Célian Ramis

8 mars : La littérature, pour exprimer l'intime

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Antipode MJC
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Le 29 mars, à l'Antipode, la romancière Fawzia Zouari revenait sur son parcours, ses origines, sa passion de l’écriture et sa quête de l’intime, à travers son ouvrage Le corps de ma mère.
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Le 29 mars, au café de l’Antipode MJC à Rennes, la romancière Fawzia Zouari revenait sur son parcours, ses origines, sa passion de l’écriture et sa quête de l’intime, notamment à travers celui de sa mère qu’elle dévoile dans son ouvrage Le corps de ma mère.

Elle est née en Tunisie dans une famille de quatre frères et cinq sœurs et vit en France depuis 30 ans. Et elle est la première des filles de la famille à avoir poursuivi son cursus scolaire. Parce qu’elle est « fille de Bourguiba ». Façon de parler, évidemment. Ses sœurs n’ont pas eu cette chance, celle de vivre leur adolescence après l’indépendance.

« Vous voyez le film Mustang ? C’était exactement ça. A un certain âge, on enlève les filles de l’école, on les enferme entre quatre murs et on lève les grilles en attendant qu’elles se marient. Moi, c’est d’abord mon père qui m’a sauvée, j’allais au lycée à 30 km de mon village. Après mon bac, ma mère a voulu que je rentre. Là, c’est encore un homme qui m’a sauvée. Mon frère. Je suis allée à l’université de Tunis puis j’ai poursuivi mes études de littérature comparée en France. J’ai un mari français et des enfants français. », dit-elle.

Arrivée dans l’Hexagone, elle fait une thèse avant de travailler à l’Institut du monde arabe et de se rendre compte que ce n’est pas pour elle. Elle, elle veut écrire. Ce qu’elle entreprend alors auprès du média Jeune Afrique. Là encore, ce n’est pas pour elle. « Je pige encore de temps en temps mais ça a été une violence de découvrir que l’écriture journalistique n’a rien à voir avec l’écriture. », précise Fawzia Zouari.

LE RAPPORT À L’ÉCRITURE

L’écriture est pour elle pour manière d’explorer l’intime. Celui de son enfance en particulier. Il constitue sa matière privilégiée. Dès le début de sa carrière, elle a souhaité en finir « avec Shéhérazade ». Cette figure exotique qui fait fantasmer. « On peut écrire le jour, pas uniquement la nuit, pas uniquement pour les hommes. », souligne-t-elle, croisant des récits en lien avec la famille, la relation entre la France et la Tunisie, la relation entre l’Occident et l’Orient.

Dans Le corps de ma mère, elle inscrit les femmes de sa famille dans la tradition écrite de la littérature. Comme pour réparer une injustice. Car entre femmes, tout est oral. On taira les confidences d’une mère enceinte à sa future fille et on gardera en mémoire les silences et les mythes racontés. Et dans l’arbre généalogique, elles ne seront que les absentes.

« J’ai regardé l’arbre généalogique de ma famille. Il va jusqu’à Eve et Adam, en passant par Noé et le Prophète. Il n’y a que les hommes dessus. Comme il n’y a pas assez de places, on ne met pas les femmes. »
raconte Fawzia Zouari.

Après mure réflexion et une révolution tunisienne, elle décide de transgresser la tradition maghrébine. Celle qui dépeint des femmes mères manifestement sacralisées. Comme elle le dit, elle taille dans la légende : « Nous avons une phrase qui dit « Le paradis est sous le pied de vos mères » mais les mères sont humaines et elles ne correspondent pas toujours au modèle. »

Sacrilège donc. L’auteure outrepasse cet interdit officieux, privant quiconque de coucher sur papier l’intime de sa famille. Pire celui d’une mère. Défunte qui plus est. Et dans la langue des « Infidèles ». Il s’agit là d’un tour de passe-passe. Pour que les sœurs de Fawzia ne puissent comprendre le texte. Comprendre qu’elle a rompu à ce niveau-là avec la tradition.

LE RAPPORT À SES RACINES

À la fin de sa vie, sa mère tombe amoureuse du concierge de son immeuble. Et entretient avec cet homme des relations sexuelles. « Elle tient un discours obscène, ça a choqué mon lectorat tunisien. Alors pour la version arabe et pour mes sœurs, on a mis sur le livre qu’il s’agissait d’un roman et non d’un récit comme on l’indique en France. Pour qu’on puisse leur dire qu’il ne s’agissait pas réellement de ma mère mais d’un personnage de fiction. », justifie-t-elle.

Pour le reste, elle se défend de ne pas avoir renié ses origines. Elle garde en elle les valeurs inculquées, les souvenirs, les contes racontés par sa mère qui craignait les démons et les djinns et insiste sur le fait qu’elle n’a « pas rompu avec le socle fondamental de (ses) racines ». Au contraire, pour elle, l’exil a renforcé son ancrage dans ses terres et son ouverture d’esprit.

Mais elle se souvient aussi du jour où ses sœurs n’ont plus pu aller à l’école. Du choix de certaines de se voiler. De ce que les femmes subissaient avant l’indépendance (polygamie, répudiation, interdiction d’avorter, de s’instruire,…). De ce qu’elles ont cru acquérir lors de la Révolution tunisienne et de ce qu’elles doivent continuer à combattre, aujourd’hui encore.

Elle semble fatiguée de se justifier. De prouver sa légitimité à s’exprimer. A refuser le voile et à prendre position contre le port du voile. Sa nationalité tunisienne ne constitue pas un rempart à l’esprit critique. A la réflexion autour de l’éducation, la religion, la culture et la langue. Elle qui a étudié la littérature et s’intéresse de près au langage. Elle s’interroge sur ce que sa mère appelait « la langue des Infidèles », autrement dit, le français :

« La langue maternelle est pour moi celle dans laquelle on arrive à raconter nos mères sans les trahir. L’arabe est pour la langue paternelle puisqu’elle est celle des hommes qui enferment les femmes et els rendent absentes. »

LE RAPPORT À LA MÈRE

Et ce qu’elle essaye de transmettre ici, dans sa propre langue maternelle – qu’elle envisage avec des mots français sur fond de chants coraniques et de psalmodies – c’est le monde maternel. Celui qui a vu sa fin lors de la révolution de Jasmin : « La Tunisie basculait, son monde se terminait. J’ai eu envie d’écrire sur elle à ce moment. Pendant longtemps je me suis demandée si j’avais bien fait. J’ai plusieurs fois culpabilisé et au cimetière de mon village, j’ai plusieurs fois demandé pardon. »

Plusieurs réalités s’entrecroisent dans Le corps de ma mère. Celle que Fawzia retient de sa mère, dont elle verra les cheveux pour la première fois lorsque celle-ci sera dans le coma, les jours derniers jours durant de sa vie, celle que sa mère leur a léguée avec les rituels et les légendes et celle que sa mère a vécu.

Elle est une femme secrète et discrète. Recluse dans sa maison, le voile tunisien sur la tête. Dans le ventre de sa mère, elle a été sa confidente. Celle à qui le combat contre la polygamie revient. Jusqu’à la hanter et l’obséder. Derrière les murs de la demeure, elle sait pourtant tout ce qu’il se passe à l’extérieur. Et semble même contrôler le cours des choses dans le village. Tout le monde le sait, tout le monde la craint.

Lorsqu’elle tombe malade, ses enfants l’emmènent à Tunis, loin de son village qu’elle veut à tout prix retrouver. « C’est là que j’appelle ça l’exil de ma mère. A ce moment-là, elle devient aveugle. Tous les jours, elle s’imagine dans son village. Pour punir ses enfants, elle va simuler un Alzheimer, ne se souvenant plus de nous. Et elle ne racontera jamais ses histoires à elle, à part à ses aides à domicile. », précise Fawzia.

Néanmoins, l’intimité de cette mère loyale à ses valeurs est dévoilée. On y découvre une figure de force et de courage, en proie à des peurs transmises par son héritage familial, fidèle à ses croyances, amoureuse de son époux et assurément apathique envers ses enfants. On se demande alors si son silence relève de la punition ou de la protection. Ou simplement de l’indifférence pour sa progéniture qu’elle ne considère pas digne de recevoir le patrimoine familial en transmission.

Et à travers ce récit, l’auteure nous invite à nous plonger dans notre propre histoire. Notre rapport à la famille, à nos origines profondes. Et à ce que l’on dit, et ce que l’on ne dit pas. Ce que l’on transmet en tant que femme et entre femmes. Dommage que parce que l’auteure est tunisienne, la discussion dévie forcément en polémique sur le port du voile. Un glissement que Fawzia Zouari craint à chaque rencontre et regrette.

Tout autant qu’elle regrette l’islamophobie de gauche ambiante, prétendant secourir les musulmans. « On considère qu’un musulman est forcément une victime. Je n’aime pas ce mépris, cette façon de pleurer sur les musulmans. C’est une nouvelle forme de colonisation. », conclut-elle, parlant d’omerta et de protectionnisme envers les musulmans.

Mille et une films

Sur les traces de la civilisation d'Islam

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Ciné TNB, Rennes
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Le long-métrage documentaire de Bénédicte Pagnot, Islam pour mémoire, sort au cinéma le 22 mars, au ciné-TNB à Rennes. La réalisatrice rennaise nous emmène à la découverte de l’Islam et ses arts, sa poésie et son altérité.
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Présenté en avant-première le 4 décembre dernier au ciné TNB, le long-métrage documentaire de Bénédicte Pagnot, Islam pour mémoire, sort au cinéma le 22 mars. La réalisatrice rennaise nous emmène à la découverte de l’Islam et ses arts, sa poésie et son altérité.

« Vous parlez à la radio / Je vous entends sans vous écouter / Vous parlez à la radio / Je vous écoute sans vous comprendre / Vous parlez à la radio / Je vous écoute et je prends conscience de mon ignorance de l’islam et surtout de l’ignorance de mon ignorance de l’islam / Je décide de vous lire / je vous lis parfois avec difficultés souvent / Je vous lis souvent avec difficultés parfois / Je comprends que votre islam est avec un grand I / S’ouvre à moi un champ immense / Infini (…)

Je m’endors en trouvant enfin le mot juste pour vous définir dans mon film « éclaireur » / Je me réveille en entendant des nouvelles affreuses de Jérusalem / Puis j’apprends votre mort / Pendant la nuit, mon éclaireur s’est éteint ».

Ce sont les mots empreints de tendresse que Bénédicte Pagnot a écrit en novembre 2014, sur son blog, dans une lettre adressée à Abdelwahab Meddeb. L’écrivain, poète et animateur radio franco-tunisien est à l’origine du nouveau long-métrage de la réalisatrice des Lendemains (2012).

Elle, explique-t-elle au début du documentaire, est française, athée, née en 1970 et sait à propos de l’Islam ce que tout le monde sait ou presque, soit le fait d’avoir les pieds nus dans une mosquée et la tête couverte si l’on est une femme. Elle, qui s’interrogeait sur la différence entre un niqab et une burqa, sur ce que sont l’Orient et l’Occident et sur l’intérêt que Dieu aurait à semer une telle pagaille sur terre, va plonger dans un voyage en Islam, d’abord aux côtés de l’intellectuel qui la fascine et qui contait à l’époque de son vivant les Cultures d’Islam sur France Culture, réfutant l’Islam des « assassins de l’altérité ».

LA DÉCOUVERTE D'UN HOMME

Il y a 6 ans en écoutant la radio, Bénédicte Pagnot est intriguée par cet homme dont elle aime la voix et la façon de parler. Elle tend l’oreille et s’interroge. Abdelwahab Meddeb évoque les cultures d’Islam, sans parler religion. Elle se met alors à lire ses livres, compliqués à comprendre, néanmoins, elle s’y attèle avec une soif de découverte. Et finit par lui écrire un courrier lui expliquant son envie de faire un film avec lui.

« Il a téléphoné, je lui ai envoyé les films que j’avais déjà fait et il a dit ok. Je suis allée assister à un cours qu’il donnait à l’université de Nanterre, avec une classe de Licence 3, sur les Mille et une nuits. C’était impressionnant, sa classe était super métissée. On a tourné des choses dès 2011 car il allait arrêter d’enseigner. On s’est vus de temps en temps et on parlait par mail et téléphone. Puis j’ai tourné Les lendemains donc le projet a été suspendu pendant environ un an et demi avant de reprendre. », se remémore la réalisatrice.

Ainsi, en 2013, ils se rendent ensemble en Israël et en Palestine, avant de poursuivre son chemin, seule, après le décès du poète. Elle qui dans sa jeunesse n’était pas une grande voyageuse et qui gardait quelques mauvais souvenirs de certaines escapades a repris goût à l’aventure. Sans jamais préparer sa venue, au niveau des rencontres.

« Cela se faisait complètement par hasard. En me baladant, je rencontrais des gens, j’expliquais ce que je faisais et ils me faisaient découvrir des endroits ou d’autres personnes. Tout était hyper simple, bien plus que pour vendre le projet, même pour filmer, c’était plus facile qu’en France. », explique-t-elle.

Elle note que dans les pays musulmans parler de l’Islam est bien plus évident et serein que dans l’Hexagone : « Forcément, c’est leur quotidien. Ils n’imaginent pas qu’ici on est arrivés à en faire un tel problème. »

De ses rencontres, de ses voyages et des écrits et dires d’Abdelwahab Meddeb, elle pioche citations, témoignages et paysages. Pour construire un film documentaire pensé de manière composite et non linéaire.

LA DÉCOUVERTE D'UNE CIVILISATION

Pour donner à voir, sentir, saisir, proposer un avant-goût de l’étendue de la civilisation islamique. De son immensité, tout comme de sa complexité. Ce qui rend un long-métrage pas toujours aisé à suivre mais qui tend à nous intéresser à l’essence et à la vitalité de cette civilisation que l’on ignore, voire que l’on méprend en raison des nombreux amalgames et raccourcis que l’on en fait. Sans occulter les conséquences des pensées extrémistes, soi-disant au nom de la religion.

En Tunisie, en Iran, en Cisjordanie, en Espagne, aux Emirats Arabes ou encore en Israël, Bénédicte Pagnot poursuit la thèse du poète franco-tunisien, pour qui « une des façons de lutter contre l’intégrisme est de reconnaître à l’Islam ses complexités et ses apports à l’universalité.» Pour cela, « il faut en effet l’approcher comme civilisation et comme religion. »

Et poursuivre, dans une démarche collective et globale, l’étude des ouvrages exhumés qui sans cesse réinterrogent les interprétations diverses et les quelques vérités que l’on pense détenir à ce sujet.

Bénédicte Pagnot se souvient : « Abdelwahab Meddeb était pris entre espoir et fatigue à la fin de sa vie. Il voyait tout ce qui se passait, à quel point lui et plein d’autres se battaient pour souligner l’importance de l’urgence à lutter contre l’intégrisme et favoriser la prise de conscience. Il a été très optimiste lors de la Révolution tunisienne, il s’est tout de suite rendu sur place car il a trouvé ça très beau, c’était un vrai mouvement populaire. Il était super optimiste quant à la jeunesse et moi aussi, j’ai été épatée par la curiosité et l’entrain des jeunes gens rencontrés. »

Elle, qui auparavant ignorait absolument tout de la civilisation islamique, selon ses propres mots, a maintenant la nette certitude qu’il faut plus que jamais combattre nos préjugés et qu’il est fondamental de s’intéresser et d’être informé-e-s que d’autres civilisations – pas uniquement les grecs et les latins – existent et perdurent. Pour enfin accepter.

« Les ennemis ne sont pas là où on nous dit qu’ils sont. Le djihadisme se place du côté de la mort. Mais c’est une minorité qui n’a rien à voir. Sans être du genre à catégoriser les gens ou à être d’accord avec l’idée qu’il y aurait un choc des cultures et des civilisations, on en est malheureusement imprégné-e-s. Ça pénètre en nous, c’est tordu, s’exclame-t-elle. Ce que j’ai éprouvé, c’est que c’est archi faux et qu’il faut qu’on apprenne vraiment à s’écouter pour que tous les stigmates et clichés disparaissent de nos cerveaux. On est tous pareils ! C’est ridicule de dire ça comme ça, mais c’est la vérité. On a exactement les mêmes envies, les mêmes motivations humanistes. Nous sommes, en majorité, du côté de la vie. »

Voilà pourquoi dans Islam pour mémoire, poésies, musiques, citations et témoignages se mêlent aux milles paysages de cet Islam dépassionné présenté par la réalisatrice qui le replace ainsi dans son entièreté et son contexte global.

A découvrir dès le 22 mars, au Ciné-TNB à Rennes, tous les jours à 15h30 et 19h30.

Célian Ramis

8 mars : Les Créatures dansent la condition féminine

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Maison des associations, Rennes
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Vendredi 17 mars, elles dansaient la condition féminine sur la scène de l’auditorium de la Maison des Associations de Rennes, sur invitation du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles.
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Qui sont les Créatures de la compagnie Hors Mots, que font-elles et que nous racontent-elles de l’Histoire des femmes ? Vendredi 17 mars, elles dansaient la condition féminine sur la scène de l’auditorium de la Maison des Associations de Rennes, sur invitation du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles.

Dix danseuses sont allongées au sol. Vêtues de collants et de hauts de couleur chair, elles se mettent en mouvement. « Elle dansera la liberté de la femme », déclare l’une des Créatures, spectacle créé l’an dernier par la compagnie Hors Mots, sous la direction artistique et chorégraphique de Nadine Brulat.

Dès le début, on s’interroge sur leur nature. Elles pourraient représenter l’origine des êtres humains, des femmes en particulier. Comme une naissance, comme un apprentissage de la mouvance de son corps et de sa place dans l’espace. Désynchronisées, elles exécutent par alternance des enchainements personnels et des enchainements similaires.

Avec grâce, élégance, sensualité, dans un souffle haletant qui souligne l’urgence quasi permanente dans laquelle elles se trouvent. Dans leurs robes blanches, elles apparaissent à la fois nymphes libres et à la fois zombies prisonnières de la consommation, se parant de manteaux en fourrure et de foulards ligotés autour de leurs poignets.

Leur manière de se mouvoir lentement, à la chaine, rappelle celle des forçats ou des détenu-e-s de camps de travail, et leurs regards absents et lointains, celle de patient-e-s lobotomisé-e-s. Semblables à des esclaves, elles marchent en chantonnant doucement, avant de détaler de la scène en courant, tour à tour, et de venir reformer la ligne qui tourne en boucle.

Une boucle rompue par des éléments marginaux comme une sortie furtive du rang ou une réelle fuite, tandis que certaines trébuchent et d’autres s’effondrent. Les danseuses encore debout tirent celles qui ont chuté par le pied, par la main, les aident à se relever, les soulèvent et les épaulent. La souffrance se confond avec la pénibilité de l’action et renvoie alors une sensation d’oppression.

Créatures, dans son fond et dans sa forme, interpelle le spectateur sur la condition féminine, sa construction et son importance dans l’Histoire. Et plusieurs passages agissent comme un électrochoc percutant jusqu’à en devenir par moment gênant. La pièce questionne au travers de nos ressentis individuels et personnels, liés aux divers vécus des un-e-s et des autres, mais met également face à des vérités lourdes de conséquence, comme le montre ici le poids de leur condition.

Les tensions y sont vives et palpables. Et les symboles, forts. Entre chasteté, pureté, tentation, désirs ou encore rapports de force, les assignations, injonctions et interdits se révèlent. Et les danseuses s’en saisissent avec appréhension, vivacité, résistance ou encore amour du jeu.

Et si des respirations sont offertes le temps pour elles de citer des textes d’Isadora Duncan, Max Jacob, Elsa Lasker-Schüler, Stéphane Mallarmé ou encore Federico Tavan, les créatures jamais ne cèdent à l’apaisement. Sans cesse en lutte, elles évoluent dans le temps, l’espace et les couleurs, passant de la nudité (couleur chair) au blanc pour finalement se terminer sur des couleurs noires.

Entre temps, le questionnement s’est poursuivi et a exploré la place des femmes dans la religion. Que les corps soient recouverts des foulards ou que ces derniers trônent sur leurs têtes, elles affirment leurs appartenances à des croyances différentes synonymes d’emprisonnement, d’enfermement, de suffocation pour certaines, mais aussi d’ouverture et d’évolution.

Et finalement peu importe, chacune va lever le poing, signe fort de ralliement à la cause, que l’on devinera féministe. Jusqu’à se mouvoir au sol et osciller entre le quatre pattes et l’allongement au sol. Comme un retour à l’origine, un recul dans l’apprentissage et l’évolution, qui pourrait être vu comme un parallèle avec l’actualité concernant les droits des femmes.

« J’ai envie de vivre, envie de mourir, envie de produire beaucoup, envie de produire peu et beau, envie de baiser, envie d’être chaste, envie de pleurer, envie de rire, et ça, tout le temps, tout le temps, et je me porte bien pourtant et quand je lis des choses aux gens, ils trouvent cela invraisemblable. Pourtant, j’ai dit la vérité, ce que j’ai vu. », conclut l’une des danseuses.

Ensemble, elles se relèvent, toutes lèvent la main droite, et les derniers foulards s’en vont flirter avec les planches. Debout face au public, elles s’affichent fortes, combattantes, solidaires et unies. Dans leurs différences qui résonnent jusqu’au bout de leurs mouvements et dans toutes les formes de leurs corps dont les morphologies se montrent plurielles, au contraire de leur couleur de peau qui elle s’apparente à un camaïeu de blanc.

Célian Ramis

Mythos 2017 : Le fils, création militante et bouleversante

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Théâtre de l'Aire Libre
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Emmanuelle Hiron joue une femme, mère, catho et bourgeoise qui s'engage et se radicalise, dans la création Le fils, écrite par Marine Bachelot Nguyen et mise en scène par David Gauchard, à découvrir les 6 et 7 avril, à l'Aire Libre.
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L’an dernier, elle s’engageait dans la Manif pour tous et des groupes anti-avortement et ressentait l’exaltation de l’accomplissement et de l’ascension sociale. Depuis, qu’est devenue cette femme, mère de famille, pharmacienne, bourgeoise, catholique et nouvellement militante ?

Écrite par Marine Bachelot Nguyen et mise en scène par David Gauchard, la pièce Le fils avait dévoilé sa première partie à travers une lecture – réalisée par la comédienne Emmanuelle Hiron – lors de l’édition 2016 de Mythos. Cette année, l’intégralité de la création sera présentée les 6 et 7 avril, au théâtre de l’Aire libre, à St Jacques de la Lande, lors du festival des arts de la parole.

David Gauchard, metteur en scène, collabore pour la première fois avec l’auteure et metteuse en scène Marine Bachelot Nguyen. Et l’avant-goût qu’ils nous ont proposé l’an dernier à la Parcheminerie était délicieux. Poignant, criant de vérités, original et intelligent. Avec une écriture franche et sincère, teintée d’humour et d’émotions. Basée sur un fait d’actualité aussi terrible qu’intéressant, sociologiquement parlant, cette première partie nous emportait dans une histoire qu’on voudrait être inventée de toute part.

Cette histoire, David Gauchard en est à l’initiative dans le processus de création. En 2011, en allant chercher sa fille à l’école, il est marqué par un événement. Dans la rue St Hélier à Rennes, l’accès est bloqué. Et pour cause, le 10 novembre se joue une pièce de Castellucci jugée blasphématoire par le mouvement Civitas qui manifeste son mécontentement de la place de Bretagne au TNB.

« De ce mouvement jusqu’à la Manif pour tous, j’avais envie de raconter ça. On discute donc avec Marine depuis 6-7 mois. La fin est encore à inventer. Mais on voudrait le présenter avant mai 2017 et les élections. », avait-il expliqué avant de laisser la parole à Marine Bachelot Nguyen, elle-même marquée par l’événement en question et engagée pour les droits des femmes et des LGBTI :

« Je suis intéressée par la socio-politique, le documentaire et la fiction. Et ça m’intéresse aussi la question du glissement idéologique et de la radicalisation dans les milieux de droite. Voir comment on raconte ça ensuite. »

LA CRÉATION DANS SON INTÉGRALITÉ

Depuis, la pièce a fait son chemin. La première partie a été lue au festival d’Avignon, des résidences ont eu lieu, de nombreuses conversations ont réunies David Gauchard, Marine Bachelot Nguyen et Emmanuelle Hiron et la création, dont la version finale a été aboutie en octobre 2016 et a vu s’imbriquer les partitions d’Olivier Mellano jouées par un enfant claveciniste, a été dévoilée entièrement à Limoges en février dernier.

À présent, la comédienne ne lit plus. Elle s’est rendue avec l’auteure à la messe pour s’imprégner du vocabulaire religieux et jouer cette mère de famille qui se raconte et qui livre en deuxième partie le drame qu’elle a vécu.

« C’est une partie plus tendue, presque au présent. Elle évoque la raison pour laquelle elle se raconte. Elle revit les événements. C’est une partie plus violente. La première était déjà violente mais là c’est dans les mots et dans ce que ça provoque chez elle et les spectateurs. », confie Emmanuelle Hiron.

Pour la créatrice des Résidents – pièce jouée à l’occasion de l’édition 2014 de Mythos – pas évident d’incarner cette figure aux convictions diamétralement opposées aux siennes :

« C’est assez éprouvant de jouer ce personnage, qui est un personnage de théâtre inspiré de plein de faits réels, car l’histoire est éprouvante et que ce personnage nous a demandé de nous déplacer dans nos convictions personnelles. Et d’entrer en empathie avec cette femme. »

BOULEVERSEMENT ET QUESTIONNEMENT

En effet, Marine Bachelot Nguyen, de sa plume, fait émerger une personnalité complexe, composée de petites lâchetés ordinaires, prise d’émoi pour l’ascension sociale au nom de laquelle elle va s’engager dans la Manif pour tous et des groupes anti-avortement. Au fil du récit, elle s’accomplit et s’épanouit jusqu’à vivre la dramatique perte d’un de ses deux fils.

La pièce amène au bouleversement intérieur. Et au questionnement. « Est-ce qu’on va vers elle ? Est-ce avant tout une mère ? Une militante ? Quel impact le combat militant a sur les autres ? Est-ce qu’elle est responsable ? Quel est le poids de l’engagement ? Ce qu’elle vit est tragique mais ça reste une mère, les événements en plus sont proches, on est proches des élections et on voit bien les programmes proposés par Fillon ou Le Pen. Quand est-ce que tu décides que ton militantisme ou ton ascension sociale prend le pas sur ton rôle de mère ? Mais est-ce qu’elle se rend compte qu’elle prône la haine ? À cet instant, pour elle, c’est positif. Mais dans la réalité, quand tu empêches les autres d’être dans leurs bons droits, ça commence à être de l’extrémisme. », interpelle la comédienne.

Le rôle est éprouvant pour elle mais elle est fière de porter le texte « très beau, très écrit, facile à comprendre et très digeste » de l’artiste engagée qu’est Marine Bachelot Nguyen. Fière de toutes les interrogations que l’histoire racontée soulève. Remuée aussi. Car il en va de la responsabilité individuelle face à nos engagements. La pièce parle des rencontres que l’on fait, des choix aussi que l’on fait, du fait de se réaliser ou pas, des libertés.

OUVRIR LE DÉBAT

Jouer cette création avant et pendant les élections présidentielles est une volonté du metteur en scène : « On est dans une période déjà super décomplexée mais à l’approche des élections, les tensions sont vives et les gens sortent du bois. Ça l’intéressait beaucoup. Entendre résonner ça dans un théâtre, ça choque, on se dit qu’elle est folle. Mais David avait vraiment aussi cette volonté de prendre un personnage à contrepied de quelqu’un qu’on aurait envie de défendre. Ça pousse le spectateur à se poser des questions. », argumente Emmanuelle Hiron.

D’autant plus que l’auteure ne tombe pas dans la caricature. Elle explore une partie de la vie de cette femme, la dévoile, creuse dans son intimité et son engagement, sa vision d’elle en tant que mère, commerçante, épouse, femme d’un milieu bourgeois, etc. Elle donne l’occasion à son personnage de se raconter et aux spectateurs de ressentir de l’empathie, sans toutefois la déresponsabiliser ou l’excuser de son glissement idéologique.

Elle nous prend aux tripes de notre humanité pour nous interroger les un-e-s et les autres. Montrer les rouages de la radicalisation. Et susciter le débat et l’échange. Comme tel sera le cas lors de leurs représentations à la Maison des Métallos à Paris (où Emmanuelle Hiron jouera Les résidents du 21 au 26 mars) du 28 mars au 2 avril. Une rencontre aura lieu avec l’équipe artistique du spectacle le 30 mars et une autre avec Marine Bachelot Nguyen, David Gauchard et les membres du mouvement homosexuel chrétien David et Jonathan, le 1er avril.

 

Lire « Mythos 2016 : Fascinante figure de mère, bourgeoise et catho » sur yeggmag.fr

Célian Ramis

8 mars : D'ici ou d'ailleurs, les voix des femmes en exil

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Maison Internationale de Rennes
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Le 10 mars, à la MIR, l’ethnologue et docteure en sciences de l’éducation Françoise Sérandour contait la conception de l’ouvrage Femmes voix de libertés d’ici et Ailleurs, né de plusieurs ateliers d’écriture collective.
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Vendredi 10 mars,  à la Maison internationale de Rennes, l’ethnologue et docteure en sciences de l’éducation Françoise Sérandour contait la conception de l’ouvrage Femmes voix de libertés d’ici et Ailleurs, né de plusieurs ateliers d’écriture collective.

Évoquer les femmes, leurs souffrances, leurs droits et leurs désirs de libertés à travers un livre de littérature et de poésie, objet de plaisir, de jouissance, d’interrogations et de bouleversements personnels, c’est de cette volonté que Françoise Sérandour s’est parée pour construire son ouvrage, publié aux éditions L’Harmattan, en juillet 2016.

Ethnologue, docteure en sciences de l’éducation, enseignante, conteuse, elle évoque les deux raisons principales qui lui ont donné envie de le faire publier : la promesse de transmission et la passion de l’écriture. Pour partager les sentiments des sœurs en lutte, continuer la lutte pour les droits des femmes et « transmettre la force extraordinaire, inouïe, des femmes – et d’un homme dans le livre – pour moi mais aussi pour elles-mêmes. »

Au fil des ateliers d’écriture collective, que ce soit à Agadir avec des femmes analphabètes et une sociologue ou à la MIR (d’où sortira Femmes sans frontières, voix en exil, en 2013) à l’occasion du projet Marrainage – porté par Eva Roué dans l’objectif d’accompagner des personnes étrangères ou se sentant comme étrangères dans l’aboutissement de leurs projets – il en ressort des récits de vie dans lesquels s’imbriquent réalité, poésie, langues d’ici et d’ailleurs et fiction.

Elles sont de différentes nationalités, de différents continents, ont été contraintes ou non à l’exil – un exil plus ou moins proche -, explorent leur(s) identités et leurs voix résonnent dans les mots qu’elles ont pris le temps et le soin de penser, dans le silence dans un premier temps, puis d’écrire, voire de lire par la suite. Elles y couchent leurs mémoires, souvenirs, ressentis et sentiments. Et au son de leur prose, on voyage, on frissonne, on sourit et on en ressort bouleversé-e-s.

Les textes livrent des vécus et pénètrent l’intimité de toutes les créatrices qui ouvrent la porte de leur lieu. Comme Virginia Woolf parle d’Une chambre à soi et Marie Darrieussecq d’Un lieu à soi (traduction d’un livre de Virginia Woolf), Françoise Sérandour appelle cela « la chambre de lumière. »

L’écrivaine conte la construction de Femmes voix de libertés d’ici ou Ailleurs comme une aventure en soi, qu’elle entrecoupe de flash back, de lecture d’extraits et d’explications autour de la méthode.

« On part de la réalité et on travaille avec son imaginaire. Pour en arriver à la symbolique, la nuance, le sensible, la distance. Les images aident aussi car il est difficile de travailler un texte en français alors qu’on parle une langue différente. Moi je ne travaille jamais seule, je suis toujours entourée d’auteur-e-s, poète-sse-s, écrivain-e-s, musicien-ne-s…»
souligne-t-elle.

Pour encadrer les récits collectifs poétiques et les récits de vie entrecroisés, Françoise Sérandour relate une légende et une nouvelle qu’elle affectionne particulièrement, La fille du grand serpent et la nuit et Parfum de jasmin blanc. Elle convoque Roland Barthes, quand ce n’est pas Virginia Woolf, pour expliquer le sens des paroles et l’importance de l’oralité qui, toujours, disent une réalité ou livrent une compréhension du monde.

Et parce que la liberté est chantée par les poètes depuis la nuit des temps, comme l’écrira Ghania Bouccekine, présidente de la MIR, dans la préface du bouquin, la conteuse a choisi d’y inscrire la légende de La fille au grand serpent et la nuit. Une légende de sagesse, selon elle, « qui est le premier texte où il est dit et montré que les femmes savent autant s’adapter. Quand elles doivent ou décident de partir, elles retrouvent leur capacité d’adaptation et de création ».

Une histoire qui ne peut qu’illustrer parfaitement les propos suivants à mesure que l’on tourne les pages jusqu’à saisir l’introspection finale. Et rien de mieux pour clôturer cette soirée, aussi bien que le bouquin, qu’avec la lecture d’un témoignage du seul homme participant au projet de la MIR, de certains poèmes sensibles et émouvants et de chants arméniens.

 

Mythos 2017 : Des places à gagner !

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La nouvelle édition du festival Mythos – arts de la parole – revient à Rennes du 31 mars au 9 avril. Ici, des places sont à gagner en envoyant votre nom et prénom et le spectacle souhaité, à l’adresse suivante : redaction@yeggmag.fr.
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La nouvelle édition du festival Mythos – arts de la parole – revient à Rennes du 31 mars au 9 avril. Ici, des places sont à gagner en envoyant votre nom et prénom et le spectacle souhaité, à l’adresse suivante : redaction@yeggmag.fr

° Sandre – Collectif Denisyak – 2 places

Solenn Denis, jeune auteure, se met à l’écoute d’une femme qui se raconte : jeune fille amoureuse, épouse puis mère. Une vie passée entre la cuisine, le ménage, les enfants, le sempiternel repas dominical, le travail… Dans un flot maladroit, celle qui fut belle dit l’amour, les promesses faites et trahies, le mari qui l’ignore, la trompe. Elle, cherche sa place. Alors, cet enfant qu’elle porte dans son ventre, le troisième, elle n’en veut pas.
C’est un homme, Erwan Daouphars, acteur puissant et rare, qui incarne cette femme brisée et nous plonge au plus profond de l’intime féminin. Un voyage sous tension dans les blessures de l’âme humaine, une ode aux folies anodines ou grandiloquentes comme lieu d’humanité pure et théâtrale.

Théâtre de la Parcheminerie – mercredi 5 avril – 15h 

 

° Doreen – David Geselson – 2 places

« Tu vas avoir 82 ans. Tu as rapetissé de 6 centimètres, tu ne pèses que 45 kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait 58 ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais. » Ainsi débute Lettre à D. écrite par André Gorz à sa femme. Lui a notamment participé à la fondation du Nouvel Observateur et jeté les bases de l’écologie politique. Elle, il en fait le portrait dans cette lettre, à travers l’histoire de leur amour qui aura traversé le siècle, entre vie intime et engagement public. David Geselson a choisi d’imaginer dans Doreen des moments de vie et de souvenirs de ce couple qui décidera dans ses vieux jours de s’éteindre côte à côte. Leurs voix s’entrelacent avec celle de la lettre qui tente, comme l’écrit superbement André Gorz, de « reconstituer l’histoire de notre amour pour en saisir tout le sens ». Car c’est bien cette histoire « qui nous a permis de devenir qui nous sommes, l’un par l’autre et l’un pour l’autre. »

TNB – Salle Parigot – jeudi 6 avril – 18h30

 

° You’re gonna get love - Keren Ann – 2 places

Les albums de Keren Ann se feuillettent et se dévorent comme les pages d’un grand livre. Comme un journal intime mais universel, ce septième volume, représente aussi bien la continuité que la nouveauté. On y retrouve ces mélodies à l’évidence limpide, ces atmosphères sensuelles à la beauté mélancolique mais cet album reflète aussi les expériences et le vécu d’une auteure-compositrice au faite de son art. Une saga captivante.

Théâtre de l’Aire Libre – jeudi 6 avril – 22h30

 

° Le fils – David Gauchard – 2 places

La mère est pharmacienne. Ses enfants sont grands. Sa vie est tranquille… Jusqu’à sa rencontre avec des catholiques traditionalistes. Elle sort plus souvent, se rend plus assidument à la messe, retrouve une vie sociale, lutte contre des spectacles jugés blasphématoires, s’engage dans des groupes anti-avortement ou anti-mariage homo… Elle s’épanouit dans ce militantisme et tente d’embrigader ses proches et ses enfants dans ce qu’elle considère comme l’aventure la plus excitante de sa vie.
Teintée d’humour et d’émotions, la parole sincère de cette femme incarnée par Emmanuelle Hiron, nous fait prendre conscience des mécanismes qui font basculer dans la radicalisation.

Théâtre de l’Aire Libre - vendredi 7 avril – 20h30

 

° Journal d’une création – Claire Diterzi

L’avantage avec Claire Diterzi c’est qu’elle crée en bousculant la musique. Et comme elle a de la voix et davantage, il fallait bien qu’un jour elle retourne le monde de la musique. C’est le cas avec 69 battements par minute, son dernier album. La genèse de ce projet n’aura pas été de tout repos et c’est ce qu’elle raconte dans le Journal d’une création. Entièrement produit par l’auteure qui vole désormais de ses propres ailes, ce nouveau projet libère la juste mesure d’une énergie dévastatrice.

Cabaret botanique (parc du Thabor) – vendredi 7 avril – 20h30

 

Envoyer nom et prénom avec le spectacle souhaité à l'adresse suivante : redaction@yeggmag.fr

Célian Ramis

8 mars : Le féminisme de la frontière contre le maternalisme politique

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Maison Internationale de Rennes
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Soumaya Mestiri, philosophe à l’université de Tunis, présentait son ouvrage "Décoloniser le féminisme, une approche transculturelle", aux côtés de l’anthropologue et historienne Jocelyne Dakhlia, le 8 mars à la MIR.
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Elle appelle à en finir avec l’hégémonie du féminisme majoritaire, blanc et occidental, et à questionner les traditions orientales pour tendre vers un féminisme de la frontière, plus solidaire et horizontal.

Soumaya Mestiri, philosophe et professeure de philosophie à l’université de Tunis, était l’invitée de la librairie Planète Io pour présenter son ouvrage Décoloniser le féminisme, une approche transculturelle, aux côtés de l’anthropologue et historienne franco-tunisienne Jocelyne Dakhlia, le 8 mars dernier à la Maison internationale de Rennes.

« Ne me libère pas, je m’en charge ». Elle ne le dira pas durant ce temps d’échanges mais l’esprit de ce slogan, emprunt d’émancipation, résonnera dans les esprits au fil de son discours. Pour Soumaya Mestiri, exit le féminisme universaliste d’Elisabeth Badinter ou Caroline Fourest.

Elle pose le diagnostic qu’il existe un féminisme majoritaire, blanc, occidentalo-centré, « qui défend un certain mode de vie et qui tente de l’imposer à toutes les femmes en dépit de leur diversité. C’est une vision bien particulière de la liberté. Celles et ceux qui établissent ce diagnostic sont souvent stigmatisé-e-s. »

DÉCOLONISER LE FÉMINISME 

Décoloniser – terme qu’elle estime galvaudé, souvent vidé de sa substance et de son potentiel subversif et qui attise la rancœur – revient pour la philosophe à déconstruire, soit repérer les non dits, les hiatus, exhiber les préjugés inhérents au féminisme majoritaire blanc.

« Il faut déconstruire les discours et approches féministes appréhendés comme voulant être inclusifs alors qu’ils ne le sont pas. Il s’agit là de critiquer aussi bien le caractère colonial de ce féminisme mais aussi de critiquer sa propre tradition orientale. »
souligne-t-elle.

La pensée décoloniale, qui se distingue des études postcoloniales, ne nie ni ne rejette l’Occident. Mais il s’agit de lutter contre la verticalité des relations, qui revient souvent à engendrer un nouveau rapport de domination. Et dans les féminismes, qu’il provienne de l’Occident ou non, on reprochera souvent le « maternalisme politique, souvent vertical et élitiste, qui se donne pour mission de prendre en charge les femmes et leur faire comprendre ce qu’elles n’ont soi-disant pas compris. »

Pour Jocelyne Dakhlia, « nous sommes à un tournant. Durant le XXe siècle, on a fonctionné de manière convergente. Tous les Suds étaient dans la catégorie Tiers monde et devaient agir comme l’Occident pour avancer, en suivant la logique émancipatrice (par le haut, par les lois, par les interdits). En Occident, on continue de penser qu’on est le modèle tandis que les autres réfléchissent à d’autres moyens. »

La sociologue Zahra Ali, auteure de l’essai Féminismes islamiques, défend également l’idée d’un féminisme décolonial pour tendre vers un féminisme international et pluriel. Lors d’un entretien à la revue Ballast, elle définit ce concept :

« Décoloniser le féminisme veut dire reconnaître les dimensions de classe et de race dans la pensée féministe hégémonique, et mettre à l’égalité les différentes expressions de la lutte contre le patriarcat, sans supposer une forme linéaire d’évolution des formes de luttes sociales et politiques. »

ACCEPTER LA PLURALITÉ

Elle prône, dans cette même interview, l’intersectionnnalité des luttes, la reconnaissance de la pluralité des expressions de l’émancipation des femmes et des hommes, la prise en compte des différentes dimensions de l’oppression et des inégalités.

« J’aime cette idée de Chandra Talpade Mohanty qui dit qu’être féministe, c’est reste « au plus près » des réalités – et donc les analyser telles qu’elles émergent, et non à partir d’un schéma idéologique ou politique préétabli. Il faut écouter et être attentif à la souffrance pour ce qu’elle est, et non pas uniquement à partir de notre manière personnelle et située de la vivre et de la définir. Commencer par se situer soi-même est essentiel. Situer sa parole, situer d’où l’on parle, plutôt que d’universaliser ses énoncés, est une première étape. Tout le monde est situé socialement, économiquement, politiquement, etc. », explique Zahra Ali.

Et comme dans les féminismes occidentaux laïcs, les féminismes religieux sont pluriels. En Tunisie, Soumaya Mestiri distingue le féminisme islamique du féminisme musulman. Le premier serait issu de la diaspora islamique : « C’est un parti de femmes islamiques. Elles n’essayent pas de faire avancer les choses ou à promouvoir la cause des femmes musulmanes à la manière du féminisme musulman qui essaye lui de déconstruire les lectures et interprétations du Coran et à en comprendre le patriarcat. »

Si le second lui apparaît comme plus propice à l’émancipation, elle ne lui voit pas un avenir prospère. Au contraire de Jocelyne Dakhlia qui, elle, voit en ce féminisme un mouvement positif.

« Le problème, c’est que l’on envisage le féminisme comme le dernier refuge anti-colonial. Tout le blocage n’est pas dans la religion musulmane. Si on regarde la France, voyez la Manif pour tous, si on regarde la Pologne et sa tentative de recul sur l’IVG… Moi, je pense qu’il y a aussi des bonnes choses, le féminisme religieux compte aussi, on peut prendre l’exemple du travail anglican, des femmes ordonnées rabbins, évêques, etc. En Tunisie, le féminisme musulman est un mouvement embryonnaire. Mais il est important de mettre en lumière le dynamisme de ce mouvement qui montre que l’on peut interpréter les textes et qui montre qu’il y a des générations pour qui on peut être homosexuel-le-s et musulman-e-s, prier ensemble et que les femmes peuvent diriger la prière devant les hommes. Cela aide à faire bouger les lignes. Il existe des mosquées inclusives LGBT mais on n’en parle pas. L’Islam peut être new age, écolo… On se dit que ce n’est pas l’Islam mais si. », souligne-t-elle.

Sans oublier que le danger réside dans la récupération politique que certains partis effectuent sans vergogne. En ligne de mire, le Front National, qui instrumentalise actuellement le féminisme, un point que le réalisateur Lucas Belvaux ne manque pas de mettre en perspective dans son dernier film, Chez nous (lire Chez nous, les rouages néfastes d’un parti extrémiste – 20/02/2017 – yeggmag.fr).

« Lorsque les politiques disent dans leurs discours « Nous, nos femmes sont libres », ils insinuent clairement les autres, les orientales en autre, ne le sont pas. »
précise l’anthropologue.

L’OCCIDENT CONTRE L’ISLAM

Deux exemples illustrent leurs propos. Tout d’abord, la manière dont les banlieues ont été pensées en France. Non pas en tant que monde en soi mais comme marge avec un dysfonctionnement structurel. « D’emblée, on a pensé que les femmes des banlieues étaient les bons éléments à extraire. Une étude sur « la beurrette » l’a montrée comme une fille docile qi ne demande qu’à s’intégrer. Mais la réalité est que les mêmes problèmes se posent pour les filles et les garçons. Cela a provoqué un rejet massif des banlieues et des filles qui ont eu le culot de se voiler. », analyse Jocelyne Dakhlia.

Et la création de Ni putes, ni soumises n’y changera rien. Loin de là, souligne-t-elle en précisant que l’association a été « parachutée par le politique, dans une logique de stigmatisation des gens qu’ils ont prétendus aider. »

Autre exemple plus récent, celui des agressions survenues la nuit de la Saint Sylvestre, en 2015, à Cologne en Allemagne. Ou plutôt celui des réactions à cette affaire. Bon nombre de polémiques divisant sur le sexisme ou le racisme qu’il en ressortait. Et ce qui a particulièrement choqué Jocelyne : l’article de Kamel Daoud, écrivain algérien, publié dans le journal Le Monde, qui se plaçait selon elle dans une perspective coloniale :

« Il disait clairement aux Occidentaux que s’ils accueillaient des orientaux, il fallait les rééduquer. Cela a créé un malaise profond. »

Elle remet les choses dans leur contexte. La France est choquée des attentats du 13 novembre et se défoule, après que la population se soit vue interdite de manifestation, à cause de l’état d’urgence. Au même moment, un million de réfugiés étaient en train d’être accueillis en Allemagne « alors que personne en Europe n’en voulait. » L’affaire devient alors l’occasion de brandir la haine contre les musulmans.

« La femme blanche contre l’homme de couleur. On ne parle que des femmes allemandes. Où étaient les hommes allemands ? Qu’en est-il des femmes réfugiées ? À cette période, un foyer de femmes réfugiées a porté plainte contre les gardiens qui les ont filmées sous la douche ou en train d’allaiter. Et a aussi porté plainte pour harcèlement. Ça, on n’en a pas parlé. On aborde le sujet quand les victimes sont des femmes blanches et les bourreaux des réfugiés. Mais quand les victimes sont des réfugiées contre des bourreaux blancs, non. On instrumentalise le corps des femmes blanches et la cause féministe contre l’accueil des réfugiés et contre le politique d’accueil d’Angela Merkel. », commente-t-elle.

L’ALTERNATIVE : LE FÉMINISME DE LA FRONTIÈRE

Les deux expertes se rejoignent : la morale du Nord en direction du Sud doit cesser. Soumaya Mestiri insiste, le féminisme de la frontière peut permettre une cohabitation harmonieuse entre les Nords et les Suds. Elle établit une distinction entre « à la frontière » et « de la frontière ».

La première notion prétend hypocritement prendre en compte la différence et la diversité. Mais, à l’instar du féminisme majoritaire occidentalo-centré et du féminisme islamique, elle « reproduit généralement la dichotomie qu’elle dit vouloir dépasser. Si c’était le cas, chacun opérerait une double critique comme on le fait ici mais chacun ne fait au moins qu’une seule critique. »

La seconde notion, celle qu’elle prône, propose d’habiter la frontière.

« Comme on dit « je suis de Rennes », on dirait « je suis de la frontière », sans gommer les frontières et sans les reconstruire de manière figée et manichéenne.»
souligne-t-elle.

Pour Soumaya, les vécus, expériences et narrations sont incommensurables.

Le féminisme de la frontière ne revendique pas la compréhension mais l’acceptation, pour vivre ensemble. « On n’a pas besoin de nous retrouver les unes dans les autres mais de nous trouver dans notre diversité. Pour moi, il est important d’essayer de remplacer l’égalité par la réciprocité, qui est une manière de penser la solidarité au plus juste et de penser horizontal. Il faut casser la verticalité : les élites qui s’adressent à des peuples qui ne connaitraient soi-disant pas leurs droits. En finir avec le maternalisme politique visant à sauver les femmes d’elles-mêmes et de leurs males basanés. », conclut Soumaya Mestiri.

Elle le sait, son constat peut s’avérer violent et paraître agressif. En tout cas, il suscite interrogations et débats. Voire vives contestations. Pourtant, il est essentiel de l’entendre. Pour interroger ses propres pratiques et tendre vers une remise en question essentielle pour envisager les féminismes avec une approche plus inclusive et davantage orientée vers l’intersectionnalité des luttes.

Célian Ramis

Encrages, l'art solidaire

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Hôtel Pasteur, Rennes
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L'association Encrages organisera ce dimanche 12 mars à l'Hôtel Pasteur, une expo-vente solidaire au profit des réfugiés. Une action citoyenne naissante dont nous parle Andrée Prigent, illustratrice à l'initiative de l'événement.
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L'association Encrages organisera ce dimanche 12 mars à l'Hôtel Pasteur, une expo-vente solidaire au profit des réfugiés. Parmi les organisatrices de cet événement à Rennes, l'illustratrice Andrée Prigent, que nous avons rencontrée pour l'occasion, témoigne de cette action citoyenne naissante.

Face à une actualité de plus en plus préoccupante concernant les réfugiés en France, plusieurs initiatives citoyennes se mettent en place pour préparer leur accueil. C'est le cas de l'association Encrages, créée en novembre 2016 à Paris, par l'actuelle Présidente Judith Gueyfier.

Réunissant de nombreux illustrateur-trice-s et bénévoles, l'association organise des ventes d'illustrations solidaires, au profit de l'accueil des réfugiés, les sommes récoltées étant redistribuées aux associations locales. À Rennes, cette initiative a été reprise par l'illustratrice Andrée Prigent, désireuse de faire avancer les choses concernant l'accueil des réfugiés, qu'elle juge « catastrophique » à Paris.

« J'ai été confrontée à des choses qui n'existent pas à Rennes, comme par exemple des femmes et des gamins seul-e-s  qui dorment à même le sol. Ici [à Rennes], tout le monde est logé, décrit-elle. J'ai eu envie de reprendre l'idée des expo-ventes pour participer au mouvement»
explique Andrée Prigent.

Au départ seule organisatrice du projet, elle est rapidement rejointe par Laurence Coste, programmatrice culturelle, Katell Merrien, animatrice socio-linguistique auprès des réfugiés et Jessie Magana, auteure. Avec l'appui de l'association Encrages, près de 80 artistes ont répondu à l'appel en faisant don d'une ou plusieurs œuvres, qui seront vendues lors de cette journée.

L'expo-vente sera aussi animée par plusieurs ateliers artistiques, avec la présence des associations rennaises comme la Cimade, qui informeront les visiteurs de leurs actions. De plus, l’événement est soutenu par de nombreux partenaires, dont la librairie jeunesse, La Courte Échelle, qui s'occupe de réaliser la vente.

Souhaitant créer une forme d'entraide citoyenne, les quatre jeunes femmes veulent avant tout permettre un moment de partage et de rencontres, avec la présence de réfugiés accueillis à Rennes, et ainsi, créer du dialogue avec les habitants de Rennes. Des expo-ventes qui se développent de plus en plus, comme à Lyon ou Angoulême, et qui permettent d'insuffler un vent de résistance face à l'inertie de l’État français.

Célian Ramis

8 mars : Un après-midi pour jouer l'égalité

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Maison Internationale de Rennes
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Le 8 mars, Françoise Cognet organisait un après-midi sport et culture, « Jouons l’égalité », dans le jardin du palais St Georges. Rameurs, initiations à l’escrime, parcours de course et marathon de lecture étaient au programme.
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Mercredi 8 mars, dès 15h, Françoise Cognet organisait un après-midi sport et culture, sur le thème de la programmation « Jouons l’égalité », dans le jardin du palais St Georges. Rameurs, initiations à l’escrime, parcours de course et marathon de lecture étaient au programme.

Que ce soit clair, l’idée n’est pas de jouer à l’égalité mais de jouer l’égalité. Soit rendre accessible le sport et la culture aux filles et aux garçons. Sans distinction ou discrimination en raison du sexe ou du genre, et sous aucun autre prétexte par ailleurs. À l’initiative de cette manifestation, Françoise Cognet, qui présente en parallèle son exposition photographique « À l’eau, elles rament encore », du 1er au 18 mars, à la Maison Internationale de Rennes.

Son père a été le président de la Société des régates rennaises, là où elle a elle-même ramé et barré. Elle se saisit donc des 150 ans de la structure pour aborder l’aviron dans la programmation rennaise du 8 mars, et plus largement pour parler d’égalité dans le sport et la culture.

« Hommes et femmes ont les mêmes droits et doivent être vigilants à cela. Chacun-e a des compétences et on peut évidemment être égaux par le sport, la lecture, la culture. », explique-t-elle ce mercredi après-midi, sous les tentes installées par la direction du quartier Centre dans le jardin St George.

Au même moment, un groupe de cinq femmes commencent un marathon de lecture, un désir que Françoise Cognet avait depuis longtemps. À tour de rôle, elles lisent quelques lignes du texte La gazelle.

À quelques mètres en contrebas, deux jeunes filles s’exercent sur les rameurs installés par la Société des régates rennaises, après avoir effectué le parcours mis en place par l’ASPTT Rennes et juste avant de s’initier à l’escrime avec le club sportif de la Garnison.

« C’est bien, cet après-midi, on parle d’aviron et on parle de femmes », rigole Geneviève Aubry, ancienne présidente de la Société des régates rennaises (de 1997 à 2012), où elle est licenciée depuis 1960. Elle poursuit : « Aux Régates, les femmes sont présentes depuis les années 1920, ce qui n’est pas une habitude dans les clubs. On a commencé à parler d’aviron au féminin dans les années 70. »

Pour elle, pas de différence entre les femmes et les hommes dans cette discipline qui demande de la rigueur, se fait assis et ne nécessite pas uniquement de puissance mais également de techniques. « Vous pouvez mettre sans problème une femme dans un bateau d’hommes ! Et d’ailleurs, dans le règlement, en championnat de France, il n’est pas interdit de présenter des équipes mixtes. On ne fait pas de différence. Moi, je suis arbitre et je peux arbitrer aussi bien les courses de femmes que d’hommes. », souligne-t-elle.

Pourtant, elle ne peut nier que les femmes sont moins présentes, souvent en raison des disponibilités familiales. Mais précise que toutes les femmes ne se freinent pas pour autant, heureusement :

« Certaines continuent de ramer, font garder les enfants, rament jusqu’à 7 mois de grossesse ! Je dirais à celles qui n’osent pas venir qu’il ne faut pas craindre la difficulté car c’est un sport très accessible, qui peut se faire à n’importe quel niveau et qui est convivial puisqu’il se passe dans des bateaux collectifs. On découvre vraiment les rivières, on traverse Paris, on participe à la Volalonga de Venise, etc. C’est super ! »

Du côté de l’ASPTT Rennes, Nadine Richter livre le même constat en athlétisme. Les femmes sont moins nombreuses et reconnaît sans difficulté que le domaine du sport est encore terriblement machiste. Depuis longtemps, elle pratique le lancé de poids et entraine dans cette discipline.

« Je suis à l’ASPTT depuis je suis installée à Rennes et je reste là car je m’y sens bien, c’est un club familial et qui fait de bons résultats. On ne sent pas de différence entre les femmes et les hommes et surtout pas de différence entre les disciplines de l’athlé », explique-t-elle.

Malgré tout, elle ne peut s’empêcher de taper sur poing sur la table quand à la différence de traitement que l’on réserve aux filles et aux garçons. Que les hommes soient physiquement plus forts, ok, mais cela ne signifie en aucun cas qu’ils sont les meilleurs :

 « Les filles ne sont pas moins fortes. On a tendance à valoriser les gars parce qu’ils courent plus vite. Les femmes ne sont valorisées que lorsqu’elles atteignent des résultats. Mais même. Prenez l’exemple du foot, les filles constituent une super équipe et on n’en parle pas ! Ça m’insupporte ! »

Les clubs, pour la plupart, se mobilisent pour que filles et garçons puissent bénéficier d’un égal accès aux sports de leurs choix. Mais les mentalités, notamment à haut niveau de compétition mais pas uniquement, sont lentes et difficiles à faire bouger.

Célian Ramis

8 mars : Aux USA, même ambivalence dans le sport et la culture

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Maison Internationale de Rennes
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Le 7 mars, l'Institut franco-américain de Rennes mettait sur la table la question de la promotion des femmes américaines à travers le sport et la culture, avec la venue d'Hélène Quanquin, spécialiste des mouvements féministes aux USA, à la Sorbonne.
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Elle n’est pas spécialiste du sport, a-t-elle précisé d’emblée, lors de la conférence qu’elle tenait le 7 mars, à l’Institut franco-américain. En revanche, la question des mouvements féministes aux Etats-Unis est le domaine de prédilection d’Hélène Quanquin, de Paris 3 – Sorbonne nouvelle.

La conférence ne pouvait pas mieux tomber. Le soir même, ou plutôt la nuit, la finale du championnat She Believes Cup (2e édition de la compétition visant à inciter les jeunes filles et les femmes à jouer au foot, réunissant les USA, la France, l’Allemagne et l’Angleterre) se déroulait à Washington et opposait l’équipe féminine de football des USA à celle de la France. Diffusée en direct sur C8, on pouvait assister à la victoire écrasante des Françaises, qui se sont imposées 3 à 0, face aux tenantes du titre.

Pour Hélène Quanquin, l’ascension des femmes dans le sport et la culture est due aux mouvements féministes. Parce que les femmes se sont battues pour se faire entendre et pour faire avancer leurs droits, vers l’égalité des sexes. Elles n’ont pas attendu la présidence de Donald Trump pour se mobiliser.

MOBILISATIONS FÉMINISTES

La marche du 21 janvier 2017, qui a réuni au lendemain de l’investiture plus de 4,5 millions de personnes aux USA – « la manifestation qui a réuni le plus de participant-e-s de toute l’histoire » - est en effet issue d’une tradition féministe basée sur le rassemblement.

Elles organisaient déjà des marches de femmes au début du XXe siècle, notamment en 1911 à New-York marquant leur volonté d’occuper l’espace ou encore en 1913 à Washington pour le droit de vote.

« Le mouvement féministe et suffragiste incorporait beaucoup d’éléments de la culture populaire, comme le théâtre, la chanson, les cartoons, la caricature… Toutefois, on voit que l’incorporation des revendications féminismes est graduelle. À cette époque, quand des femmes noires voulaient participer, certaines femmes blanches menaçaient de ne pas y participer. C’est l’époque de la ségrégation aux USA et le racisme est présent dans le féminisme. On parle alors pour ces marches de White women’s march. Pareil pour les revendications des femmes lesbiennes ! », développe la spécialiste des mouvements féministes américains.  

Elle poursuit :

« C’est là que l’on voit la différence avec janvier 2017. Dès novembre, dès l’élection, le comité d’organisation de la marche a voulu que l’événement réunisse tout le monde. Des blanches, des noires, des arabes, des latinas, des femmes voilées, des femmes trans, des hommes… ».

À quelques détails et années près, le féminisme américain connaît les mêmes vagues qu’en France et les années 60 et 70 représenteront également deux décennies importantes pour les droits des femmes, militant contre les discriminations liées au sexe, à la race et à l’ethnicité.

ÉGAL ACCÈS AUX SPORTS ET ACTIVITÉS

C’est dans ce contexte que sera adopté l’amendement Title IX qui protège les individus des discriminations basées sur le sexe dans les programmes éducatifs et activités recevant des fonds fédéraux (No person in the United States shall, on the basis of sex, be excluded from participation in, be denied the benefits of, or be subjected to discrimination under any education program or activity receiving Federal financial assistance.).

Un amendement qui enclenchera également une réflexion autour de la lutte contre le harcèlement sexuel dans les universités. Et qui empêchera, dans les écoles et facultés américaines, de restreindre la participation aux activités en raison de son sexe et de son genre. Et fera naitre également une loi imposant une réglementation de ce type dans les sports amateurs.

« Le sport fait partie intégrante de la vie des écoles et des universités américaines qui organisent beaucoup de compétitions. En 2002, 160 000 femmes y avaient participé. Maintenant, elles sont plus de 200 000. Il y a presque la parité. Et beaucoup de sportifs olympiques ont participé à ce type de compétition. Cela prouve l’incidence de certaines lois sur l’évolution du nombre de sportives de haut niveau », souligne Hélène Quanquin.

Et la dernière édition des JO, qui s’est déroulée à Rio en 2016, a mis en lumière plusieurs femmes athlètes, parmi lesquelles figurent l’équipe féminine de gymnastique – dont Simone Biles sera la plus médiatisée et mise en avant grâce à ses 4 médailles d’or -, Simone Manuel, première femme noire à remporter un titre olympique en natation ou encore Ibtihaj Muhammad, la première escrimeuse médaille à porter un voile lors de la compétition.

Pour les Etats-Unis, l’ensemble des performances les place au premier rang des JO de Rio avec 121 médailles. Dont 61 ont été gagnées par des femmes.

« Ce sont les deuxièmes Jeux olympiques qui marquent la supériorité des femmes aux USA, même si là c’est très léger. Elles ont remporté 27 médailles d’or, soit le même nombre que toute l’équipe britannique. »
indique la spécialiste.

POURTANT, LES HOMMES L’EMPORTENT…

Néanmoins, la promotion des femmes dans le sport interroge. Les performances prouvent leurs compétences et pourtant dans les médias quand Michael Phelps remporte l’argent, il remporte également le titre principal de Une, tandis que sur la même couverture, en plus petit, on inscrira la victoire de Katie Ledecky. Après tout, championne olympique à cinq reprises et championne du monde en grand bassin neuf fois, elle n’est que la détentrice des records du monde sur 400m, 800m et 1500m nage libre…

C’est ainsi que l’on constate l’ambivalence du domaine. D’un côté, le sport est un moyen pour promouvoir les droits des femmes. D’un autre, il est aussi un lieu d’inégalités subsistant entre les femmes et les hommes. Ces derniers gagnent plus d’argent, se réclamant d’un plus grand intérêt de la part des spectateurs/trices et par conséquent, des publicitaires et des sponsors.

Outre les mouvements féministes et les lois, les sportives doivent également se battre contre les préjugés, les idées reçues et les sportifs. À l’instar de Billie Jean King, grande joueuse de tennis, qui en 1973 a menacé de boycotter l’Open des Etats-Unis, revendiquant le droit des femmes à gagner le même salaire que les hommes en tournoi. La même année, elle crée une association de tennis féminin et bat Bobby Ricks – joueur réputé pour son machisme - en trois sets lors d’un match que ce dernier envisageait comme un moment voué à démontrer la supériorité masculine.

Pour Hélène Quanquin, « Billie Jean King a marqué l’histoire du tennis et l’évolution des droits des femmes dans ce sport. D’autant que c’est la première femme athlète à faire son coming-out. Ce qui lui coûtera plusieurs spots publicitaires, donc de l’argent. »

DANS LE CINÉMA, MÊME COMBAT

Les réflexions sexistes (des sportifs, des médias, des commentateurs sportifs…), la supériorité masculine très prégnante et les inégalités, notamment de salaires, se retrouvent également dans le domaine de la culture. En 2015 – 2016, cette problématique occupera une part importante du débat hollywoodien. Pour cause, l’affaire des piratages des mails de Sony qui fera découvrir à Jennifer Lawrence qu’elle était moins bien payée sur les pourcentages et les ventes du film.

Lors des cérémonies américaines, aux Oscars notamment, les voix féministes commencent à s’élever. Dans les discours de Patricia Arquette ou de Meryl Streep par exemple, l’égalité salariale est en première ligne des revendications. Suit ensuite le faible nombre de rôles principaux ou secondaires, mais importants, attribués aux femmes. Des messages que l’on entend également dans la bouche des anglaises Kate Winslet ou Emma Watson, et de plus en plus de la part des réalisatrices et actrices du cinéma français.

On notera alors que seules 28% environ des actrices obtiennent des rôles significatifs au cinéma et qu’aux Oscars seules 4 femmes ont été nominées dans la catégories des meilleur-e-s réalisateurs/trices dans l’histoire des récompenses. « Et les chiffres sont pires pour les femmes issues des minorités. On constate bien souvent que quand des femmes réalisent, il y a plus de rôles pour les femmes. », conclut Hélène Quanquin.

DANS LA MUSIQUE, PAREIL

Les chiffres sont révélateurs. Dans le secteur de la musique également. Moins de 5% des producteurs et ingénieurs sont des femmes, révèle la conférencière, qui enchaine immédiatement avec l’affaire Kesha. La chanteuse accuse son producteur, Dr Luke, de viol et demande alors à être libérée de son contrat, ce que le tribunal refusera, lui accordant seulement le droit de changer de producteur mais la sommant de rester chez Sony pour honorer l’acte signé.

La question tourne alors autour du pouvoir et de l’influence de l’industrie musicale, qui aurait tendance ces dernières années à instrumentaliser le féminisme. « Le pop féminisme serait-il la 4e vague ? », interpelle Hélène Quanquin. Le pop féminisme rassemble les chanteuses populaires actuelles, prônant leurs engagements féministes dans leurs discours et leurs chansons, comme Beyonce, en tête de cortège, Katy Perry, qui jusqu’à récemment hésitait tout de même à se revendiquer féministe, ou encore Miley Cirus, jugée plus trash.

UNE AMBIVALENCE PREGNANTE

Ce mouvement semble plus inclusif, à l’image de la marche de janvier 2017. Mais l’ambivalence persiste dans le secteur de la musique, du cinéma comme dans celui du sport. Là où on note des progrès, à ne pas négliger puisqu’ils influencent bon nombre de jeunes femmes, on ne peut nier également l’instrumentalisation marketing de ces milieux, régis par l’industrie, dans lesquels les inégalités persistent fortement.

« Les progrès sont liés aux mouvements féministes et à l’avancée de la législation. Mais on voit des limites à ce progrès. Les femmes n’ont toujours pas d’égal accès aux positions de pouvoir, sont toujours représentées de manière différente dans les médias et font face à un fonctionnement de l’industrie extrêmement inégalitaire. Pas seulement pour les femmes mais aussi pour les personnes issues des minorités. », conclut Hélène Quanquin.

À noter qu’en France, les mentalités stagnent aussi. La preuve avec les remarques sexistes – et racistes – des commentateurs sportifs. « Elles sont là nos petites françaises », pouvait-on entendre dans la nuit du 7 au 8 mars lors de la finale de la She Believes Cup. Aurait-on dit la même chose de l’équipe de France masculine ?

 

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