Célian Ramis

8 mars : Pour la visibilité des intersexes

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Champs Libres
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« On ne vient pas de Mars, on fait partie de l’humanité. » Les personnes intersexes prennent la parole dans le documentaire de Régine Abadia, Entre deux sexes, diffusé aux Champs Libres, samedi 17 mars.
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« On ne vient pas de Mars, on fait partie de l’humanité. » Les personnes intersexes prennent la parole dans le documentaire de Régine Abadia, Entre deux sexes, diffusé aux Champs Libres, samedi 17 mars, dans le cadre des Documentaires au féminin, programmés par Comptoir du Doc. Le 27 octobre dernier, le collectif FéminismeS et Commune Vision organisaient une projection du film, à l’université Rennes 2.

« J’ai compris que je n’étais pas un garçon, ni une fille non plus mais quelque chose d’autre. » C’est avec le témoignage de Vincent Guillot que débute le documentaire Entre deux sexes, projeté sur le campus de Villejean, à l’occasion de la Quinzaine de la Visibilité Intersexe, en présence de la réalisatrice et de Luca, militant-e- du Collectif Intersexes et Allié-e-s.

C’est en rencontrant le co-fondateur de l’Organisation internationale des intersexes au festival de Douarnenez - et en le suivant à Stockholm au 2e Forum international intersexe en 2012 - que Régine Abadia décide de traiter un sujet encore très méconnu :

« Ça a été compliqué à financer, même la chaine Arte était frileuse. On a commencé à tourner sans argent et la chaine s’est réveillée quand la problématique des intersexes a commencé à être médiatisée. La condition sine qua non avec Vincent était de donner la parole uniquement aux intersexes, pas aux médecins, ni aux pseudo-expert-e-s. »

PRENDRE EN COMPTE LEURS PAROLES

Ce sont donc, à juste titre, les personnes concernées qui abordent leurs conditions de vie, à travers leurs vécus, ressentis, productions artistiques, réflexions collectives et individuelles et leurs actions au sein de la communauté.

Pour Luca, « c’est très important qu’il y ait des groupes de soutien où les personnes intersexes peuvent se rencontrer et échanger. Pendant longtemps, je me considérais comme illégitime à prendre la parole, pas assez intersexe. Et avoir rencontré d’autres gens m’a montré que c’est beaucoup plus commun que ce que l’on croit et ça m’a fait énormément de bien. »

Le Collectif Intersexe et Allié-e-s insiste : l’information et la médiatisation autour du sujet est primordiale pour libérer la parole et briser les tabous et stéréotypes. Leurs revendications doivent aujourd’hui être réellement prises en compte par la société et les politiques :

« Nous militons pour la fin des mutilations et des stérilisations, sans consentement libre, quel que soit l’âge. L’abandon du terme « trouble du développement sexuel », qui légitime ces mutilations et les traitements. La suppression de la mention du sexe à l’état civil. Mais également la pleine information et l’accès au dossier médical des personnes intersexes. » Parce que leurs corps leur appartiennent.

La communauté est présente sur les réseaux sociaux : page Collectif Intersexe et Allié-e-s / page Young & Intersex.

 

DOCUMENTAIRES AU FÉMININ – 15E ÉDITION :

• Vendredi 16 mars – 19h : On a grévé de Denis Geerbrant (projection au théâtre de la Parcheminerie).

• Samedi 17 mars – 14h30 : Regarde elle a les yeux grand ouverts de Yann Le Masson (projection aux Champs Libres).

• Samedi 17 mars – 16h30 : Entre deux sexes de Régine Abadia (projection aux Champs Libres).

• Dimanche 18 mars – 14h30 : Maman Colonelle de Dieudo Hamadi (projection aux Champs Libres).

• Dimanche 18 mars – 16h30 : Emporte mes amours de Arturo Gonzales Villasenor (projection aux Champs Libres). 

Célian Ramis

8 mars : Quelle réalité des mesures prises contre les violences sexuelles au travail ?

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Laure Ignace témoigne du parcours des combattantes imposé aux femmes victimes de violences sexuelles, notamment au travail, et dénonce le manque de moyens mis en place par les pouvoirs publics pour y répondre.
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« À cette prise de conscience collective, il n’y a pas de réponse institutionnelle pour répondre à ce cataclysme. Il y a un phénomène de masse, les femmes parlent, hurlent, mais rien n’est mis en place. Il faudrait un plan d’urgence. Ça concernerait les accidents de la route, on aurait tout de suite eu une grosse campagne. Pour les femmes, non. Rien. » Laure Ignace est juriste au sein de l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT). Invitée à Rennes le 8 mars à la MIR par Questions d’égalité, en partenariat avec la CFDT, elle témoigne du parcours des combattantes imposé aux femmes victimes de violences sexuelles, notamment au travail, et dénonce le manque de moyens mis en place par les pouvoirs publics pour y répondre.

Octobre 2017. Affaire Weinstein. Le choc, l’incompréhension, la colère, la gronde, la prise de conscience. Soi-disant. On parle d’une libération massive de la parole des femmes. Certaines militantes, comme la dessinatrice féministe Emma, recadrent les choses : les femmes ont toujours parlé mais elles n’ont pas été écoutées, il serait donc plus juste de parler de libération de l’écoute.

Laure Ignace, juriste au sein de l’AVFT, précise également : « On parle du contexte de ces derniers mois mais on pourrait dire de ces dernières années. Avec l’affaire Baupin et d’autres. Moi, j’interviens sur l’ampleur que ça a depuis octobre et sur le constat de ce que cela a entrainé en bien et en moins bien pour les femmes et pour l’AVFT. »

Parce qu’elles sont de plus en plus nombreuses à oser franchir la porte des commissariats et des gendarmeries pour porter plainte. Pour dénoncer des actes de violences sexuelles. En novembre 2017, on notait une augmentation d’environ 30% des dépôts de plainte en gendarmerie et quasiment le même pourcentage dans les commissariats.

LÂCHETÉ GOUVERNEMENTALE…

Une avancée positive qui n’est pas sans conséquence puisqu’en parallèle forces de l’ordre, système judiciaire et associations ne voient pas leurs moyens, humains et financiers, renforcés.

« 14 ans que la subvention à l’AVFT n’a pas augmenté ! Il faut un renfort des politiques de prévention et de la politique pénale. Ça a été le cas pour les violences conjugales, spécifiquement mais on n’observe pas la même tendance pour les violences sexuelles, au travail notamment. Dans ces conditions, l’État peut difficilement se prévaloir de défendre et de lutter pour les droits des femmes. », rétorque-t-elle quand on ironise sur « la priorité du quinquennat ».

Elle tire la sonnette d’alarme : il est temps que le gouvernement sursaute et se réveille ! Temps qu’il accomplisse et assume son rôle. Qu’il arrête de compter sur les associations, au bord de l’asphyxie, et le Défenseur des droits, qui a par exemple lancé une campagne contre le harcèlement sexuel :

« Ce n’est pas l’Etat qui s’en est chargé. Sans dire que, au niveau de l’inspection du travail, de la médecine du travail, c’est la catastrophe ! Pas de moyens, trop de boulot. On assiste à un cumul de professionnels surchargés qui de fait défaillent souvent. Mais on ne renforce pas les acteurs… On ne peut pas dire qu’on lutte contre les violences. »

Les chiffres sont effarants : 1 femme sur 3 déclare subir ou avoir subi du harcèlement sexuel ou une agression sexuelle sur son lieu de travail. Et pourtant, plus de 80% des employeurs n’ont toujours pas mis en place de plan de prévention. Une réalité que le site 8mars15h40.fr souhaite mettre en lumière à travers sa grande enquête sur les violences au travail.

LES CONSÉQUENCES DU MANQUE DE MOYENS

Ainsi les associations, seules, ne peuvent décemment répondre à toutes les demandes et tous les besoins. En novembre dernier, dans le cadre de la préparation de notre dossier sur les violences sexuelles, SOS Victimes 35 répondait à notre demande que personne ne pouvait assurer la réponse à notre interview, en raison d’une surcharge de travail.

Le 31 janvier 2018, l’AVFT a annoncé la fermeture de son accueil téléphonique en raison d’une incapacité à y répondre tant la demande était forte. Actuellement, 150 femmes sont soutenues par l’association de manière extrêmement poussée, « cela veut dire qu’on les reçoit en entretien puis que l’on intervient dans les procédures, avec les Parquets, les employeurs, les conseils des Prud’Hommes, que l’on se constitue partie civile, etc. »

En parallèle, une centaine de femmes est accompagnée de près. « Elles n’ont pas été reçues en entretien mais on les soutient, on les conseille. On va écrire pour savoir où en est l’enquête, contacter les médecins pour leur demander d’écrire un certificat médical décrivant les symptômes constatés, les aider à saisir le Défenseur des droits, corriger les courriers qu’elles vont envoyer à leurs employeurs parce qu’en fonction des femmes, elles n’ont pas toutes le même rapport à l’écriture. Ce sont des choses qui prennent du temps. Saisir le Défenseur des droits, ça peut demander une demi journée de travail. Cela prend énormément de temps. », précise la juriste.

Au total, les 5 professionnel-le-s de l’AVFT (4 CDI et 1 CDD) accompagnent 250 femmes. Comptabilisant dans ce chiffre des dossiers ouverts depuis 10, voire presque 15 ans. Parce que les procédures sont longues, compliquées et pleines de rebondissements, « parce que parfois les agresseurs attaquent en diffamation, parce que parfois y a l’instance, l’appel et le pourvoi en cassation… » Et depuis l’affaire Weinstein, c’est entre 2 et 3 nouvelles victimes par jour qui font appel à la structure.

LOIN DE S’ARRANGER

Et le contexte économique et politique ne va pas arranger les choses. Loin de là. Laure Ignace dénonce à ce titre les ordonnances qui vont précariser les parcours des femmes, faciliter les licenciements et renforcer les moyens de pression des harceleurs, profitant de la dépendance financière des femmes.

Elle le répète, le gouvernement n’est absolument pas dans une volonté de lutte contre le harcèlement sexuel : « Il faut mener des enquêtes sérieuses au sein des entreprises et aucune circulaire n’a été donnée dans ce sens. Pour 24 millions de salarié-e-s en France, il y a 2000 agents de contrôle ! Imaginez… Pas simple ! Et puis, ça dure des années les enquêtes tellement les agents ont du boulot ! C’est un travail conséquent. Et quels moyens sont donnés au sein de gendarmeries ? des commissariats de police ? des parquets ? Il n’y a aucun effectif spécifique de prévu sur ces enquêtes là. Alors les plaintes augmentent mais elles sont très souvent classées sans suite. »

Pourtant, quand une accusation vise un ministre, les procédures s’accélèrent et on assiste à des affaires éclairs, comme tel a été le cas pour Gérald Darmanin. Laure Ignace y voit là un message parlant, envoyé de la part du gouvernement, celui d’une justice de classe. Avec deux poids, deux mesures.

LE PARCOURS DES COMBATTANTES

Dans le cas d’une accusation envers un homme de pouvoir, le crédit de bonne foi est accordé à celui qui est accusé plutôt qu’à la victime. Pour les femmes accompagnées par l’AVFT, « c’est plutôt l’inverse, on les soupçonne en première intention et cela se traduit par des poncifs tels que « Pourquoi dénoncer que maintenant ? », qui montrent qu’on n’a toujours pas compris le mécanisme des violences, toujours pas compris que c’est un risque qu’elles prennent en parlant enfin, toujours par rapport à cette fameuse dépendance financière. Pourquoi n’ont-elles pas mis une claque à leur agresseur ? Pourquoi ne l’ont-elles pas dit à leur supérieur ? Elles doivent se justifier sur toutes les réactions qu’elles ont pu avoir ou ne pas avoir. Le classique ! Et puis ensuite, viennent les remarques sur leurs attitudes avec les hommes, leurs habillements, etc. Une jupe courte une fois et c’est une fois de trop. »

Aussi, les enquêtes vont-elles venir insidieusement interroger les capacités professionnelles de la plaignante. On va alors se demander si elle ne chercherait pas en accusant un collègue ou un supérieur à dissimuler un squelette dans le placard. Pour la juriste, le fait même d’enquêter sur les compétences de la salariée incite les autres à se positionner, à se braquer.

Et si les employeurs ont en règle générale bien intégré leur obligation de mener des enquêtes, elle précise que celles-ci sont souvent mal menées ou que la réponse finale consistera simplement à muter la plaignante, ou les deux personnes concernées. Une sanction injuste qui camoufle le problème mais ne le résout pas.

« Pour beaucoup, c’est quand elles sont extraites du travail, parce qu’elles sont en arrêt maladie, qu’elles se rendent compte qu’elles ne peuvent plus y retourner. Elles réalisent la gravité des faits et des conséquences. La reprise du travail et les conditions de reprise surtout sont très anxiogènes. », précise Laure Ignace.

Elle ne mâche pas ses mots en parlant de parcours de la combattante. Ce n’est pas une exagération. Mais la réalité des démarches et des procédures n’est que trop peu connue. Voire ignorée. La phase pré-contentieuse, déjà saturée de courriers à rédiger et de démarches, coûte cher et n’est pas prise en compte par l’aide juridictionnelle.

DÉMARCHES LONGUES, COÛTEUSES, ÉNERGIVORES

Le 27 février dernier, Libération publiait d’ailleurs un article sur le sujet : « Aller au procès, une montagne financière pour les femmes victimes de violences ». Laure Bretton et Soizic Rousseau expliquent alors que si le coût financier ne dissuade pas au premier abord les plaignantes, cela devient tout de même vite un frein, voire une contrainte trop forte pour aller jusqu’au bout.

Sans compter qu’il n’y aura pas seulement les honoraires d’avocat-e-s mais aussi potentiellement des consultations médicales, des accompagnements psychologiques, des frais de déplacements aux procès (l’affaire peut passer devant plusieurs juridictions : tribunal administratif, conseil des Prud’Hommes, tribunal correctionnel…).

Les enquêtes seront longues, pénibles, parfois injustes, souvent retournées contre celles qui osent rompre le silence et briser l’omerta. Les démarches requièrent donc du temps, de l’énergie, de l’argent. À long terme.

RENFORCER LES BUDGETS, LES MOYENS HUMAINS, LES FORMATIONS ET LA PRÉVENTION

Sans moyens supplémentaires, les associations suffoquent. Et ce sont les plaignantes qui trinquent. Pour l’AVFT, il n’y a pas de détours à prendre, les solutions sont claires, on ne peut plus reculer face aux mesures qui s’imposent, mais n’arrivent pas. L’affichage d’une politique de lutte contre les violences sexuelles doit être clair.

« Tous les parquets doivent orienter leurs priorités contre les violences. Il faut défendre une politique pénale de lutte contre les violences sexuelles au travail, au même titre que l’on met en place une politique de lutte contre le travail illégal, contre le terrorisme, etc. Et évidemment, il faut un renforcement du personnel en charge de ces politiques de lutte. Donc des moyens humains. Nous avons bien conscience que les parquets sont débordés, submergés de plaintes de tout ordre, des dossiers sont même perdus… Leurs moyens doivent être renforcés, qu’ils aient des formations sur comment on rapporte la preuve, avoir un pôle spécialisé sur les violences sexuelles. », scande Laure Ignace.

Les budgets des forces de l’ordre doivent être augmentés, des formations sont nécessaires autour du harcèlement sexuel, des violences, des agressions sexuelles et des viols, pareil du côté de l’inspection du travail et de manière plus largement du côté de tous les acteurs concernés. Mais surtout que le message passe : les violences sont graves, elles doivent être l’objet de répression sur le plan pénal et les victimes doivent être indemnisées à hauteur du préjudice.

« Il faut faire de la prévention dans tous les sens car pour l’instant, c’est un message d’impunité qui est répandu. Tant qu’on ne se dit pas que commettre ces actes va coûter cher, on n’a pas d’intérêt à prendre le problème à bras le corps. Aujourd’hui, les agresseurs ne risquent pas grand chose, les entreprises ne risquent pas grand chose, les femmes risquent gros. », soupire-t-elle.

NE RIEN LÂCHER

Difficile de se montrer optimiste dans une situation sclérosée par manque de volonté politique claire en faveur des droits des femmes. La juriste peine à trouver des éléments positifs auxquels raccrocher nos espoirs. Elle souligne tout de même son admiration pour toutes celles qui s’engagent dans la bataille : « Des femmes parviennent à obtenir justice et à franchir toutes les barrières. Elles font preuve d’une combattivité extrême pour aller au bout de tout ça. Je suis admirative de la longévité de leur combattivité. »

Elle se réjouit, tout comme Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, de l’ouverture prochaine de centres spécialisés pour la prise en charge psychotraumatique des victimes de violences, pour lesquels le gouvernement a donné son feu vert le 25 novembre dernier. Toutefois, elle nuance, persiste et signe :

« C’est positif car c’est extrêmement important de donner accès aux soins médicaux à toutes les femmes abimées par ces violences mais attendons de voir dans quelles conditions cela va fonctionner. En tout cas, ce n’est pas suffisant vu l’ampleur du problème. On attend d’autres réponses de la part du gouvernement. Les discours restent des discours. Nous, on attend la transformation en actes. »

Célian Ramis

L'empowermeuf selon les Georgette !

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Faut-il s’appeler George pour être prise au sérieux ? Non. C’est la réponse du collectif Georgette Sand, dont quatre membres étaient de passage à Rennes le 16 février dernier.
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Faut-il s’appeler George pour être prise au sérieux ? Non. C’est la réponse du collectif Georgette Sand, dont quatre membres étaient de passage à Rennes le 16 février dernier. Ce jour-là, elles n’étaient pas seules, loin de là. Accompagnées des 75 femmes dont elles ont dressé le portrait dans l’ouvrage Ni vues ni connues, elles participent à la réhabilitation de certaines figures féminines oubliées ou méprisées de l’Histoire, à tort.

Pour que les héroïnes d’hier inspirent les héroïnes de demain. Ou pour que les héroïnes de demain soient inspirées par les héroïnes d’hier. Peu importe. Le message est identique. La société a besoin de modèles, de références, d’exemples de femmes artistes, scientifiques, aventurières, intellectuelles, militantes ou encore de femmes de pouvoir. Sans oublier les méchantes inventées ou avérées.

Pour prendre conscience qu’au fil des siècles et à travers tous les continents, elles ont marqué leurs époques et participé à l’évolution de la société. Malgré cela, en 2018, peu d’entres elles figurent dans les pages des manuels scolaires, en histoire, en philo, en littérature… En tant qu’auteures, tout autant qu’en tant que personnages, comme en témoignent les nombreuses études réalisées par le Centre Hubertine Auclert.

En 2015, par exemple, le centre francilien de ressources pour l’égalité femmes-hommes souligne que les « femmes et les filles restent sous-représentées (dans les manuels de lecture du CP, ndlr) : sont dénombrées 2 femmes pour 3 hommes, soit 39% de femmes. D’une manière générale, les femmes sont minoritaires dans toutes les sphères où elles apparaissent, sauf dans le cadre de la parentalité et des activités domestiques. »

En octobre 2017, alors que les éditions Hugo Doc (collection Les Simone) publient l’ouvrage du collectif Georgette Sand, Ni vues ni connues – Panthéon, Histoire, mémoire : où sont les femmes ?, on peut lire dans la préface, signée Michelle Perrot : « Histoire – faut-il le rappeler ? – est un mot ambivalent. Il signifie : 1) ce qui s’est passé ; 2) le récit que l’on en fait. Les femmes étaient assurément présentes au premier niveau, personne ne le conteste, même si on n’en parle pas. Mais elles disparaissent au second, celui du récit. »

Pourquoi ? « Parce que le récit est souvent fait par les hommes », commente Perrine Sacré, une des Georgette présentes dans la capitale bretonne ce 16 février, à l’occasion de leur intervention au lycée et de leur rencontre à la librairie La Nuit des Temps, à Rennes.

DÉNONCER UN PROBLÈME SYSTÉMIQUE

En 2014, est fondé le collectif Georgette Sand. Autour de la question « Faut-il s’appeler George pour être prise au sérieux ? » et autour d’une volonté commune d’agir pour la visibilisation des femmes dans l’espace public. Elles dénoncent la taxe rose, la taxe tampon, les produits genres et sexistes et lancent le tumblr « Les invisibilisées ». Contactées par une éditrice en 2015, elles démarrent le projet un an plus tard, elles sont alors 21 autrices, dont 2 cheffes de projet.

« Nous ne sommes pas autrices à la base, nous avons toutes des carrières en parallèle. Nous avons mis en place un tableau, dans lequel nous mettions les noms des personnes sur lesquelles on voulait travailler. On faisait nos portraits de notre côté et on échangeait beaucoup entre nous. Ce sont des femmes qui ont été invisibilisées, il y a donc peu d’infos sur elles. », explique Charlotte Renault.

Ainsi, 75 femmes sont présentées dans l’ouvrage, « de toutes les époques et de tous les continents, pour montrer l’intégralité du problème qui est globalisé et systémique », précise Elody Croullebois.

On trouve alors la suédoise Hilma af Klint, pionnière de l’art abstrait, la chinoise Bow-Sim Mark, grande maitresse du kung-fu, l’américaine Bessie Coleman, première aviatrice afro-américaine à traverser l’Atlantique, l’indienne Lakshmi Bai, la légendaire reine guerrière, la mexicaine Petra Herrera, révolutionnaire, l’algérienne Kâhina, reine des Aurès et figure de la résistance berbère, la française Paulette Nardal, pionnière de la Négritude – mouvement d’émancipation et de réflexion sur la condition noire, ou encore les dominicaines Minerva, Patria et Maria Mirabal, militantes engagées contre la dictature, et la béninoise Hangbé, reine féministe et cheffe des troupes.

RÉHABILITER LES OUBLIÉES

On voudrait les citer toutes. Parce que leurs parcours sont inspirants, d’un part. Et parce qu’elles ont toutes été victimes d’injustices, d’autre part. Méprisées, oubliées, ignorées, rayées de l’Histoire. Le collectif Georgette Sand les réhabilite à travers des biographies courtes, accessibles à tou-te-s, optant pour un ton léger et impactant, et montre précisément les mécanismes d’invisibilisation, dans l’optique de les déconstruire.

« Nous n’avons pas retenu toutes les femmes auxquelles nous avions pensé au départ. Soit parce qu’elles n’étaient peut-être pas tant invisibilisées que ça, comme Olympes de Gouges par exemple, soit parce que c’était redondant et que nous voulions montrer des profils différents. Par contre, nous avons gardé certaines femmes qui sont connues quand elles le sont pour de mauvaises raisons, comme Camille Claudel par exemple. », explique Perrine Sacré, rejointe par Elody Croullebois :

« Aussi, des femmes étaient « éliminées » quand nous n’avions pas assez de sources fiables, que l’on n’arrivait pas à démêler la vérité de la légende, que les infos semblaient manipulées car le but est d’être scientifiquement exactes. »

Ainsi, dans Ni vues ni connues, Camille Claudel retrouve sa qualité de sculptrice et n’est plus simplement la muse-amante dingo de Rodin. Marie Curie est une scientifique brillante à part entière et n’est pas seulement la femme de Pierre. Margaret Keane est bien l’auteure des peintures aux grands yeux, dont son mari s’est attribué le mérite pendant 30 ans. Sojourner Truth n’est pas qu’une ancienne esclave mais aussi et surtout une militante pour l’intersectionnalité des luttes et pour le droit de vote des Noir-e-s et des femmes aux Etats-Unis et la première femme noire à gagner un procès contre un homme blanc. Hedy Lamarr n’était pas juste une actrice glamour d’Hollywood, elle a aussi inventé le wifi. Et c’est bien Marthe Gautier qui a découvert la particularité de la trisomie 21 et non Jérôme Lejeune, qui s’en est pourtant attribué la paternité.

RÉALISER QUE C’EST POSSIBLE !

Pour Anne Lazar, on remarque « que souvent, pour les hommes, on valorise l’accomplissement de leurs travaux, tandis que pour les femmes, on met en avant leurs vies personnelles et sentimentales. » L’Histoire, écrite par les hommes, efface leurs homologues féminines, à cause du sexe et de la couleur de peau. Et le langage utilisé participe à cette invisibilisation.

« En effaçant la féminisation des termes, on efface le fait que les femmes puissent en faire partie. On oublie inconsciemment par exemple qu’une femme peut être « docteur ». », poursuit Anne. Les Georgette, qui prônent « l’empowermeuf », rappellent à travers leur bouquin – qui pourrait être le premier volume d’une collection conséquente – l’importance du matrimoine mondial.

Pour déconstruire les idées reçues intégrées autour du genre, de la couleur de peau ou de la condition sociale. Et pour donner aux filles et aux femmes la possibilité de s’imaginer autrement que dans les cases rigides dictées par le patriarcat. Un message qu’elles répandent avec enthousiasme et sans jugement :

« Quand on a commencé, je connaissais une dizaine de noms dans la liste ! Même de nous elles étaient ignorées. Mais c’est l’effet domino. On fait des recherches sur une femme, puis on en trouve une autre, et encore une autre et on finit par en voir apparaître plein ! On se rend compte à quel point c’est utile de faire ça et les gens que l’on rencontre ou à qui on en parle, ou les élèves quand on intervient dans les classes, les profs avec qui on discute, le réalisent également. »

Célian Ramis

8 mars : Quand les sardinières s'en sont allées en lutte !

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Musée de Bretagne, Rennes
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1924. Les Penn Sardin brandissent l’étendard de la lutte. C’est l’objet des visites commentées « Histoire de femmes, femmes dans l’Histoire et La révolte des sardinières par Charles Tillon », organisées le 4 mars, au premier étage des Champs Libres.
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Écrite principalement au masculin, l’Histoire établit des exceptions pour certaines figures féminines. Souvent classées dans des catégories. Souvent mystifiées, elles sont des saintes, des sorcières (dans son terme péjoratif) ou des tentatrices. Au sein des collections du musée de Bretagne, on en croise pourtant certaines qui n’ont pas hésité à brandir l’étendard de la lutte. C’est l’objet des visites commentées « Histoire de femmes, femmes dans l’Histoire et La révolte des sardinières par Charles Tillon », organisées le 4 mars (toutes les heures entre 14h30 et 17h30), au premier étage des Champs Libres.

Un conseil : ne vous laissez pas happer par la galerie des costumes pour laquelle vous seriez tenté-e-s de traverser la partie « Contestation du conservatisme » à vive allure. Trop vive pour ne serait-ce qu’apercevoir le tableau de Charles Tillon, La révolte des sardinières. S’il n’est sans doute pas suffisamment valorisé dans la vitrine, il est toutefois un rendez-vous avec l’Histoire des femmes.

Parce que dans l’histoire des luttes, on ne peut négliger celles des ouvrières de Douarnenez, employées des conserveries, qui vont se mettre en grève en 1905 tout d’abord pour revendiquer d’être payées à l’heure et non plus à la pièce et une diminution des heures de travail, puis en 1924 ensuite, pendant plus de 40 jours, pour revaloriser les salaires, dont les heures de nuit et les heures supplémentaires, encore non majorées.

HISTOIRE D’UN TABLEAU

C’est Raymonde Tillon-Nédélec, en 1987, qui fait don de l’œuvre de son époux au musée de Bretagne. Elle-même est une figure de la résistance et du militantisme politique (lire notre Coup de cœur Raymonde Tillon-Nédélec, résistante communiste engagée et inspirante – Septembre 2016).

« C’est une figure très forte, très marquée à gauche. Elle a été déportée pendant la Seconde guerre mondiale et s’est échappée. Elle va beaucoup soutenir Charles Tillon quand il va revenir à Rennes, de là où il est originaire. »
souligne Philippe Dagron, médiateur culturel au musée de Bretagne.

Lors de l’hommage rendu à Raymonde Tillon-Nédélec, le 25 juillet 2016, place du Parlement à Rennes, une citation de son époux clôture la cérémonie : « En Bretagne, la terre, la mer et la chanson du vent parlent toujours de liberté. » En 1926, c’est exactement ce qu’il couche sur sa toile, réalisée d’après ses souvenirs. Après s’être engagé dans la Grande guerre, puis dans les mutineries de la mer Noire avant d’être envoyé au bagne au Maroc, il soutiendra ensuite la lutte des droits des femmes, dont celle des Penn Sardin.

Il ne peindra pas les faits exacts. Les manifestantes, drapeau rouge à la main, défilent sur la dune de Lesconil, tandis que ce sont les pavés de Douarnenez qui ont été foulés fin 1924/début 1925. On note également qu’elles portent la coiffe bigoudène et non la Penn Sardin, coiffe de travail, coiffe des ouvrières, des usinières.

HISTOIRE D’UNE RÉGION

« Il y a des références, au dos du tableau à la guerre 14-18 et à la révolte des bonnets rouges sous Louis XIV lorsque les clochers furent rasés en pays bigouden. Le mythe veut que les femmes aient rétorqué « Puisque le roi a rasé nos clochers, nous les porterons sur la tête ». La coiffe bigoudène n’était pas alors aussi haute que celle que l’on connaît. Avec tout cela et ses souvenirs, Charles Tillon rend hommage aux grandes révoltées ! », analyse Philippe Dagron.

Courant XIXe, dans une région rurale, l’activité se développe sur le littoral sud, avec « une pêche plus moderne et moins dangereuse que celle de la morue de la côte nord. Les hommes sont pêcheurs, les fils sont mousses, les femmes et les filles, dès 12 ans, travaillent dans les usines. Elles y sont serrées « comme des sardines » et gagnent des salaires des plus bas. Quand les sardines viennent à manquer, c’est la misère. Sinon, elles peuvent enchainer jusqu’à 16 heures de boulot. »

HISTOIRE D’UNE LUTTE

La lutte est intense, puissante et exemplaire. Deux mille femmes des 21 usines se mettent en grève et la majorité se syndique. Les patrons font, au départ, bloc, les tensions montent, jusqu’à embaucher des casseurs de grève, qui s’en prendront physiquement à Daniel Le Flanchec, « un sacré personnage aussi, un espèce d’anar qui aurait été gigolo », depuis quelques mois élu maire de Douarnenez, première ville communiste de France (en 1921).

« Ce qui est inédit, c’est l’ampleur et le contexte ! Le mouvement de colère, porté par les femmes (les marins les rejoindront plus tard) qui protestent véritablement, et soutenu politiquement, dans cette première mairie communiste. La grève dans 21 usines, l’agression du maire, l’acceptation des revendications… Sans oublier la présence Joséphine Pencalet, ouvrière qui deviendra la première femme élue au conseil municipal. », souligne le médiateur culturel.

Le mouvement des Penn Sardin est, selon ses termes, la conciliation d’une coiffe symbolique d’un terroir et d’une lutte sociale gagnée haut la main. Le tableau de Charles Tillon, qui sera ensuite repris par un affichiste breton, devient un symbole de cette lutte qui vient casser le cliché de la femme bretonne regardant au loin en attendant le retour de son époux parti en mer.

« Elles sont actives et à contre-courant de l’image de la Bretagne des années 20 avec cette idée d’une région conservatrice et catholique. », insiste Philippe Dagron, rejoint par Pascal Nignol, également médiateur – proposant des visites en langue bretonne - au musée de Bretagne :

« Ici, on a tendance à beaucoup parler de cette lutte dans nos visites. C’est un mouvement très très connu dans le secteur, très important dans l’histoire régionale. C’est donc un classique de nos visites, même les visites généralistes. »

PAS QU’UNE HISTOIRE D’HIER

Si à Douarnenez, l’événement reste prégnant dans leur histoire, qu’en reste-t-il aujourd’hui au-delà des frontières finistériennes ? Pour les deux médiateurs, elle reste dans les mémoires. « Mais nous, on a le nez dedans ! On ne se rend pas forcément compte de la place qu’on lui donne globalement dans les luttes ouvrières et dans les luttes féministes. Mais c’est vrai que de manière générale, les gens ici ne connaissent pas bien l’histoire de leur région. », conclut Pascal Nignol.

D’où l’importance de se remémorer ce que les femmes d’hier ont accompli pour les conditions salariales. À travers l’art, avec le tableau de Charles Tillon, le film de Marc Rivière Penn Sardines, sorti en 2003 ou encore le livre de Daniel Cario Les coiffes rouges, publié en 2014.

Mais aussi à travers Bretonnes ? un ouvrage collectif référence, qui publie, aux Presses Universitaires de Rennes en 2016, sous la direction de Arlette Gautier et Yvonne Guichard-Claudic, les recherches menées par des historiennes, des littéraires, des politologues, des sociologues et une juriste.

Parmi « l’ensemble de femmes (évoquées) à partir du prisme de l’appartenance à un territoire à forte identité culturelle, géographique, historique » (quatrième de couverture), on trouvera un chapitre sur les femmes dans le secteur maritime en Bretagne, signé Yvonne Guichard-Claudic, anciennement maitresse de conférences en sociologie et actuellement membre du Laboratoire d’études et de recherches en sociologie, ainsi qu’un chapitre dédié à Joséphine Pencalet « une Penn Sardin à la mairie », signé Fanny Bugnon, maitresse de conférences en Histoire / Etudes sur le genre et responsable du DIU numérique Etudes sur le genre à Rennes 2.

Pour en apprendre plus sur notre histoire commune et pouvoir la poursuivre.

 

ALLER PLUS LOIN AVEC D’AUTRES HISTOIRES

Autre visite guidée proposée par le musée de Bretagne « Histoire de femmes, femmes dans l’Histoire » : dimanche 11 mars de 17h à 19h

Des représentations de divinités de l’époque antique à Bécassine, tantôt divines, reines ou révoltées, les femmes présentes dans les collections sont surprenantes ! Cette visite vous propose d’aborder les collections du musée sous un angle nouveau.

 

Célian Ramis

L’affirmation d’un désir sexuel au féminin

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Triangle, Rennes
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Dans sa pièce Une Femme au soleil, jouée le 22 février au Triangle à Rennes, Perrine Valli, danseuse et chorégraphe, met en mouvement le désir sexuel au féminin.
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Sur scène, deux femmes et deux hommes dansent dans une géométrie parfaite. Les corps s'appréhendent et se désirent, s’imbriquent et se passionnent. Dans sa pièce Une Femme au soleil, jouée le 22 février au Triangle à Rennes, Perrine Valli, danseuse et chorégraphe, met en mouvement le désir sexuel au féminin.

Tout commence avec deux femmes, Perrine Valli et Marthe Krummenacher. La musique instrumentale se rythme de plus en plus. Puis deux hommes, Gilles Viandier et Sylvère Lamotte, s’ajoutent à cette danse angulaire, évoluant entre narration et abstraction. S’inspirant de peintures éponymes d’Edward Hopper, peintre réaliste du 20ème siècle, la chorégraphe franco-suisse Perrine Valli concrétise l’idée qu’une femme se désire et désire l’autre dans sa pièce Une femme au soleil :

« La posture est très claire dans ce tableau. Une femme est seule au centre, elle est nue, elle fume une cigarette. On a l’impression qu’elle est détendue. Il y a un lit un peu défait, ses talons, du soleil [...] Puis elle regarde par la fenêtre, on peut imaginer qu’il y a eu un homme avant, après, dans son imaginaire, ou pas, décrit-elle. En tout cas, j’aimais bien que ce soit fantasmatique à partir de son point de vue à elle. »

LE DÉSIR DE L'AUTRE

Le spectacle s’articule autour de deux fantasmes. Celui indéterminé de la femme nue peinte par Hopper et celui de Perrine Valli. Sans oublier que le désir peut avoir plusieurs facettes, la chorégraphe fait un choix :

« Une Femme au Soleil est un spectacle sur le désir féminin hétérosexuel. J’ai créé mon propre imaginaire. Ca ne m’intéressait pas d’ouvrir sur toutes les sexualités. Quelque part, pour moi on sait, et ce n’est pas toujours ultime de rappeler qu’il peut y avoir deux hommes ou deux femmes. J’ai intégré les hommes pour satisfaire le fantasme. »

Et même si cette hétérosexualité est assumée sur les planches, Perrine Valli parvient à s'extirper du schéma classique de la relation entre un homme et une femme. Malgré les physiques imposants des deux danseurs, ils n’éclipsent pas leurs collègues. Au contraire, tous se complètent et la femme désire autant que l’homme.

« Au départ, lorsque le spectacle n’était pas encore fait et que l’on répétait, les gens disaient que Marthe et moi écrasions totalement les hommes. J’ai dû les renforcer, leur donner plus de place parce que même si on était toute petite, quelque part, on avait un truc assez puissant », s’amuse Perrine.

« Et ça, c’était très révélateur d’une masculinité qu’il faut, aujourd’hui, aussi redéfinir. Pendant la danse, il y a quand même deux trois gestes où les hommes prennent les femmes par les cheveux, des gestes qui vont être presque pornographiques. Mais l’homme et la femme peuvent avoir aussi envie ça. » Une réflexion qui casse les préjugés où chacun devrait avoir un rôle. Ici il n’est plus question de masculinité ou de féminité mais d’individus qui se désirent.

LE SEIN MIS À NU

L’ambiance se réchauffe sur la scène du Triangle, ce 22 février à Rennes. Le quatuor se touche peu à peu. Puis un duo se met torse nu. Si la nudité de l’homme ne choque plus, le sein féminin dérange encore, conséquence de son hypersexualisation. Exposée des années 70 aux années 90, la poitrine reste, aujourd’hui encore, dans l’ombre. 

Un phénomène qui n’a pas échappé à la Franco-Suisse : « Pour moi c’est vraiment banal, d’autant que j’ai grandi à Aix-en-Provence. Quand j’étais adolescente, tout le monde faisait seins nus sur les plages. Mais il y a un changement, qui est grave je pense. [...] Ça m’a vraiment marqué quand j’étais en Corse il y a quelques années. Pour moi il était clair que j’allais faire seins nus. Je n’aime pas avoir les marques et le maillot mouillé sur moi. Et puis au fur et à mesure des jours, je me sentais de moins en moins à l’aise, il y a comme une autocensure qui s’est mise en place [...] Pour nous les danseurs, ce n’est rien, mais en fait voilà, d’un coup cette expérience à la plage m’a fait dire que c’est peut-être important qu’on continue à dire que ça devrait être rien. »

Ainsi, sur scène, elle assume sa semi nudité, qui au départ partait d’une autre réflexion : « Ça c’est porté comme ça parce que j’avais envie de travailler sur la peau. C’était plutôt le dos qui m’intéressait que la poitrine. J’avais envie de montrer du féminin un peu musclé, et une égalité entre l’homme et la femme. Il s’avère que j’ai une poitrine mais en fait ce n’était pas ça l’essentiel. Et c’était aussi important que le geste d’enlever le tee-shirt soit le mien, pas celui de l’homme », constate Perrine.

LE DÉSIR EN SOLITAIRE

Ainsi, la femme se réapproprie son corps, un besoin individuel qui passe aussi par la masturbation : « Je n’en ai pas directement traité dans cette pièce mais en effet par rapport au tableau, cette question fait sens. En tout cas, dans une perspective plus large, la masturbation me parait essentielle dans le désir féminin. Si cette découverte corporelle et ce rapport à soi sont évidents chez les hommes (la masturbation est banale, extériorisée, voire parfois partagée en groupe), ils restent chez le féminin beaucoup plus tabous et secrets. » s’attriste Perrine. Alors finalement, dans une courte parenthèse interprétée par la compagnie suisse Sam-Hester créée en 2005, le désir sexuel de la femme trouve sa place au soleil. 

Célian Ramis

L'exploration d'un genre nouveau

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Saint-Malo
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C’est un coup de cœur immédiat pour la bande dessinée Bleu Amer qui nous a mené à rencontrer ses créateurs, Sophie Ladame et Sylvère Denné, à Saint-Malo.
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C’est un coup de cœur immédiat pour la bande dessinée Bleu Amer qui nous a mené à rencontrer ses créateurs, Sophie Ladame et Sylvère Denné, à Saint-Malo, avant que les deux complices ne mettent le cap sur Angoulême, pour le festival international de la bande-dessinée, du 25 au 28 janvier.

Ce n’est pas leur première collaboration. Tous deux bénévoles il y a 10 ans pour monter les expositions au festival Quai des Bulles, ils ont ensuite monté une maison d’édition. Elle, est navigatrice et dessinatrice « sur le vif ». Les paysages du monde, elle les a croqué dans des carnets de voyage. Lui, a été négociateur immobilier, barman, scénographe d’expo et est un véritable bédéphile. Elle le dit, il est son libraire personnel.

Partageant une esthétique et des loisirs communs – comme « le bateau, se balader sur les bancs de sable, aller dans les bistrots », précise Sylvère Denné – ils ont fini par se lancer, et relever, le défi de produire ensemble leur première bande-dessinée.

Sortie le 10 janvier 2018, l’histoire de Bleu Amer se déroule en juin 1944, sur l’île de Chausey. Alors que Suzanne et Pierre vivent une vie quelque peu monotone, l’arrivée d’un parachutiste américain pourrait bien bouleverser leur train-train quotidien et divisait par la même occasion les habitant-e-s.

S’ils se sont inspirés d’un fait divers, le scénario reste une fiction pure, aux allures réalistes tant la dessinatrice trace avec justesse l’ambiance de l’île, de ses paysages somptueux au granit de ses roches. Si elle reconnaît la difficulté à passer des carnets de voyage à la bande-dessinée, en revanche, elle garde son fidèle crayonné : « Le croquis permet de retranscrire le ressenti que l’on a, le vécu. »

Le duo est complice. Ils se complètent, se coupent la parole, chantonnent du Gainsbourg lors de la séance photo dans la galerie de Sophie Ladame (rue des marchés, à Saint-Malo), se taquinent et vont jusqu’à inverser les rôles. « Dans la BD, le personnage féminin a beaucoup de Sylvère et le personnage masculin a beaucoup de moi. Dans les mains, la personnalité… », commence Sophie, avant que Sylvère n’ajoute en rigolant : « C’est vrai, dans la réalité, c’est elle qui tire des bords et moi qui pêche à pied ! »

En amont, l’auteur s’est rendu sur l’île de Chausey pour prendre des photos, en guise de repérage pour la maison des protagonistes, l’église, le cheminement. Avant d’y retourner en compagnie de la dessinatrice qui s’inspire alors de ce qu’elle voit et ressent, tout en ajoutant des éléments déjà intégrés par le passé. Comme son bateau par exemple.

« Il y a un peu de tout. J’ai fait par rapport à des photos, à Sylvère qui pose, à mon bateau, à la fois où je suis allée là-bas. On a pris aussi un peu d’archives de guerre mais très peu. Le moins possible. Ce qui est important, c’est de servir le propos et l’histoire, qui d’ailleurs est transposable. On était concentrés sur les protagonistes et sur le fait que ça sonne vrai. Avec les cailloux, les homards. On a fait plein de homards ! Plein de recettes ! Pour les dessiner avec précision dans la coupe. », s’amuse Sophie Ladame.

Des anecdotes comme celle-ci, ils en ont plein en mémoire. L’instant est joyeux. « On a regardé plein de sauts en parachute ! Bon après, ce n’est pas un bouquin d’histoire que l’on a fait. Par exemple, la croix qu’il y a sur l’île, elle n’y était pas encore en 44. Mais c’était pour l’empreinte. », souligne Sylvère Denné.

« Pour les personnages, j’ai utilisé Sylvère pour le prêtre, je me suis prise en modèle pour Suzanne, et j’ai utilisé des photos d’acteurs pour les autres. On pourra reconnaître De Niro, Bruce Willis ou encore James Dean… Nous prendre en personnage, c’est une manière de nous mêler à l’histoire. Parce que le choix d’une approche fictionnelle, c’est aussi pour pouvoir raconter plus de choses. », commente Sophie Ladame.

Ainsi, le postulat de départ ne sert que de matière au duo qui déroule une histoire favorable à de nombreuses interrogations. La relation amoureuse, le fantasme, le sentiment d’humiliation, la trahison… Bleu Amer démontre la complexité de l’âme humaine et aborde en filigrane la question du choix et de la vie rêvée.

Et parmi les thèmes, celui de la culpabilité inculquée aux femmes. Au téléphone, la dessinatrice nous prévient, son collègue a une tendance à l’humour misogyne. Il aime la faire enrager avec des blagues machos. En face-à-face, c’est pourtant lui qui entame la discussion autour du personnage de Suzanne :

« Elle est touchante, elle porte un peu tout sur ses épaules. Avec l’arrivée du soldat et les insinuations des habitants, Pierre s’est senti humilié. Est-ce qu’il a raison ou pas ? L’idée n’est pas de donner la réponse mais de saisir le fond qu’il y a en chaque être humain. »

Sans en faire une histoire féministe, Sophie Ladame soulève une problématique encore très actuelle : « Là, il s’agit d’une autre époque mais on culpabilise encore beaucoup les femmes aujourd’hui. Ce n’est pas la même chose pour les mecs. On ne sait pas si c’est elle qui cause la fin de l’histoire mais forcément, elle ne peut s’empêcher de culpabiliser. »

Malgré tout, Bleu Amer offre aux lecteurs-trices la liberté d’interpréter l’imaginaire des deux compères. En faisant parler les corps, en s’attachant aux regards, aux expressions des visages, en utilisant peu de texte, parfaitement réparti au fil des pages. Sans oublier la couleur bleue, « qui devient un langage à part entière », signale Sylvère Denné.

Un récit poétique et humaniste, tout en profondeur, qui laisse présager la venue d’une deuxième bande-dessinée « plus ambitieuse, plus dense » sur un bagnard dont le fantasme va le mener à la création et ainsi à une certaine forme de liberté. Avec toujours ce leitmotiv : transposer le vécu pour le modeler et en ressortir une matière universelle.

 

 

 

Célian Ramis

8 mars : Rennes a rendez-vous avec son matrimoine

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« Celle qui voulait tout », c’est la peintre Clotilde Vautier. Et c’est aussi le nom de l’événement organisé par HF Bretagne, Histoire du Féminisme à Rennes et Les amis du peintre Clotilde Vautier, du 1er au 17 mars, à Rennes.
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« Celle qui voulait tout », c’est la peintre Clotilde Vautier. Et c’est aussi le nom de l’événement organisé par HF Bretagne, Histoire du Féminisme à Rennes et Les amis du peintre Clotilde Vautier. Du 1er au 17 mars, les trois associations organisent conjointement une exposition, une conférence, une projection et une visite guidée, dans le cadre du 8 mars à Rennes. Rencontre avec deux membres de HF Bretagne : Laurie Hagimont, coordinatrice, et Elise Calvez, pilote du projet Matrimoine.

YEGG : Peut-on rappeler rapidement ce qu’est HF Bretagne ?

Laurie Hagimont : HF Bretagne est une association qui travaille pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans les arts et la culture. Elle fait partie du réseau national qui est le Mouvement HF, présent quasiment dans toutes les régions de France. L’antenne de Bretagne est relativement jeune puisqu’elle a été créée en 2013. Le travail d’HF s’articule autour de 3 grands axes.

Le premier : repérer les inégalités par une étude chiffrée. C’est l’étude HF qui est publiée tous les deux ans, et là on va préparer la 3e édition à partir du mois de juin. Les chiffres ils existent au niveau national mais il est très important de les décliner au niveau local et territorial pour qu’il n’y ait pas d’erreur sur la prise de conscience. On n’est pas mieux en Bretagne qu’ailleurs.

Le deuxième : proposer des outils pour combattre ces inégalités. On va beaucoup agir par le biais de sensibilisation, des actions de formation, des ateliers, des événements comme des lectures publiques, des expositions, des tables-rondes, des conférences et puis des interventions dans des réseaux de professionnel-le-s…

Le troisième : encourager les mesures concrètes pour l’égalité réelle. Pour cela on va travailler avec toutes les collectivités territoriales, comme la Région, la DRAC, la préfecture (et en particulier la DRDFE), le conseil départemental d’Ille-et-Vilaine, etc.

Quand vous parlez de mesures concrètes, est-ce que depuis la création d’HF Bretagne, vous constatez des mesures concrètes prises par ces institutions politiques ?

Laurie Hagimont : On a la chance de vivre dans une région qui est très très sensible à ces questions et qui n’a pas attendu HF ou d’autres pour par exemple utiliser l’écriture inclusive dans toutes ses publications. Ce sont des partenaires très conscients des choses et on n’a pas besoin de les convaincre qu’ils le sont déjà. Le problème c’est que les chiffres ne changent pas.

L’étape de la prise de conscience est faite mais il faut passer à l’étape supérieure, celle de l’action. C’est ce que l’on commence à entreprendre en 2018. On a une demande qui est très claire en terme de chiffres : on demande une augmentation de la visibilité des femmes – sur les programmations - de 5% par an pendant 3 ans, ça nous paraît un objectif raisonnable et accessible. Il faut aller regarder aussi de quelle manière on finance les projets dans la culture, les différences entre hommes et femmes sont assez énormes.

On peut parfois avoir un nombre de dossiers identique, disons 10 dossiers d’hommes et 10 dossiers de femmes, et des montants très différents accordés. Alors ce n’est pas une volonté des institutions de financer moins, ça peut être les créatrices et artistes qui souvent demandent moins que les hommes. C’est le cas dans bien des domaines ! Il faut alors être attentif à ça et travailler sur ces points-là.

Il y a une importance également de former les femmes à oser ?

Laurie Hagimont : Alors je ne pense pas qu’il faut les former à oser mais plutôt les encourager à oser. Par exemple, j’ai rencontré une jeune femme l’année dernière qui a fait des études de théâtre à Rennes 2 et qui pensait abandonner. Elle est entrée dans une asso féministe et elle le dit, elle s’est mise à la mise en scène.

Elle ne l’aurait pas fait sans être entrée dans une asso féministe. Elle s’est sentie soutenue et portée. Les garçons ont moins ce problème-là, il y a une grande différence dans l’éducation que l’on reçoit par rapport à l’autonomie et la capacité à faire des choses.

J’en viens au matrimoine. Peut-on rappeler ce qu’est le matrimoine et quelle importance il y a à utiliser ce terme ?

Elise Calvez : Le terme matrimoine, on en a pas mal entendu parler ces derniers temps parce que des élu-e-s s’en sont servi-e-s pour poser la question à Paris mais c’est un terme que l’on utilisait déjà depuis plusieurs années. Sans évidemment avoir envie de faire la guéguerre aux hommes sur quoi que ce soit mais partant du constat que dans ce que l’on appelle « patrimoine » - et du mot qui vient de « pater » - c’est beaucoup d’héritage de nos pères qui nous est transmis.

Et l’héritage de nos mères, créatrices du passé, a plus de mal à être transmis. Il est encore peu visible. Et que ce soit en peinture, au cinéma, en photos, au théâtre, en poésie, on a beaucoup de mal à retrouver ces créatrices dans les anthologies, les histoires de l’art, les musées, les plateaux de théâtre ou de danse. Dans le répertoire. Dans ce qui forme notre culture commune.

Et donc le but du matrimoine, c’est vraiment de rouvrir une 2e bibliothèque qu’on avait un peu oubliée. C’est une entreprise très joyeuse, très enrichissante, pour tou-te-s. L’idée c’est de dire que notre héritage culturel, il sera constitué d’une diversité d’apports. Du patrimoine du coup et de ce que nous ont légué les créatrices du passé qu’on a souvent oublié, alors même qu’à leurs époques elles étaient reconnues.

Beaucoup de dramaturges étaient dans les anthologies de théâtre sous l’Ancien Régime au 17e siècle et ont été effacées au fil des rééditions… C’est Aurore Evain qui en parle très bien et qui a beaucoup travaillé sur la question du matrimoine. On voit qu’il y a un effacement successif, ce qui fait que quand on demande aux gens de citer une femme photographe, une femme dramaturge, une femme artiste, on a toujours besoin de réfléchir plus longtemps.

En revalorisant ces artistes, c’est déjà pour notre culture générale mais le but on va dire aussi c’est de revaloriser des modèles de projection pour les femmes que nous sommes aujourd’hui, pour les étudiantes aux Beaux-Arts, les femmes en formation d’actrices, de danseuses, de photographes…

Se dire que dans l’histoire de l’art, les femmes n’ont pas été que des sujets de peinture ou des mécènes. Ce sont souvent les deux endroits, muses ou mécènes, auxquels on les cantonne allégrement. Alors qu’elles ont aussi participé activement à notre histoire de l’art. On parlait du passé mais il y a aussi la question de nos modèles aujourd’hui.

Vu l’impact qu’ont les arts et la culture, avec le street art, les séries TV, les polars, la BD, etc. on se demande alors qu’est-ce qu’on transmet de nos vies culturelles et de nos représentations de 2018 aux générations futures comme modèles, comme référents, comme histoire de l’art de demain ?

Aujourd’hui, on voit les lacunes de ce qui nous est transmis. Est-ce qu’en 2018 on continue à reproduire cette histoire de l’art encore très blanche, très hétéronormée, très masculine, très bourgeoise dans ses codes. Finalement en interrogeant le matrimoine, c’est une porte d’entrée vers tous ces questionnements. C’est une tâche colossale.

Lors des Boum que l’on a organisé, on avait envie de faire un quizz musical pour savoir quelles sont les musiciennes et les compositrices qui nous ont inspiré-e-s qu’on a envie de retransmettre aux générations futures. On a fait une lecture en janvier, sur les poétesses du voyage parce que les femmes n’écrivent pas que sur la cuisine et leurs amours déçus. Elles parlent aussi d’aventures, de grands voyages, de grands espaces, de rencontres de l’Autre. Là aussi ça crée d’autres modèles, de politiques.

Et vous avez organisé aussi un speed dating matrimoine le 6 février, au Grand Sommeil, à Rennes.

Elise Calvez : Oui effectivement, le but était que ce soit quelque chose de très collaboratif, que chacun-e vienne avec une œuvre quelle qu’elle soit, enfin qui puisse être partagée ce soir-là dans un bar, comme un livre, un tableau, de la musique (venir avec des écouteurs), un instrument de musique pour jouer de la musique. Pour se les faire découvrir, on a pris le format du speed dating qui est quelque chose d’assez ludique, avec un temps défini pour faire connaître l’œuvre que l’on a envie.

Quelle est l’importance de varier les formes ludiques plutôt que d’utiliser la forme conférence ?

Elise Calvez : On fait aussi des conférences. Par exemple, on parlait d’Aurore Evain, on l’a accueillie en conférence l’année dernière. Parce que c’est important de nourrir des réflexions théoriques sur quelque chose d’approfondi, de factuel. Mais on invite aussi tous les gens de manière ludique à – cette expression est jolie – « chausser ses lunettes de l’égalité ».

Une fois qu’on commence par le biais ludique à interroger ça, on se dit que ça va faire son chemin du côté du grand public. Et puis en tant que public, on peut tous jouer.

Laurie Hagimont : En fait pour moi il y a deux niveaux. Il y a le niveau où l’on va réfléchir, approfondir, étudier même la question en allant loin, en allant se nourrir de choses lors des conférences avec des pointures disons-le. Et il y a aussi le niveau du quotidien. Ce sont des choses du quotidien. On peut parler du grand théâtre, des grandes œuvres, avec un côté un peu élitiste mais la culture ne se limite pas du tout à ça.

La culture, on en a tous les jours. Qui n’écoute pas de la musique ? Qui ne regarde pas une série TV ? Tout cela contribue à constituer notre héritage culturel commun. Et comment on va l’interroger ça au quotidien ? C’est pour ça qu’on avait envie de parler de matrimoine contemporain, pour qu’on arrive à poser un regard dans ce qu’on aime, ce qu’on lit, ce qu’on écoute : tiens, y a qui comme femme ? Et puis, éventuellement, se pencher dans l’histoire de ces femmes.

Ça crée plein de choses entre les personnes qui présentent ces œuvres et ces femmes et puis c’est une expérience généreuse comme quand on est entre ami-e-s et que l’on se recommande des bouquins, des films, etc. ça crée des échanges, des contacts. C’est du lien humain qu’il y a derrière. On est ancré dans le quotidien et dans quelque chose de joyeux, convivial et relationnel. Ça ne doit pas être forcément de l’étude. On peut sortir d’un rapport qui peut paraître austère. Ça peut être vivant et drôle !

Là on parle du côté grand public qui se fait découvrir des œuvres. Mais il y a aussi la prise de conscience du côté des artistes femmes. Elles ne sont pas toujours conscientes des inégalités ou alors n’osent pas toujours en parler. Revient souvent la fameuse réponse : « Le sexe n’est pas un critère »…

Elise Calvez : Je pense qu’il y a plusieurs choses. Il y a l’envie d’être reconnue pour son travail et pas pour une cause qu’on défendrait. Ce qui peut être entendu. On voit cette année particulièrement que c’est quand on est en collectif que ça change, que ça bouge et que ça réagit.

Je pense aussi que d’un point de vue individuel, les femmes peuvent avoir intégré que les freins viennent d’elles. Elles peuvent avoir intégré que si un truc ne marche pas ce n’est pas du sexisme, c’est parce qu’elles sont trop timides, c’est parce qu’elles n’ont pas osé demander ou c’est parce qu’elles ont dû mal s’y prendre, ou encore qu’elles n’osent pas demander un poste de direction, demander un prix.

Elles vont se dire que c’est dû à leur personnalité et pas à un système global. L’intérêt des soirées organisées par HF, quand il y a des rencontres, c’est que l’on se rend compte lorsqu’on échange que tout le monde a cette même défense. De se dire « Le problème, ça a dû être moi à un moment donné, j’ai dû mal m’y prendre ».

Et quand on a des témoignages de ça, en nombre, on se dit que le problème individuel est tellement partagé que ça doit vraiment être lié à nos modes d’éducation, à nos modes de représentation, à notre intégration nous-même des codes, de l’auto-censure. Quelque chose qui se joue là et qui n’est pas de l’ordre que de l’individuel. La bascule, elle est là.

Laurie Hagimont : La question du talent revient souvent. On peut trouver 80% d’hommes programmés dans une structure et seulement 20% de femmes et quand on le souligne, la réponse sera « Mon problème n’est pas de programmer un homme ou une femme mais de programmer quelqu’un qui a du talent ».

Et ça c’est complètement horrifiant comme réponse. Ça veut vraiment dire quelque chose derrière qui est in-entendable et surtout qui est très très faux. On a la parité dans les écoles d’art entre les filles et les garçons donc il se passe forcément un truc entre les deux. On voit souvent, enfin personnellement c’est mon impression, que les femmes qui sont visibles dans les arts et la culture, elles produisent généralement des œuvres qui se détachent réellement.

Ça veut dire qu’elles sont vraiment vraiment fortes pour arriver à cette visibilité. Je pense à Jane Campion avec Top of the lake, c’est un bijou. C’est d’une finesse incroyable. Il y en a plein d’autres qui auraient produit des choses qui sont très bien mais là on est dans du très très haut de gamme.

Elise Calvez : Et ce talent, il s’interroge aussi. Il est bassement lié à des choses matérielles. Quand on est artiste, si on n’a pas de bourse de création, une résidence, un budget (si on a moins d’un tiers de budget par rapport à ce que peut demander un homologue masculin et qui l’obtiendra), effectivement, à un moment donné, le rendu final du projet n’aura pas la même allure. C’est ça aussi qu’on interroge. Il y a des résidences d’artistes où il y a une artiste sur 15 qui a une bourse de création. Ça veut dire que toutes les autres ont fait autrement.

S’il n’y a pas de financement, de résidence, de reconnaissance dans le réseau – parce qu’on sait que la culture marche beaucoup par de la cooptation, par de l’informel, par le fait de rester à la fin de telle réunion, rentrer un peu plus tard le soir, être à la limite du privé et du public – si entre 30 et 40 ans on ne peut pas rester sur ces temps informels-là, on sait que ça va être un frein sur le développement d’une carrière. Le talent est une sorte de masque assez poli pour masquer des choses assez concrètes sur la cooptation, sur les réseaux et sur les recommandations.

Laurie Hagimont : Le manque de visibilité va se mettre en place très vite. Même très concrètement, un programmateur qui aurait la volonté de faire du 50/50, il va falloir qu’il s’implique plus pour aller les trouver (les femmes). Forcément, elles ne sont pas dans les résidences, dans les festivals, etc. il faut aller plus loin, creuser la recherche et comme les collègues ne les programment pas non plus, on ne peut pas s’appuyer sur son réseau.

Mais les programmateurs ont un vrai boulot à faire sur ce point-là. Beaucoup ont la volonté de le faire mais n’y arrivent pas forcément. Mais elles existent, elles sont là, mais il faut vraiment aller les chercher, il y a vraiment des pépites à sortir. Encore faut-il les voir !

Voit-on une différence quand c’est un programmateur et quand c’est une programmatrice ?

Laurie Hagimont : Je crois qu’on n’a pas étudié la question. Peut-être bien, mais là je vous le dis par croisement des données. En programmation, plus la structure va être grosse, plus elle va être institutionnalisée, moins on va avoir de femme à sa tête, à la programmation. Plus la structure va être petite, va manquer de moyen, plus on va avoir des femmes à sa tête. Et comme les femmes sont sur des petits lieux ou des lieux intermédiaires, je pense que ça doit faire une différence.

Elise Calvez : Ça joue mais on ne sait pas dans quelle mesure ça joue. Par conviction ou par moyens de productions ?

Laurie Hagimont : Je pense que c’est vraiment à double tranchant.

Elise Calvez : Après, encore heureux, il y a des programmateurs attentifs. Il n’y a aucun empêchement physiologique à ce qu’ils n’y fassent pas attention. Et vice versa. Il peut y avoir des femmes qui ne se posent pas la question non plus. Je n’en connais pas mais ça doit exister…

Laurie Hagimont : J’ai vu des lieux qui revendiquent des programmations paritaires et c’est toujours des petits lieux, des lieux associatifs.

Elise Calvez : Souvent, dans les lieux plus grands, il va y avoir un événement. Dans l’année, c’est pas terrible niveau parité mais sur une semaine, on va avoir un temps sur les femmes exceptionnelles (c’est un exemple). Il faut vraiment que ça vaille le coup ! Ça ne peut pas être au long cours dans la saison. Ça va être avec des stars, des gens exceptionnels, au niveau national ou international, quelque chose de prestigieux, sur un temps court. Bon, c’est un premier pas et tant mieux…

Mais pas suffisant…

Elise Calvez : Oui, je sais pas, c’est comme toutes ces questions de représentations et de diversité. On croise souvent la question. Sur le plateau, on aimerait qu’il y ait plus de gens différents. Et en responsabilité artistique également. La moitié de la population, ce sont des femmes, ce serait bien que ça se retrouve.

Une part de la population n’est pas d’origine française directement, ce serait bien que ça se retrouve, une part de la population vient de différentes origines sociales, ce serait aussi bien qu’elles aient le droit à la parole, à la représentation symbolique, etc. Est-ce que les arts et la culture qui sont par essence le lieu du symbole peuvent se passer de représenter la société de 2018 ?

C’est plutôt simple comme question et le fait est que non, on reste encore sur des représentations très normées : hommes, 50/60 ans, blancs, hétérosexuels. Ouvrons un peu les portes ! Oxygénons les modèles de représentation ! Ce n’est pas dans quelque chose de revanchard ou de guerrier, on est persuadé-e-s que c’est riche, que ça nous apportera à tous, et que c’est passionnant ! Ce n’est pas de l’agressivité, c’est de l’envie de partager. Il y a des cerveaux variés, des intelligences variées, des regards variés, des imaginaires variés… On a tout à y gagner ! De tous ces gens dont on se prive pour l’instant…

Laurie Hagimont : On parle beaucoup de responsables artistiques mais il y a un élément encore plus visible pour le grand public, c’est ce qu’on voit. Quelle est l’histoire qu’on nous raconte ? Dans les oeuvres narratives, il y a un test tout bête à utiliser quand on est spectateur et qui marche dans tout : c’est le test de Bechdel. Je trouve que c’est hyper important de le connaître et de le diffuser.

Quand on est face à une œuvre narrative – ça peut être une représentation au TNB, un bouquin, une série TV, un jeux vidéo – on peut se poser les 3 questions du test : Y a-t-il au moins 2 femmes qui portent un nom parmi les personnages de l’œuvre ? Est-ce que ces 2 femmes parlent entre elles ? Si elles parlent entre elles, parlent-elles d’un autre personnage masculin ?

Ce qui est marrant et qui peut paraître assez bête, c’est d’inverser les questions à propos des personnages masculins, à tous les coups, c’est oui aux 3 questions. Ça l’est assez rarement de l’autre côté. Par exemple, à la rentrée, sur les 8 prix littéraires décernés, il n’y en a qu’un qui a réussi le test de Bechdel ! En 2018 ! Et ils ont évidemment été attribués à des hommes.

Quelque chose qui commence à se faire et qui me semble assez important, c’est au niveau de la représentation des femmes dans des jurys, des tables rondes, des débats, on a eu la semaine dernière l’exemple de Mathieu Orphelin qui à la suite de sa rencontre avec la Barbe a décidé d’annuler sa participation à une table ronde car il n’y avait quasiment aucune femme représentée ! Il y en a plein des événements dans ce style…

On a vu un tremplin de musiques actuelles, sur 22 membres du jury, il y avait deux femmes… Les garçons s’il vous plait ne soyez pas complices de ça ! Des femmes en capacité de participer à un jury ou une table ronde, ça existe !

Elise Calvez : Bizarrement, on remarque que quand ils nous filent un coup de main, ça marche mieux aussi ! Tant mieux, ça aide. Mais ça légitime quelque chose qui est dit depuis des années par les assos de femmes. Enfin bon, tant mieux.

Laurie Hagimont : C’est le problème de tout le monde cette représentation. Il n’y a pas que les femmes qui veulent plus d’égalité, il y a beaucoup d’hommes dont c’est le cas. Bonne nouvelle, ils peuvent agir ! Ils peuvent adhérer à HF, par exemple !

Elise Calvez : Ou venir boire des coups aux apéros !

Ou vous aider pour les événements du mois de mars, pendant lequel vous faites un focus sur une femme en particulier. Pourquoi Clotilde Vautier ?

Elise Calvez : Alors, je le dis tout de suite parce que c’est important, ce projet a été construit avec 3 associations : HF Bretagne, Histoire du Féminisme à Rennes et Les amis du peintre Clotilde Vautier. Le point de départ c’est que Clotilde Vautier est née en 1939 et est décédée il y a 50 ans, le 10 mars 1968.

C’était une artiste peintre qui a vécu à Rennes et qui a été élève aux Beaux-Arts de Rennes où elle a rencontré les deux frères Otero, Antonio et Mariano. Et ensemble, ils forment une équipe d’artiste. Ça marche bien pour eux, ça décolle, ils ont des expos. Mariano Otero continue d’ailleurs d’exposer aujourd’hui. Antonio et Clotilde ont ensemble deux filles : Isabel Otero, comédienne, et Mariana Otero, réalisatrice.

En 1968, Clotilde Vautier tombe enceinte une 3e fois, c’est donc avant la loi Veil, avant l’avortement autorisé, et elle décède des suites de son avortement clandestin. Elle meurt très jeune. Autour de ça, ce qui nous a intéressé dans cette figure-là, c’est qu’elle croise plusieurs problématiques qui se posent aux femmes artistes. Déjà de manière très brutale avec cette question de vie ou de mort qui interrompt une carrière artistique, pour des questions liés au corps.

On n’imagine aucun artiste masculin, de Picasso à n’importe qui, dont l’œuvre se serait arrêté au moment il a eu des enfants… Il y a déjà là quelque chose qui se casse. Et puis, avec Histoire du Féminisme à Rennes, on a voulu construire ça sur différents aspects.

Sur son histoire de femme, et là il y aura une projection du film réalisé par Mariana Otero, Histoire d’un secret, qui revient sur son parcours, sur cette histoire commune certainement à des milliers de femmes en France dont on a caché l’histoire parce que c’était la honte. Le film raconte parfaitement le climat, le contexte avant la loi Veil. Et Histoire du Féminisme à Rennes proposera une visite guidée comme l’asso le fait régulièrement (17 mars à 15h30).

Et on voulu aussi ne pas parler de Clotilde Vautier uniquement en victime de sa condition de femme mais avant tout reparler de son travail, de ses œuvres, avec l’idée qu’on ne pourra jamais imaginer ce que serait devenue sa carrière si elle avait vécu plus longtemps mais qu’on peut s’intéresser à ces dernières œuvres, les plus abouties, dans les années 67-68 avant son décès, en exposant ses œuvres à la MIR du 1er au 17 mars. Avec à la fois des toiles et à la fois des croquis.

Il y aura aussi, pour compléter tout ça et remettre dans un contexte historique, on a invité Fabienne Dumont pour une conférence. Elle est historienne de l’art, critique d’art, chercheuse et enseignante à l’école des Beaux-Arts de Quimper. Et est une spécialiste de la question des représentations et de la reconnaissance des femmes artistes et notamment des plasticiennes, dans les années 70 à aujourd’hui.

Dans sa conférence, elle va partir de l’exemple de Clotilde Vautier pour voir ce que l’on peut dire des femmes artistes dont la carrière a été brisée ou dont la reconnaissance a été compliquée à faire exister. Et qu’est-ce qui peut être riche dans leur travail, en quoi leur travail nous semble valable, intéressant, y compris sur la manière de représenter les corps de femmes ? Est-ce qu’on représente le modèle féminin de la même manière ? On pose les questions. Ce sera le 14 mars à 19h à la MIR.

On essaye avec ce projet, d’attaquer la chose sous différents angles, c’est pourquoi on l’a appelé « Celle qui voulait tout », en greffant l’histoire individuelle, son parcours artistique et l’histoire collective. Au niveau de la ville de Rennes, un collège porte le nom Clotilde Vautier, et elle a une allée aussi dans une commune de Rennes Métropole. Mais son travail est toujours peu visible.

Il y a une série au musée des Beaux-Arts…

Elise Calvez : Il me semble que ce sont des croquis et je ne sais pas s’ils sont exposés. Dans le cadre du matrimoine, est-ce que ça ne pourrait pas être intéressant d’avoir une toile visible par le grand public quand il vient à Rennes d’une artiste locale ? Il y a un parcours interrompu mais sa démarche est singulière. Voilà donc notre projet du 8 mars.

Ces événements sont grand public, est-ce que vous conviez des artistes plasticiennes de Rennes – comme on a pu le voir se réunir au sein des Femmes Libres pour l’exposition Intimes, à l’Hôtel Pasteur – pour témoigner ?

Elise Calvez : On n’a pas fait le choix des témoignages d’artistes d’aujourd’hui. Cela dit je pense que lors de la conférence il y aura un échange et ce sera intéressant de voir si les freins qui existent aujourd’hui sont toujours les mêmes, en partie, que ceux qu’a pu connaître Clotilde Vautier.

Je pense que c’est autour de la conférence que ça pourra se faire. Le simple fait par le matrimoine de faire ré-émerger des modèles nourrit la réflexion et la pratique des artistes d’aujourd’hui. Parce que si les modèles ne sont pas transmis, chaque génération a l’impression qu’elle doit refaire son histoire de l’art, recommencer, ou s’imaginer en pionnière, etc. 

 

Du 1er au 17 mars : "Dernières œuvres, 1967-68"
Exposition des toiles et dessins peints par Clotilde Vautier durant les dernières années de sa vie, marquées par une grande créativité.
Maison Internationale de Rennes, du lundi au samedi, de 14h à 19h (ouverture plus tardive en cas d'autre événement à la MIR)
Gratuit

Samedi 10 mars : Histoire d'un secret : projection et rencontre avec la réalisatrice Mariana Otero
Cinéma L'Arvor, 18h
Entrée payante - Réservation conseillée

Mercredi 14 mars : "A partir de Clotilde Vautier, point de vue féministe sur la création et la reconnaissance des plasticiennes"
Conférence de l'historienne de l'art Fabienne Dumont, professeure à EESAB
Maison Internationale de Rennes, 19h
Gratuit

Samedi 17 mars : Visite guidée "Rennes au féminisme", sur les traces des luttes rennaises pour le droit à l'avortement
Centre-ville (point de rendez-vous communiqué lors de l'inscription), 15h30
Inscription obligatoire: histoire.feminisme.rennes@gmail.com
Gratuit

Célian Ramis

Notre Candide : Le meilleur des mondes ?

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Quatre trentenaires, leurs rêves et Candide. Les 15 et 16 janvier, la compagnie 3ème Acte nous invitait à une pendaison de crémaillère "révolutionnaire", dans la salle Pina Bausch de l'université Rennes 2.
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Quatre trentenaires, leurs rêves et Candide. Les 15 et 16 janvier, la compagnie 3ème Acte nous invitait à une pendaison de crémaillère "révolutionnaire", dans la salle Pina Bausch de l'université Rennes 2. La pièce Notre Candide questionne le monde avec humour et profondeur, par le prisme des souvenirs d'un groupe d'ami-e-s.

Le 15 janvier dernier, une cinquantaine de personnes attendait dans les couloirs de l'université Rennes 2, un ticket de théâtre à la main. Les spectateurs-trices prennent place sur des chaises installées en cercle, laissant le centre de la salle Pina Bausch libre d'accès. C’est alors que Margaux et Sylvain Bertier (les comédien-ne-s Aurore Pôtel et Nils Gautier) nous souhaitent la bienvenue à la pendaison de crémaillère de leur métairie. L'assistance devient l’invitée d'une soirée de voisinage.

Des cartons ci et là, un fauteuil et une lampe, on trinque au bonheur de ce couple de trentenaires, heureux propriétaires d'un domaine à rénover dans le lieu-dit "La Fresnay". Leur idée : faire un espace de vie collectif et de partage. Alice (Catherine Vigneau), une amie d'enfance, est venue pour l'occasion. Etienne (Jérémy Robert) aussi, le frère de Margaux, retardé par son GPS, plus habitué aux routes parisiennes que provinciales.

Arrive enfin Candide, cité par Etienne dans un "Tout va bien dans le meilleur des mondes". Le personnage de Voltaire né en 1759 est une vieille connaissance du groupe d'ami-e-s puisqu'il a été l'objet d'une pièce créée par Alice alors qu'ils étaient adolescent-e-s. Pendant près d'une heure et demi, la pendaison de crémaillère devient le théâtre des souvenirs de ces adultes, jouant un candide contemporain et constatant du devenir de leurs rêves.

QUESTION DE GÉNÉRATION ?

Notre Candide interroge avec humour les convictions rebelles que les moins de vingt ans connaissent : changer le monde et le rendre meilleur. Qui de l'avocat en costume trois pièces ou du couple bobo en quête de vrai s'est le plus éloigné de sa candeur enorgueillie de justice ? Qui de l'Homme du 16ème ou du 21ème siècle est le plus moderne ?

Sans nous donner la réponse, la compagnie 3ème Acte pousse toutes les générations à la réflexion. Le texte est habillement écrit par Catherine Vigneau, appuyée par ses trois collègues comédien-ne-s. "Ils avaient tous Candide de Voltaire dans leurs bibliothèques", explique Chloé Sonnier, chargée de production et de la diffusion auprès de la compagnie rennaise. Elle poursuit : "Après avoir décidé d'en faire une pièce de théâtre où se mélangent époque des lumières et 21ème siècle, Catherine a décidé de relever le défi et de se lancer dans un gros travail d'écriture". En fer de lance, la question : "En quoi le monde d'aujourd'hui est-il différent ?"

Ensemble, ils/elles façonnent le texte de Voltaire pour le rendre accessible au public d'aujourd'hui sans le dénaturer : "J'ai déterminé le contexte tout de suite. Un grand espace collectif comme la métairie est un peu un rêve qu'on a dans la compagnie. Ça s'est imposé à moi de façon assez simple" confie l'auteure.

Les quatre ami-e-s de 3ème Acte prouvent ici que leurs convictions d'adolescent-e-s ne se sont pas essoufflées. Ce désir d'un chez soi, où règnent partage et créativité, agrémenté d'un besoin de retour à la nature, est une proposition de changement que déjà bien des générations ont adopté.

Dans les années 70, par exemple, avec le mouvement hippie, ou encore le grunge des années 90 pour ne citer que les plus récents. Pleins d'espoirs, des milliers de femmes et d'hommes proposent des alternatives. Et la génération Y de les entretenir malgré l'âge de la rébellion déjà loin derrière elle. Qu'en sera-t-il des suivantes ? Que feront-elles du monde de demain ?

MISE EN ABYME

Intergénérationnel, le script repose sur un jeu de mise en abyme, mis en scène avec brio par Isabelle Bouvrain. La pièce s'articule autour de quatre grands thèmes : l'enrôlement, l'argent, le pouvoir et la condition des femmes. Des leitmotivs qui, malgré les progrès techniques et sociaux, restent profondément modernes.

Les quatre protagonistes de Notre Candide exposent, dans leurs quêtes d'idéaux, ces schémas que nous répétons sans fin. Hier, Candide était enrôlé malgré lui dans une guerre entre Allemands et Bulgares dont il ne savait rien – et que Voltaire n’explicite pas volontairement.

Aujourd’hui, des jeunes partent en Syrie alimenter une menace terroriste grandissante. La richesse et le pouvoir nourrissent encore de nombreux fantasmes, déjà sur les bancs de l'école où l'élève apprend à définir sa réussite sociale par la taille de son diplôme puis de son portemonnaie.

Et que dire de la place des femmes ? A coup de répliques cinglantes, le sujet est abordé sans demi-mesure : "Une femme qui assume ses désirs c'est forcément choquant" réparti Margaux à son frère, pour lui glisser plus tard : "Quand la femme sera enfin l'égale de l'homme alors oui, le monde aura gagné en humanité".

C'est on ne peut plus clair. Ni les comédien-ne-s, ni Voltaire ne laissent la part belle au machisme. A travers les personnages de Cunégonde - amante de Candide - et de la Vieille - dame de chambre - le philosophe des Lumières dénonce l'asservissement des femmes. Toutes deux ont été violées et obligées à des tâches domestiques. Sans avoir leur mot à dire, elles subissent les vices d'une société où les corps féminins sont sexualisés et leur intelligence négligée.

La compagnie 3ème Acte, en plaçant cette problématique comme pilier, rappelle douloureusement que même après 300 ans, le monde a peu gagné en humanité. Aujourd'hui, le viol est encore une arme contre les femmes, en témoignent les mouvements #MeToo et Time's Up. Créés en 2017 et début 2018 pour lutter contre le harcèlement sexuel envers les actrices, ils ont secoué le monde du cinéma – et pas que - ces dernières semaines. Un cas médiatisé parmi des milliers d'autres qui sévissent malheureusement encore aujourd'hui.

"J'ai choisi de parler de la femme car j'ai l'impression que dans l'histoire du monde, c'est fondamental" précise l'auteure. Fondamental, comme une question de fond qui a toujours été posée sans jamais trouver de réponse convaincante. "C'est une thématique que l'on aborde beaucoup entre nous et dans les activités théâtre parce que l'on se rend compte que les clichés garçon/ fille sont encore beaucoup ancrés dans les mentalités" poursuit-elle dans un sourire, signe que l'espoir existe toujours.

L'amitié, vieille déjà de 16 ans, et le professionnalisme des comédien-ne-s transpirent à travers leur jeu, sans jamais oublier la parité. Avec Notre Candide, la compagnie 3ème Acte offre un spectacle intemporel où sont mis en lumière nos questionnements individuels et de société. À chacun-e de méditer sur ces sujets…

 

D’autres représentations à venir :

  • Février 2018 :
  • 04 fevrier - 17h00, Le Triptik, Acigné (35)
  • Mars 2018 :
  • 16 mars - Représentation scolaire en journée, Saint-Brice-en-Coglès (35)
  • 16 mars - 20h30, Espace Adonis, Saint-Brice-en-Coglès (35)
  • 23mars - Représentation scolaire en journée, Saint-Aubin-du-Cormier (35)
  • 23 mars - 20h30, Espace Bel Air, Saint-Aubin-du-Cormier (35)

Célian Ramis

TransMusicales 2017 : Un samedi sous le signe du clubbing...

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Parc Expo, Rennes
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Dernier soir des Transmusicales au Parc Expo, ce samedi 9 décembre. Retour sur les concerts de Confidence Man et de Tshegue.
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Dernier soir des Transmusicales au Parc Expo, ce samedi 9 décembre. Loin d’être en majorité – excepté dans la Greenroom ce soir-là – les musiciennes ont malgré tout fait danser deux halls entiers. Retour sur les concerts de Confidence Man et de Tshegue.

CONFIDENCE MAN – HALL 9 – 1H30

Le quatuor australien fait une entrée fracassante. Parce que le chanteur et la chanteuse, tous les deux vêtus d’un mini short, entament une chorégraphie synchronisée survitaminée. Mais aussi parce que les musiciens, à la batterie et au clavier, sont munis d’une burqa. On a du mal à saisir le concept.

Le groupe distille son électro-pop survolté, à la croisée des musiques de jeux vidéos à la Mario Bross et de l’univers de Gorillaz. La foule qui envahit massivement le hall 9 est conquise. Nous moins, en revanche.

Confidence Man affiche clairement son univers. Avec eux, c’est du fun, des refrains répétitifs – parfaits pour danser – et des chorégraphies dynamiques, lascives et décalées. Le show est assuré mais les rythmiques, en boucle, et les sonorités très électro nous lassent très rapidement.

Et quand le duo s’éclipse de la scène, on perd également le seul intérêt visuel auquel on se raccrochait désespérément… À leur retour, leurs tenues ont légèrement changé et le concert prend un nouveau tournant.

Pas dans les pas de danse et les attitudes mais dans les sonorités, qui se font de plus en plus électro-clubbing des années 90.

La pop sympathique du début qui se mêlait à l’esprit Gorillaz est troquée contre des influences house-techno qui nous surprennent. Parce qu’on s’attendrait à voir débouler Gunther et les Scissors Sisters pour un mash up de Ding Dong Song et Let’s have a kiki.

Et si on apprécie la perspective de ce joyeux mélange, en revanche la réalité nous laisse sceptiques. Impossible d’entrer dans la proposition qui en vient même à nous taper sévèrement sur les nerfs. C’est définitif, on quitte le hall 9.

 

TSHEGUE – HALL 8 – 2H10

On place alors tous nos espoirs dans la formation franco-congolaise, menée par la chanteuse Faty Sy Savanet, Tshegue, comme on surnomme les enfants des rues de Kinshasa, là où elle est née.

De son enfance et de son adolescence, elle puise des influences musicales variées. La rumba tout d’abord, puis le r’n’b ou le rockabilly.

Avant de s’orienter vers le punk. Et de rencontrer Nicolas Dacunha, véritable virtuose des percussions et guitares congolaises.

Le concer de Tshegue sera à la hauteur de cette promesse de diversité et d’intensité, en introduisant la proposition par un chant presque tribal, porté par la voix grave de la chanteuse qui ne mettra pas longtemps avant d’envoyer un son bien rock, mêlé à un phrasé de hip hop.

Faty Sy Savanet n’hésite pas à convoquer le punk, la techno et l’afrobeat pour soulever la foule et la mettre en transe dans une danse qui sort des tripes.

Parce que c’est aussi le principe de l’EP Survivor : faire éclater à l’extérieur ce que la chanteuse porte à l’intérieur.

Elle parle de liberté, d’expression, de minorités, de métissages et des origines. Et mêlent donc les multiples musiques de son pays natal, démontrant la pluralité des influences et le côté festif de cette musique « large » dans laquelle elle prône l’acceptation de soi.

Et c’est carton plein pour Tshegue qui fait résonner un afrobeat entrainant et puissant, qui prend au fil des chansons des airs très électro. Le hall 8 se transforme instantanément en dancefloor, sur lequel la foule se déhanche et se défoule. Ça claque.

Célian Ramis

Transmusicales 2017 : Un vendredi à la croisée des cultures

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Parc Expo, Rennes
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Deuxième soir des Transmusicales au Parc Expo, ce vendredi 8 décembre. Retour sur les concerts d’Altin Gün, House Gospel Choir, Oreskaband et Tank and the Bangas.
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Deuxième soir des Transmusicales au Parc Expo, ce vendredi 8 décembre. Ce soir-là, les artistes féminines se sont illustrées dans des performances explosives. Retour sur les concerts d’Altin Gün, House Gospel Choir, Oreskaband et Tank and the Bangas.

ALTIN GÜN – HALL 3 – 22H55

Altin Gün, c’est le mélange du psyché occidental et des musiques traditionnelles turques. Basé au Pays-Bas, le groupe ressuscite la scène alternative des années 60 et 70 d’Istanbul. Leur nom signifiant d’ailleurs « l’âge d’or ».

La chanteuse turque, Merve Dasdemir, porte dans sa voix le folk oriental, soutenue par le joueur de saz, Erdinc Yildiz Ecevit. Accompagné par les percussions et le clavier, le duo nous emmène en voyage à la fin des 60’s, dans une Anatolie au milieu underground bien vivant.

C’est un rock psychédélique oriental que le sextuor décortique. Les registres s’entrecroisent, sans qu’aucun n’écrase l’autre. Chacun sa place.

Chacun son moment sous les projecteurs pour mieux se retrouver ensuite et ne faire qu’un.L’énergie circule entre la scène et le public, qui se saisit de cette convergence des styles pour s’en délecter à chaque chanson.

Et quand, Erdinc Yildiz Ecevit fait vibrer les cordes de son saz, l’accompagnant simplement d’un chant traditionnel puissant, amplifié et très pur, il nous provoque inévitablement des frissons. La salle est en suspend. La foule est soudainement particulièrement attentive.

À cet instant contemplatif, les musiciens ajoutent crescendo un côté psychédélique, avant d’envoyer les guitares et la batterie, passant ainsi de la tension à la libération. Altin Gün maitrise la variation des styles, des chants, des introductions de morceaux et des rythmes.

On savoure chaque note et chaque sonorité. Chaque découverte. Parce que celle-ci est omniprésente dans le set et dans l’esprit de la formation. Le hall 3 est rapidement plein à craquer. Se balançant d’un pied sur l’autre ou agitant la tête de haut en bas, la foule semble conquise et inlassablement entrainée par la proposition.

Et tandis que l’on progresse petit à petit vers un son plus psychédélique, la chanteuse maintient de par son chant, l’attachement aux musiques traditionnelles turques, appuyé par les percussions.

Et quand elle pousse la voix, les instruments répondent à son appel et prennent entièrement possession de l’espace.

La dynamique est sans faille et plus on s’approche de la fin du concert, plus les sonorités aigues s’aiguisent à allure folle, jusqu’à mettre la foule en trans, acclamant et applaudissant sans relâche le sextuor.

Altin Gün n’hésite pas à s’amuser avec les styles, les influences et les rythmes pour fabriquer une musique résolument moderne, dans un set explosif qui ne lasse jamais son auditoire. On en redemande même.

 

HOUSE GOSPEL CHOIR – HALL 9 – 00H25

C’est acclamée par la foule que la chorale gospel britannique entre sur scène. Ou plutôt l’envahit de sa vingtaine de chanteurs-euses et de musiciens. Si les premières notes sont jazzy et plutôt lentes, House Gospel Choir brise le rythme et envoie la sauce en quelques secondes seulement.

La chanteuse déploie sa voix puissante de soprano et la bonne humeur générale se répand dans les rangs qui dansent et sautent avec entrain et enthousiasme.

On passe du gospel à la house et on se balade entre les années 80 et 2000. Avec ou sans transition, on s’en fout, on se prend au jeu instantanément.

C’est une ébullition de joie sur la scène comme dans la fosse à laquelle on assiste, ébahi-e-s par l’énergie et l’immédiateté de sa contagion. Tout le monde, quasiment, danse.

Dans le hall 9, les corps s’expriment et les voix se chauffent. Si SheZar mène la danse de sa troupe gospel, les choristes prennent à tour de rôle le lead des chansons.

Entre gospel, r’n’b, house et soul, les voix, toujours accompagnées du saxo, du clavier et de la batterie, sont toutes impressionnantes. À couper le souffle. Les sourires trônent sur tous les visages et c’est à regret qu’il nous faut quitter le hall au milieu du concert.

 

ORESKABAND – HALL 3 – 00H35

Parce qu’au même moment, les six japonaises d’Oreskaband montent sur la scène du hall 3 pour y balancer un ska hallucinant sur une reprise de Wannabe, des Spice Girls, qui nous scotche radicalement sur place.

Au saxo, à la guitare électrique, à la basse, au trombone et à la trompette, les musiciennes sont alignées – devant la batterie – et assurent le show avec une patate à vous clouer le cul par terre sans avoir le temps de réaliser ce qui vous arrive. Décoiffant et délirant.

Pour les sceptiques du ska dans notre genre, la claque est magistrale. Les cuivres envoient un sacré son groovy qui se marie parfaitement avec la rythmique ska punk et les chœurs pop.

Le phénomène Oreskaband, qui prend parfois des airs de fanfare à la  Molotov Jukebox – qui avait d’ailleurs foulé la scène de ce même hall quelques années auparavant – avant de bien rappeler sa singularité, met le feu à la foule.

Elles ont la pêche et donnent la pêche. Leur aisance, leur manière de posséder la scène et leur constant partage avec l’audience… Tout est orchestré pour nous maintenir dans un état d’excitation intense. Magique.

Les musiciennes ne relâchement jamais la pression et enchainent les chansons, plus énergiques et plus rythmées les unes que les autres. Les rythmiques sont rapides et la rencontre entre le ska et le punk est explosive. Autant que leur manière de bouger et de s’éclater d’un côté à l’autre de la scène.

« Nous sommes japonaises, vous êtes français, mais la musique n’a pas de frontière. La musique peut justement nous connecter. Quel merveilleux monde ! », lance la chanteuse avant de balancer un gros son très punk qui ne manquera pas de confirmer l’étendue de leurs talents de musiciennes et de performeuses à l’énergie débordante.

Oreskaband, c’est de la dynamite pure qui prend aux tripes et qui nous ordonne de tout envoyer péter, de lâcher prise et de se défouler. Et pour une fois, on répond sans aucun signe de protestation à cette injonction au bien-être !

Surtout au moment du rappel, lorsqu’elles demandent au public de s’asseoir afin de pouvoir se lever d’un coup, de bondir et de danser. Sans plus penser.

Ce sont des meufs en folie qui s’illustrent sur la scène des Transmusicales et qui fédèrent les festivalier-e-s derrière leur délire bien barré. Et putain, ça fait du bien.

 

TANK AND THE BANGAS – HALL 8 – 1H30

C’est peut-être pour ça qu’on aura du mal par la suite à entrer pleinement dans la proposition de Tank and the Bangas qui pourtant ne nous laisse pas indifférent-e-s. Accompagnée de ses musiciens et de sa choriste, Tarriona Ball a elle aussi le sens aigu du show.

Elle n’hésite pas à théâtraliser sa prestation, à jouer de nombreuses mimiques ou encore à robotiser sa gestuelle. Sans pour autant négliger les performances vocale et instrumentale. Le show est complet et le public y adhère, interagissant régulièrement avec la mise en scène.

D’une voix nasillarde, qui pourrait s’apparenter à celle de Duffy, à une voix de reine de la soul, en passant par une voix enfantine, elle se construit un personnage humoristique, attachant, qu’on aurait tendance à aimer détester tant elle s’engage des bouffées délirantes pleines d’artifices.

Néanmoins, elle intrigue et la proposition est loin d’être sans intérêt, et surtout loin d’être sans énergie et inventivité. Parce qu’elle présente dans son set sa propre vision de l’héritage afroaméricain, mêlant jazz, r’n’b, blues, soul et bounce music (forme de hip hop née à la Nouvelle Orléans à la fin des années 80).

On aime la regarder et on aime l’écouter exprimer cette sorte de dialogue entre voix pleine et puissante et voix nasillarde et enfantine, entre adulte et enfant. Mais l’émotion est plus franche lorsqu’elle s’empare uniquement de sa voix jaillissante et profonde. Il y a plus de frissons, plus de facilité à se laisser porter par la pureté de son instrument vocal.

Si elle explore différents styles de musique et impressionne de par sa tessiture, soutenue par la force des cuivres et de la batterie, elle n’en oublie pas dans ses textes d’être sérieuse et engagée. Voire enragée. Parce que le système est répressif et que la politique actuelle est nauséabonde.

Et parce qu’elle propose sa vision singulière de l’héritage afroaméricain dans sa musique, elle l’expose également dans son écriture, dénonçant un système dressé contre la jeunesse noire américaine et un esclavagisme invisible car banalisé et ordinaire mais bel et bien réel, encadré par des violences et des pressions psychologiques.

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