laissé au hasard. La neutralité de son look, toute de noir vêtue, pantalon, chemise et Doc, et les lumières feutrées et froides de la scène nous concentrent sur les airs, tantôt électro-futuristes, tantôt planants, de sa musique singulière. On se laisse aisément emmené-e-s dans les contrées musicales qu’elle nous propose et qu’elle appelle les soundscapes (« paysages sonores »).

Ce voyage est une initiation à l’inconnue, une découverte apaisante d’une musique pourtant agitée et emprunte d’émotions vives sur lesquelles elle semble prendre du recul et s’en affranchir pour les partager, en toute pureté.

Célian Ramis

Musulmanes : Femmes à part entière

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Cinéma Arvor, Rennes
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Lauriane Lagarde dévoile son documentaire À part entière, le 7 novembre au cinéma Arvor de Rennes, sur les femmes musulmanes de Rennes qu'elle a suivi plusieurs années.
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Pendant plusieurs années, la réalisatrice Lauriane Lagarde a suivi les membres de l’association de femmes musulmanes de Rennes, Al Houda, et de cette immersion elle en délivre un documentaire intitulé À part entière, projeté en avant-première dans la capitale bretonne le 7 novembre, au cinéma Arvor.

Source de clivages et d’amalgames, le sujet n’est pas nouveau. Il intrigue les médias, agite l’opinion publique et fait régulièrement, depuis plusieurs années, l’objet de documentaires diffusés sur Internet ou sur les chaines télé comme LCP, Arte ou encore France 3.

Je porte le voile, de Natasha Ivisic, Ce que dévoile le voile de Négar Zoka, Il y a des femmes sous le niqab de Agnès de Féo, Sous le signe du voile de Hilka Sinning ou encore Femmes françaises et voilées n’en sont que des exemples parmi d’autres et tendent ouvrir le débat, à faire entendre les voix des concernées mais aussi à faire la lumière sur les différences entre les voiles.

Dans un contexte de crise identitaire, le sujet est, semble-til, toujours aussi délicat à aborder et à apprivoiser. Parler des femmes musulmanes sans les réduire à leur choix de porter ou non le voile est-il encore possible ? L’a-t-il déjà été ? La réalisatrice rennaise Lauriane Lagarde n’a pas souhaité poser la problématique en ces termes là.

Et si la question du voile occupe majoritairement l’espace dans son documentaire À part entière (production rennaise – Mille et une films) elle n’en est toutefois pas l’étendard de l’oppression masculine et trouve une ouverture dans ce symbole empli d’histoires personnelles, de ressentis et de vécus.

Les Rennaises musulmanes que Lauriane filme livrent leurs paroles au sein du collectif ainsi qu’à travers leurs individualités et parcours. Entre réflexions, confidences et contradictions, elles dévoilent leurs interprétations et leur rapport à la religion mais aussi aux autres, aux corps et à la féminité. Mais le féminisme peut-il rimer avec l’Islam ? 52 minutes ne suffiront pas à répondre à cette interrogation qui fait rage dans le débat militant. Et là n’est pas l’objectif du film qui se veut un témoin éclairé de l’action de l’association d’Al Houda, sans jugement ni morale.

UNE THÉMATIQUE CHOISIE

C’est en se confrontant à la difficulté pour les croyants musulmans de bâtir une mosquée à Villejean que Lauriane a eu l’idée de se tourner vers les femmes musulmanes et de réaliser un documentaire sonore auprès de Fouzia, une des fondatrices en 1996 de Al Houda.

« J’ai rencontré les femmes de l’association. Elles revendiquent l’égalité entre les sexes. Pour moi, la religion ne nous sépare pas vraiment. Elles rencontrent des difficultés qui leur appartiennent mais je me retrouvais dans ces femmes-là. »
explique Lauriane Lagarde, la réalisatrice.

De fil en aiguille, elle assiste aux réunions, ateliers, cours, actions à destination du grand public. L’objet du documentaire s’oriente rapidement autour des différentes réflexions au sein de ce groupe sur le port du voile, les événements organisés à cette époque, entre 2012 et 2015, étant en lien étroit avec cette thématique, « mais ce n’est pas le sujet principal… C’est ce qui est le plus instrumentalisé et diabolisé en France », assure Marjolaine Peuzin, membre de l’association.

Mais par dessus tout, Lauriane Lagarde désire que la caméra ne soit qu’un biais pour exprimer leurs points de vue. Sans voix off. Et ainsi que le spectateur soit le « seul juge », libre d’analyser et de penser en conséquence.

UN QUESTIONNEMENT PERMANENT

Elles sont de générations différentes. Elles portent un hijab, un foulard, un bandeau, un bonnet ou apparaissent tête nue, chacune se veut libre de son choix et dans son droit. Elles échangent autour des versets du Coran. Et elles s’interrogent. Doit-on porter le voile en France ? Comment vivre sa foi sans heurter les musulmans ou les non musulmans ? Ne se posent-elles pas trop de questions ? Ne se forgent-elles pas leurs propres barrières ? Comment agir pour faire évoluer les mentalités ?

Autant d’interrogations pour une multitude de réponses. Des réponses qui trouvent leurs sources dans leur interprétation des textes sacrés et dans les valeurs inculquées par leur religion, leurs éducations, leurs histoires personnelles, sur lesquelles certaines membres se confient. Entre tiraillements, réalité parfois brutale face à l’islamophobie, discriminations, entre incompréhension et tolérance, elles abordent leurs quotidiens, sans haine, avec douceur et ferveur. Défendant leurs convictions mais aussi leurs conditions de femmes dont elles revendiquent des droits équivalents à ceux des hommes.

DES ESPRITS ET CORPS LIBRES

« À part entière montre de manière fidèle ce que l’on dit, ce que l’on pense, explique Marjolaine. Le film pourra peut-être aider à montrer que derrière les femmes voilées, il y a des personnes. »

Et que sous le voile, il y a des cerveaux, précise la réalisatrice qui défend finalement à travers son travail le droit de revendiquer le choix de porter le voile ou non, d’assumer la religion et de la pratiquer de la même manière. « Elles se réunissent, elles ne sont pas toujours d’accord mais elles se respectent. Elles réfléchissent constamment à leur religion, à ses paradoxes, ses difficultés et se l’approprie. », souligne-t-elle.

Si elle refuse de parler de film sur l’émancipation des femmes, Lauriane Lagarde dépeint ici à travers sa caméra des portraits de femmes libres. Dans leurs esprits et dans leurs corps. Elle jalonne son documentaire de scènes d’expression verbale et d’expression corporelle avec le projet chorégraphique de Morgan Davalan, « travaillant sur l’hybridation identitaire, la rencontre avec l’autre », précise Marjolaine Peuzin.

On voit ainsi plusieurs femmes de l’association, prendre place dans l’espace public. Parées de différents voiles colorés, elles jouent avec le visible et l’invisible. Ce qui est caché et ce qui est montré. Casser l’image du voile qui fige celle qui le porte. « L’idée est de surprendre le spectateur. Ce sont là des corps qui bougent. Le rapport au corps est très important. », conclut la réalisatrice.

Le film sera diffusé en avant-première au cinéma Arvor le 7 novembre à 11h et sur les chaines locales bretonnes (TVR, Tébéo, Tébésud) le 26 novembre à 20h45.

Célian Ramis

Un (Jean Dujardin) + Une (Elsa Zylberstein) = le nouveau film de Claude Lelouch

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Cinéma Gaumont, Rennes
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Elsa Zylbertstein et Jean Dujardin, duo incompatible pour jouer les amoureux ? Le réalisateur Claude Lelouch en décide autrement dans Un + Une, sur les écrans le 9 décembre prochain.
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Elsa Zylbertstein et Jean Dujardin, duo incompatible pour jouer les amoureux ? C’est ce que pense le réalisateur Claude Lelouch, séduit par l’idée de réunir ces deux acteurs « pas faits l’un pour l’autre » à l’affiche de son dernier film, Un + Une, qui sortira sur les écrans le 9 décembre prochain.

À l’occasion de l’avant-première de Un + Une le 26 octobre dernier au cinéma Gaumont, le réalisateur Claude Lelouch, entouré de ses deux acteurs principaux, Jean Dujardin et Elsa Zylberstein, étaient de passage à Rennes.

« Elsa et Jean ont fait un voyage en avion tous les deux et ont abordé ensemble l’envie de tourner avec moi. Ils ne sont vraiment pas faits l’un pour l’autre, le couple m’a inspiré », se souvient le réalisateur qui compte déjà 45 films à son actif, sourire aux lèvres.

L’Inde sera le décor d’une comédie qui a pour volonté de filmer l’invisible. Une évidence qui apparaît rapidement à Claude Lelouch : « L’irrationnel y est omniprésent. Ce n’est pas le pays des religions mais le pays de LA religion. Pour eux, la mort n’existe pas, cela change complètement le raisonnement. Là-bas, la souffrance est une école, un apprentissage. Et je partage l’intime conviction que l’idée de la mort est tellement idiote ! »

ROAD-TRIP SPIRITUEL

L’amour sera le sujet principal. Une évidence limpide également, une histoire d’amour étant la plus belle métaphore de la vie, selon lui. Pour Jean Dujardin, il s’agirait plus simplement « de la rencontre entre un sceptique et une tarée. »

Et les deux acteurs, non dénués de talents, vont expérimenter sans artifices ni figurants la vie indienne, confrontant « le divin à l’escroquerie, des tricheurs à des gens profondément sincères », souligne Claude Lelouch, rejoint par son acteur principal : « Et la misère ! ».

Sans oublier la philosophie particulière de l’Inde, partant du principe qu’une vie vécue n’est que le brouillon de la vie suivante. Une philosophie qui va devenir le fil conducteur du film et que le réalisateur va intelligemment mettre en exergue avec l’histoire d’Antoine et Anna.

Lui, incarne un compositeur de musiques de film, séjournant en Inde pour une version moderne de Roméo et Juliette, réalisée par un metteur en scène issu de la nouvelle vague indienne. Elle, est la femme de l’ambassadeur de France (interprété par Christophe Lambert), passionnée par la question de la spiritualité, et éminemment séduite par Antoine, dès le premier regard.

MACHISME ET SEXISME BIENVEILLANT

Ensemble, ils vont partager un voyage initiatique à travers l’Inde spirituelle mais aussi au travers d’une rencontre inattendue. Tous les deux bien installés dans leurs couples respectifs, ils vont s’offrir une parenthèse entre attirance et résistance. Entre non-dits et franchise déroutante.

Anna est amoureuse, fonceuse, « allumée, spirituelle, premier degré », souligne Elsa Zylbertstein, encore éprise du rôle qu’elle a joué.

« Avant d’arriver en Inde et de rencontrer son mari, c’était une aventurière. Il la rebranche avec ce qu’elle était. Il la révèle à elle-même. », poursuit-elle.

Antoine, de son côté, est pragmatique, amoureux de l’amour en premier, amoureux de lui-même en second. Il prend la vie avec humour et légèreté et s’embarque dans l’aventure pour fuir quelques démons, notamment une demande impromptue en mariage par sa compagne pianiste (interprétée par Alice Pol) et un caillot logé dans sa tête, lui provoquant des maux de tête.

« C’est un homme. Comme tous les hommes, il a peur des scanners, des maladies. Il préfère tout tenter sauf la médecine. Et puis, il y a pas forcément de raison. Perso, je ferais la même chose, partir sur un coup de tête avec l’ambassadrice, voir ce que ça peut donner. », plaisante Jean Dujardin.

Pas tant que ça. Pour le réalisateur, le film aurait pu s’appeler « Portrait du dernier macho ». Le clown qui s’assagit. L’enfant gesticulant qui devient homme. Un schéma classique propre à la gent masculine, selon Claude Lelouch qui mesure ses propos : « En tout cas, plus que les femmes. Il y a toujours un événement qui fait que l’on devient un homme. »

Il semblerait qu’une femme, à l’inverse, naisse femme et se révèle à travers un homme, venu briser son évolution lisse et stagnante quand elle n’est pas le double – au détail près qu’elle a une poitrine - de l’homme (d’Antoine en l’occurrence), comprendre alors « qui ne fait pas chier, on ne s’embête pas l’un l’autre ».

La femme est naïve, l’homme archaïque. Elle l’aime depuis le début de leur rencontre. Il l’aime peut-être parce qu’elle l’aime. La course poursuite prend des allures de déjà vu, sans modernité, et agace sur la longueur.

Sans oublier plusieurs réflexions illustrant un certain sexisme bienveillant sur les femmes, « qu’il faut mettre en avant » dans le titre Juliette et Roméo, exemple flagrant de grande modernité (le scénario : un voleur de bijou renverse une jeune et belle femme à vélo mais préfère se faire arrêter par les forces de l’ordre pour l’amener à l’hôpital afin de lui sauver la vie. Les deux jeunes vont alors tomber amoureux.).

Si on veut chercher un point positif, on pourrait accorder l’absence de morale et de jugement. En revanche, l’absence de modernité et les déjà vus nous rendent hermétiques au déroulé de l’histoire.

Célian Ramis

La poésie terre-à-terre des Black Leaders sur un album

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Rennes
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Le 6 novembre marquera la sortie du premier album, My Best Friend, du groupe rennais The Black Leaders dont les 11 titres figurent déjà sur la plateforme Qobuz.
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Le 6 novembre marquera la sortie du premier album, My Best Friend, du groupe rennais The Black Leaders dont les 11 titres figurent déjà sur la plateforme de streaming Qobuz. Marie, 34 ans, chanteuse, et Alex, 36 ans, guitariste et compositeur, reviennent sur le parcours éclair et les choix de leur formation musicale.

Dimanche 20 septembre, 15h. Au bout d’un petit chemin, se situe La Passerelle, maison des jeunes qui accueille durant ce week-end The Black Leaders en résidence et propose cet après-midi là aux habitants de Vern-sur-Seiche de venir assister au filage du groupe. À quelques mètres de la structure, on entend déjà le refrain rythmé de « Riding with the ghost », peut-être la chanson la plus entrainante du CD avec « Hello ».

Marie est au chant, Alex à la guitare, Gilduin à la basse, Olive au clavier et Toph à la batterie. Pendant plus d’une heure, la concentration est de rigueur, se dissipant doucement sur la fin du concert au profit d’une ambiance plus détendue. Ils enchainent les morceaux, caractérisés de style « pop-rock assumé », alternant entre les chansons qui figurent sur leur premier album, My best friend, et de nouvelles qui serviront certainement à l’enregistrement d’un deuxième disque, déjà dans les tuyaux.

HISTOIRE DU HASARD

Auparavant, Marie faisait partie d’un autre groupe, amateur, de reprises. Elle s’essouffle un peu, a l’envie de faire des compos mais sans vraiment chercher de formation. À travers l’amie d’amis, elle entend parler d’Alex, qui revient tout juste sur Rennes et cherche une chanteuse, elle passe des essais, concluants, et deux autres musiciens les rejoignent à la basse et la batterie - le clavier étant inclus seulement depuis mars 2015.

En parallèle de leurs activités professionnelles respectives – Marie est sage-femme et Alex, patron d’une entreprise de marketing en ligne - le groupe The Black Leaders est lancé. « On a trouvé le nom par hasard. On avait notre premier concert en septembre 2014 mais nous n’avions pas de nom, il a fallu trouver ça très vite. Alex a proposé quelque chose, l’anglais sonnait bien à l’oreille, et puis TBL, ça se retient bien. Pas besoin de chercher une symbolique derrière. », explique Marie, rejointe par le guitariste qui précise en souriant : « On n’est pas black, on n’est pas des leaders, mais voilà ! »

Des histoires de hasard qui résultent en un ensemble parfaitement léché et travaillé. Une symbiose musicale qui figure indéniablement sur les 11 titres de leur premier opus.

VITE FAIT, BIEN FAIT ?

Les Black Leaders écument les bars, à Rennes, en Bretagne mais aussi en dehors, plusieurs mois durant. Très rapidement, en février 2015, les membres du quatuor d’origine entrent en studio. Alex connaît un producteur, rencontré lorsqu’il était dans un groupe à Paris, Arnaud Bascuñana (Deportivo, M,…).

Ce dernier accepte de se déplacer pour enregistrer et mixer les chansons au studio du Faune, à Montauban de Bretagne. En 7 jours seulement. « Les garçons ont vraiment été le moteur et on s’est donné les moyens. On avait la possibilité de le faire à moindre prix, on a foncé pour faire un vrai album. », précise Marie.

Sans détours, les membres du groupe optent pour cette option après réflexion. Si aujourd’hui la plupart des formations musicales choisissent de sortir un EP avant de se lancer, The Black Leaders se positionne différemment. « Ça a été une vraie question, se demander si on sort un EP ou un album. Mais on n’est pas en manque de chansons et on a décidé de saisir l’opportunité pour faire tout de suite le disque entier. », justifie le guitariste.

Depuis le 20 août dernier, les morceaux sont en libre écoute sur la plateforme Qobuz. Au risque de moins vendre l’objet CD, un point qui ne semblent pas les inquiéter : « Le risque, c’est de le mettre sur trop de plateforme, précise Alex. Et je crois que les gens veulent encore acheter les albums. ». Le résultat est pro et on se délecte de l’enchainement du disque rythmé par des musiques pop-rock qui naviguent entre dynamisme, espoir, mélancolie et désillusion.

Un savant mélange appuyé par la voix singulière de la chanteuse qui vient trancher ou au contraire adoucir les notes délivrées par la guitare et la basse, et parfois même par le violon, ou s’accorder harmonieusement avec le clavier (Olivier a enregistré « 1000 Giant Waves » en studio avec le groupe).

UNE VIE BIEN RYTHMÉE

Les musiciens des Black Leaders ont tous de l’expérience et des vécus différents dans diverses formations, à l’instar de Olive et Toph avec la chanteuse Elise B. dans le groupe Zil se lance (lire YEGG#27 – Été 2014).

« Moi, je suis novice, on va dire… Enfin autodidacte. Je n’avais pas trop chanté avant, ni même fait de la scène. J’apprends la guitare aussi toute seule, juste comme ça pour m’accompagner à la voix mais en général, je la travaille au feeling. »
avoue la chanteuse qui démontre pourtant lors du filage une aisance et une maitrise complète de son instrument vocal.

En attendant, ce qui l’anime, c’est l’interprétation des textes et pourquoi pas en écrire à l’avenir… C’est Alex pour le moment qui compose, propose à Marie et soumet ensuite au groupe, « mais finalement, la création se fait ensemble car le morceau évolue au fil du temps ». Sans thèmes précis ni imposés, les inspirations affluent, entrainant l’auditeur à la fois dans un univers poétique avec « Purple Arms » ou « Lili » et à la fois dans un univers très terre à terre avec « My Best Friend », « Perfect Line » ou encore « People ».

Des inspirations qui semblent prolifiques puisque déjà 8 nouvelles chansons sont retenues pour figurer sur le deuxième opus qui sera « celui de la maturité », plaisante Alex, qui poursuit : « Plus sérieusement, il y aura forcément plus de maturité puisque nous avons plus d’expérience aujourd’hui et puis nous avons aussi intégré complètement le clavier. »

Mais pour l’instant, l’objectif est tout d’abord d’amortir le premier album et de le défendre lors de leurs concerts, généralement dans des bars, « les salles de spectacle ici étant beaucoup trop chères ! » Le groupe marque une courte pause niveau concerts mais revient les 2 et 10 décembre au Gazoline, à Rennes, avant de se rendre en Angleterre pour une date à Londres, début janvier.

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2015 : La Yegros, un final explosif !

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Soirée de clôture exceptionnelle pour la 20e édition du Grand Soufflet, ce samedi 10 octobre, avec Click Here Live Band en première partie et La Yegros en clou du spectacle !
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Soirée de clôture pour la 20e édition du Grand Soufflet, ce samedi 10 octobre. Sous le chapiteau, la température est montée brusquement avec Click Here Live Band en première partie et La Yegros en clou du spectacle !

À quelques centaines de mètres du parc du Thabor résonnent déjà la « worldtronica » et les « balkanbeats » de Click Here Live Band, une formation de musiciens roumains et moldaves et d’une danseuse andalouse réunis autour de Dj Click.

Et sous le chapiteau, l’ambiance du spectacle qui affiche « Complet » depuis plusieurs jours déjà est au rendez-vous et survole au dessus de nos têtes quelque chose de bestial…

Sur des rythmes d’Europe de l’Est, les festivalières et festivaliers sont invités à danser, notamment sur un chant roumain où la fosse devient une piste de danse folklorique.

En cercle, le public tourne et virevolte de manière rapide et, faute de place, saccadée. Un essai quelque peu raté mais qui a le mérite de créer un lien entre les musiciens sur scène le public.

Mélange de kitsch et de cheap avec des objets rétros-démodés autour des platines, le groupe est pourtant à la hauteur des espérances musicalement parlant. Accordéon, saxophone, theremin, guimbarde, flûte… Click Here Live Band entrelace mélodies populaires, techno et électro-gypsy dans une joyeuse ronde festive qui semble convaincre immédiatement les spectatrices et spectateurs.

La voix de Nadia Potinga secoue les esprits et libère l’âme Rom - calfeutrée par l’accordéon, le saxophone et la flûte - qui sommeille sous cette formation, et se répand dans la salle comme une trainée de poudre.

Très rapidement, le quatuor est rejoint par une danseuse andalouse qui fait vibrer le chapiteau à chaque claquement de talons. Tout le monde est suspendu à ses pieds et à ses mains, respirations haletantes et chuchotements sont de mises.

La droiture imposée par les mouvements flamencos augmente la profondeur des musiques et accentue l’esprit BalkAndalucia. Au delà du partage de la musique, c’est une fête populaire à laquelle nous convie ce groupe détonnant et surprenant.

Et c’est aussi un voyage sans frontières, du sud de l’Espagne jusqu’aux confins du Rajasthan, que nous propose Click Here Live Band dans un « latcho drom » (évocation d’une longue route, en tzigane) énergique et euphorisant.

Mélancolie et gaieté se croisent dans ce message d’enracinement et de métissage culturel. Sceptique au début du concert, on est finalement envoûtés par le charme de ce mélange désuet et explosif.

LA YEGROS, CUMBIA ÉLECTRISANTE

La Yegros perpétue cette mouvance musicale liant musiques traditionnelles et ère digitale. Originaire de la province de Buenos Aires, la chanteuse argentine Mariana Yegros a dépassé son rêve initial et rencontre un succès aujourd’hui international.

« Je n’ai même pas accompli mon rêve en fait. Car à la base je rêvais que mon disque sorte dans les rues en Argentine, pour que je puisse voyager dans le pays, plaisante-t-elle, avant de poursuivre plus sérieusement. Il est sorti partout sauf dans mon pays… La situation économique est difficile et le Gouvernement ne soutient pas le développement des artistes et de la culture. »

Plus jeune, sans être issue d’une famille de musiciens, excepté son oncle qui vit au Brésil, elle suit une formation de musique lyrique au conservatoire de Moron, passe un casting pour un groupe de théâtre et musique, est sélectionnée pour jouer devant des dizaines de milliers de spectateurs et quitte l’école à la suite de ce casting.

« J’ai alors étudié les musiques primitives africaines et indiennes. En commençant à écrire mes chansons, j’ai trouvé mon style. », explique Mariana. Et la rencontre avec son producteur King Coya la confortera dans le mélange électro - musiques traditionnelles, comme la cumbia, le chamamé ou encore les carnavalitos. Elle puise, avec ses musiciens, dans tous les rythmes latinos et sud américains, et les mêle subtilement dans un son singulier, qui lui est propre.

Et qui fera d’elle la seule chanteuse d’électro-cumbia à exporter sa musique à l’international, et à signer avec des labels étrangers, avec le succès planétaire de « Viene de mi » en 2013 (extrait du premier album éponyme), quelques mois avant de monter sur la scène des TransMusicales où elle a démontré son talent et marqué les esprits de son énergie fulgurante et communicative.

« C’est difficile d’être une femme dans le secteur de la musique, et encore plus dans l’électro-cumbia, confie-t-elle avant de monter sur scène, sans considérer qu’elle doit prouver une fois encore que sa place est légitime.Les femmes commencent à avoir de la place mais ce n’est pas habituel mon parcours. J’en suis surprise de ce qui m’est arrivé mais j’ai aussi beaucoup travaillé pour. »

Ce samedi soir, sous le chapiteau, pas de doute. Mariana Yegros et ses musiciens sont de retour, sur une scène plus petite que celle du Parc Expo « mais c’est plus agréable car c’est plus facile d’établir un lien avec le public », pour un concert mémorable. Spectatrices et spectateurs, déjà chauffé-e-s à bloc lors de la première partie, se déhanchent et sautent dans la fosse pleine à craquer, l’air y étant à peine respirable.

À l’instar de la chanteuse qui s’éclate à interpréter ses morceaux emplis d’émotions. C’est là ce qui l’inspire : parler des sentiments tels que la tristesse, la solitude, la joie, l’amour, l’allégresse (et son titre « Alegria » envahit le public d’un sentiment de légèreté et de liberté). Dans une interview accordée au quotidien Libération il y a deux ans, elle explique que sa mission est de chanter des histoires d’amour non conventionnelles.

Et quand on lui demande ce qu’elle entend par là, elle rigole :

« Oui, c’est vrai. Ce ne sont pas des histoires conventionnelles. Je parle des questions émotionnelles, sociales, amicales. Dans Viene de mi par exemple, je parle de sentiment mais pas littéralement du sentiment amoureux. Ça peut être des connexions entre 2 personnes, entre plusieurs personnes. Des connexions artistiques par exemple. »

Soutenue par le talent de ses musiciens à l’accordéon, la guitare et une batterie composée de percussions, et de leur complicité apparente, Mariana fait planer dans sa musique un esprit tribal, primitif, libre. Entre sonorités traditionnelles et modernes, accompagnées d’une voix perçante naviguant entre le hip hop et le rap, la musique de La Yegros met tout le monde d’accord sous le chapiteau.

La Forêt Sacrée - Vivement lundi !

Le tabou de l'excision et l'ambigüité du combat

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Rennes
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Combattre pour préserver des milliers de jeunes filles de l'excision en Afrique, mais aussi sur le sol français, Martha Diomandé s'y dédie. Et c'est d'ailleurs l'objet du documentaire de Camille Sarret, intitulé La Forêt Sacrée.
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La lutte contre l’excision, elle en a fait son combat. Depuis 15 ans, Martha Diomandé vit à Rennes, où elle a créé ACZA (Association culturelle zassa d’Afrique). Son but : faire évoluer les mentalités des matrones contre cette pratique. La journaliste Camille Sarret l’a suivie en Côte d’Ivoire et de là résulte un très beau documentaire, La Forêt Sacrée, projeté en avant-première au cinéma Arvor, à Rennes, le 10 octobre à 11h puis diffusé sur TVR, à partir du 20 octobre.

Actualisation 26/02/2016 : Dans le cadre du 8 mars à Rennes, le film sera projeté le 12 mars à 16h30 aux Champs Libres (Comptoir du doc, 13e édition de Documentaires au féminin), et le 26 mars à 14h à la salle de la Cité (suivie d'une table ronde et d'un échange avec le public).

Plus de 125 millions de femmes sont excisées dans le monde, selon le rapport de l’Unicef en 2013. Et on estime à plus de 50 000 le nombre de femmes excisées en France. Martha Diomandé est l’une d’entre elles. Originaire de Côte d’Ivoire, elle a subi l’ablation du clitoris à 7 ans et lutte aujourd’hui contre cette pratique, répandue dans de nombreux pays d’Afrique, dans les villages surtout, les grandes villes ayant davantage accès aux campagnes de sensibilisation.

Souhaitant faire un reportage sur l’excision, Camille Sarret, journaliste originaire de la capitale bretonne, féministe - qui a milité aux côtés de Mix-Cité Rennes - a rencontré des femmes militantes excisées – originaires du Sénégal – et des associations qui travaillent sur le sujet, comme Gynécologues Sans Frontières.

Et c’est en découvrant l’histoire de Martha Diomandé, qui lui propose de venir avec elle en Côte d’Ivoire afin d’observer les actions menées concrètement dans son village, que Camille décide d’en faire un documentaire, se rendant à 3 reprises sur place tout d’abord pour découvrir l’environnement, habituer les femmes à la caméra, puis filmer.

L’EXCISION AUTREMENT

« J’étais curieuse et j’avais du mal à saisir la démarche de Martha. Elle n’est pas classique dans son regard sur l’excision. Elle n’a pas la même vision que la plupart des Occidentaux ou certaines féministes ont. Elle est pleine de contradictions. », dévoile la journaliste qui réalise ici son premier documentaire de 52 minutes, en co-production Vivement Lundi et TVR 35 Bretagne. Des contradictions dont la fondatrice d’ACZA ne se cache pas. Si Martha s’engage contre l’excision, elle milite également pour une autre méthode :

« En Europe, la vision de l’excision n’est pas la même. Ma culture est entre la France et l’Afrique. Je suis pour dire non à l’excision mais je ne suis pas pour la tolérance 0. C’est toute l’ambigüité de mon combat. ».

Et cette ambigüité, elle s’en sert pour dialoguer avec les matrones. Pour elle, pas question de rester sans agir. Soit elle devenait exciseuse, soit elle s’en faisait un combat, explique-t-elle au début du documentaire.

Mais quand elle raconte son histoire, qu’elle retourne dans son village de Kabakouma pour comprendre les matrones et, doucement, les amener vers l’unique mission d’accoucheuse, délaissant ainsi la pratique ancestrale de l’excision, elle ne peut s’empêcher de penser qu’elle va à l’encontre de sa culture, qu’elle brise quelque chose et qu’elle trahit sa famille ainsi que ces femmes.

« Elle a du mal à renier cette tradition. Certaines militantes qui ont été excisées sont dans une telle rage qu’elles ont besoin de dénigrer tout ça justement. Pas Martha. »
souligne Camille Sarret.

Et c’est là dessus qu’elle base son documentaire : sur les réflexions de Martha Diomandé, son parcours et son travail de sensibilisation. Une démarche bien accueillie par les femmes du village qui demanderont seulement à ce que les activités spirituelles ne soient pas filmées.

Camille se souvient : « Martha a fait une cérémonie dans laquelle elle invoquait les esprits. Nous n’avons pas pu filmer ça, ce qui se comprend et se respecte. Pour le côté mystique, il y a quelques images de la forêt, qui pour nous n’a rien de sacrée. C’est une forêt qui se traverse au quotidien, mais pour les rituels on ne peut pas rentrer dedans. Les femmes nous ont emmené sur le chemin mais se sont arrêtées à l’entrée. Ce sont leurs limites. »

UNE RÉALITÉ BRUTALE

Au delà des pratiques animistes et des cérémonies sacrées qui définissent de manière réductrice le mode de vie de ces villages, La Forêt Sacrée cherche à livrer un regard neuf, loin de tout jugement, vis-à-vis d’une réalité qui nous apparait brutale et qui engendre douleurs, traumatismes et complications dans sa vie de femme. Une réalité que Martha a pardonnée.

Accepter d’être filmée en Côte d’Ivoire est pour Martha Diomandé « une manière de s’exprimer sur un sujet tabou et dire la vérité car on dit que c’est interdit mais on sait très bien ce qu’il se passe là-bas, personne ne s’en cache ». Et surtout, l’occasion de montrer la manière dont « les vieilles » du village conçoivent cette pratique.

« Ce ne sont pas des meurtrières et je ne veux pas les brutaliser. Il faut aller à leur rencontre et être dans le respect. On peut procéder à des arrestations de villages entiers, elles continueront tant qu’elles ne comprendront pas que c’est mauvais pour elles. »

Douceur et apaisement règnent sur le film qui pourtant capte la tension omniprésente. Sous-tendue par l’enjeu si important de l’évolution des mentalités et des pratiques, La Forêt Sacrée montre des réunions, des discussions, des échanges personnels visant à établir une relation de confiance mais aussi à accompagner les matrones dans le rôle d’accoucheuse.

Pour la réalisatrice, le combat de Martha pose la question du droit à la parole pour ces femmes. Combattre cette pratique dans le respect des cultures n’est pas incompatible. Elle soulève alors une autre question, essentielle dans les réflexions autour des droits des femmes : celle de l’universalisme. Et ajoute :

« L’objectif est de susciter des questions autour de ce sujet mais aussi autour de l’universalisme du féminisme, l’universalisme des droits humains. »

UN COMBAT UNIVERSEL

Les femmes excisées sont-elles les seules à pouvoir faire bouger les lignes ? Et doivent-elles se lever seules face à cet acte considéré comme barbare ? Quel est le rôle des Occidentaux/Occidentales ? Dans le documentaire, pas de réponses, simplement l’instauration d’un dialogue dont résulte la possibilité de comprendre ce que signifie cette pratique dans les villages. Et de potentielles solutions pour doucement faire évoluer les mentalités des matrones.

« Personne d’autre que les femmes excisées n’ont la légitimité de porter ce combat. Mais tout le monde peut les soutenir et participer. Leur permettre de mener ce combat. Je ne suis pas pour le « Chacun sa culture, chacun fait ce qu’il veut ». Mais il est indispensable de comprendre la culture des autres et de comprendre ici les conditions de l’excision. Tout le monde peut s’accaparer de ce sujet. Il y a aussi des jeunes filles qui vivent cette injustice sur le sol français ! », rappelle la journaliste.

Depuis septembre 2015, l’ACZA souhaite mettre en place un système de parrainage/marrainage afin de financer les études de jeunes filles africaines en contrepartie de la promesse faite et tenue par la famille de ne pas l’exciser. « Un compromis avec celles qui ne veulent pas arrêter de pratiquer !, conclut-elle. Progressivement, ça va aller, il y a déjà des avancées, mais ça ne pourra se faire que dans le respect de ces femmes et dans la discussion. ».

 

La Forêt Sacrée sera diffusée sur TVR le 20 octobre à 20h45 et 23h, le 21 octobre à 10h et le 24 octobre à 15h et 23h. Une édition DVD devrait voir le jour en décembre prochain.

Actualisation 26/02/2016 : Le film de Camille Sarret a été sélectionné pour la compétition Premier film documentaire des 15e Rencontres du cinéma européen de Vannes qui se dérouleront du 2 au 8 mars.

Fonds Dreyfus - Musée de Bretagne

Réhabiliter Lucie Dreyfus, oubliée de l'Histoire

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Rennes
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Le 30 septembre dernier a été publié le livre Lucie Dreyfus, la femme du capitaine, d'Elisabeth Weissman, journaliste. L’occasion de s’intéresser à une figure féminine oubliée de l’Histoire qu’elle a pourtant marqué.
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Le 30 septembre dernier a été publié le livre Lucie Dreyfus, la femme du capitaine, signé de la plume d’Elisabeth Weissman, journaliste et essayiste. L’occasion de s’intéresser à Lucie Dreyfus, une figure féminine oubliée de l’Histoire qu’elle a pourtant marqué.

15 octobre 1894. Lucie Dreyfus attend que son mari, Alfred Dreyfus officier de l’armée française, rentre déjeuner. Ce midi-là, comme tous les autres pendant les 5 années suivantes, il ne viendra pas.

Accusé de haute trahison envers son pays, il est arrêté, dégradé, emprisonné puis déporté en Guyane.

Plus de 100 ans plus tard, l’histoire du capitaine reste dans les mémoires. Pas celle de Lucie, à tort, qui va pourtant jouer un rôle fondamental dans l’Affaire.

C’est ce qui a poussé Elisabeth Weissman à se lancer sur les traces de cette épouse aimante et mère de famille attentionnée qui se révèle au fil des pages être une force de la nature décrite par l’auteure comme « une très belle figure, un très bel exemple de droiture, qui ne répond qu’à sa conscience, qu’à son devoir. »

SE PLONGER DANS L’HISTOIRE

« J’ai cherché sur Internet, il n’y avait quasiment rien sur Lucie. Et ça m’intéressait de faire une biographie sur une femme qui a marqué la grande Histoire. Cela m’avait plu de faire la biographie sur Coco Chanel mais c’était une commande. », explique l’auteure de Lucie Dreyfus, la femme du capitaine, publié aux éditions Textuel le 30 septembre dernier.

Une manière de réhabiliter l’oubliée mais aussi de visiter une époque, son époque à elle. Celle d’une IIIe République fragile, à la solde de l’armée, avec un ministère de la Guerre ou encore un ministère des Colonies, un Président de la République – Jean Casimir-Périer – qui assurera le mandat le plus court de l’histoire des Républiques (soit 6 mois et quelques jours) avant de laisser la place à Félix Faure.

« Je ne suis pas historienne, je suis journaliste. J’ai fait une enquête journalistique sur Lucie pendant 3 ans. Heureusement, j’ai pu rencontrer des témoins vivants avec le petit-fils et l’arrière petit-fils du couple Dreyfus. », précise Elisabeth Weissman. Et pour le reste, elle a écumé les bibliothèques et les services d’archives en France, en Suisse et en Israël, a reçu des cours de graphologie par des historiens afin de déchiffrer une lettre de Jean Jaurès, par exemple :

« Ils m’ont enseigné la méthode précise, c’est très méticuleux lorsqu’on numérise les documents, il faut les grossir, les rétrécir puis les re-grossir à nouveau… ça m’a pris 2 ans de lire toutes les correspondances, toutes les lettres, tous les documents. »

RENNES, PASSAGE OBLIGÉ

Et passe même plusieurs semaines à Rennes, visitant le lycée Emile Zola, détours obligé pour marcher sur les pas du célèbre « J’accuse », et se rendant surtout au musée de Bretagne qui détient le fonds Dreyfus depuis 1978, une des collections les plus importantes sur l’Affaire Dreyfus, comptabilisant 6800 pièces, consultables sur le site Internet du musée, et qui ne cesse de grossir ses rangs avec notamment l’acquisition récente d’une carte de presse d’un journaliste présent lors du procès de Rennes en 1899.

« L’ancien conservateur était un passionné de l’histoire  de Dreyfus, c’est lui qui a mis ça en place avec la donation de Jeanne Lévy, leur fille. Il y a quelques éléments sur Lucie dans l’exposition permanente du musée de Bretagne mais pas beaucoup. », déclare Laurence Prod’Homme, conservatrice du musée de Bretagne depuis 1989 et responsable du fonds Dreyfus.

Concernant de nouveaux éléments visant à présenter Lucie Dreyfus et lui donner la place qu’elle mérite, peu de solutions sont envisagées. « C’est très difficile de faire bouger les choses rapidement. Cela prend des années et des années. Et puis, vous voyez l’expo Dreyfus, c’est très fermé comme muséographie. », justifie Laurence Prod’Homme. Pour la conservatrice, pas question de minimiser le rôle joué par l’épouse du capitaine mais aucun élargissement ne s’ouvre à l’horizon.

« C’est une injustice de faire perdurer son petit rôle. C’est une époque d’hommes et ce sont eux que l’on retient : Mathieu Dreyfus, les intellectuels qui se sont engagés, les hommes politiques… Lucie est tombée dans l’oubli après l’Affaire. Eux, moins. Mais tout comme la journaliste Séverine par exemple (journaliste écrivant dans le quotidien féministe La Fronde, fondé par Marguerite Durand, présente au procès de Rennes, ndlr), on ne parle pas beaucoup d’elle non plus… », détaille-t-elle.

Et même si l’historien, spécialiste de l’affaire Dreyfus, Vincent Duclert a déjà publié un article sur Lucie, la majorité des professionnels ne s’intéresse pas à cette figure féminine si dévouée à la cause de son mari dans cette Affaire.

« Les historiens sont encore majoritairement des hommes et il y a une manière d’écrire l’Histoire, ce n’est jamais neutre. »
déclare la conservatrice du musée de Bretagne, ravie d’avoir vu débarquer une journaliste souhaitant orienter son ouvrage sur Lucie Dreyfus.

« On a souvent des demandes d’universitaires qui viennent faire des recherches dans le fonds Dreyfus. Là, c’était différent. Première fois qu’une journaliste s’y intéressait. Et à travers l’angle de la femme en plus ! », conclut-elle enjouée, avouant une légère déception à la lecture du livre de ne pas trouver plus de sources inédites et de pas en connaître davantage sur l’enfance, l’adolescence et la construction de Lucie.

UNE FEMME DISCRÈTE ET EN RETRAIT

Pour les novices, plus de 300 pages permettent à travers ce livre de découvrir l’Affaire Dreyfus sous un angle particulier. Au delà du rappel des faits et du contexte socio-politique, c’est un portrait dressé avec justesse, précision et surtout sans exagération que nous propose l’auteure de La désobéissance éthique, La nouvelle guerre du sexe ou encore Un âge nommé désir – Féminité et maturité.

Car il aurait été commode de dépeindre une femme engagée et précurseure de son époque. Loin de là, puisque Lucie refusera catégoriquement tous les contacts avec les journalistes féministes qui plaideront pourtant à 100% la cause du détenu accusé à tort. Et  ne souhaitera à aucun moment être dans la lumière médiatique.

« C’est difficile de se replacer dans ce contexte-là. Mais à l’époque, il y avait un rôle pré-déterminé dans les familles et il était logique qu’avec son éducation bourgeoise et sa condition de femme, elle soit en retrait. Pourtant, elle est beaucoup intervenue dans l’Affaire, notamment dans sa correspondance avec les ministres. »
souligne Laurence Prod’Homme.

Et quand on lit la chronologie très détaillée de l’Affaire sur le site du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, le nom de Lucie n’apparaît qu’au bout d’une année (elle demande la révision du procès en 1895) et ne sera mentionné qu’à 5 reprises.

Pour la conservatrice du musée de Bretagne et l’auteure, Lucie Dreyfus est représentative de son époque, soit « mineure en politique, sans aucun droit ». Elle s’est mariée jeune, a eu des enfants très rapidement, est de nature discrète, bien éduquée, bien sous tous les rapports.

Elisabeth Weissman voit en elle quelque chose de novateur. Qui l’incite à la découvrir avec admiration et respect. Républicaine conservatrice, quasi anti-féministe, et pourtant ne répondant qu’à son objectif : se battre pour la dignité de son mari qui va connaître toutes les humiliations en étant dégradé dans un premier temps puis traité en prison sans aucune considération, isolé et bafoué dans sa condition d’être humain.

DIGNE DANS TOUTES LES ÉPREUVES

Amoureuse, elle ne cessera de lutter et de correspondre avec celui qu’elle chérit tant et pour qui elle serait prête à tout quitter pour le rejoindre et partager le fardeau. Et c’est certainement grâce à elle qu’il survivra les 5 années de réclusion durant, lui promettant de ne pas mettre fin à ses jours. « Ce couple a une grande valeur et une grande noblesse de caractère, s’exclame Elisabeth Weissman. Ils se battent pour universaliser leur combat, celui de la Justice républicaine. Ils n’en ont jamais fait une affaire juive et ne souhaitaient pas en faire une affaire juive malgré l’antisémitisme latent déjà à cette époque. »

Lucie, humble et modeste, ne voudra jamais être érigée en héroïne, le dira très clairement à son amie Hélène Naville avec qui elle correspond très régulièrement (comme avec beaucoup de gens puisque Lucie recevra des milliers de lettres de soutien du monde entier), et assumera sans complexe le rôle de la femme de l’ombre.

Néanmoins, sans conscientiser ses actions guidées par la volonté de faire revenir son mari en France afin qu’il soit libéré et réhabilité, elle crée les possibilités de l’Affaire, ne baissant jamais les bras, demandant constamment la réouverture du procès, ne faiblissant jamais face aux affronts de l’administration qui lit et recopie toutes leurs lettres y compris les plus intimes. Elle accepte, sans baisser la tête, et dépasse sa condition de femme en s’adressant aux hauts gradés et aux ministres.

« Tout en étant discrète et réservée quant à sa condition de femme, en rapport à son éducation, elle balaye l’assignation sexuée attribuée à la gent féminine. Elle se montre même peu conventionnelle pour aller retrouver son mari, elle serait prête à quitter ses enfants. Elle déborde complètement du cadre par moment en intervenant auprès des hommes politiques, en signant des pétitions et des lettres et surtout en s’indignant. », s’emballe la journaliste qui après avoir passé 3 ans à côtoyer et caresser la mémoire de Lucie semble toujours aussi passionnée par son sujet.

PARALLÈLE ENTRE LES SOCIÉTÉS

Car ce qui l’anime en parallèle de ce portrait, c’est de créer une ouverture sur le monde qui s’instaure par le biais de l’intimité de l’individu. D’humaniser, de particulariser, de féminiser une partie de l’Histoire « sans faire de la mauvaise psychologie, en ne lâchant pas le contexte. » Un contexte passé qui trouve pourtant écho dans l’actualité avec la crise économique, le relent d’antisémitisme, de racisme, l’image des hommes virils et poilus, le rôle restreint des femmes, le pouvoir de la presse avec la naissance d’une presse d’opinion…

« On voit à cette époque les soubresauts des paparazzis, les journalistes et les médias qui répandent des rumeurs sur l’état physique de Lucie par exemple. C’est le début de la presse caniveaux et on y voit le pouvoir de la manipulation et la contre information. »
s’insurge la journaliste.

Autre élément que l’on perçoit de manière abrupte et qui n’évolue que trop doucement : « L’épouse n’est jamais assimilée dans l’Histoire. Il n’y a rien pour Lucie sur la plaque figurant dans la rue où ils ont vécu alors qu’on signale pourtant que c’est ici que vivait le capitaine Dreyfus. On note toujours le grand homme. Elle, elle a été une grande femme. »

 

Légendes photos :

  1. Lucie Dreyfus et son père devant la prison de Rennes.
  2. Lucie Dreyfus et ses enfants.
  3. Journalistes du quotidien féministe La Fronde.

Célian Ramis

Le Grand Soufflet 2015 : Frissons et grosse énergie pour les 20 ans !

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Soirée spéciale pour les 20 ans du Grand Soufflet, le festival accueillait le 2 octobre au Thabor, à Rennes, les artistes qui ont marqué les éditions précédentes dont Wendy McNeill et Whiskey & Women.
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Pour fêter ses 20 ans, le festival d’accordéon Le Grand Soufflet proposait vendredi 2 octobre une soirée spéciale rythmée par des invité-e-s qui ont marqué les éditions précédentes. Et ce sont des musiciennes qui ont ouvert cette session originale sous le chapiteau, installé dans le parc du Thabor à Rennes : Wendy McNeill, suivie du trio de Whiskey & Women.

En arrivant sur la scène du Grand Soufflet, accompagnée de deux musiciens – un à la contrebasse et l’autre à la batterie, Wendy McNeill définit leur formation comme une bande de « rêveurs hardcore ». Leurs chansons sont bâties comme des contes et nous transportent dans des histoires merveilleuses, imaginaires, pleines de rebondissements et péripéties.

Munie de son accordéon, sa voix et sa pédale à boucles, l’artiste canadienne insuffle sous le chapiteau un vent chaud de douceur mêlée à une atmosphère parfois sombre et que l’on imagine tortueuse. À la manière de Maïa Vidal qui nous avait aussi transcendé sur la scène de ce même festival, la légèreté de la noirceur dissipe l’angoisse et capte l’attention du public, pendu à ses lèvres, tant elle interprète avec justesse les histoires qu’elle raconte.

La voix théâtralisée de Wendy McNeill et le trio instrumental s’unissent dans des mélodies simples et rythmées servant à mettre en relief les textes poétiques de celle qui était déjà venue au Grand Soufflet en 2009. De la comptine sur le pouvoir de la musique au voyage tumultueux d’un homme en quête de sa mémoire perdue, en passant par la biographie d’Edith Piaf dont la voix a brisé le cœur de Wendy McNeill pour lui « revenir encore plus fort », la musicienne nous embarque dans son univers singulier et décidément séduisant.

Mais c’est aussi son goût du partage et sa sincérité qui touche les spectatrices et spectateurs qui lui rendent généreusement cet instant délicieux. En participant activement lorsqu’elle les met à contribution pour donner le rythme en tapant des mains ou en lui posant des questions directement entre deux chansons pour qu’elle nous présente les personnages de sa chanson suivante…

Et lorsque la jeune femme oublie ses paroles et arrête sa dernière chanson, elle lâche sa guitare électrique prise pour l’occasion et enchaine sans interruption. A capella, elle interprète seule sur scène une dernière ballade enivrante. Le temps est suspendu, Wendy McNeill termine sur un interlude de pureté qui ne cesse encore de nous faire frissonner.

WHISKEY & WOMEN, DIRECTION LA LOUISIANE

On les attendait avec impatience. Les trois californiennes avaient mis le feu au chapiteau en 2012, et trois ans plus tard, elles assurent toujours autant et nous régalent encore de leur dynamisme entrainant et leur bonne humeur communicative. Pas de doute, elles sont dopées à l’adrénaline de la scène et survoltées par la soif de spiritueux endiablés dont elles aiment tant encenser les mérites.

Ce vendredi soir, le trio envoie d’entrée de jeu une grosse énergie à base de vieux blues et de musique cajun venue tout droit de Louisiane, et arrangée à leur sauce folk et rock’n’roll.

« Mes parents écoutaient beaucoup de folk mais aussi de punk. J’ai baigné là dedans. Un jour, j’ai trouvé un violon dans la poubelle, c’était le signe que je devais apprendre à en jouer. Je suis forcément inspirée par les musiques de mon enfance », explique Joan, violoniste.

Ses deux comparses Rosie (violon en 2012, percussions cette année) et Renée (accordéon), deux sœurs, ont elles aussi baigné dans les musiques folk et celtiques qu’elles enrichissent toutes les trois lors des arrangements finaux.

« Medicine for the blues – titre de leur dernier album, ndlr – est un mix de folk, blues et rock avec du cajun. Nous aimons ajouter ces styles à des musiques traditionnelles », soulignent-elles. 

Et quand on leur demande ce qui les inspire pour écrire les textes des chansons, elles répondent en chœur et sans hésitation : le whiskey. Sur scène, elles le revendiquent :

« Il faut boire avant la prochaine chanson car elle parle du whiskey fait main et de l’homme des impôts qui veut prendre la machine à faire le whiskey. Et nous, on veut pas ! »

Attitude rock, énergie déjantée, naturel souriant, Whiskey & Women est un groupe impressionnant qui nous transporte dans les bars reclus de la Louisiane profonde, nous fait user les talons contre le plancher et nous surprend avec un blues sur un temps de valse et une chanson a cappella dont la rythmique est donnée par leurs coups de pieds et claquements de mains.

Ou encore en interprétant la chanson française « Chevaliers de la table ronde » - un chant sur le bon vin ! oui oui oui – en invitant Etienne Grandjean, directeur du festival, à venir jouer avec elles. Ce dernier s’exécute au violon cette fois, après avoir interprété « In bocca al Lupo » à l’accordéon avec Wendy McNeill, quelques dizaines de minutes plus tôt.

Célian Ramis

Le Marché Noir cherche à s'ancrer

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Rennes
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Donner une meilleure visibilité aux arts imprimés, tel est le but du festival rennais Le Marché Noir depuis 4 ans. Cette année, il aura lieu du 25 au 27 septembre dans la capitale bretonne.
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Donner une meilleure visibilité aux arts imprimés, tel est le but du festival rennais Le Marché Noir depuis quatre ans. Cette année, il aura lieu du 25 au 27 septembre à l'Ecole des beaux-arts et se prolongera, à travers des expositions et des projections dans le centre-ville, jusque début octobre.

Sur l'affiche du festival Le Marché Noir se dessine une tête à deux visages : à gauche, une apparence masculine, à droite, féminine. Seule la barbe brouille les pistes. « Il y a une étrangeté qui fait qu'on ne sait pas trop ce qu'on voit », explique Julie Giraud, membre de l'atelier La Presse Purée, l'un des trois cofondateurs de l'évènement avec L'Atelier du Bourg et La Barbe à Papier. Et comme tous les ans, l'atelier d'initiation à la sérigraphie et à la gravure, qui se déroulera les 26 et 27 septembre, a puisé sa thématique, « Cul-de-jatte et femme à barbe », dans le visuel.

Réalisé par l'association Le Marché Noir, regroupement des ateliers, il « donne une liberté » à l'imaginaire des personnes qui y participeront. « Les inscrits créent en une après-midi une image à partir du thème : ils la dessinent puis la façonnent et l'impriment, détaille Anna Boulanger, illustratrice à l'Atelier du Bourg. Le résultat peut être aussi bien imprimé sur des affiches, que des cartes postales ou des t-shirts. » Pour simplifier, la sérigraphie utilise la méthode perfectionnée du pochoir. « C’est-à-dire qu’on imprime couleur par couleur, développe Julie Giraud. Quant à la gravure, on creuse sur une plaque pour réaliser le motif puis l’encre, à l’aide d’une machine, rentre dans les vides. »

ESPACE D’ÉCHANGES

L'envie de faire connaître leur savoir-faire est à la base du Marché Noir, monté en 2011. « Nous souhaitons accompagner les collectifs qui démarrent et même ceux qui n'ont aucun soucis. On pense juste que ce qu'ils font, ça déchire ! », sourit Maud Chatelier, plasticienne à L'Imprimerie, un autre atelier rennais qui a rejoint l'équipe en 2012. La ville ou le pays ne sont pas des critères de sélection, seule « la volonté de créer des ponts et des accroches » entre professionnels. Cette année, une quarantaine d'ateliers sera représenté sur 36 stands.

« Les arts imprimés regroupent beaucoup de choses : sérigraphie, gravure, livres... Ce sont des éditions limitées, de l'impression manufacturée et du multiple même si cela reste artisanal. Il y a une volonté de faire tout nous même », définit Maud.

Le système D caractérise l'esprit même du festival.

« La première année, on n’avait rien !, se souvient la créatrice de La Presse Purée. D'où un côté débrouille très créatif puisque pas le choix. »

TOUCHER UN LARGE PUBLIC

Comme l'édition précédente, le Marché Noir se prolonge jusqu'en octobre à travers des expositions, conférences et projections, cette fois-ci, dans neuf endroits de la ville. «Cela crée une dynamique pour pouvoir voir au moins un événement », développe Maud Chatelier. Car hormis les connaisseurs de ce milieu artistique, le grand public a été peu présent les deux premières années. De cette réalité, l'équipe du Marché Noir en a conscience.

Le nom du festival vient d’ailleurs de là : « L'expression "le marché noir" est un peu comique. À l'époque, cela partait du constat de ce qu'était l'estampe (terme généraliste pour désigner la gravure et la sérigraphie, ndlr) : un petit milieu où tout se faisait sous le manteau et se donnait de main à main. Dans les salons, on retrouvait tout le temps le même monde aussi bien au niveau des ateliers que du public », se rappelle Julie. Les animations pour enfants et le concert à chaque soirée d'ouverture participent à cette envie de s'ouvrir à un plus large public.

Passée de main à main, mise sous le manteau… C’est aussi de cette façon qu’est apparue la sérigraphie en France, pendant la Seconde Guerre mondiale, importée par les soldats américains pour marquer leurs appareils.

« Elle a survécu grâce aux résistants, ils cachaient le matériel en le remplaçant par des objets du quotidien, comme des tableaux ou des rideaux. Ce qui leur permettait de le transporter sans se faire attraper ! »
raconte l’enseignante aux Beaux-Arts de Rennes.

PLACE ARTISTIQUE À DÉFINIR

Lors de cette quatrième édition, Le Marché Noir proposera, pendant plusieurs semaines, des temps de réflexions sur les livres d'art, autre volet des arts imprimés. Des étudiants de l’école de Rennes exposeront onze projets à l'Institut Pasteur autour du « livre mutant », sur lesquels ils travaillent depuis avril. L'objectif : le détourner de sa fonction première. « L'exposition Au-delà de la réserve, les mutations du livre au Frac (Fonds régional d'art contemporain) interroge aussi les limites du livre et son contenu. L'art contemporain a ces questionnements depuis les années 60 », rajoute Maud. Et ces thématiques traversent autant les travaux de cette dernière que ceux d'Anna Boulanger.

Or, sont-elles artistes ou artisans ? La question se pose, puisque beaucoup des organisateurs du Marché Noir ont étudié dans des écoles d'arts plastiques. Pour Julie Giraud, pas de doute : elle se définit artiste. « Ma sérigraphie est liée à mon travail plastique. L'artisan est à la recherche de la perfection technique, il réalise, tandis que l'artiste conçoit et crée », nuance-t-elle. Mais, en France, le milieu professionnel ne le voit pas de cette manière.

« L'estampe est fortement dévaluée par les galeristes car ce n'est pas vu comme un art mais une reproduction, contrairement à l'Allemagne, la Belgique, la Hollande ou les États-Unis où la pratique est équivalente à la peinture et au dessin », constate Julie. Pour autant, elle revient sur le devant de la scène dans le pays depuis plus d'une dizaine d'années.

« La mode du Do It Yourself est arrivée d'une part, puis l'envie de retourner au côté manuel, après l'époque de la perfection du numérique, d'autre part »
explique-t-elle.

Ce temps de rencontres que permet Le Marché Noir amène ainsi à réfléchir sur la pratique, le rôle et l'avenir des sérigraphes, graveurs et éditeurs dans les arts.

Célian Ramis

Alice Schneider, mauvais esprit et faux sanglants

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Galerie DMA, Rennes
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Mauvais esprit et impertinence s'invitent à la galerie DMA de Rennes jusqu'au 29 octobre. L'occasion d'apprécier le talent d'Alice Schneider qui a réalisé 200 dessins à l'encre de Chine.
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Faux sanglants, l’exposition de l’artiste plasticienne Alice Schneider, regroupant 200 dessins réalisés à l’encre de Chine, est présentée jusqu’au 29 octobre, à la galerie DMA de Rennes.

Faux sanglants, c’est le titre de l’exposition de la mancelle Alice Schneider, écrit en majuscules dégoulinantes, fruit du déversement d’une bouteille de Ketchup sur une banale feuille A4. « Ça résume bien la série de dessins, avec le côté cheap, la référence au fake, à la marque Ketchup… Tout le monde connaît ce jeu du sang avec le Ketchup », explique-t-elle, quelques heures avant le vernissage de l’exposition, jeudi 17 septembre.

Après avoir passé trois mois à entreprendre cette série, elle vient de coller ses 200 dessins sur les murs de la galerie DMA. Des dessins en noir et blanc, à l’encre de Chine. « Pour ne pas changer de feutre tous les 4 matins, mais aussi pour obtenir un vrai noir, qui garde un vrai contraste même sur les photocopies », commente l’artiste plasticienne. L’exposition ne présente pas les originaux, volontairement. Pour Alice Schneider, l’important est de pouvoir les diffuser, les photocopier, les multiplier.

DÉSACRALISER LE CÔTÉ PRÉCIEUX

« Le choix du dessin, et non de la peinture qui est pourtant mon premier amour, est une économie. C’est simple, facile à diffuser. Je suis parfois frustrée par le côté précieux des œuvres. » Elle prône la liberté du regard, la simplicité du rapport à l’art et la libre circulation de l’œuvre. Auparavant, elle avait déjà travaillé sur une série de magnets à coller sur le frigo et à reconstituer à sa guise.

Ici, elle opte pour des dessins que chacun peut photocopier directement dans la galerie, pour 1 euro, et repartir avec : « Il faut désacraliser ce côté précieux. Je veux qu’on puisse jouer et parler avec l’œuvre. Et que le dessin puisse partir à la poubelle sans complexe au final. »

Briser les frontières entre le visiteur et le travail de l’artiste, s’approprier les œuvres, les faire vivre selon nos propres références… Une démarche séduisante et engagée, en parfaite symbiose avec le contenu des dessins accrochés par thèmatique. Animaux, princesses Disney (ou Death Né), bouffe, mannequinat, amour, sexualité, désillusions, monde du travail, jeux, religion, actualité et nouvelles technologies, tout ce qui inspire la diplômée des Beaux-Arts d’Angers est recensé dans Faux sanglants.

LE TALENT AU SERVICE DE L’IRRÉVÉRENCE

« Au quotidien, j’ai toujours un petit carnet sur moi. Je note tout ce qui me vient en tête, des blagues Carambar, des jeux de mots, des sujets, des choses que je vois. C’est ma façon de procéder. J’aime mettre sous cloche des envies. Créer et mettre en images ensuite. », précise-t-elle, en balayant du regard les centaines de feuilles légendées affichées aux murs. Après ses études, Alice Schneider a travaillé brièvement dans une agence de pub à Paris, mais l’ambiance lui déplaisant, elle a préfèré voler de ses propres ailes. Parler de ces références, de ce qui la touche, ce qui la titille.

Des punks à chattes, une société française lubrifiée par le vin rouge ou boostée à la caféine, une pomme pomme girl, une femme aux seins doux (ou plutôt au Saindoux), une pharmachienne ou encore des migrants jamais aussi célèbres que Léonardo Di Caprio et Kate Winslet… la dessinatrice distille dans chaque pièce de la série une dose d’humour noir, de sarcasme et de regard critique. Simplement dans l’objectif de rendre compte de ce qu’elle constate : « Je ne cherche pas forcément à être critique mais généralement quand on écrit sur quelque chose, c’est quelque chose qui nous titille. On soulève rarement ce que l’on aime bien mais plutôt ce qui ne tourne pas rond. »

Sans prétention, Alice Schneider propose sa vision du monde à travers des dessins pouvant être appréhendés de manière personnelle comme universelle. Fortement influencée par les mutations sociétales des années 90 et 2000, l’artiste de 28 ans soulève avec simplicité et talent tous les « faux sanglants » de notre environnement. Impertinence et mauvais esprit s’invitent à la galerie DMA jusqu’au 29 octobre, on vous conseille d’en prendre une tranche…

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